document pédagogique sur Hedda Gable

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document pédagogique sur Hedda Gable
Document pédagogique réalisé par Anne-Marie BONNABEL, professeur agrégé de
Lettres modernes, chargé de l’enseignement Théâtre
La représentation d’Hedda Gabler d’Ibsen, dans la mise en scène de Thomas Ostermeier est
l’occasion de faire découvrir à nos élèves un texte de théâtre célèbre et un des metteurs en
scène européens les plus inventifs de XXI ° siècle commençant.
Le théâtre d’Ibsen nous donne la mesure de l’évolution radicale de la dramaturgie à la fin du
XIX° et au début du XX°, évolution qui marque une étape fondamentale dans l’avènement du
théâtre contemporain inauguré essentiellement par Beckett et Ionesco après la seconde guerre
mondiale. A l’aube du XX° siècle c’est du Nord que nous sont arrivées ces dramaturgies
innovantes et les grands metteurs en scène qui se sont révélés dans ces années là ne s’y sont
pas trompés : délaissant les tentatives de Zola pour donner au théâtre l’équivalent du roman
naturaliste et les auteurs à succès (principalement Augier, Sardou et Dumas fils), Antoine et
Lugné-Poe en France, Stanislavski et Meyerhold en Russie, ont monté Ibsen, Strindberg,
Tchekhov qui, chacun à leur manière, ont témoigné dans leur théâtre de l’intérêt porté par leur
époque aux questions sociales et à la psychanalyse naissante.
Thomas Ostermeïer, jeune metteur en scène allemand-il est né en 1968-, directeur artistique et
metteur en scène à la Shaubühne de Berlin, a été artiste associé au festival d’Avignon 2004,
où il présente Woyzeck de Buchnerdans la Cour d’Honneur du Palais des papes et Nora
d’après Maison de poupée d’Ibsen. Ostermeïer choque, surprend. Il adapte librement les
textes en se posant toujours la question de l’aujourd’hui d’une représentation. Ainsi Nora,
l’héroïne de Maison de poupée, tue son mari dans le spectacle d’Ostermeïer au lieu de le
quitter comme chez Ibsen. Son Hedda Gabler fera sans aucun doute l’objet d’une réflexion et
d’un débat sur le principe de l’actualisation d’un texte de théâtre. Son scénographe Jan
Pappelbaum, à l’instar des mises en scène de Ostermeïer, construit d’étonnants décors où se
rencontrent les univers du XIX° siècle finissant et ceux de notre XXI° naissant.
Le présent document n’est pas l’élaboration d’un parcours pédagogique mais apporte des
éléments et des éclairages permettant, soit d’intégrer une étude partielle ou totale du texte
d’Hedda Gabler dans une séquence sur Texte de Théâtre et Représentation, soit de préparer et
d’exploiter une sortie au théâtre.
On peut trouver un extrait d’Hedda Gabler dans la partie Théâtre du livre de 1° Hachette
Soleil d’encre. Le questionnement proposé s’attache à faire sentir l’implicite du dialogue et la
ténuité des changements d’états d’âme au cours de conversations apparemment banales.
A signaler d’excellentes traductions d’Hedda Gabler pour la scène :
Régis Boyer, Garnier Flammarion 1995
Michel Vittoz, (adaptation) Actes Sud 1996
François Regnault, Editions Théâtrales 2000
Sinding Terje, Le livre de poche 2005.
Pour l’étude du drame moderne on consultera également le document pédagogique sur
Mademoiselle Julie de Strindberg sur le site.
http://lettres.ac-aix-marseille.fr/lycee/julie.html
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IBSEN, 1828-1906 : Biographie sommaire
1828 Naissance dans un petit port au sud-ouest de Christiania (Oslo depuis 1925 ) Père
négociant en bois. Premières années dans l'aisance, puis revers de fortune.
1838 Ibsen apprenti chez un pharmacien.
1849 Catilina, première pièce, refusée par le théâtre de Christiania. Premiers poèmes publiés.
Première pièce jouée à Christiania : Le Tertre du guerrier.
1851 Articles sur le théâtre, la littérature, la politique. Engagé comme auteur et directeur
artistique au théâtre de Bergen pour cinq ans.
1852 Voyage d'étude dans les théâtres de l'Allemagne du Nord.
1857 Devient directeur du Théâtre national norvégien à Christiana.
1862 Faillite du Théâtre norvégien, Ibsen ne reçoit plus de salaire, mais il reçoit une bourse
pour passer deux mois en Norvège occidentale où il recueille chants et contes populaires. La
Comédie
1864 Bourse pour aller un an à Rome et à Paris faire des études littéraires et artistiques. Il
quitte la Norvège pour vingt-sept ans. Il vit à Rome avec femme et enfant.
1865 II écrit Brand à Rome. Il reçoit régulièrement des
reconnaissance officielle.
bourses, marques d'une
1867 Peer Gynt. Désormais, les pièces d'Ibsen sont publiées au fur et à mesure de leur
composition.
1877 Les Soutiens de la Société (première des douze grandes pièces « réalistes » de la fin).
1879 Maison de poupée.
1881 Les Revenants.
1882 L/ ennemi du peuple.
1884 Le Canard sauvage
1886 Rosmersholm.
1888 L'a Dame de la mer.
1890 Hedda Gabler (créée à Munich).
1892 Le Constructeur Solness.
1894 Le Petit Eyolf.
1896 Jean-Gabriel Borkman.
1899 Quand nous nous réveillerons d'entre les morts. « L'irrémédiable, nous le comprenons
seulement quand nous nous réveillons d'entre les morts, et que comprenons nous alors? Nous
comprenons que nous n'avons jamais vécu. »
1900 Attaque d'apoplexie. Ibsen n'écrit plus.
1906 II meurt le 23 mai à Christiania.
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Quelques-unes des Notes d’Ibsen sur Hedda Gabler
« La pâle beauté, en apparence froide. Demande beaucoup à la vie et à la joie de vivre.
La pièce traitera de « l'insurmontable », du fait d’ y tendre et d'aspirer à ce qui est contraire à
la convention, aux usages admis dans les consciences, dans celle d'Hedda également.
II y a chez Hedda une profonde poésie, au fond. Mais l'entourage l'effraie. Pensez donc, se
rendre ridicule !
La haine entre femmes. Les femmes n'ont aucune influence sur les affaires concrètes de l'État.
Aussi veulent-elles avoir une influence sur les âmes. Et puis, trop d'entre elles n'ont pas de but
dans la vie (ce manque est héréditaire). Hommes et femmes n'appartiennent pas au même
siècle C'est à proprement parler toute la vie de l'homme qu'elle veut vivre.
Ce qu'il y a de diabolique en Hedda, c'est : Elle veut exercer une influence sur un autre... Une
fois fait, elle le méprise.
L’exigence fondamentale d’Hedda : « je veux tout savoir mais me garder pure. »
La vie n'est pas lamentable La vie est ridicule. Et on ne peut la supporter.
Le désespoir d'Hedda est de se dire qu'il existe sûrement tant de possibilités de bonheur dans
le monde, mais qu'elle ne peut pas les discerner. C'est le manque d'un but dans la vie qui est
son tourment. »
François Regnault dramaturge de la compagnie Pandora (m e s Brigitte Jacques) à
propos d’Hedda Gabler
« Cette héroïne négative est fascinante, mais elle ne l'est qu'en tant qu'elle entre dans une
dramaturgie particulière (entendons par dramaturgie l'art d'organiser la structure et le
développement d'une pièce de théâtre) dont Ibsen est l'inventeur, et qui est une forme du
drame moderne; vers le dernier tiers du XIX°- siècle au long de douze grandes pièces (les
Soutiens de la société 1877 Maison de poupée, 1879, Les Revenants, 1882, Un ennemi du
peuple, 1882, Le Canard sauvage, 1884, Rosmersholm 1886, La Dame de la mer, 1888,
Hedda Galier 1890' Le Constructeur Solness, 1892, Le Petit Eyolf 1894,Jean-Gabriel
Borkman, 1894, Quand nous nous réveillerons d'entre les morts, 1899) qui passent pour ses
pièces réalistes, Ibsen fait connaître à une partie de l'Europe assez vite conquise, les secrets
d'une forme dramatique nouvelle qui semble prendre la vie humaine à bras le corps et susciter
du même coup une nouvelle vision une nouvelle métaphysique de l'existence : un monde sans
Dieu, ou les sujets sont pris dans un étau entre les interdits de la société et les forces de leurs
propres pulsions.
On n'avait jamais parlé ainsi des hommes et des femmes contemporains, de l'amour et de la
société, du destin de la souffrance, du malheur, du bien et du mal, de ce qui est public et de ce
qui est intime.
Du même coup commence cette longue hésitation des contemporains, lecteurs et spectateurs
de ces drames sur la question de savoir si cette formule de théâtre inédite s'inscrit dans le
mouvement naturaliste, né dans le roman avec Emile Zola et thématisé au théâtre par Antoine
ou dans le symbolisme, dont Maeterlinck est l'inspirateur essentiel."
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Ibsen en France entre naturalisme et symbolisme.
Antoine sur la scène du Théâtre libre fait découvrir Ibsen aux spectateurs français dès 1890
avec Le canard sauvage. Lugné Poe, entouré des peintres nabis, fait d’Ibsen le dramaturge le
plus joué à partir de 1893 au Théâtre de l’œuvre.
La représentation naturaliste
« Essai de constituer la scène en un milieu cohérent et concret qui par sa matérialité et sa
clôture intègre l'acteur (acteur-instrument ou acteur-créateur) et se propose au spectateur
comme la réalité même. »
Bernard Dort, Esquisse de définition
«À mon sens, la mise en scène moderne devrait tenir au théâtre l'office que les descriptions
tiennent dans le roman. La mise en scène devrait - c'est d'ailleurs le cas le plus fréquent
aujourd'hui - non seulement fournir son juste cadre à l'action, mais en déterminer le caractère
véritable et en constituer l'atmosphère.[. ] Quand pour la première fois, j'ai eu à mettre un
ouvrage en scène, j'ai clairement perçu que la besogne se divisait en deux parties distinctes :
l'une, toute matérielle, c'est-à-dire la constitution du décor servant de milieu à l'action, le
dessin et le groupement des personnages ; l'autre, immatérielle, c'est-à-dire l'interprétation et
le mouvement du dialogue. Il m'a donc paru d'abord utile, indispensable, de créer avec soin et
sans aucune préoccupation des événements qui devraient s'y dérouler, le décor, le milieu. Car
c'est le milieu qui détermine les mouvements des personnages et non les mouvements des
personnages qui déterminent le milieu.
Cette simple phrase n'a l'air de rien dire de bien neuf ; c'est pourtant tout le secret de
l'impression de nouveauté qu'ont donné dans les principes les essais du Théâtre libre. »
André Antoine Causerie sur la mise en scène Revue de Paris, 1/04/1903
La représentation symboliste
«Essai de constituer sur la scène un univers (fermé ou ouvert) qui emprunte quelques
éléments à la réalité apparente, mais qui, par l'entremise de l'acteur, renvoie le spectateur à
une réalité autre que celui-ci doit découvrir. » (Bernard Dort, Esquisse de définition.)!
« Lorsque je vais au théâtre, il me semble que je me retrouve quelques heures au milieu de
mes ancêtres, qui avaient de la vie une conception simple, sèche et brutale, que je ne me
rappelle presque plus et à laquelle je ne puis prendre part.
J'étais venu dans l'espoir de voir quelque chose de la vie rattachée à ses sources et à ses
mystères par des liens que je n'ai ni l'occasion ni la force d'apercevoir tous les jours. J'étais
venu dans l'espoir d'entrevoir un moment la beauté, la grandeur et la gravité de mon humble
existence quotidienne. J'espérais qu'on m'aurait montré je ne sais quelle puissance ou quel
dieu qui vit avec moi dans ma chambre. J'attendais je ne sais quelles minutes supérieures que
je vis sans les connaître au milieu de mes plus misérables heures; et je n'ai le plus souvent
découvert qu'un homme qui m'a dit longuement pou quoi il est jaloux ou pourquoi il se tue. »
Maurice Maeterlinck, Le trésor des Humbles, Mercure de France, 1896.
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Synthèse
« Le fond commun au naturalisme et au symbolisme, c’est un même assujettissement des
êtres, des individus à un principe supérieur. Dans un cas, cette toute puissance s’appelle la
« nature », dans l’autre, le « cosmos ». Fatum dont le tragique serait quelque peu relativisé par
l’optimisme scientifique de l’école naturaliste et au contraire exalté par le pessimisme et les
convictions shopenhauriennes des symbolistes. La fatalité chez les naturalistes, se manifeste
dans un « milieu » parfaitement circonscrit ; chez les symbolistes, elle irradie dans l’univers
entier. »
J P Sarrazac, Le théâtre en France.Armand Colin 1989.
Ibsen en Russie : Stanislavski et Meyerhold.
Stanislavski monte Hedda Gabler au théâtre d’art de Moscou dès 1899.
Il joue Loveborg et obtient un grand succès personnel mais la pièce est un échec. Dans Ma vie
dans l’art, il évoque cette mise en scène : « Continuant à répondre à toute nouveauté, nous
payâmes notre tribut à une tendance qui régnait alors en littérature. Je veux parler du
symbolisme et de l’impressionnisme. Nemirovitch Datchenko avait réussi à éveiller en nous
de l’intérêt pour Ibsen….Mais il apparut que le symbolisme dépassait nos forces. Les experts
trouvaient dans l’orientation réaliste de notre art l’explication de l’insuccès de nos acteurs
dans les pièces symbolistes : selon eux réalisme et symbolisme ne pouvaient coexister. En fait
c’était tout le contraire : pour jouer Ibsen nous n’étions pas assez réalistes dans le domaine
de la vie intérieure des pièces.
Le symbolisme ne peut être réussi que s’il prend ses racines non dans l’intellect mais au plus
profond de l’âme. En ce sens symbolisme et grotesque se ressemblent. Ils sont une synthèse
des sentiments de la vie….Notre symbolisme venait non du sentiment mais de notre
intelligence; il était artificiel au lieu d’être naturel. Somme toute nous ne savions pas aiguiser
jusqu’au symbole le réalisme spirituel des œuvres que nous interprétions. ».
Meyerhold monte Hedda Gabler en 1906.
C’est sa première mise en scène pour la « star » Vera Kommissarjevskaïa au théâtre qu’elle a
fondé où elle l’appelle comme metteur en scène. Il prend le contre- pied de la mise en scène
réaliste de Stanislavski.
Meyerhold ignore les didascalies d’Ibsen, renonce au décor bourgeois cossu, et au pittoresque
norvégien. Il conçoit un décor unique de panneaux dans les bleus et or suggérant l’automne.
Au fond une baie entourée de lierre s’ouvre sur un ciel lointain très bleu : l’automne est à
l’intérieur. Une tapisserie bleue et or à jardin représente une femme et un cerf. Les coulisses
sont ajourées. Tous les meubles sont blancs tapissés de bleu et or. De grands vases verdâtres
remplis de chrysanthèmes. L’éclairage est travaillé, nocturne avec une cheminée rougeoyante
au dernier acte. Chaque personnage a sa couleur symbolique : Hedda vert parsemé d’écailles,
Tesman gris, Loveborg marron, Théa rose pâle.
Economie des mouvements, frémissements, silences, poses figées, débit lent, gestes
rythmiques simples, tout concourt vers la symphonie. Le plateau (14 m sur 5) permet des jeux
de scène déployés de front où deux interlocuteurs se retrouvent des deux côtés de la scène, ce
qui accentue l’effet de froideur dans les relations ou de dialogue intérieur quand les
personnages, Hedda et Loveborg surtout se parlent sans se regarder.
Meyerhold récuse un certain naturalisme utilisé avant lui dans les mises en scène d'Ibsen au
nom du symbolisme de l’œuvre.
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Meyerhold, Notes de mise en scène : « Le théâtre récupère l’art de la forme qu’il avait perdu.
La tâche décorative doit se confondre avec la tâche de l’action dramatique qui est le fait de
l’acteur. On veillera à ce qu’une rigoureuse concordance règne entre l’idée, la musique
intérieure de l’œuvre et ses finesses psychologiques, d’une part et le style, le « decorum » de
la mise en scène d’autre part. …..»
Réactions violentes, de l’enthousiasme à l’indignation. On accuse Meyerhold de se substituer
à l’auteur. Un critique le compare au Horla de Maupassant, vampire qui suce les forces vitales
des humains, en l’espèce, des acteurs.
D’après Nina Gourfinkel, Théâtre théâtral, Gallimard 1963. Gallimard.
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Critique sociale ou plongée dans les abîmes du cœur humain ?
Ibsen :combine une critique terrible de la société, de l'hypocrisie sociale, avec l'invention de
personnages profonds dont le passé révélé au cours de l’action permet de découvrir la
complexité.
Ibsen lui-même dans ses notes, traite Hedda d'hystérique : « Brack comprend bien que c'est ce
que H.. [Hedda] renferme en elle, son hystérie, qui est vraiment ce qui provoque sa façon
d'agir » ; Ibsen se réfère à la psychiatrie de l'époque représentée notamment par Charcot à la
Salpetrière qui travaille sur l’hystérie. .Freud s'est intéresse à Ibsen comme « précurseur de
l'analyse »
Cependant, Hedda Gabler n'est pas un cas clinique, c'est un personnage de théâtre. Cela
n'empêche pas de considérer qu'Ibsen fabrique un piège où capter l'inconscient d'une
hystérique, en tout cas d’une femme restée sous l’influence de son père, mariée sur un coup
de tête à un homme insuffisant, très curieuse des secrets de la sexualité à condition de n'y pas
participer elle-même, jouissant par procuration de la débauche des autres, et dont le désir
consiste en ce que Jacques Lacan appelle : « un côté sans foi », avec son dessein de «
chercher un maître [Lovborg] pour le dominer ».Hedda est un personnage qui ne se réduit pas
à un trait psychologique et/ou sociologique, en ce sens elle est un personnage du drame
moderne.
Ibsen échappe aux classifications de courants idéologiques ou esthétiques.
Brecht par exemple, admire Ibsen, mais le tient pour un naturaliste qui, grâce à une
« dramaturgie expérimentale », « vise à la critique sociale". On peut voir dans les douze
dernières pièces d'Ibsen donc dans Hedda Gabler une description, voire une analyse en tout
cas une représentation de la société dont la lutte des classes n'est pas absente. On peut aussi
privilégier la psychologie des profondeurs. Selon la lecture qu’en fera le metteur en scène, on
aura des représentations très différentes.
On s’attachera à l’originalité de l’écriture ibsénienne ; à sa modernité :
Ibsen introduit suer la scène l’épaisseur du temps propre au genre romanesque. C’est
l’irruption du passé des personnages qui vient en lieu et place de la classique péripétie
troubler le cours ordinaire de la vie.
Un personnage n’entend pas toujours le personnage qu’il écoute, répond à côté,
embrouille les cartes et contribue ainsi à cette impression de surgissement de l’inconnu, d’
« inquiétante étrangeté » . Les dialogues sont construits selon une autre logique que celle de
la réalité.
Ibsen utilise le tiret dans ses dialogues. Certains traducteurs conservent le tiret en fin de
phrase ou au milieu d’une phrase interrompue quand d’autres le transcrivent par des points de
suspension. Le tiret représente la plupart du temps un refus d’en dire plus long, une
suspension imperceptible ou un réel désarroi. une pause rythmique comparable aux silences
notés « pause » chez Tchekhov. C’est que Tchekhov et Ibsen désirent se rapprocher de la
conversation courante avec ses silences, ses débuts de phrase qui restent en suspens, ses
hésitations. En même temps ils cherchent une écriture musicale au rythme de laquelle
participent les silences.
Prolongements littéraires
Des points communs entre Hedda 1890 et Mme Bovary (1867) ? Ennui dans le mariage, désir
d’autre chose, étouffement de toute aspiration par la médiocrité du milieu provincial, rejet de
l’enfant, suicide.
Des points communs entre Hedda et Médée ? Toutes deux infanticides, Hedda détruisant le
livre de Loveborg et s’ écriant : « Maintenant je brûle votre enfant, Théa. »
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Ibsen et les peintres
Les images sont reproduites à partir d’une recherche sur ces peintres effectuée avec Google
Images.
Munch (1863-1944) grand peintre norvégien considéré souvent comme un symboliste
précurseur de l’expressionnisme (Le Cri) collabora avec son contemporain Ibsen (affiches de
théâtre surtout.)
Hammershoi (1864 - 1916), peintre danois, a souvent été rapproché d'Ibsen. Célèbre pour ses
tableaux d'intérieur énigmatiques représentant des pièces souvent vides, parfois habitées par
des personnages féminins perdus dans une profonde réflexion, souvent vus de dos, tournés
vers des murs clairs et nus, réalisés dans une gamme de tons de gris ou de brun, il peignit
également des paysages, des portraits, et des architectures , qui tous baignent dans une
atmosphère étrange , irréelle, dénuée de toute action ou d'anecdote
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Gustav Klimt (14 juillet 1862 - 6 février 1918) est un peintre symboliste autrichien, et un des
membres les plus en vue du mouvement Art nouveau de Vienne : ors, raffinement décoratif
pour créer de mystérieuses figures féminines qui incarnent Eros et thanatos.
Balthus : (1908-2001) : Si l’atmosphère des tableaux de Balthus s’éloigne de celle des pièces
d’Ibsen, son thème de prédilection : la jeune fille et la pureté, l’évocation d’une vie intérieure
énigmatique de personnages abandonnés à leurs rêves ou leurs fantasmes.
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