Les nouveaux mouvements religieux

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Les nouveaux mouvements religieux
Pas de confusion entre christianisme et sectes
[Abréviation : NMR : Nouveaux Mouvements Religieux]
1. Les sectes et N.M.R. : quelle vision anthropologique ?
Les mouvements dits religieux actuels sont souvent marqués par deux courants anciens : le
gnosticisme et le manichéisme. Ce sont des théories anciennes maintes fois critiquées par
l’Église, auxquelles ces mouvements donnent des couleurs au goût du jour.
Le gnosticisme a une conception panthéiste d’un monde sans Dieu dans lequel l’homme peut,
à l’aide d’une initiation et d’une recherche personnelle, se pénétrer de la connaissance des
réalités et ainsi s’épanouir pleinement. Ce n’est pas Dieu, mais un esprit cosmique qui enrobe
et pénètre toutes les réalités. L’homme n’a pas d’âme individuelle, mais il est animé par cet
esprit et sa destinée est de se fondre dans cet esprit [1].
Selon le manichéisme, l’univers est dominé par le combat entre deux pouvoirs : la Lumière et
les Ténèbres. La Lumière est à l’œuvre dans l’esprit. Les Ténèbres, et donc le mal se trouvent
dans la matière périssable, dans la chair qui nous tente. Il faut que l’homme se libère de la
chair et de la matière qui sont soumises à l’emprise du mal. Cette théorie, qui est l’ancêtre de
celle des Cathares ou Albigeois, préconise que l’homme ne se marie pas, n’ait pas d’enfants.
Conséquence grave, elle divise le monde en deux camps : d’un côté, les bons comme les
Témoins de Jéhovah, de l’autre les mauvais, les futurs damnés, qui ne sont pas parmi les
Témoins. L’Église de la Scientologie croit à un petit groupe d’hommes supérieurs aux autres,
appelés à gouverner le monde. Cette division se retrouve sur le plan politique : d’un côté les
bons pays comme les USA, de l’autre les mauvais comme les pays communistes ou les
Arabes. Au nom de ce manichéisme, les NMR sont parfois antisémites et racistes.
Les limites ou les erreurs des NMR leur viennent donc d’une anthropologie insuffisante ou
erronée, c’est-à-dire d’une conception tronquée de l’homme. Ces insuffisances portent sur
trois points fondamentaux :
Dieu : si l’on ne croit pas en un Dieu personne, créateur de l’univers et aimant l’homme, on
appauvrit l’homme en le laissant seul à lui-même, en faisant un être voué à se perdre dans un
nirvana inconsistant. Selon la conception gnostique de l’univers, toutes les créatures sont
apparues progressivement, animées intérieurement par l’esprit cosmique qui les a façonnées,
les a fait croître. Mais observons une poterie : s’est-elle formée à partir d’une énergie interne
ou bien a-t-elle été tournée par un potier ? De même, comment la matière peut-elle apparaître
et évoluer sans l’intervention d’une force extérieure ? Par contre, s’il croit en Dieu créateur et
père, un Dieu qui dialogue avec lui, l’homme a la certitude qu’il est aimé, qu’il a un partenaire
et il se sent appelé à dialoguer avec tous les autres hommes. Cette relation avec Dieu invite à
un certain type de relation avec les autres et à l’optimisme sur la vie.
Le PÉCHÉ : les NMR naviguent entre deux extrêmes : ou bien il n’y a pas de péché, mais
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seulement de l’ignorance et des erreurs (c’est le cas chez les Rose-croix), ou bien, selon les
manichéens, le mal est toujours à l’affût et chacun doit chercher à se sauver dans une
communauté fervente. Ceux qui refusent de s’intégrer dans cette communauté sont
irrémédiablement perdus. En cette fin du 20ème siècle, si l’on ne croit pas à un mal voulu et
perpétré par les hommes eux-mêmes, comment expliquer le génocide des Juifs par Hitler et ses
comparses, comment expliquer le Rwanda de 1994 ? Dire que le génocide serait dû à
l’ignorance, c’est l’aveuglement et c’est injurieux pour la mémoire des victimes. C’est de
l’infantilisme au plan politique. Si l’on n’admet pas le péché, alors le Christ n’apparaît plus
comme le sauveur nécessaire et indispensable.
Le SALUT en Jésus CHRIST : les NMR ne croient pas en la divinité de Jésus-Christ. Les
gnostiques tels que les Rose-croix font de lui un grand maître initié, transmetteur de la doctrine
du mouvement.
Les manichéens, tels les Témoins de Jéhovah, font de Jésus un être supérieur, mais qui n’est
pas Dieu et ne peut donc pas sauver les hommes.
Les deux courants (gnosticisme et manichéisme) se rejoignent pour diminuer Jésus.
C’est en croyant au salut apporté par Jésus Christ que l’on mesure la bonté infinie de Dieu à
l’égard de l’homme. Penser que le Fils de Dieu a pu si étroitement s’associer à l’homme et
subir les injures et la passion pour l’élever jusqu’à lui, c’est une réalité prodigieuse que l’on
n’épuisera jamais. Jésus est la preuve permanente de la bonté du Père.
Tenir ou non ces points essentiels, Dieu créateur et Père, Jésus Fils de Dieu Sauveur qui nous
libère du péché, c’est s’engager dans des styles de vie et de relation absolument différents.
Les gens ne réalisent pas assez combien la foi (ou son absence) est déterminante pour leur
vie. La relation avec le Dieu personne donne au croyant une vision et une visée universalistes :
pour lui, le salut de tous les hommes est précieux et pas seulement le sien ou celui d’une
communauté restreinte. Croire en Jésus Christ, c’est apprendre à aimer tous les hommes
comme nos frères, à partager avec eux. Reconnaître que le péché existe, c’est s’attacher à se
réformer soi-même, et à réformer la société pour qu’elle ait moins d’injustice, moins de laissés
pour compte.
Le refus de ces réalités essentielles entraîne des conséquences d’ordre moral. Les idéologies
gnostique et manichéenne qui influencent les NMR les amènent à minimiser et à mépriser la
Révélation chrétienne. Par exemple, les Rose-croix ignorent la vérité de l’Évangile et ils
invoquent des documents secrets, qu’ils n’ont jamais voulu publier, pour déformer
systématiquement la vie de Jésus Christ, nier sa mort sur la Croix. Ainsi donc, les NMR, qui ont
parfois des aspects positifs, sont aussi marqués par le mensonge et le manque de charité et de
respect pour les autres.
Ce manque de scrupule conduit les NMR à ignorer les conséquences désastreuses de leur
conception pour les personnes. Ils cherchent en général à couper leurs adeptes de leurs
origines et de leur famille, et ils les forment à devenir des adeptes inconditionnels fonctionnant
sur des réflexes conditionnés : le gourou a parlé, on le suit aveuglement !
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Cet amoralisme fait que les gourous des NMR sont souvent des gens sans scrupule, très imbus
d’eux-mêmes ; ils ont une énorme ambition, ils cherchent à dominer et à accumuler des
moyens matériels. Moon affirme qu’il est normal qu’il devienne l’homme le plus riche du
monde, ce qui prouvera qu’il est bien l’envoyé de Dieu. Certains de ces gourous, comme
Moïse David qui a fondé les Enfants de Dieu ou la Famille, érigent en système la prostitution
des jeunes filles et des femmes pour qu’elles prouvent ainsi qu’elles sont les agents de
l’amour de Jésus lui-même et pour attirer de nouveaux adeptes à la secte. Les perversions
sexuelles auxquelles il a abouti et qui vont jusqu’à la pédophilie et la masturbation publique, ne
peuvent s’expliquer que par le manichéisme qui mène au mépris du corps humain. Les
croyances de ces gens sont blasphématoires pour Dieu et dégradantes et destructrices pour
l’homme.
En conclusion, il faut éviter de se noyer dans la diversité des NMR. Il faut déceler les influences
qui sont à l’œuvre en eux, voir comment ils se situent par rapport à Dieu, à Jésus Christ et au
péché, et examiner les conséquences de leur conception pour la vie des hommes et la société.
Malheureusement, des chrétiens qui ignorent les richesses de notre Révélation se laissent
séduire par les NMR comme les papillons sont attirés par les flammes. Ils s’éloignent d’une
Église qu’ils ne connaissent pas et vont chercher ailleurs une espérance qui n’existe que chez
elle. Il est nécessaire que les chrétiens se manifestent comme les authentiques représentants
de Jésus Christ et qu’ils apportent une véritable espérance au monde. Que leur charité soit un
démenti aux accusations des NMR à l’encontre de l’Église de Jésus Christ.
2. Facteurs à l’origine des mouvements dissidents et sectaires
Questions à poser sur eux et sur moi. Ces positions sont liées entre elles :
Attitude
générale
:
maConservatisme
:
Fidélité
àContestation : Recherche de la
personnalité,
mon
histoire,l’Église,
mais
risque
devérité, mais croyance que je vais
influencent mon jugement.
conformisme et parfois sévéritéla trouver moi-même, et défiance
injustifiée pour les dissidents.par rapport à l’Église. Les
D’où risque : je ne travaille plus ;sectaires ne sont pas forcément
je me repose sur l’autorité quicontestataires : ils recherchent
« sait » et décide.
une sécurité (« des réponses
simples
à
des
questions
complexes ») et ils tombent dans
le conservatisme de leur secte. Ils
se bouchent les oreilles et les
yeux devant ce qui pourrait
déstabiliser leurs certitudes.
Comment je me situe au sujet deEst-ce que je crois aux sciences,Gnosticisme : illumination de
la connaissance ?
à la rationalité des choses, àl’esprit humain par initiation et
l’expérimentation ? Par contre,ascèse de connaissance et de vie.
pour certains, l’homme estConfiance dans le gourou et en la
impuissant face aux mystères dedémarche
de
mon
esprit.
Dieu, de l’univers et de la vie.
Croyance
en
l’initiation,
l’ésotérisme. L’esprit du cosmos
n’est pas un Esprit transcendant,
il appartient au même cosmos que
moi. D’où vient la certitude ?
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Comment je me situe par
à la création ?
Comment Je me situe par
à l’Écriture ?
Comment je me situe par
à la liberté ?
Comment je me situe par
à l’Église ?
D’une conviction intérieure de
type subjectif.
rapportCroyance en un Dieu quiSoit pas de Dieu : éternité du
intervient à tout instant, qui donnecosmos.
constamment un coup de pouce
aux lois naturelles. Cette notionSoit manichéisme et dualisme : un
d’un Dieu interventionniste vaDieu mauvais, créateur de la
contre la Bible et contre la libertématière, et un Dieu bon qui
humaine : la nature n’est pas unapporte le salut : le mal est dans
domaine laissé à l’homme.
la matière, la chair et le monde.
Le péché vient de la chair.
Conséquences du manichéisme :
rejet de l’incarnation du Fils de
Dieu : rejet du mariage, de la
résurrection. Inutile de chercher à
transformer le monde. Ce qui
compte, c’est d’échapper au
monde.
rapportInterprétation littérale : chaqueLibre interprétation de l’Écriture
mot est inspiré ou dicté par Dieu,par l’illumination de l’Esprit
mais j’en privilégie certains etSaint. L’être humain, porté au
j’ignore
la
dynamique
depéché, comprendrait néanmoins
l’ensemble.
J’ignore
l’aspectcorrectement les Écritures grâce à
historique de la Bible et donc lesl’Esprit Saint. Mais comment
genres littéraires. Le littéralismel’Esprit, qui est un, peut-il éclairer
fait de la Bible une suite dedifféremment les hommes ?
slogans ; il rend vaine la notion deCritique de l’Église qui se prétend
dialogue avec Dieu.
la gardienne des Écritures :
l’Église serait postérieure aux
Écritures ; elle est leur servante.
Certains groupes prétendent avoir
de nouvelles Écritures (les
Mormons).
rapportD’un côté, les pélagiens trèsDe l’autre côté, les gens marqués
confiants dans la contribution depar l’idée de prédestination
l’homme à son salut. Au(protestants)
et
par
le
contraire, il y a des gens qui ontmanichéisme,
pour
lesquels
toujours peur de Dieu et sel’homme n’est capable d’aucun
sentent impuissants.
bien (même pas d’une seule
disposition
au
bien)
sans
intervention extérieure : celle de la
grâce pour les protestants, celle
d’un Esprit supérieur pour les
manichéens.
rapportPour
certains,
l’Église
estLes groupes dissidents détestent
l’Église ministérielle (on ne ditsouvent l’Église catholique : sa
plus hiérarchique) et non l’Égliseplace historique, sa stabilité, sa
peuple de Dieu dont je fais partiecontinuité et la cohérence de sa
et
dans
laquelle
j’ai
despensée font ressortir la prétention
responsabilités ;
de leurs groupes. Ils reprochent à
l’Église de tenir fortement les
points auxquels ils sont opposés.
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3. Le christianisme ne cherche pas à séduire
Commentaire sur le tableau ci-dessus.
La deuxième et la troisième colonnes ne reflètent pas les positions de l’Église, mais montrent
que les chrétiens ont à se situer entre des opinions parfois extrêmes. Par exemple, le chrétien
doit reconnaître la place de la raison, tout en admettant que l’intelligence humaine a des
limites, liées au péché et à des connaissances insuffisantes. Le chrétien est invité à savoir
associer la foi et la raison, comme l’a souligne l’encyclique du pape Jean-Paul II (14 septembre
1998). Ce ne serait pas faire honneur à Dieu que d’imaginer qu’il doit intervenir à tout instant
pour modifier les lois naturelles qu’il a établies au cours de la création.
Religiosité naturelle
L’expression « nouveau mouvement religieux » semble abusive car la religion est l’activité qui
relie l’homme à Dieu. Or, dans de nombreux mouvements influencés par le gnosticisme et le
panthéisme, le concept du divin est flou et ambigu : Dieu n’est pas une personne, il n’est pas
le Tout Autre. Dans ces mouvements, le principe de l’existence est l’esprit cosmique qui
pénètre toutes choses. Ces mouvements recherchent l’illumination qui donne le savoir et
conduit à la sagesse. Ils ont le sens d’une religiosité naturelle fondée sur l’admiration devant la
nature, le sentiment de la fragilité et de la grandeur de l’homme, l’émotion. Mais ce n’est pas
le sentiment du sacré devant la sainteté et la miséricorde de Dieu qui dépassent tout ce que
l’homme peut imaginer.
Séduction publicitaire
Dans ces mouvements, le sentiment de religiosité est entretenu par des pratiques, des
méthodes et des doctrines que l’Église catholique ne peut pas et ne doit pas imiter [2].
L’Église ne doit pas jouer de la séduction pour attirer à elle (à travers des groupes chaleureux),
car son message est un appel à mettre librement nos pas dans ceux du Christ, et non à suivre
inconditionnellement un gourou et à nous identifier avec un groupe. La séduction ne fait pas
partie de la panoplie du disciple de Jésus. Les gens veulent connaitre l’explication dernière et
totale des choses, leur mystère, et les sectes les attirent en expliquant la réalité complexe par
des idées simplistes et souvent farfelues. L’Église pourrait-elle bricoler des fables de ce
genre, elle qui n’a qu’une parole à annoncer, celle du Verbe de Dieu venu parmi nous ? Peutelle s’identifier à des mythologies séduisantes, à d’invraisemblables légendes, alors qu’elle
n’a qu’un Messie crucifié à proposer, peu séduisant pour les esprits superficiels, mais vrai
chemin de l’Absolu ?
Démission ou responsabilité
Contrairement à la secte qui demande que l’on s’abandonne à la direction du gourou et à
l’emprise du groupe, la foi chrétienne appelle à la responsabilité puisque la fidélité à Dieu ne va
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pas sans le service de l’homme. Elle n’appelle pas à la démission, mais à l’oubli de soi : « La
recherche de l’Absolu ne passe pas pour nous par la quête de savoirs ésotériques et
envoûtants, mais dans la connaissance de la profondeur er de la hauteur de l’amour de Dieu
pour nous, auquel nous sommes fidèles... en cherchant à aimer autrui. Elle ne nous replie pas
sur un groupe méfiant à l’égard du monde, mais elle nous livre à la recherche de Dieu parmi
les hommes. Le visage de l’Absolu se laisse pressentir sur le visage du proche ou du délaissé
».
Méditons sur cette dernière phrase : bien des gens sont à la recherche de miracles, de visions,
espérant y trouver un signe de Dieu. Rappelons-nous la déception de Jésus devant les Juifs qui
exigeaient des miracles de lui (Mt 12, 38-42). Jésus nous a non seulement révélé que « qui le
voit, voit son Père » (Jean 14, 9), mais aussi que ceux qui donnent à manger à celui qui a faim,
c’est à lui-même qu’ils donnent à manger (Mt 25, 31-46). Ainsi donc, lorsque je vois le visage
du proche ou du délaissé, c’est bien le visage de l’Absolu que j’entrevois. Voir un être blessé
par la vie nous émeut parce que cette personne, créée à l’image de Dieu comme nous, n’a
pas eu les mêmes chances que d’autres et que ses potentialités n’ont pas pu s’épanouir ou
ont été étouffées. Dans le regard douloureux de celui qui souffre, je retrouve un frère (ou une
sœur) en Christ.
Notes :
[1] Sur le gnosticisme et le manichéisme, voir développement plus complet après les sectes.
[2] Paul Valadier, Les sectes et nous, in Vie chrétienne, sept. 1996, p. 4-7.
Père Yves MOREL
Société des Jésuites
Dans : Le défi des sectes, des N.M.R. et des intégrismes, Abidjan, INADES, 1999.
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