Aveugles et malvoyants au cinéma

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Aveugles et malvoyants au cinéma
m“LUNDI 9 NOVEMBRE 2015
8 RÉGION
NEUCHÂTEL Un problème technique a empêché la diffusion du commentaire audio samedi, lors
NEUCHÂTEL
d’une projection qui aurait dû être une première. Mais le public a tout de même répondu présent. La brocante
Aveugles et malvoyants au cinéma
NICOLAS HEINIGER
Chiens-guides et cannes blanches, voici deux éléments qu’il
est plutôt inhabituel de découvrir dans une salle de cinéma. Il
y en avait pourtant plusieurs, samedi matin au Studio, à Neuchâtel, à l’occasion d’une projection spéciale pour aveugles et
malvoyants. L’opération aurait
dû être une première: un film
diffusé en audiodescription, un
procédé sonore qui permet aux
personnes handicapées de la
vue de suivre l’œuvre (lire encadré ci-contre). Il devrait être
lancé l’an prochain dans le canton.
Malheureusement, malgré les
efforts des organisateurs – l’organisation neuchâteloise Centrevue et l’association lausannoise Regards neufs –, le
procédé n’a pas fonctionné, en
raison d’un problème technique. Qu’à cela ne tienne, le film
choisi – «L’hermine», avec Fabrice Luchini en président de
Cour d’assises – a bel et bien été
projeté. Et aucune des 216 personnes inscrites n’a quitté la
salle avant la fin.
La traditionnelle brocante de
la place du Port de Neuchâtel a
pris fin hier. Durant trois jours,
les visiteurs ont pu y découvrir
vaisselle, disques, matériel de
l’armée suisse, jouets ou autres
curiosités. Les quelques vendeurs sondés hier après-midi
parlaient d’une année moyenne à
bonne. «Ça vaut encore la peine
de venir, car ce n’est pas trop
cher», confiait l’un. Un autre
soulignait «la bonne ambiance»
de la brocante.
Vendeurs hongrois
L’AUDIODESCRIPTION
«C’est comme toujours: certains
marchands sont très contents,
d’autres ne sont pas contents», résumait hier après-midi JeanPierre von Känel, organisateur
de la manifestation avec son
épouse Yvette. «Il n’y a plus le
même intérêt pour la brocante
qu’il y a quelques années. La vaisselle, par exemple, ne se vend plus
beaucoup. Aujourd’hui, il faut du
spécial, de l’insolite, de l’extraordinaire.»
Yvette von Känel souligne que
95 exposants provenant de toute
la Suisse mais aussi de l’étranger
ont fait le déplacement. «Nous
avons même des Hongrois.» Elle
relève que l’exposition de camions de pompier miniature a
attiré beaucoup d’enfants.
La prochaine brocante sur la
place du Port aura lieu les 29, 30
avril et 1er mai. } NHE
L’audiodescription est un procédé
qui permet de rendre des films accessibles aux personnes aveugles
ou malvoyantes grâce à une voix off
qui décrit les éléments visuels. La
voix de cette piste sonore supplémentaire intervient entre les dialogues et les éléments sonores importants pour ne pas nuire à
l’œuvre originale. Elle peut être diffusée directement dans la salle
(comme ça aurait dû être le cas samedi à Neuchâtel) ou dans des casques afin de ne pas gêner les spectateurs voyants. Actuellement,
l’association Regards neufs participe au développement d’une application qui permettra de télécharger à l’avance l’audiodescription
d’un film sur son téléphone. Cela
permettra de simplifier grandement
l’accès à ce type de service.
Plus de 90 vendeurs étaient
présents durant ces trois jours
de brocante. ARCHIVES CHRISTIAN GALLEY
Plus de 200 personnes ont assisté samedi à la projection de «L’hermine» au cinéma Studio. CHRISTIAN GALLEY
L’ambiance et le son
Malvoyante de naissance avec
des «résidus visuels», Elisabeth,
de Fontaines, a apprécié la
séance. Cette femme dynamique explique qu’elle fréquente
régulièrement des séances de cinéma standards. «Je sais que je
n’y verrai pas grand-chose, mais j’y
vais pour l’ambiance.» Parfois,
elle ne cache pas ressentir de la
curiosité, voire une certaine
hostilité de la part du public
voyant: «Mais moi-même, je me
de la place du Port
a fermé ses portes
mets peu de limites et je n’aime pas
que les autres m’en mettent.» Et
d’oser une métaphore: «Si je vais
dans un bar à vin, j’ai le droit de
boire une eau minérale.»
Venu de La Chaux-de-Fonds,
Francisco Rodrigues se dit «très
déçu» que l’audiodescription
n’ait pas fonctionné, car il se réjouissait de découvrir le procédé. «Je suis très intéressé par les
nouvelles technologies, notamment les livres audio ou les appli-
cinéma, je sais que
«je neAuverrai
z
pas grand-chose.
Mais j’y vais régulièrement,
pour l’ambiance.»
ELISABETH MALVOYANTE
cations pour smartphones», indique ce quinquagénaire qui possède un champ de vision restreint: «C’est comme si je voyais
au travers d’un trou minuscule.» Il
peut ainsi suivre des films à la télévision «mais au cinéma, l’écran
est trop grand. Par contre, les sensations, notamment le son, sont
meilleures.»
La Suisse en retard
Directeur de Regards neufs,
Bruno Quiblier organise des
projections en audiodescription
à Lausanne et à Genève depuis
cinq ans. «Les malvoyants reçoivent à la caisse un boîtier radio
avec une oreillette. Ça leur permet
d’aller au cinéma au milieu de tout
le monde et en même temps que
tout le monde», c’est-à-dire le
jour de sortie du film.
Selon lui, la Suisse a un certain
retard en la matière: «En France,
la loi impose l’audiodescription
pour tous les films qui sortent en
salle.» Dans notre pays, une loi
est toutefois en préparation qui
permettra de subventionner
l’audiodescription des films. De
plus, la RTS est déjà tenue de diffuser 24 programmes audiodécrits par an.
Quant au directeur de Centrevue Olivier Blaser, il regrette le
«gros couac» technique. Mais il
se réjouit d’avoir vu «une dame
de 92 ans revenir au cinéma, ainsi
qu’un monsieur qui n’y était plus
allé depuis son mariage». Il souligne que pour les 4% environ de
personnes touchées par un problème de vue grave, le fait de se
rendre au cinéma est tout sauf
anodin. Il permet de se confronter aux déplacements, de sortir
avec des amis et «d’identifier certains problèmes pour ensuite les
résoudre». }
CORCELLES La première célébration dans la chapelle nouvellement acquise a attiré plus d’une centaine de personnes.
Des orthodoxes de toute la Romandie pour inaugurer l’église
Les orthodoxes de Neuchâtel
et de Suisse romande ont été
nombreux à assister à la première messe célébrée dans la
chapelle de Corcelles, qui vient
d’être achetée par l’Eglise orthodoxe de Neuchâtel (EON, lire
notre édition de vendredi). Plus
d’une centaine de personnes venues du canton mais également
de Fribourg, Berne ou Lausanne
ont investi les lieux, encore partiellement en chantier, hier matin.
Une chorale venue spécialement de Roumanie s’est jointe
au chœur «maison» de l’EON.
Alors que l’on parle souvent du
vieillissement de la population
qui fréquente les églises, on
constatait hier que de nombreuses familles, souvent avec des
enfants en (très) bas âges,
avaient fait le déplacement. «La
plupart de ceux qui fréquentent
notre Eglise sont des Roumains»,
indique Marius Manea, prêtre
de la paroisse. C’est que l’EON
est liée à la Métropole roumaine
de Paris. Mais elle comprend
aussi des Grecs, des Russes ou
des Moldaves notamment, ainsi
que des Neuchâtelois convertis.
Marius Manea précise que le
canton compte environ 250 familles roumaines. «Nous sommes pas loin de 1000 orthodoxes à
Neuchâtel.»
Parmi les Neuchâtelois qui ont
découvert cette religion sur le
tard figure le chantre (chef de
chœur) de la paroisse, Alexandre Traube. «Je me définis comme
chrétien avant d’être orthodoxe»,
précise d’emblée ce spécialiste
de la musique médiévale. C’est
Le canton de Neuchâtel compte près de 1000 chrétiens orthodoxes. LUCAS VUITEL
justement en recherchant de
vieilles traditions du Moyen Age
qu’il a découvert la religion orthodoxe. «C’est celle qui a le
moins bougé à travers les siècles,
elle reste très proche de ce qui se
faisait au 4e siècle.» Alexandre
Traube précise que le noyau le
plus actif de l’EON est constitué
de francophones comme lui.
Quant à Marius Manea, il espère bien que le fait de posséder
désormais un lieu de culte propre à l’Eglise amènera davantage
de fidèles: «Les Slaves notamment, qui sont des gens déracinés,
ont besoin des icônes (réd: des
peintures de saints typiques du
culte orthodoxe) pour se retrouver chez eux. Avant, certains Russes
préféraient aller jusqu’à Genève.»
Peut-être resteront-ils désormais
à Corcelles. } NICOLAS HEINIGER

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