Témoignage - Forum sur l`entraide de Montréal
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Témoignage - Forum sur l`entraide de Montréal
TÉMOIGNAGE FORUM SUR L’ENTRAIDE DE MONTRÉAL 2012 Enseignante en santé mentale, j’ai la chance et la latitude d’organiser mes cours afin de capter l’attention des étudiants à ma façon, tout en respectant les exigences pédagogiques et en demeurant professionnelle. Plus précisément, dans le cadre du cours sur les dépendances physiques et psychologiques dues à la toxicomanie ou abus de substances, il m’est venu à l’idée de demander aux groupes des Alcooliques Anonymes s’ils seraient intéressés de faire une présentation où ils expliqueraient le rôle de cette organisation. À ce moment, je n’avais aucune idée du rôle de ce groupe d’entraide, si ce n’est que des personnes alcooliques se réunissaient chaque semaine pour parler de leur dépendance à l’alcool. Cette conférence, organisée pour mes étudiants, allait également m’en apprendre autant qu’à eux sur les groupes d’entraide. Pourtant, en tant que professionnelle de la santé, notre rôle est aussi de référer les bénéficiaires vers des ressources externes, mais j’ai réalisé que je n’avais pas la moindre idée du rôle ou de l’action de ces groupes. Arrive donc le jour de la conférence des AA où assistent des collègues de travail et plus de 80 étudiants. Le temps alloué pour cette présentation est d’une heure. La première demiheure, le groupe présente le mouvement AA dans son ensemble et ensuite commencent les témoignages de personnes alcooliques. Je n’en reviens pas, je suis sous le choc. Quel courage !!! J’ai le goût d’applaudir et de pleurer à la fois, les yeux des étudiants sont rivés sur les conférenciers et on pourrait entendre une mouche voler durant les silences. À la fin des témoignages débute la période de questions. Les étudiants sont tellement touchés et impressionnés que le temps alloué à la base a doublé. Par la suite, j’ai reçu une tonne de commentaires et de remerciements pour cette présentation et on m’a suggéré de répéter l’expérience avec les autres groupes de mon cours. C’est à ce moment qu’a commencé mon expérience avec les groupes d’entraide. Pourtant, j’avais déjà souvent suggéré des groupes d’entraide à des patients ou à leurs proches dans ma pratique, mais je n’avais aucune idée de la nature de ceux-ci en réalité. Outre les AA, je savais qu’il existait d’autres groupes d’entraide mais, suite à cette première expérience, j’ai fait des recherches et des lectures pour me rendre compte qu’il en existait une panoplie. En tant qu’enseignante, mon rôle est de former les futures infirmières et infirmiers de la nouvelle génération. Compte tenu de l’état de notre système de santé actuel, il est encore plus important d’inclure les ressources extérieures pour les patients et surtout pour leurs proches. L’infirmière est la personne qui passe le plus de temps auprès d’un patient et sa famille, elle est donc en mesure de cibler les besoins, la détresse et les ressources accessibles pour ses clients. Même si les médicaments sont d’une aide précieuse, patient et famille sont des être humains avec des sentiments et des émotions qui souvent ne peuvent être soulagés chimiquement. Il y a aussi beaucoup de gens qui vivent seuls et qui souffrent en silence. Le fait d’avoir recours à un groupe de personnes qui vivent les mêmes épreuves permet de faire cheminer la personne en soi. Souvent les proches souffrent avec le patient, mais ils sont, 1 quant à moi, trop souvent laissés à eux-mêmes et oubliés dans cette souffrance conjointe. Je suis aujourd’hui contente d’apprendre qu’il y a des groupes d’entraide pour ces personnes. Le partage d’expérience et la solidarité des groupes d’entraide sont fascinants et très enrichissants selon moi, puisque que personne ne peut mieux comprendre la douleur vécue lors d’un évènement ou d’une situation que des gens qui ont vécu un moment similaire dans leur vie. L’empathie que peut manifester l’infirmière auprès de son patient est sans doute rassurante pour le bénéficiaire et sa famille, mais on ne peut comprendre en profondeur, ni mettre des mots sur des émotions, à moins de vivre physiquement et mentalement une situation similaire. Les groupes d’entraide permettent à leurs membres de s’exprimer et de se libérer de certains maux par le partage de faits vécus. Suite à mon contact avec le groupe des AA dans le cadre de mon cours, j’ai pris conscience de l’impact que cela pouvait avoir sur mes étudiants. Le côté pratique et technique des soins infirmiers est très captivant pour les jeunes étudiants(es), mais l’aspect relationnel et humain vient souvent en deuxième place, alors qu’il se doit d’être le but premier d’une infirmière. Au-delà de la plaie ou de la fracture, il existe une personne avec une histoire de vie et parfois des problèmes qui rongent son existence. La santé mentale est encore un sujet tabou dans notre société, mais les problèmes de santé mentale sont bien présents. Bien qu’abstraits, ils font des ravages et peuvent parfois se transformer en problème physique. Les troubles mentaux n’ont pas de classe sociale, ni d’âge, ni de scolarité, ils touchent tous les individus. Nul n’est à l’abri d’une dépendance ou d’un événement troublant et, de même, nul ne sait s’il aura recours un jour à un groupe d’entraide. Depuis mon premier contact avec un groupe d’entraide, j’ai été en contact direct ou indirect avec plusieurs de ces groupes. Dernièrement, ma mère m’a annoncé que ma grand-mère a reçu un diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Troublée par cette annonce et désemparée, l’infirmière à domicile qui rend visite à ma grand-mère a suggéré à ma mère un groupe de soutien pour la famille d’un proche vivant avec une personne atteinte d’Alzheimer. Impressionnée par l’action de cette infirmière, je suis soulagée que ma mère puisse aujourd’hui partager ses craintes et rencontrer d’autres personnes dans la même situation. Elle comprend mieux la maladie et sait à quoi s’attendre, mais plus que tout, elle sait qu’elle n’est pas seule dans cette situation. De plus, suite à mon accouchement, j’ai côtoyé les groupes de soutien à l’allaitement, donc un autre contact avec des groupes d’entraide ou de soutien. Finalement, nous sommes entourés de ces groupes et, dans mon cas, j’y ai eu recours, sans réaliser que cela faisait partie des groupes d’entraide ou de soutien. Il y a énormément de soutien dans la société, il suffit juste de frapper à la bonne porte et de ne pas hésiter à y participer. Les professionnels de la santé devraient contribuer à faire connaître ces ressources si précieuses, afin de bien informer les bénéficiaires du système de santé. Mais l’existence de tel ou tel de ces groupes peut être indiquée ou suggérée par n’importe qui, il n’y a pas besoin de se référer à des connaissances médicales ou scientifiques. En tant qu’enseignants, nous avons des groupes d’aide à la réussite dans notre Collège et du soutien pour les étudiants en difficulté, alors nous côtoyons tous de près ou de loin des groupes d’entraide ou de soutien. Dans le cadre des soins infirmiers, il est de ma responsabilité de former la relève et de l’outiller en fonction de ses interactions avec les patients, ainsi que de faire connaître les groupes d’entraide. Ils sont connexes à notre pratique et permettent, selon moi, de prévenir des rechutes chez certains patients, tout en contribuant à désengorger les salles d’attentes de nos urgences. Il en va de même pour les proches des malades qui souffrent, qui finissent par s’épuiser et se retrouvent dans nos salles d’attente, eux aussi. Un recueil de tous les groupes d’entraide existants devrait être disponible dans chaque département, afin de pouvoir offrir un soutien aux personnes nécessitant ou demandant un soutien externe. Je suis très heureuse que l’opportunité se soit présentée de participer à un tel forum, car cela m’a beaucoup fait réfléchir sur ma pratique en général, en lien avec les groupes d’entraide. Ce sont des ressources qui sont accessibles, gratuites et souvent près de chez nous. Je vous remercie de votre écoute. Priscilla Gibeault Infirmière, collège de Valleyfield Octobre 2012 3