ce reportage - Pisciculture du Gottéron

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ce reportage - Pisciculture du Gottéron
La Liberté
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Les dossiers de La Liberté
«L’ invité» Série sur une personnalité...
Eugène Jaeger et un de ses nombreux trophées: une canne offerte en son temps
par le gardien suédois Thomas Östlund... VINCENT MURITH
«Gottéron, c'était avant tout l'amitié»
EUGÈNE JAEGER · Il a été un de ces gamins qui, un jour en Basse-Ville, ont fondé
le club de hockey sur glace fribourgeois. Et il n'a évidemment rien oublié.
pascal bertschy
C'est peut-être le bon moment pour le rappeler mais, n'importe comment et
quoi qu'il arrive, le HC Gottéron aura toujours quelque chose de magique. En
l'occurrence son passé, enchanté, enchanteur, un peu à la manière d'un
conte de fées. Du reste, l'histoire commence par le «Il était une fois...»
d'usage. Ainsi que peut en témoigner Eugène Jaeger, 83 ans.
Ce tranquille octogénaire, parce qu'il avait la faiblesse d'aimer la vie et ses
semblables, a voué son existence aux sociétés. Associations et fédérations
diverses, club de foot, fête de lutte, et on en passe, il a oeuvré dans une quantité
quasi industrielle de groupements. Mais là où son regard brille d'un éclat particulier,
c'est dès qu'il évoque le HC Fribourg-Gottéron. C'est-à-dire son enfance et ses
copains de l'Auge. Car il appartenait à cette bande de garnements âgés de 13 à 16
ans - Albert et Joseph Jelk, Jean Mulhauser, Walter Schieferdecker, Jean-Jacques
Brohy, Alphonse Zahno - qui ont créé le club en 1937. Sans se douter un instant
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qu'ils écrivaient des pages de légende. En compagnie de ce pionnier, voyage au
coeur de quelques hivers sibériens mais aptes à réchauffer l'âme...
Monsieur Jaeger, quand vous fondez le HC Gottéron avec vos amis, quelle
mouche vous pique?
Cette année-là, en 1937, l'hiver était très froid et la Sarine gelée comme
rarement. Tous les gosses patinaient. A l'époque, en plus, on commençait
d'entendre beaucoup parler de hockey, du championnat, des grands matches
qui se déroulaient à Davos et à Saint-Moritz. Ça faisait rêver. Alors on a
commencé à jouer. Du HC Helvetia au Collège Saint-Michel, en passant par
le Technicum et compagnie, il y avait plusieurs équipes à Fribourg. Nous, en
l'Auge, nous étions six ou sept à parler l'allemand. Notre équipe s'est appelée
Gottéron parce que nous avions le privilège de jouer sur les étangs de
pisciculture du Gottéron. Le coin était si encaissé que, forcément, nous avions
de la glace plus longtemps que les autres. Comme nous étions aussi les
seuls à travailler pour notre passion, y compris le printemps et l'été, les autres
clubs ont disparu. Et nous sommes restés. Moi qui étais le moindre des
patineurs, je suis donc devenu gardien.
Les temps héroïques, quoi!
Pour les protections de gardien, par exemple, on se servait de laine de
mouton; pour la glace, on remplissait des seilles qu'on plaçait sur des luges et
qu'on allait ensuite déverser sur place, et ainsi de suite. Les parents s'y
mettaient aussi, à l'image des mamans qui tricotaient nos maillots. Quant aux
buts, ils étaient fabriqués par le père de Walter Schieferdecker avec des vieux
tuyaux de gaz.
Les enfants d'
aujourd'
hui vous paraissent-ils différents des gamins que vous
étiez?
Je ne vois plus d'enfant à présent, je ne peux pas juger. Mais, d'après ce que
je sais, tout s'est renversé. Nous étions pauvres, nous, mais heureux.
Maintenant, les gosses ont très vite tout et la plupart ont l'air malheureux.
C'est l'exact contraire.
Et ce fameux «esprit Gottéron», dont on continue toujours de parler, c'était
quoi au juste?
Gottéron, c'était avant tout l'amitié. Une formidable camaraderie, aussi, la joie
de s'amuser et de bien travailler ensemble. Toujours en étant très
décontractés. Au point qu'un jour, nous avons décidé d'entrer dans la Ligue
suisse de hockey et avons pris nos vélos pour aller faire le nécessaire à
Berne. Nous sommes arrivés dans les beaux bureaux de la Ligue en
espadrilles, tous dégoulinants de transpiration, et avons demandé à voir le
président. C'était un monsieur important qui était docteur, je crois. La
secrétaire nous a alors gentiment expliqué que, pour obtenir un rendez-vous,
il fallait auparavant s'annoncer. Nous avons été bons pour rentrer à Fribourg
afin de faire aussitôt notre demande par écrit.
Que vous inspirent le parcours et les soucis du Gottéron actuel?
Comme tous les Fribourgeois, je préfère quand Gottéron est devant. En
même temps, il faut bien voir que si nous avions de l'argent, nous aurions une
grande équipe. Faute d'argent, le club ne peut faire de miracle.
Comment, c'est vous qui dites ça? Vous qui avez démontré qu'
avec un peu
d'
imagination et beaucoup de foi, tout devenait possible...
On a changé d'époque. Aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, il n'y a plus rien
de possible sans argent. C'est comme ça. Et ne croyez pas que ça m'a fait
plaisir. A la fin des années 50, le club a commencé de payer des gens pour
des plans ou des travaux qu'ils faisaient pour la patinoire. Jusque-là, on
travaillait bénévolement pour Gottéron. Quelle idée de se faire payer! C'était
contraire à notre esprit et j'y étais opposé. Si bien que j'ai donné ma
démission en 1959, au cours d'une assemblée générale où je suis parti en
pleurant devant tout le monde.
C'est votre plus mauvais souvenir?
Non, il ne reste que le bon. Avec mes amis, pour la plupart, nous sommes
encore là. Jusqu'en 2003, on se réunissait à chaque fin d'année en l'Auge.
Nous n'étions ni maniaques, ni compliqués, vous savez. C'est peut-être grâce
à ça que nous avons eu la chance de vivre longtemps. On est toujours
récompensé par le bien qu'on fait. I
Eugène Jaeger fait son équipe
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Un joueur:«Celui que j'ai le plus admiré, ça reste Bibi Torriani. On n'imagine
pas, aujourd'hui, mais il n'était pas seulement la vedette du grand Davos. Il
avait été champion d'Europe puis médaillé olympique avec l'équipe nationale,
et, partout dans le pays, il était une superstar! Je l'ai vu jouer à Berne et j'ai
même eu la chance de le rencontrer. C'était en 1946, année où l'assemblée
générale de la Ligue suisse de hockey était organisée à Fribourg et où toutes
les équipes étaient venues. C'est comme ça que j'ai pu trinquer avec Bibi
Torriani en personne au café de l'Ange...»
Un gardien: «Gérald Rigolet, qui était un véritable enfant de l'Auge. Chez
nous, curieusement, il était un peu faible. C'est surtout après, quand il a joué
avec Villars puis La Chaux-de-Fonds, qu'il est devenu très fort. Gardien et
personnage magnifique, car il était d'une grande gentillesse.»
Un entraîneur: «Raymond Maisonneuve. Quand il est arrivé du Canada, vers
la fin des années 50, c'est moi qui avais été chargé de lui trouver un
appartement et de m'occuper un peu de lui. D'entrée, nous avions eu de bons
liens.»
Un match: «Une finale perdue à Montana pour le titre de champion romand,
je ne sais plus quelle année. Mais, moi qui organisais le déplacement, je me
souviens de l'intérêt du public. Il avait fallu huit cars pour amener les
supporters en Valais.»
Un adversaire: «Attendez... Ah! oui, je sais: le HC Le Rosey. Car Le Rosey,
cette grande école basée à Rolle et à Gstaad, avait son équipe. Nous étions
très impressionnés lorsque nous avons joué contre elle à Gstaad, moi le
premier: parmi les jeunes joueurs de différentes nationalités du Rosey, il y
avait le prince Aga Khan en personne...»
Un ami: «Walter Schieferdecker, parce que nous habitions dans la même
maison, à la rue d'Or, et que nous avons grandi ensemble. La réunion qui a
fondé Gottéron s'était faite chez ses parents à la lumière d'une lampe à
pétrole, car ils n'avaient pas l'électricité. «Walti», qui est décédé en 1996,
c'était un peu le cerveau de la bande. Il était formidable, aimé de tout le
monde. Ce n'est pas pour me vanter, mais nous étions les mêmes. Nous
étions tous un peu comme ça: toujours prêts à aller, à faire, sans jamais voir
le mal.» PBy
Bolze et aussi"Roi du Togo"
> Naissance en 1922 à Lyon, où son père - originaire de Rue - était allé travailler
après la guerre de 14-18 en tant que peintre sur calèches.
> Elevé dès l'âge de 3 ans par ses grands-parents, qui vivaient en l'Auge et
voulaient qu'il grandisse en Suisse. A passé ainsi son enfance en Basse-Ville de
Fribourg.
> Marié depuis 1949 à Marie-Jeanne et père d'une fille, Madeleine.
> Habite depuis 1969 à Corminboeuf, où il a longtemps présidé le club de football.
> Comptable de profession, a longtemps travaillé à la Banque populaire de
Fribourg.
> A servi bon nombre de sociétés le plus souvent comme caissier, vu sa profession.
> En 1980, au retour de vacances à Lomé, rencontre dans l'avion la directrice d'une
école togolaise. Se rend chaque année au Togo, depuis, pour fournir du matériel
scolaire et autre à l'école qui le considère comme son papa. Prochain voyage prévu
à la fin du mois.
> Au mur de son bureau, il a accroché ce cadeau: une grande photo le montrant
vêtu à l'africaine. Avec, dessous, cette inscription: «Le roi du Togo».
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