le concept d`instabilite vertebrale lombaire

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le concept d`instabilite vertebrale lombaire
Perspectives
LE CONCEPT D'INSTABILITE
VERTEBRALE LOMBAIRE :
DIAGNOSTIC ET NOUVELLE APPROCHE
THERAPEUTIQUE
LUMBAR INSTABILITY DIAGNOSIS
AND NEW ORIGINAL APPROACH
J.F. Elberg
Cabinet Monceau, Chirurgie orthopédique - 32, bd de Courcelles, 75017 Paris
aire le diagnostic d'instabilité rachidienne lombaire repose sur la mise en évidence par l'interrogatoire de blocages et de douleurs, en statique
lors de positions prolongées, ou en dynamique, brutales, incontrôlables, lors de trébuchements, de vibrations, et de rotations du rachis lombaire.
L'examen clinique montre une souffrance du segment
vertébral mobile.
Une revue de la littérature permet d'affiner ce diagnostic.
Le diagnostic radiologique de ce concept fait appel :
- aux radiographies standard dynamiques, avec nécessité d'un blocage pelvien (14), avec l'utilisation d'antalgiques et de myorelaxants, afin de sensibiliser l'examen. Un décalage de 2 mm est considéré comme significatif ;
- au scanner qui recherche des facteurs favorisants :
sagittalisation des facettes articulaires, asymétrie d'orientation, et met en évidence des signes d'insuffisance
articulaire postérieure (pincement de l'interligne : vide
articulaire, kyste articulaire, sclérose de l'os sous-chondral) ;
- au twist-scanner, cherchant des signes de décoaptation des articulaires;
- à l'IRM : diminution du signal discal, et modification
des plateaux ;
- enfin l'étude radiologique des patients arthrodèsés
cherche des signes de souffrance de l'étage, ou des
étages jonctionnels.
Devant ce concept, on hésite de plus en plus à pratiquer une chirurgie d'immobilisation.
Les partisans de l'ostéosynthèse rigide, hormis en traumatologie, en cas de tumeur, scoliose, ou spondylolysthésis, se rendent compte que des complications
secondaires augmentent avec le temps.
Une chirurgie dynamisante et peu invasive de la colonne vertébrale est en train de progresser, faisant appel
aux prothèses de nucleus, et aux systèmes souples.
F
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J.F. Elberg
Revue de la littérature
perte d’apports nutritifs sanguins), le tout aboutit à une
diminution de la diffusion d’oxygène, donc à une perte
de production nutritive du disque. Celui-ci n’étant plus
irrigué, son métabolisme change, d’où collapsus matriciel.
Des tests biomécaniques, dus surtout à J. Senegas et à
son école, ont montré que des discectomies accompagnées de pose de systèmes semi-rigides de soutien
chez le lapin aboutissaient à une cicatrisation des
lésions avec productions cellulaires à 8 semaines.
Le concept d'instabilité vertébrale lombaire intéresse
depuis fort longtemps les bio mécaniciens et les chirurgiens.
Dès 1961, LUCAS travaille sur la stabilité ligamentaire (1). LETTIN propose en 1967 un diagnostic et un
traitement de cette même pathologie (2). MAC NAB,
en 1977, publie “Backache” et met en valeur les premiers signes radiologiques de l'instabilité segmentaire
(3). En 1978 WHITE et PANJABI publient un ouvrage de référence sur la biomécanique (4). A partir de
1982, le concept d'instabilité lombaire dynamique,
conséquence d'une pathologie discale, donne lieu à de
nombreuses publications. Nous rappellerons, en 1982
(5) TROISIER, (6) KIRKALDY-WILLIS, (7) SENEGAS, (8) POPE en 1983, (9) PARIS et (13)
NACHEMSON en 1985, (10) STOKES et FRYMOYER, en 1888 (11) RENIER, et (12) THEVENON.
En 1990, Une étude radiologique dynamique aboutissant a un protocole est publiée par (14) PUTTO (15)
SENEGAS publie la même année les premiers résultats sur une ligamentoplastie inter-vertébrale lombaire
qu'il utilise depuis 1988. (16) GRAF. H, en 1992 décrit
un système de fixation souple, (17) ROY CAMILLE et
son école, (18) DEBURGE et son école décrivent les
facteurs de déstabilisation iatrogène du rachis (19).
Un travail personnel décrit un système de fixation en
1993.
Depuis, de très nombreuses publications sur l'instabilité
rachidienne lombaire attirent l'attention des praticiens
sur les signes cliniques, radiologiques, et sur la thérapeutique médicale et chirurgicale de cette pathologie
(20, 21, 22).
Clinique
Le diagnostic clinique d'une instabilité lombaire se fait
principalement par l'interrogatoire : écoute simple du
patient, puis écoute dirigée.
Le maître symptôme est la douleur lombaire, laquelle survient par épisodes en éclair, courts, longs ou chroniques.
Ces douleurs sont situées sur le rachis, sans latéralisation précise, comparées a des coups d'aiguilles, de poignard, et ce durant les mouvements usuels de la vie quotidienne mal contrôlés, ce sont les accidents lombaires
d'instabilité, dont le lumbago aigu est le plus violent.
Elles peuvent être :
- soit statiques, le sujet décrivant des douleurs survenant à la suite d'une station prolongée, assise ou couchée, ou lors du retournement la nuit dans son lit, et
non spontanément, soit au lever après une position
assise prolongée ;
- soit dynamiques, lors de la marche, un retournement
brusque sur un coup de frein de voiture, un passage de
trottoir, un faux-pas, ce qui peut se regrouper sous le
nom de douleurs a la talonnade, a l'ébranlement, lors
de vibrations, lors d'un relèvement d'une position penchée en avant, avec une sensation d'appréhension et
d'insécurité lors des mouvements qui ont déjà été réputés douloureux.
Biomécanique
Cependant, le patient peut décrire des signes d'insuffisance discale qui viennent interférer : douleur secondaire faisant suite au soulèvement d'un objet lourd,
douleur le matin au lever (dérouillage), douleur augmentant progressivement durant la journée, soulagée
par la position allongée.
Rappelons que le rachis enregistre 2 millions de mouvements annuels, que le disque est une chambre
hydraulique, que le noyau se déplace à l’intérieur du
disque dans le sens inverse du mouvement.
Les pressions intradiscales vont du simple au quadruple selon les efforts. Elles sont minimisées par la ceinture musculaire lombo-abdominale, véritable hauban
de ce mât que représente le rachis lombaire.
Les facteurs de dégénérescence discale sont multiples :
extrinsèques, (surcharges, immobilisation, vibrations),
intrinsèques, (tabac, maladies vasculaires, diabète,
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On fait préciser si le patient souffre lors de la toux, de
l'éternuement, ou lors de la défécation.
Cette douleur est rarement retrouvée, ainsi que des
irradiations : fesses, trajet radiculaire.
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Le concept d'instabilité vertébrale lombaire : diagnostic et nouvelle approche thérapeutique
L'examen clinique, après avoir éliminé une attitude
antalgique en position debout par différentes manœuvres, va explorer la sensibilité d'un segment vertébral
ce qui va affirmer le diagnostic d'instabilité vertébrale
lombaire, déjà posé par l'interrogatoire :
- la rotation d’une épineuse traduisant une instabilité
rotatoire ;
- le défaut d’alignement d’une vertèbre avec déplacement des lignes vertébrales (mur latéral, pédicule, épineuse) ;
- l’ostéophytose des massifs articulaires.
- pression axiale sur l'épineuse, ferme, progressive,
maintenue quelques secondes, après avoir éliminé une
apophysite ;
- préssions latérales sur l'épineuse, qui se fera tangentiellement à la peau, lente et progressive, en sensibilisant cette manœuvre par le blocage de l'épineuse sus,
puis sous jacente, afin d'isoler le disque qui souffre ;
- pression sur les ligaments sur- et inter-épineux, avec
l'extrémité latérale de l'index ou du pouce ;
- recherche d'une sensibilité articulaire postérieure, à
un travers de doigt en dehors de l'épineuse, et à 2 cm
en-dessous de celle-ci ;
- recherche d'un syndrome cellulo-myalgique en
regard du segment qui souffre, par la manœuvre du
pincé roulé, pouvant être perçu sur un ou plusieurs
étages. La palpation des gouttières para-vertébrales
recherche une contracture musculaire.
Il est capital d'avoir éliminé un syndrome neurologique
par l'étude de la force musculaire segmentaire, des
réflexes, de la sensibilité superficielle et profonde, et
un syndrome duremérien par l'absence du signe de
Lasègue.
B- Sur les radiographies de profil :
- la présence d’un éperon de Mac Nab ;
- un olisthésis.
C- Sur les clichés standards dynamiques :
- réalisation pratique : la méthode de Putto (14) :
(flexion assise, extension debout bassin bloqué) semble la plus sensible ;
- mesure : Shaffer (26) a testé in vitro et in vivo sept
méthodes différentes. Celle utilisant le mur vertébral
antérieur est la plus fiable et la plus reproductible en
intra et en inter-observateur surtout s’il existe une
rotation d’une vertèbre ;
- Hayes (24) a montré sur des sujets sains qu’il existe
un décalage physiologique de 3 mm en L4-L5 ;
- pour notre part, déçus par la faible sensibilité des clichés dynamiques, nous préconisons la prise en quantité suffisante de myorelaxants et d’antalgiques per os,
une heure au moins avant le rendez-vous fixé pour la
réalisation des clichés dynamiques, afin de réaliser un
pseudo-testing sous anesthésie.
Cet examen affirme la souffrance d'un étage segmentaire précis, il s'agit d'un syndrome rachidien pur et
d'origine mécanique.
Il est très important d'avoir en mémoire que l'incompétence biologique du nucléus induit un désordre
mécanique secondaire, entraînant cette instabilité (23).
D- Sur le scanner et/ou l’IRM :
- un olisthésis ;
- un pincement de l’interligne articulaire postérieur, un
kyste articulaire, un vide articulaire ;
- une sagittalisation ou une asymétrie d’orientation des
articulaires postérieures ;
- le twist-scanner est affecté d’une faible sensibilité.
Signes radiologiques
Le bilan post-arthrodèse recherche une chambre de
mobilité des vis, un bris de matériel, une déstabilisation sus ou sous jacente.
La radiologie de l´instabilite lombaire
Traitement :
La définition radiologique de l’instabilité lombaire est
un problème difficile, source de nombreuses publications contradictoires. Il convient de tenter une synthèse raisonnée. Les signes sont les suivants.
A- Sur les radiographies standard :
- la visualisation de l’interligne articulaire postérieure
qui traduit leur sagittalisation ;
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Pour nous, le traitement de l'instabilité vertébrale lombaire
Doit respecter deux impératifs :
1- Ne jamais se précipiter pour proposer un traitement invasif ;
2- Être le moins extensif possible, donner la priorité
aux systèmes souples.
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Devant un patient qui souffre depuis des années, il faut
d'abord s'assurer qu'il a bénéficié d'un traitement
médical correctement prescrit. Si ce traitement a été
mal conduit, ou mal suivi, il faut alors recommencer.
Pour nous, les AINS et autres infiltrations ne règlent
rien devant un syndrome mécanique d'instabilité. Il
faut alors prescrire un hémi bermuda sur mesure, comportant une articulation de hanche, afin de permettre
une position assise plus confortable sur un siège haut.
Quelques jours suffisent pour obtenir un résultat : port
en continu, puis port pendant la journée.
L'avenir dira si ce disque mis au repos peut réparer ses
désordres biologiques.
C'est en fonction de ce cahier des charges qu'une prothèse inter-épineuse type ressort a été mise au point.
Elle présente un encombrement minimum tout en étant
suffisamment solide, sans endommager les apophyses
épineuses.
Une étude au laboratoire de biomécanique de L'ENSAM Paris a permis d'établir un parallélisme de résultat entre une simulation en modélisation mathématique
et une étude sur pièces anatomiques dynamisées.
C'est le résultat de l'immobilisation par l'hémi bermuda articulé qui conditionne la suite du traitement :
- échec de l'hémi-bermuda : il faudra alors fixer l'étage
douloureux de façon absolue. Nous pensons qu'il faut
faire la plus petite arthrodèse possible, et qu'il faut
réaliser un montage semi-rigide à la jonction avec le
“normal” ;
- si l'hemi-bermuda apporte un soulagement total, les
douleurs ne réapparaissant pas, c'est donc que le segment rachidien s'est recalé, le rachis est de nouveau
stable.
Les résultats montrent que le disque est mis au repos, et
que cette prothèse joue son rôle en flexion extension tout
en ne pénalisant pas les autres mouvements du rachis.
Inter Spinous System est le nom de cette prothèse.
Elle est strictement non invasive, car placée en
arrière des vertèbres, entre les épineuses, donc à
distance de l’axe neurologique.
Conclusion
Cette immobilisation peut se comparer au traitement
orthopédique en cas de fracture ou d'entorse :
- si les douleurs réapparaissent après le sevrage, il faut
alors stabiliser le segment par des systèmes souples :
cette intervention ne coupe pas les ponts, c'est-à-dire
pas de vissage pédiculaire.
Des systèmes inter épineux existent, qu'ils soient
métalliques ou en matières plastiques. Ils permettent
de soulager le disque.
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Lors du traitement de l’instabilité lombaire, la stabilisation dynamique est une alternative à l’arthrodèse, et
une aide lors de ses complications de jonction secondaires.
Sans altérer les pédicules, permettant toute chirurgie
secondaire, peu invasive, pouvant être réalisée sous
anesthésie locale, préservant la musculature lombaire,
elle est une voie d’avenir dans le traitement des degenerescences discales.
■
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Le concept d'instabilité vertébrale lombaire : diagnostic et nouvelle approche thérapeutique
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