Éclairages sur la fiscalité des dividendes
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Éclairages sur la fiscalité des dividendes
Éclairages sur la fiscalité des dividendes Prof. Dr. Bruno Colmant 1, Professeur invité à l’U.C.L. et à Vlerick Management School Membre de l’Académie Royale de Belgique L’examen de la fiscalité des revenus mobiliers ramène, in fine, au niveau de support à l’entreprenariat qu’une collectivité associe à la mise à risque de capitaux. C’est ce qui différencie les communautés fiscales. L’histoire de la fiscalité des dividendes est donc révélatrice. Nous la résumons en préambule de l’ouvrage que nous avons l‘honneur de préfacer. Revisiter l’histoire de la fiscalité du pays est un exercice facile et complexe à la fois. Facile car le droit fiscal est suffisamment documenté pour en décoder l’architecture juridique. Pourtant, la démarche est complexe, car la fiscalité s’inscrit d’abord dans l’économie et dans la politique. Ses repères sont donc contingents aux contraintes conjoncturelles et aux orientations que nos gouvernants ont voulu imprimer. La mission des fiscalistes n’est, bien sûr, aucunement de dicter les orientations économiques aux décideurs politiques. Ces derniers sont seuls à posséder la légitimité des décisions. Chaque citoyen doit d’ailleurs s’y conformer, le droit fiscal étant d’ordre public. Pourtant, il convient de s’interroger sur une problématique incontournable : La taxation des dividendes d’origine belge, dans le chef des contribuables personnes physiques belges, a fait l’objet de mutations tant structurelles que conjoncturelles depuis la réforme fiscale séminale de 1962. La réforme séminale de 1962 La taxation d’un dividende doit idéalement respecter une contrainte dominante, sachant que l’impôt supporté par une société est, par transitivité et délégation économique, prélevé sur un actionnaire, lui-même soumis à l’impôt des personnes physiques. Il convient, en effet, qu’un contribuable ne puisse pas opérer d’arbitrage fiscal systématique entre l’exercice d’une activité professionnelle et sa localisation dans une entreprise soumise à l’impôt des sociétés. Les bénéfices d’une société s’assimilent, en 1 Ce texte est extrait, pour partie, d’une contribution co-rédigée par l’auteur et Monsieur Jean Baeten. LARCIER 5 La fiscalité mobilière en question effet, aux revenus professionnels d’une personne physique délocalisés dans une société. La différence provient cependant du fait que la société est bâtie sur un patrimoine collectif tandis que les revenus professionnels d’une personne physique accroissent un patrimoine individuel. Le lien financier entre ces deux patrimoines (collectif et individuel) est établi par le paiement d’un dividende. La taxation des revenus professionnels d’une personne physique doit donc être cohérente avec la fiscalité d’une société, majorée du précompte mobilier qui affecte un dividende. En termes conceptuels, l’impôt des sociétés doit donc être envisagé comme un prélèvement anticipé de la ponction fiscale qui frappe l’actionnaire personne physique. C’est dans cet esprit que, dès la formulation de la première loi d’impôt sur les revenus (1919-1920), les sociétés ne faisaient pas l’objet d’une fiscalité propre mais étaient assujetties aux impôts cédulaires qui existaient depuis 1919 (contribution foncière, taxe mobilière et taxe professionnelle) et qui étaient considérés comme des avances à valoir sur les impôts des actionnaires personnes physiques. La juxtaposition des impôts des sociétés et des personnes physiques avaient d’ailleurs conduit à la scission de l’impôt sur les revenus commerciaux et industriels en deux parties (qui constitue incidemment le complément mathématique de la déduction des intérêts notionnels) : le revenu du capital, fixé forfaitairement à 5 % net du montant du capital investi, et le revenu professionnel, égal au bénéfice net de la société diminué du capital investi. Il s’impose donc qu’une certaine équivalence persiste entre, d’une part, la taxation d’un revenu professionnel, imposé au taux marginal de l’IPP, et, d’autre part, le prélèvement fiscal (composé de l’impôt des sociétés et de l’impôt des personnes physiques, éventuellement réduit au précompte mobilier) affectant un dividende. En d’autres termes, la taxation des dividendes ne peut pas être appréciée de manière autonome : elle s’inscrit dans l’économie de l’impôt des sociétés et des personnes physiques, c’està-dire à la charnière de la taxation du travail et de l’épargne. De manière plus générale, l’impôt des sociétés, qui constitue un des éléments de la fiscalité des dividendes, est fondé sur l’exercice d’une activité commerciale financée par un patrimoine collectif, laquelle intègre les deux facteurs de production : la circulation du capital (qui fonde la création des sociétés) et l’apport de travail. Dans l’échelle des incidences, l’impôt des sociétés occupe donc une place intermédiaire entre les fiscalités des revenus patrimoniaux et professionnels. Au reste, le système belge des impôts directs s’inscrit dans la taxation de l’épargne, de sa création à sa distribution de revenus. L’étude de la fiscalité des dividendes perçus par des actionnaires personnes physiques nécessite donc nécessairement que soient analysées la charge fiscale globale qui pèse sur ces dividendes, les méthodes utilisées 6 LARCIER