Compte-rendu FIP Perret Woné - Fusion par confinement magnétique

Transcription

Compte-rendu FIP Perret Woné - Fusion par confinement magnétique
FUSION PAR CONFINEMENT MAGNÉTIQUE
Séminaire de Xavier GARBET pour le FIP – 06/01/2009
Anthony Perret
Michel Woné
« La production d'énergie par fusion thermonucléaire contrôlée est un des grands défis scientifiques
de ce siècle. L'utilisation d'un plasma chaud confiné par un champ magnétique est une voie
prometteuse qui franchira une étape décisive avec le projet ITER en 2018. Ce grand équipement
permettra de répondre à des questions encore ouvertes en physique des plasmas de fusion,
notamment le contrôle des instabilités magnétohydrodynamique en régime non linéaire, le transport
turbulent et l'interaction plasma paroi. »
1. LA FUSION NUCLÉAIRE
Les réactions nucléaires constituent
une source d’énergie de première
importance.
Les éléments situé au dessus du fer
fissionnent dans une réaction exoénergétique (par exemple l'uranium 235
avec un neutron): le noyaux d'atome
lourd se sépare en plusieurs nucléides
plus légers
La fusion utilise elle des noyaux légers
(deutérium, hélium 3, tritium...) qui
s'assemblent pour donner des noyaux
plus lourds.
Comme on le voit sur le sur la figure 1 la
fusion nucléaire permet d'apporter
potentiellement plus d'énergie que la
fission.
Figure 1 - Energie par nucléon en fonction du numéro
atomique.
Plusieurs réactions de fusion peuvent être utilisées, avec leurs avantages et leurs inconvénients :
Réaction
Section efficace (m²) Énergie libérée (MeV)
Commentaires
+
-50
P+P→D+e
10
+ 0.9
réaction du Soleil
D + T → 4He + n
4.10-20
+17,59
la plus facile…
D + D → 3He + n
10-29
+3,29
combustible abondant
D+D→T+P
10-29
+4,03
combustible abondant
3
He + D → 4He + P
10-29
+18,35
pas de production de
neutrons, mais
La section efficace est à relier la probabilité d’occurrence de la réaction (taux de réaction = section
efficace x vitesse x densité).
De manière générale, la fusion nucléaire présente l’avantage d’éviter les réactions en chaîne qu’il
faut pouvoir contrôler (ce qui n’est pas le cas de la fission). De plus le deutérium (combustible) est
très abondant et il n’y a pas de déchets radioactifs à longue durée de vie à gérer. Elle est par contre
difficile à atteindre (seuil énergétique à dépasser élevé). De plus les matériaux des parois d’un
réacteur se retrouvent fragilisées par un bombardement intense de neutrons très énergétiques, et le
tritium qui peut être utilisé doit être produit (par exemple dans la machine) ce qui pose des
difficultés techniques importantes.
2. COMMENT ÇA MARCHE ?
On utilise un plasma (gaz chaud ionisé) de deutérium/tritium. Pour approcher deux molécules il
faut passer par delà une barrière coulombienne de 300 keV. Seulement, la distribution maxwellienne
(équilibre thermodynamique du gaz) des vitesses (couplé à l'effet tunnel) nous oblige à avoir une
température T de l'ordre de 10-20 keV (on mesure, par commodité la température en eV).
Le critère de Lawson permet d’évaluer les conditions de fonctionnement. Pour avoir plus de gain
que de perte, il faut :
T ~ 20 keV
τE = énergie contenue/pertes, est le temps de confinement de l’énergie et doit être tel que
n.τE > 3.1020 m-3s où n est la densité.
Pour la fusion par confinement magnétique, τE ~3s et n~1020 m-3s (les valeurs sont différentes en
fusion inertielle où τE est de l'ordre de la ns et n beaucoup plus élevée).
1. Le confinement magnétique
Une particule chargée plongée dans un champ
magnétique suit les lignes de ce champ
(comme sur un rail) en s’enroulant autour.
Ainsi, le champ magnétique empêche les
particules de toucher les parois, c'est pourquoi
on utilise des configurations fermées (les
lignes de champ forment une boucle).
On utilise pour cela un solénoïde torique,
(champ dit toroïdal), dont les lignes de champ
sont circulaires et un champ poloïdal ajouté
pour contrer la dérive induite par le seul champ
toroïdal: les lignes de champ sont désormais
des hélices et la particule passe autant de temps
en haut qu'en bas de la chambre. Dans un
dispositif de type tokamak, le champ poloïdal
est généré par le fort courant induit dans le
plasma qui est un excellent conducteur.
Figure 2 - Trajectoires des particules chargées
dans un champ toroïdal + poloïdal.
2. Un exemple : le réacteur JET (Joint European Torus)
Le réacteur JET est le plus grand tokamak existant jusqu’à la construction d’ITER. D’une
dimension de près de 6m de grand diamètre pour , un volume de 60m3, il fonctionne sous un
champ magnétique allant jusqu’à 4T pour un courant induit dans le plasma de 5MA.
Figure 3 : Schéma du réacteur JET et vue
intérieure de la chambre.
La première réaction contrôlée de fusion entre deutérium et tritium y a été réalisée en 1991. Le JET
détient aujourd’hui le record d’énergie produite par fusion (de l’ordre de 15 MW, pour un rapport
puissance produite vs. puissance injectée d’environ 0,65).
3. Physique des plasmas de fusion
En plus de comporter un volet d’intérêt technologique et énergétique évident, les expériences de
fusion nucléaire en confinement magnétique permettent d’explorer des situations inédites en
physique des plasmas.
Équilibre du plasma
Les lignes de champ magnétique (hélicoïdales) sont enroulées sur le tore. Le long de ces lignes, et
grâce à la dynamique très rapide des électrons, l’équilibre s’obtient en un temps très court. Ainsi, les
surfaces iso magnétiques (toriques) sont également les isobares et iso températures du plasma (voir
figure 4).
La température est d’environ 200 millions de degrés au centre de la section tandis qu’elle n’est que
de quelques milliers de degrés à la surface extérieure. Il y a également un gradient de pression dans
le plasma qui est équilibré par les forces de Lorentz (en j x B), la pression étant plus élevée au
centre de la section.
Stabilité de l’équilibre
Il y a deux sources d'instabilités: les gradients de pression et de courant (magnétohydrodynamique
MHD) qui peuvent mener à décharge importante (champ disruptif) si l'instabilité croît trop. Le
plasma disparaît alors brutalement, conduisant à évacuer une énergie importante en un temps très
court (100 MJ en 1µs !), ce qui est très douloureux pour la structure du réacteur.
Une modélisation de MHD (voir figure 5) permet d’estimer ces instabilités à grande échelle. Le
caractère non linéaire des équations rend cependant la compréhension de la dynamique difficile
(réorganisation soudaine du champ magnétique ou apparition d’oscillations de relaxation), alors
qu’il s’agit d’un point critique au bon fonctionnement de la machine.
La forme allongée de la section de la chambre a été designée pour optimiser la stabilité du plasma.
Figure 4 - Surfaces isothermes dans le plasma.
Figure 5 - Variations de température dans le
plasma par rapport à l’équilibre : Mesures par
tomographie à rayon X et modèle théorique.
3. LE PROJET ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor)
Historiquement, l’un des premiers réacteurs a été le T3 russe (juste après T1 et T2, dans les
années 60). Le JET, dont la première fusion contrôlée date de 1991, permit d'atteindre une puissance
reçue de l'ordre de la puissance utilisée pour chauffer pendant environ 10 secondes.
Sur la figure 6, la zone QDT = 1 est la région où le réacteur produit autant qu'il consomme
(cryogénie, pompes, système de contrôle, chauffage). Il faut donc aller au-delà pour espérer
produire de l’énergie de manière profitable.
Figure 6 - Les réacteurs pour la fusion nucléaire : la situation aujourd'hui.
ITER (paramètre de Lawson 3.1020 m-3.s et température 10-20 keV) est un réacteur
Deutérium/Tritium proposé par R. Reagan et M. Gorbatchev en 1985. Les premières études ont
commencé dès 1992. Il devrait produire 400 MW pendant 500s en consommant seulement 1/10
(c'est a dire 40 MW). Son coût (estimé en 2005) est d'environ 5 milliards d'euros, le site de
Cadarache à été choisi le 28 Juin 2005 et les premiers essais devraient se dérouler en 2018.
Il devrait produire son Tritium à l'aide d'une réaction interne à base de Lithium. Li + n → He + T .
Le programme ITER a pour objectif de démontrer la possibilité (sur le point scientifique et
technique) d'utiliser la fusion pour produire de l’énergie, mais aussi de mieux comprendre (et réagir
en conséquence) les effets non linéaires sur l'instabilité d’un tel plasma, ceux dus aux particules α
émises, les flux de chaleur (pertes et gains dus au particules α) et d'améliorer le confinement en
contrôlant la turbulence des transports au sein du plasma.
Figure 7 - Allure du réacteur ITER et spécifications.
La figure 7 présente l’allure générale du réacteur ITER tel qu’il sera construit ainsi que quelques
unes de ses mensurations. Avec un diamètre de plus de 12m, ITER est nettement plus grand que tout
ce qui a été construit jusqu’à aujourd’hui.
Le rapport puissance produite vs. Puissance injectée que l’on espère atteindre sera est aux environs
de 10, ce qui en fera le premier réacteur effectivement rentable d’un point de vue énergétique.
En conclusion, si la fusion nucléaire permet une plus grande sécurité (combustibles et déchets) et un
gain potentiel bien plus important que la fission, elle nécessite plus de connaissance physique et
technique pour pouvoir être rentable: une meilleur modélisation et optimisation (grâce à ITER) de
l'intérieur du plasma, mais aussi la possibilité d'augmenter le champ magnétique, d'utiliser des
supraconducteurs...
SOURCES
Présentation de Xavier GARBET du CEA Cadarache pour le FIP (06/01/2009) – « The physics
of magnetised fusion plasma».
Site internet pour la fusion magnétique au CEA : http://www-fusion-magnetique.cea.fr
Site internet pour le réacteur JET : http://www.jet.efda.org/