Ali Tur. Un architecte moderne en Guadeloupe
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Ali Tur. Un architecte moderne en Guadeloupe
ALI TUR Un architecte moderne en Guadeloupe Ali Tur, architecte parisien, est mandaté en Guadeloupe après le cyclone de 1928. Il y construit plus de 120 édifices publics en 7 ans. Textes et photographies exposent l’intelligence de cette modernité du quotidien, conçue à partir des contraintes climatiques et géologiques de l’île et d’une culture classique du projet d’architecture. Sophie Paviol est architecte, docteur en Histoire de l’art de l’Ehess. Enseignante à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, ses recherches au sein du laboratoire des « Métiers de l’Histoire de l’Architecture, édifices-villes-teritoires » interrogent les changements de paradigmes de la pensée de l’architecture des années 20-30. Charles Chulem-Rousseau est photographe. Il vit et travaille en Guadeloupe. Ses photographies saisissent la Guadeloupe dans sa diversité. Infolio éditions, 2014, 172 pages. Apaiser la lumière : l’Eglise Saint-André de Morne-à-l’Eau (1930-1933) Un espace aérien et lumineux : grandiose. Des femmes portant la grand’robe traditionnelle et coiffées de madras discutent en petits groupes. Un homme en habit se tient statique et révérencieux au centre de l’espace. Ils semblent tout petits, presque perdus dans ce volume de très grande hauteur. La lumière entre par faisceaux. Elle traverse l’espace, se dissout avant de toucher le sol. Les parois vibrent. Elles alternent une stratification verticale si fine qu’elle fait l’effet d’un plissé, des colonnes engagées de moitié étonnamment hautes et minces, des bandeaux horizontaux de claustras aux motifs géométriques. La perspec- tive publiée dans l’Encyclopédie de l’architecture et dans la revue L’ Architecte10 augure le travail architectural sur la manière dont l’espace reçoit la lumière. C’est avec la perspective sur le patio du Palais de Justice de Pointe-à-Pitre, la seule représentation d’un intérieur. Cependant, son enjeu n’est pas tant l’es- pace intérieur en tant que tel, que la modélisation d’un système de filtration de la lumière. Les fentes verticales la façonnent comme un matériau. Les claustras la diffusent de façon mesurée. Si Ali Tur joue de l’intensité de la lumière pour révéler les volumes de ses édifices, en revanche il invente des façades qui, à l’intérieur, l’apaisent. Sa brillance est atténuée. Son éclat est adouci pour ménager une intimité. Etrangement, rien n’indique la vocation de cet espace. Aucun signe religieux. La perspective ne découvre pas le chœur, mais le narthex de l’édifice ; si bien qu’il pourrait s’agir tout aussi bien du foyer d’un théâtre que de l’entrée d’une église. Le claustra est un élément caractéristique de l’architecture d’Ali Tur. Déjà présent dans le Palais de Justice de Pointe-à-Pitre où il filtrait les regards entre la salle des pas perdus et le patio, il prend ici un tour singulier puisqu’il se substitue aux vitraux. La paroi ajourée présente une double efficacité : filtrer la lumière et permettre une bonne circulation de l’air, là où le vitrage, outre sa fragilité en cas de séisme ou de cyclone, demande à être importé de métropole. Aussi le volume du narthex de l’église Saint-André est-il entièrement construit 10 Tur, Ali, « Eglise à Morne-à-l’Eau, vue intérieure vers l’entrée », Encyclopédie de l’architecture, op. cit., pl. 45 et « Nouvelle église de Morne-à-l’Eau (Guadeloupe) », L’ Architecte, 1934, pl. 40 Eglise de Baie-Mahault, A. Tur, Encyclopédie, ed. Morancé, pl. 46, recto 36 palais du gouverneur à basse-terre Garde-corps ajouré de l’escalier d’honneur 122 palais du gouverneur à basse-terre La paroi en persiennes de l’escalier d’honneur recueille les brises et apaise la lumière 123 ALI TUR Un architecte moderne en Guadeloupe Ali Tur, architecte parisien, est mandaté en Guadeloupe par le Ministère des Colonies suite au cyclone de 1928. Il y construit plus de 120 édifices publics en 7 ans. Textes et photographies exposent l’intelligence de cette modernité du quotidien, conçue à partir des contraintes climatiques et géologiques de l’île et d’une culture classique du projet d’architecture. Sophie Paviol est architecte, docteur en Histoire de l’art de l’Ehess. Enseignante à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, ses recherches au sein du laboratoire des « Métiers de l’Histoire de l’Architecture, édifices-villes-teritoires » interrogent les changements de paradigmes de la pensée de l’architecture des années 20-30. Infolio éditions, 2014, 172 pages. sommaire Préambule Ali Tur, « Architecture coloniale. Guadeloupe, bâtiments 9 gouvernementaux et communaux » Inventer une modernité tropicale Cyclone Le climat : paramètre premier du projet 11 13 Matériaux : le choix du béton armé 16 Edifice-paysage 21 Volonté d’invention architecturale et cycle typologique 18 Le travail de l’architecte Composer avec les éléments naturels Quelques colonnes sous un voile de béton : le Pavillon de la Guadeloupe à l’Exposition coloniale internationale de Paris (1931) 27 de Pointe-à-Pitre (1930-1932) 31 Le dispositif de ventilation est architecture : Palais de Justice Apaiser la lumière : l’Eglise Saint-André de Morne-à-l’Eau (1930-1933) 36 à Baie-Mahault (1931) 42 Parois d’air et de lumière : les persiennes de l’Eglise Saint-Jean-Baptiste Un patio ouvert sur le vide : Palais de Justice de Basse-Terre (1931-1934) Ambiguïté entre intériorité et extériorité : le Palais du Conseil Général à Basse-Terre (1932-1933) Horizontalité : le Palais du Gouverneur à Basse-Terre (1932-1934) Identité architecturale 44 51 58 65 Les années de formation 74 Absence de main d’œuvre qualifiée 83 Organisation du travail au sein du bureau de Guadeloupe 77 Prestations en nature 89 Réalité du contrat 94 Construction 1935 : fêtes du tricentenaire Vices et malfaçons La contre-attaque de l’architecte 91 99 100 104 La position de l’architecte Théophile Tellier, Discours prononcé à l’occasion de l’ouverture de la session extraordinaire du Conseil Général, 11 octobre 1928 Ali Tur, Ma plaidoirie, 1937 5 71 La nature du contrat 139 142 Epilogue 165 Bibliographie 167