2010 Analyse Presidence de l ue que peut faire la belgique

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2010 Analyse Presidence de l ue que peut faire la belgique
Présidence de l’Union européenne : que peut faire la Belgique ?
Depuis le 1er juillet dernier, la Belgique a pris les rênes de l’Union européenne pour une
période de 6 mois. Après l’Espagne, notre pays va-t-il donc pouvoir peser de tout son
poids dans l’élaboration des politiques communautaires ? Si cette fonction permet
d’avoir une prise sur l’agenda et de jouer le rôle de facilitateur, il apparaît néanmoins
qu’avec l’entrée en lice le 26 juillet du Service européen pour l’action extérieure
(SEAE), la Belgique va déjà voir diminuer son influence dans le domaine de la politique
étrangère de l’institution régionale par rapport à la dernière présidence exercée en 2001.
La Belgique exerce sa présidence dans l’une des sept institutions que compte l’Union
européenne : le Conseil de l’Union européenne, organe où siègent les ministres des Étatsmembres en fonction du sujet traité. La Belgique verra donc ses ministres compétents exercer
tour à tour la présidence pour chacune des réunions ainsi que dans les comités d’experts
chargés de préparer techniquement ces évènements. Ainsi, le conseil ECOFIN sera, par
exemple présidé par notre ministre des Finances. Seule exception, le Conseil des Affaires
Étrangères, dont le traité de Lisbonne institue qu’il est désormais présidé par le Haut
Représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, la
Britannique Catherine Ashton. Ajoutons à cela le rôle croissant conféré au Conseil européen
ainsi qu’à son président Herman van Rompuy et l’emprise traditionnelle du président de la
Commission, le Portugais Barroso sur ces questions ; il devient donc évident que la Belgique
disposera d’une marge de manœuvre très limitée en matière de politique étrangère durant ce
trimestre. Trois têtes pour une seule politique étrangère. La présidence tournante serait-elle
donc de trop ?
Une fenêtre d’opportunité ?
Le quotidien espagnol El País tirait des conclusions mitigées de la présidence espagnole dans
son éditorial du 30 juin dernier. Pour lui, la « capacité d’initiative [de l’Espagne] était limitée
par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne », notamment dans la gestion de la crise et la
politique étrangère. Et d’ajouter avec fatalisme : « avec le semestre espagnol désormais les
présidences tournantes sont passées à l'histoire ».
Il est vrai que l’Espagne est arrivée à un moment délicat dans l’agenda international de
l’Institution. Malgré le succès du sommet avec l’Amérique latine du 17 mai, les sommets avec
les États-Unis et celui de la Méditerranée on dû être annulés. En réalité, les Ibères ont fait les
frais de la désorientation stratégique de l’Union européenne.
Comme l’indique Arnaud Zacharie, Secrétaire général du CNCD-11.11.11, « le monde a
changé. La montée en puissance de l’Asie semble inexorable ». Et de renchérir sur la faiblesse
géostratégique de l’UE, « qui est incapable de sortir de la crise grecque sans faire appel au
FMI »1. L’échec le plus cuisant encaissé sur la scène internationale par l’Union européenne en
2009 a été enregistré à Copenhague, lors du Sommet sur le climat. L’Europe avait pourtant
mis en avant un plan ambitieux de réduction de 30% d’émissions de CO² en 2020. La
proposition a été ignorée par les États-Unis, la Chine et l’Inde. L’échec de la conférence est
cuisant, et l’UE doit ranger aux oubliettes ses ambitions géopolitiques pour s’effacer devant
les puissances émergentes.
Ce contexte difficile pourrait justement être l’occasion pour la Belgique de montrer son
savoir-faire et faire ainsi offre de service à l’Union européenne. En pleine période de
1
« L’Europe, un nain géopolitique ? », In « Demain le Monde », Juillet-Août 2010.
1
transition, les rouages ne sont pas encore totalement huilés entre les 3 organes compétents sur
les relations extérieures. Notre présidence pourrait avoir comme tâche de faciliter la mise en
place de cette politique extérieure commune en utilisant ses compétences diplomatiques qui
ont déjà été prouvées lors de récents mandats internationaux, comme la participation comme
membre non-permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies pour la période 2007 et
2008. Forte d’une expertise menant à chercher le meilleur compromis, notre pays pourrait
ainsi apporter sa pierre à l’édifice dans la construction d’une Europe forte et unie et parlant
d’une seule voix sur la scène internationale en mettant son personnel diplomatique et
politique à disposition de l’Union européenne. Le SEAE a officiellement été mis en service le
26 juillet et servira donc d’auxiliaire indispensable pour appuyer la tâche qui attend Catherine
Ashton sur la scène internationale. Le récent accord entre le Brésil et la Turquie sur la
possibilité de mener des négociations avec l’Iran sur le nucléaire montrent à quel point l’UE
accumule un retard conséquent sur le reste du monde. La machine européenne est lourde à
mettre en place. La Belgique aura donc un rôle important à jouer ces prochains mois afin de
dynamiser la position internationale de l’UE.
Notre pays l’a bien compris, et a inscrit très ambitieusement dans son programme officiel
divers points allant dans ce sens. Ainsi, la mise en place du SEAE et son renforcement par le
recrutement du personnel et la transformation progressive des délégations de l’Union
européenne constituent la priorité numéro un. La mise en œuvre du traité de Lisbonne et
l’amélioration des capacités civiles et militaires requises pour être à la hauteur de ses
ambitions internationales constituent des pierres angulaires de l’action de la Belgique durant
ce semestre.
Mais la Belgique compte également peser sur d’autres dossiers.
En termes de coopération au développement, la Belgique reste fidèle à son attachement porté
à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). En tant que
premier bailleur de fonds, l’UE se doit d’œuvrer à la réussite de ce long processus. La
Belgique s’est fixé comme priorité de pousser à évaluer les progrès accomplis et d’identifier
les efforts supplémentaires à exercer. Le sommet de New-York du mois de septembre 2010
aura déjà permis d’imprimer quelques avancées.
La coordination de l’aide humanitaire et la création du Corps volontaire européen d’aide
humanitaire sont également des chantiers d’importance pour notre présidence. Avec la
Commission européenne, la Belgique organisera la 4ème édition des Journées du
Développement les 6 et 7 décembre. Preuve publique de l’attachement de notre pays au
dossier ?
La politique commerciale commune revêt également toute son importance dans l’architecture
élaborée par le programme belge. Ainsi, il convient de continuer à œuvrer main dans la main
avec les différents partenaires commerciaux de l’Union européenne. Une attention particulière
sera apportée, afin que les différents processus de négociations et de ratifications en cours
soient considérés comme prioritaires. Ainsi, les ratifications des accords de libre-échange sudcoréen et des accords multipartites avec le Pérou et la Colombie devraient occuper une large
place dans l’agenda. La société civile internationale en général et belge en particulier pourront
peser de tout leur poids dans ces dossiers afin que des clauses relatives au respect des droits
de l’Homme et de l’environnement soient davantage mises en valeur que lors des précédents
mois de négociations. La Belgique ne peut en effet se targuer d’être un pays ardent défenseur
des Droits humains et en même temps ne pas prendre en compte toutes ses dimensions,
notamment lors de négociations commerciales où le danger est grand de sacrifier les droits
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fondamentaux sur l’autel de la rentabilité et du libre-échange. La recherche de la cohérence
entre la politique de croissance interne et de développement de l’UE doit primer.
Par contre, peu de place est réservée à la suite des négociations sur le climat. La présidence
indique seulement que « L’Union européenne travaillera à renforcer les synergies entre le
développement et la lutte contre le changement climatique ». Probablement rendue frileuse
par l’échec de Copenhague que nous avons explicité plus haut, l’UE a revu ses ambitions à la
baisse. Pourtant cet outil est indispensable à la réalisation des OMD et donc du
développement des régions les plus précarisées de notre planète. La conférence de Mexico en
fin d’année 2010 marquera le 16ème sommet sur le climat des Nations Unies. La Belgique,
malgré son peu d’ambition sur le sujet, pourrait-elle nous surprendre et imprimer ainsi sa
griffe sur cette rencontre de la dernière chance ?
L’élargissement de l’UE figure également au programme de la Belgique pour les 6 prochains
mois. La Belgique veut poursuivre le travail entamé avec les nombreux pays qui se poussent
au portillon : la Croatie, l’Islande, la Macédoine, et même la Turquie avec sa très polémique
candidature.
Au niveau régional, le prochain Sommet UE-Afrique qui aura lieu ce semestre est une
occasion pour voir la Belgique jouer un rôle moteur, notamment sur sa zone de prédilection,
l’Afrique centrale, où la pacification et la stabilisation sont toujours des objectifs de la
Communauté internationale.
Mais la crise politique belge s’invitera-elle à la présidence en jouant les trouble-fête et
empêchant ainsi la Belgique de mener à bien son programme en matière d’affaires étrangères?
Avec des ministres en affaires courantes pour une période indéterminée, notre pays sera-t-il
capable de tenir son rang ? De nombreux observateurs craignent de revivre un scénario à la
Tchèque, quand son Gouvernement avait chuté alors qu’elle exerçait la présidence en 2009,
faisant perdre toute influence de ce pays dans la conduite des affaires européennes. Le
Gouvernement belge l’a assuré à maintes reprises : la crise politique institutionnelle que
traverse notre pays n’aura pas d’influence sur la conduite de la présidence tant les questions
européennes font consensus dans notre pays. Selon Le Premier Ministre sortant Yves
Leterme, « Nous serons d'abord au service des institutions européennes. Nous voulons
adopter une position modeste ».
Santiago Fischer,
Chargé de projets à Justice et Paix,
Septembre 2010.
Pour plus d’informations sur la présidence belge de l’Union européenne, la Belgique a mis en
ligne un site internet: http://eutrio.be.
Vous pouvez télécharger le programme sur le lien suivant :
http://www.eutrio.be/files/bveu/media/source1854/documents/27782_PL_SPF_FR.pdf
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