rendre la pratique en cabinet plus attirante

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rendre la pratique en cabinet plus attirante
ENTREVUE AVEC LE PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION
DES MÉDECINS OMNIPRATICIENS DE LA GASPÉSIE
RENDRE L A PRATIQUE
EN CABINET PLUS ATTIRANTE
Nouveau président de l’Association des médecins omnipraticiens
de la Gaspésie, le Dr Sylvain Drapeau pratique dans l’est du Québec
depuis 20 ans. Exerçant entre autres au GMF de Chandler,
il désire attirer les jeunes médecins en première ligne
en rendant cette pratique plus intéressante.
Texte et photo : Emmanuèle Garnier
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M.Q. – QUELLES SONT
VOS PRIORITÉS COMME
PRÉSIDENT ?
S.D. – Mes priorités vont être axées sur l’inscription de la population et la fidélisation de la clientèle.
M.Q. – OÙ EN EST VOTRE TAUX
D’INSCRIPTION DE LA POPULATION ?
S.D. – Actuellement, 74 % de la population de notre territoire est inscrite et le taux de fidélisation
est autour de 77 %.
M.Q. – COMMENT INCITEREZ-VOUS
LES JEUNES MÉDECINS
QUI ARRIVENT À TRAVAILLER
EN PREMIÈRE LIGNE ?
S.D. – Premièrement, on va les encourager à avoir une pratique mixte, à la fois à l’hôpital et en
M.Q. – LE NOUVEAU PROGRAMME
POUR LES GMF DONNE DROIT
AUX SERVICES DE PHARMACIENS,
DE TRAVAILLEURS SOCIAUX, ETC.
VOTRE PRATIQUE VA ÊTRE ENCORE
PLUS MULTIDISCIPLINAIRE.
S.D. – Nous avions déjà une partie de ces professionnels de la santé, parce que nous sommes dans
M.Q. – QU’EST-CE QUE CELA
VOUS APPORTE COMME CLINICIEN
DE POUVOIR COLLABORER
AVEC, PAR EXEMPLE,
UN TRAVAILLEUR SOCIAL ?
S.D. – Le travailleur social s’occupe de tout le côté psychosocial de la prise en charge. Il règle des
Avec nos membres, nous allons essayer de trouver des solutions pour faciliter l’inscription de la
population et amener progressivement des changements dans notre façon de travailler. Je souhaite
aussi encourager les nouveaux médecins qui arrivent sur le territoire à prendre en charge une clientèle.
cabinet médical. Ensuite, on veut aussi essayer de rendre la pratique en clinique plus attirante. Par
exemple, dans notre propre groupe de médecine de famille (GMF), nous avons décidé d’engager une
infirmière auxiliaire. Ses services ne sont pas fournis par le cadre du GMF. Elle nous aide à fonctionner
en accès adapté. Nous avons commencé à recourir à cette méthode au début de l’automne. Cela fait
maintenant deux mois que nous pratiquons l’accès adapté, et plusieurs d’entre nous ont réussi à faire
passer leur liste d’attente de deux mois à une semaine. Personnellement, je suis capable de donner un
rendez-vous à la majorité de mes patients en une semaine et de recevoir ceux qui ont des problèmes
de santé plus urgents dans un laps de temps de 24 à 48 heures. Nous sommes très heureux d’avoir
engagé cette infirmière. Elle facilite beaucoup notre travail. C’est en adoptant de tels moyens que
l’on pense pouvoir recruter de nouveaux médecins. Cela rend notre milieu plus intéressant.
un GMF performant. Nous travaillons ainsi avec un travailleur social, une diététiste, un kinésiologue
et un inhalothérapeute. Tout le nouveau personnel qui vient avec le nouveau cadre de gestion des
GMF devrait effectivement inciter les jeunes médecins à aller en première ligne. C’est maintenant
un milieu de pratique qui ressemble beaucoup à celui qu’ils ont connu au cours de leur formation,
dans les unités de médecine familiale (UMF). Le GMF devient la continuité de l’UMF. Trois candidats
ont d'ailleurs manifesté leur intérêt à se joindre à notre équipe au printemps.
crises, des problèmes d’accessibilité ou des problèmes psychosociaux pour lesquels nous devions
auparavant communiquer avec des intervenants. Il prend en charge la clientèle plus fragile et l’oriente
dans le système de façon plus efficace. Par exemple, lorsqu’on a un patient atteint de démence, le
travailleur social va s’occuper de la famille et l’orienter vers les différentes ressources, comme le service
de soins à domicile. Avant, je devais faire tous les contacts avec les différents intervenants. Maintenant,
je transfère la demande au travailleur social. Cela me permet de me concentrer sur le côté médical
des soins.
Le Médecin du Québec, volume 51, numéro 1, janvier 2016
L A
V I E
P R O F E S S I O N N E L L E
M.Q. – QUEL EST LE RÔLE DU
KINÉSIOLOGUE ?
S.D. – Pour beaucoup de patients, les soins de physiothérapie sont inaccessibles, parce qu’ils n’ont
M.Q. – QUE CHANGE POUR
VOUS LE NOUVEAU CADRE
DES GMF PUISQUE PLUSIEURS
PROFESSIONNELS TRAVAILLAIENT
DÉJÀ AVEC VOUS ?
S.D. – Grâce au nouveau cadre, un pharmacien va se greffer à notre équipe. Il va pouvoir faire
M.Q. – LA FMOQ VA BIENTÔT
RENÉGOCIER UN NOUVEL ACCORD
CADRE. VOTRE ASSOCIATION A-TELLE DES DEMANDES ?
S.D. – Un dossier pour lequel nous nous sommes toujours battus est la parité salariale entre les
M.Q. – EST-CE QUE CETTE
DIFFÉRENCE ENTRE LA
RÉMUNÉRATION À L’HÔPITAL ET
CELLE EN CABINET POSE
UN PROBLÈME POUR RECRUTER
DES MÉDECINS
EN PREMIÈRE LIGNE ?
S.D. – Ce n’est probablement pas le seul facteur qui influence les médecins. Mais effectivement,
M.Q. – Y A-T-IL UNE PÉNURIE
D’EFFECTIFS MÉDICAUX DANS
VOTRE RÉGION ?
S.D. – Nous n’avons atteint que 74 % du nouvel objectif du plan régional d’effectifs médicaux de
M.Q. – QUELS SONT LES
PRINCIPAUX PROBLÈMES À
RÉGLER DANS VOTRE RÉGION ?
S.D. – Actuellement, ce sont l’accès à un médecin omnipraticien et la prise en charge de la clientèle.
M.Q. – EST-CE QUE VOTRE
ASSOCIATION S’EST BEAUCOUP
INVESTIE DANS LA MISE EN ŒUVRE
DE L’ACCÈS ADAPTÉ ?
S.D. – Au printemps, nous avons organisé dans notre région une formation sur l’accès adapté à
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pas d’assurances qui couvrent ces frais-là. Le kinésiologue va donc les rencontrer, les évaluer et leur
faire un programme d’exercices qu’ils pourront effectuer à domicile. Il les revoie ensuite pour voir
leur évolution et réajuster le programme.
l’évaluation du dossier pharmaceutique de nos patients. Cela va nous apporter beaucoup.
médecins à l’hôpital et ceux en cabinet. Au cours des dernières années, dans les régions éloignées, la
rémunération à l’hôpital est devenue beaucoup plus intéressante qu’en première ligne, parce que le
gouvernement a voulu favoriser le travail des médecins, dans les unités de soins et à l’urgence pour
combler les pénuries.
si on élimine ce différentiel, cela va rendre la première ligne plus attrayante. Ce sont cependant un
ensemble d’éléments qui vont nous permettre de recruter plus facilement de nouveaux médecins
dans les GMF : la diminution des besoins en effectifs médicaux dans les centres hospitaliers, l’élimination progressive des activités médicales particulières au fil des années, etc. Mais pour l’instant,
cela peut être tentant pour un nouveau facturant d’avoir uniquement une pratique hospitalière étant
donné les besoins à combler dans les hôpitaux et la meilleure rétribution.
notre territoire. La situation devrait s’améliorer à l’été avec l’arrivée de jeunes médecins. Mais comme
nous sommes peu nombreux, le départ de deux ou trois omnipraticiens peut avoir des répercussions
importantes sur notre milieu de pratique.
Je dirais que l’accessibilité n’est pas un problème criant, par contre, la prise en charge l’est. Il y a 25 %
de la population qui n’a pas de médecin de famille. L’arrivée de nouveaux effectifs va nous permettre
d’offrir à une plus grande partie de la population la possibilité d’avoir un médecin de famille. C’est un
problème auquel on veut s’attaquer au cours des deux prochaines années. Par ailleurs, pour ceux qui
ont actuellement un médecin, l’accessibilité n’est pas un problème important. Les gens sont capables
de le voir de façon relativement rapide.
laquelle environ 70 personnes ont participé : des médecins, des infirmières et le personnel de soutien
de différents GMF. L’accès adapté a ainsi commencé à être mis en place dans différents milieux. Une
deuxième formation va avoir lieu au printemps.
Dans notre propre GMF, les médecins étaient initialement sceptiques. Nous avions de la
difficulté à croire que cette nouvelle façon de travailler pourrait nous permettre d’offrir à nos patients
un meilleur accès à nos services. Après deux mois, nous avons constaté que cela fonctionnait. Cela
a permis à la majorité des médecins de prendre en charge de 25 à 30 patients de plus. Nous avons
aussi vu le nombre de consultation à l’urgence diminuer de façon importante.
M.Q. – EN TANT QUE PRÉSIDENT,
ALLEZ-VOUS CONTINUER
DANS CETTE VOIE ?
lemedecinduquebec.org
S.D. – L’accès adapté va être une de nos priorités. La médecine familiale est amenée à se modifier
et les médecins, à pratiquer de façon différente. Je pense que l’accès adapté va être une façon de
travailler toute aussi intéressante et encore plus dynamique que celle qu’on connaissait. Selon moi,
la médecine familiale se dirige vers de nouveaux objectifs. On doit convaincre et encourager nos
membres à adhérer à cette nouvelle façon de pratiquer. //
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