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Le commerce illicite des produits du tabac et comment y faire face Décharge et déclaration d’intention « Le commerce illicite des produits du tabac et comment y faire face » est une publication de l’International Tax and Investment Center (ITIC), une fondation pour la recherche et l’éducation, à but non lucratif. L’ITIC sert de point de repère pour l’information et les meilleures pratiques en matière de politique fiscale et d’investissement. C’est aussi un centre de formation dont le but est d’assurer le transfert de ce savoir-faire afin d’améliorer les investissements dans les pays en transition et en voie de développement, et ainsi favoriser la genèse et le développement de la prospérité commerciale et économique. Cette publication se veut guide et référence en termes de meilleures pratiques pour les agents des services fiscaux, des douanes et des forces de l’ordre afin qu’ils optimisent leur lutte face au commerce illicite des produits du tabac. Pour financer cette publication, l’ITIC a bénéficié de subventions de la part des entreprises du secteur du tabac. Néanmoins, l’ITIC a gardé l’intégralité du contrôle éditorial et est entièrement responsable du contenu ainsi que des erreurs et omissions éventuelles. Cette publication n’exprime pas forcément le point de vue de l’ITIC, elle ne soutient ni les opinions ni les politiques, des individus ou des organisations y ayant participé (au niveau financier ou autre), tels que l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD), l’Office Européen de Lutte Antifraude (OLAF) ou l’industrie du tabac. La réalisation de cette publication a été possible grâce aux contributions (y compris celle des données et des études de cas) fournies par des Agents fiscaux et douaniers, par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) ainsi que par les représentants de l’industrie du tabac et divers consultants. A propos de l’auteur Elizabeth Allen, BA Diplômée de l’université de Bristol, Elizabeth Allen compte plus de 35 ans d’expérience en Management des Opérations Pratiques et des Politiques, acquise au sein du Département Britannique de la Fiscalité et des Douanes (Her Majesty’s Revenue and Customs, UK - HMRC) ainsi qu’auprès du Service Britannique des Douanes et des Accises (HM Customs and Excise). En qualité de haut fonctionnaire, elle a été chargée de l’examen des fraudes dans le secteur de l’alcool et du tabac, de la stratégie de conformité des droits d’accise et des droits de douane intérieurs, de la mise en œuvre du système d’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accises ainsi que de la gestion des taxes environnementales. Mme Allen a également travaillé à la politique et aux poursuites douanières. Elle est rompue à collaborer avec les Gouvernements Etrangers ainsi qu’avec les sociétés privées. Depuis qu’elle a pris sa retraite du HMRC en mars 2009, Mme Allen a défini le contenu technique et présidé la conférence sur le commerce illicite des produits du tabac organisé à Bruxelles, par l’ITIC en novembre 2009. Elle est aussi l’auteur d’une publication de l’ITIC intitulée « Guidebook to the Successful Introduction of a Specific Excise Tax on Alcoholic Beverages » (Guide pour l’introduction réussie d’un droit d’accise spécifique sur les boissons alcoolisées). Elle a également mené trois révisions des règlements de développement politique pour le bureau britannique du commerce gouvernemental en 2009 et 2010. Enfin, elle a donné des conférences sur le thème « Le contribuable comme client » dans le cadre d’un cours de formation continue, organisée pour les hauts fonctionnaires originaires de pays en voie de développement. Actuellement, Mme Allen participe à une recherche financée par l’Union Européenne portant sur le commerce illicite des produits du tabac et des boissons alcoolisées dans la Communauté de Développement d’Afrique Australe. Le commerce illicite des produits du tabac et comment y faire face Table des Matières Avant-Propos 2 Résumé 3 1. Qu’est-ce que le commerce illicite des produits du tabac ? 5 2. Ampleur et mesure 6 3. Nature et dynamiques 10 4. L’impact du commerce illicite des produits du tabac 14 5. Causes et facteurs favorables 17 6. Comment faire face à ce problème ? 24 7. Article 15 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac 30 Glossaire 33 Liens intéressants 34 1 Avant-Propos Nous vivons dans un monde qui est en rapide évolution et où le commerce international est essentiel à notre mode de vie, au développement économique ainsi qu’à notre prospérité. Les douanes y jouent un rôle significatif en veillant à ce que le commerce mondial soit conforme aux exigences internationales et à ce que les taxes échues soient payées aux gouvernements pour qu’ils puissent financer les services publics. Lorsque les biens sont fortement taxés et facilement transportables, criminels, terroristes et insurgés profitent de toutes les failles que présentent les douanes ainsi que les mécanismes de contrôle fiscal pour faire des bénéfices. Peu leur importe qu’ils violent les lois, nuisent à la santé des consommateurs, fassent perdre de l’argent aux gouvernements ou que le commerce licite en pâtisse. Ces dernières années, une croissance sans précédent du commerce illicite des produits du tabac a été observée et de ce fait, nous sommes tenus à intensifier nos efforts pour remédier à ce problème. Nous devons moderniser et optimiser l’utilisation des ressources, onéreuses et rares, de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac en développant de nouvelles idées, en nous remettant en question, en planifiant, en nous inspirant de ce que d’autres ont déjà fait et en renforçant la collaboration entre les autorités de contrôle, les autres autorités nationales et le commerce licite. Nous devons sensibiliser les gouvernements et le public aux implications du commerce illicite et obtenir leur soutien inconditionnel. Si nous adoptons une approche novatrice et si nous établissons et entretenons des partenariats, nos efforts porteront leurs fruits et nous parviendrons à faire reculer significativement le commerce illicite ainsi qu’à faire baisser le nombre de criminels qui en bénéficient. Cette publication a été rédigée suite à la conférence de l’ITIC « Anti-Illicit Trade in Tobacco Products » qui s’est tenue avec succès en novembre 2009. Elle résume les principes et les meilleures pratiques utilisées à travers le monde qui, je l’espère, permettront d’améliorer les partenariats et les méthodes de travail. Kunio Mikuriya Secrétaire général, Organisation mondiale des douanes 2 Résumé Cette publication veut stimuler une prise de conscience par rapport à l’augmentation et l’évolution du commerce illicite des produits du tabac. Elle résume les faits et les opinions d’un grand nombre de sources, notamment d’universitaires, de consultants du secteur privé, des journalistes, des Autorités de Contrôle internationales, des autorités fiscales gouvernementales et des représentants de l’industrie. Elle définit les différents aspects du commerce illicite et fournit des informations sur les manières d’en mesurer l’ampleur. Elle analyse la nature, les causes et les conséquences du problème, et propose aux autorités un guide des meilleures pratiques afin de développer des stratégies pour faire face au commerce illicite. Des études de cas sont, en outre, présentées pour témoigner des meilleures pratiques et des efforts mondiaux en vue de remédier à ce grave problème.1 Qu’est-ce que le commerce illicite des produits du tabac ? Le commerce illicite se manifeste principalement sous trois formes : la contrebande, la contrefaçon et l’évasion fiscale locale. Ces catégories sont interconnectées et montrent que le commerce illicite des produits du tabac est un phénomène mondial, qui concerne indifféremment les pays à faibles et à hauts revenus. Les cigarettes, qui sont fortement taxées, faciles à transporter et présentent un rapport risque-bénéfice avantageux comptent parmi les biens qui, dans le monde, font le plus l’objet du trafic illicite. Ampleur et mesure Malgré le manque de données mondiales solides, tout le monde s’accorde à dire que le commerce illicite des produits du tabac a des proportions inadmissiblement énormes. 1 2 3 De récentes études estiment qu’environ 11% du marché international des cigarettes est illicite, ce qui représente plus de 600 milliards de cigarettes par an et entraîne des pertes fiscales annuelle pour les Etats de plus de USD 40 milliards.2 La plupart des gouvernements n’essaient pas de mesurer le problème sur une base régulière et ne se rendent pas compte de l’impact négatif que le commerce illicite des produits du tabac est susceptible d’avoir sur leur économie et la société. Or, sans moyens solides pour déterminer l’ampleur du problème, il est difficile pour les autorités d’évaluer l’efficacité des stratégies visant à y faire face. Problème international et dynamique Au cours des dernières années, la dynamique du commerce illicite a rapidement évolué. On assiste notamment à une explosion des cigarettes « illicit whites » spécifiquement destinées à la contrebande. Un autre exemple est le recours accru à Internet pour vendre et expédier par la poste des cigarettes dans le monde entier en petites quantités afin d’éviter toute taxation. De plus, les recherches effectuées montrent que le commerce illicite est devenu un problème de sécurité majeur dans certains milieux et ce partout dans le monde. De plus, les recherches démontrent que le commerce illicite est de plus en plus utilisé pour financer le terrorisme.3 On observe également l’essor des réseaux de grande distribution utilisés par les organisations criminelles afin de pratiquer le commerce illicite d’une vaste gamme de produits, dont le tabac, les narcotiques et les êtres humains. Les études de cas décrites dans la présente publication ont été fournies par l’industrie du tabac, des consultants et des universitaires. Framework Convention Alliance (2008). Dr Louise Shelley, exposé à la conférence de l’ITIC - « Illicit Trade: A Security Challenge - A Case of Cigarette Smuggling » (2009). 3 Impact sur la société Le commerce illicite a un impact énorme sur le tissu économique et social de la société. En plus d’être à l’origine de pertes considérables de recettes portant atteinte à l’assiette fiscale des pays concernés, il entrave le développement économique, compromet les objectifs politiques des gouvernements, fragilise l’Etat de droit, soutient les pratiques frauduleuses, finance le crime organisé et le terrorisme, et favorise l’expansion des activités criminelles. Enfin, il décourage les investissements dans la fabrication, l’innovation, le commerce et la distribution par l’industrie légale et nuit à l’emploi. Causes et moteurs du commerce illicite du commerce) soient impliquées afin de garantir qu’elles poursuivent toutes les mêmes objectifs. De plus, pour faire face à ce problème, les Autorités de contrôle doivent disposer des ressources appropriées et être encouragées à collaborer étroitement avec les autres parties prenantes sur le plan national. La norme devrait être l’échange d’informations avec les autorités d’autres pays et les Autorités de contrôle internationales ainsi que les législations prévoyant des sanctions dissuasives et un pouvoir judiciaire efficace. Les citoyens devraient connaître les implications qu’un achat de produits illicites peut avoir, notamment le soutien involontairement - apporté au crime organisé et au terrorisme. Article 15 de la Convention Cadre de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la lutte antitabac 4 ■ Des consommateurs, qui veulent faire des (CCLAT). Les principaux moteurs du commerce illicite sont doubles. Il s’agit : économies, et ■ Des criminels, qui veulent gagner de l’argent. Parmi les facteurs contribuant à ce problème, on peut citer les politiques fiscales non équilibrées, les disparités en matière de prix basés sur les taxes entre différentes juridictions, les mesures de protectionnisme, la corruption, la faible répression, le manque de contrôles officiels dans les zones franches, les législations et les sanctions insuffisantes, l’accroissement des réseaux de distribution illégaux et la tolérance du public à l’égard du commerce illicite des produits du tabac. Comment faire face à ce problème Lorsqu’ils développent des politiques globales pour lutter contre le commerce illicite, les gouvernements doivent veiller en particulier à ce que toutes les instances gouvernementales concernées (p. ex. les douanes, les ministères des finances, de la santé, de la justice et 4 4 Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (2003). L’importance de s’attaquer au commerce illicite des produits du tabac à l’échelle mondiale est reconnue dans la Convention Cadre de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la lutte antitabac dont l’organe directeur est en train de négocier un protocole sur le commerce illicite. Il a pour objectif d’enrayer le commerce illicite des produits du tabac vise à créer des obligations plus contraignantes pour plus de 170 gouvernements. En particulier, il met en place des directives internationales pour la mise en œuvre d’actions nationales portant sur la sécurité de la chaîne de distribution, les délits et la répression, ainsi que sur la coopération à l’échelle internationale. 1. Qu’est-ce que le commerce illicite des produits du tabac ? 1.1 Définitions Le commerce illicite est défini dans l’article 1 de la Convention Cadre de l’OMS comme « toute pratique ou conduite interdite par la loi, relative à la production, l’expédition, la réception, la possession, la distribution, la vente ou l’achat, y compris toute pratique ou conduite destinée à faciliter une telle activité. » Le commerce illicite des cigarettes et d’autres produits du tabac existe sous trois formes générales : • La contrebande : mouvement illégal de produits du tabac (authentiques ou contrefaits) d’une juridiction fiscale à une autre sans paiement des taxes applicables ou en violation des lois interdisant leur importation ou exportation. • La contrefaçon : fabrication illégale, dans le cadre de laquelle un produit porte une marque déposée sans le consentement du propriétaire de cette dernière. Les produits fabriqués illégalement peuvent être vendus dans le pays où ils sont fabriqués ou être passés en contrebande dans un autre pays. Le droit d’accise est rarement, voire jamais payé sur les produits contrefaits. • L’évasion fiscale locale : cigarettes fabriquées à des fins de consommation dans la même juridiction et qui ne sont pas déclarées aux autorités fiscales. Ces cigarettes sont vendues hors taxe et peuvent être fabriquées dans des usines habilitées ou dans le cadre d’opérations illégales. Le bootlegging résulte de la vente illicite de plus petites quantités de cigarettes par des individus ou de petits groupes de personnes profitant des différences de taxes, entre deux juridictions. C’est notamment le cas des ouvriers qui chaque jour franchissent la frontière séparant l’Union Européenne de l’Europe de l’Est en emportant de l’autre côté de la frontière des cartouches (200 cigarettes) pour les revendre et améliorer leurs revenus. C’est aussi le cas des « coursiers » qui font des aller-retours entre les pays à haute et à faible fiscalité en utilisant les compagnies aériennes à bas prix. Ces cigarettes sont achetées et rassemblées par des organisations criminelles qui les distribuent dans des marchés bien ciblés. Au sein d’un même pays, il peut également y avoir des fuites depuis les zones franches (zones défiscalisées) vers le marché où les taxes sont réglées. Au bas de l’échelle, la contrebande est le fait d’un individu qui importe des cigarettes, pour son usage personnel en trop grande quantité par rapport aux quotas autorisés dans son pays.6 Les achats transfrontaliers : pratique légale qui vise à éviter des taxes domestiques plus élevées. Dans ce cadre, un individu achète des cigarettes taxées dans les limites autorisées par la loi pour les consommer dans un autre pays. Les degrés de ces pratiques dépendent des différences de taxes et de prix ainsi que de la distance et du coût du trajet entre les diverses juridictions.7 1.2 Autre terminologie courante Ces dernières années, un nouveau type de contrebande à large échelle a fait son apparition, avec des cigarettes appelées « illicit whites » ou « cheap whites ». Ces cigarettes sont achetées pour leur faible prix et sont habituellement produites légalement, mais elles sont destinées à la contrebande dans des pays ne possédant pas de marchés légaux pour elles. Les cigarettes « Jin Ling » en sont un exemple: fabriquées en dehors de l’Union européenne (UE), en 2008, elles étaient la deuxième marque la plus saisie en UE.5 Le tabac sans marque est vendu sous forme de feuilles de tabac en quantités de 500 grammes ou d’un kilogramme. Il ne porte aucune étiquette ou avertissement de santé et est consommé sous forme de tabac à rouler ou inséré dans des tubes de cigarettes vides. Le tabac sans marque est aussi vendu en toute illégalité sous forme de cigarettes en vrac contenues dans des sachets en plastique transparent (connus sous le nom de « baggies »). 5 6 7 Image : Dragon Mark Les produits contrefaits, dont les cigarettes, sont souvent vendus sur des marchés en plein air. Présentation OLAF, conférence de l’ITIC (novembre 2009). La quantité de 200 cigarettes (une cartouche) hors taxe est couramment autorisée. On a observé, par exemple, une corrélation entre le nombre de touristes britanniques voyageant vers des pays dans lesquels le tabac est plus faiblement taxé et l’augmentation/la diminution des ventes de cigarettes au Royaume-Uni. 5 2. Ampleur et mesure Incidence estimée du commerce illicite (contrebande, contrefaçon et évasion fiscale locale) par pays Source: estimations de l’industrie* en 2010 <10% >10% Aucune donnée fiable * Ces estimations peuvent dans certains cas, en raison de la méthodologie employée, inclure les achats transfrontaliers. 2.1 Ampleur Aujourd’hui, au niveau international, il n’existe aucune statistique fiable couvrant l’ampleur du commerce illicite dans le monde. La boîte à outils sur le tabac développée par la Banque Mondiale8 et publiée en 2005 estimait la fourchette du commerce illicite entre 6 à 9% de la consommation totale de tabac. Une étude récente, estime qu’environ 11% du marché mondial des cigarettes est illicite, ce qui représente plus de 600 milliards de cigarettes par an9. Cependant, ces chiffres n’ont pas été établis à partir d’une seule méthodologie indépendante ou d’un seul processus, mais sont des compilations d’estimations existantes jusqu’en 2008, provenant de diverses sources, couvrant différents pays et effectuées à des moments donnés. la contrebande dans la consommation de cigarettes dans l’UE était de 8,9%. L’étude de KPMG est décrite plus en détail au point 2.3. 2.2 Mesure Même si tout le monde s’accorde à dire que les produits du tabac sont l’une des marchandises les plus trafiquées dans le monde, il est très difficile de réaliser des calculs précis à ce sujet. Il importe toutefois que chaque gouvernement tente de définir l’étendue de la consommation illicite de tabac et de l’évitement fiscal sur son territoire afin que soient prises des décisions politiques averties et qu’une base puisse être établie à l’aune de laquelle il serait possible d’évaluer le succès des stratégies de lutte contre le commerce illicite. Les études mesurant la consommation illicite en fonction d’un pays sont en général plus précises. Par exemple, en appliquant une méthodologie de recherche identique pour chacun des 27 États membres, KPMG a estimé qu’en 2009, la part de la contrefaçon et de 8 9 6 Understand, Measure and Combat Tobacco Smuggling, World Bank Economics of Tobacco Toolkit (2005). Framework Convention Alliance (2008) ; Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (2009). Un outil de mesure du commerce illicite doit poursuivre les objectifs suivants : ■ Mesurer l’incidence et la part de marché des cigarettes illicites, à partir notamment d’enquêtes sur l’usage des consommateurs, et sur leur comportement d’achat ainsi que par des collectes de paquets vides. ■ Permettre la réalisation d’analyses de tendances à long terme et évaluer leur évolution. ■ Garantir la cohérence à travers le temps, les pays et la population, indépendamment des habitudes tabagiques ou de l’acceptation par les consommateurs du commerce illicite. Afin de mesurer l’ampleur du commerce illicite, il existe un grand nombre de méthodologies utilisées par les autorités fiscales et douanières, par les organisations régionales et internationales et par l’industrie. Dans l’idéal, les études devraient être menées à grande échelle car les mécanismes sousjacents complexes des afflux en provenance des marchés sources et des reflux allant vers les marchés de destination sont plus facilement identifiables au niveau régional La mise en œuvre d’une méthodologie solide est la première étape indispensable dans le processus de mesure du commerce illicite. Cette méthodologie doit garantir une totale indépendance et être acceptée par toutes les parties concernées. 2.3 Méthodologies Il n’existe aucune méthodologie universellement reconnue pour évaluer l’ampleur du commerce illicite des produits du tabac. Différentes approches peuvent être nécessaires pour s’adapter aux restrictions budgétaires potentielles, en particulier dans les pays en développement. De multiples méthodes peuvent être utilisées simultanément pour dresser un tableau plus précis de la situation. À la base, les saisies douanières peuvent indiquer l’existence d’un problème même si on considère généralement qu’elles ne représentent qu’une petite portion du volume total du commerce illicite. De plus, les statistiques de saisies peuvent aider à identifier à un stade précoce les tendances et les changements de canaux et de formes du commerce illicite. La méthodologie de KPMG pour mesurer le commerce illicite des produits du tabac10 Depuis 2005, KPMG est mandaté par Philip Morris International pour réaliser une évaluation indépendante de l’ampleur du marché illicite des produits du tabac dans l’Union Européenne, dans le cadre de leur accord de coopération entre la Commission Européenne et les États Membres. La méthodologie employée a été développée durant une étude pilote complète menée en 2005 en Allemagne, Pologne et Finlande suite à laquelle les résultats ont été rigoureusement mis en question et testés, et un certain nombre d’améliorations ont été mises en œuvre. Ensuite, pendant quatre ans des recherches ont été effectuées dans tous les États membres de l’UE en appliquant cette méthodologie. La méthode en question repose sur trois sources principales: les enquêtes sur collectes de paquets vides, les ventes domestiques légales et les sondages auprès des consommateurs. Au début et en raison des possibilités limitées de déterminer les niveaux de consommation auprès des consommateurs (pour les raisons mentionnées plus haut), la méthodologie s’appuyait sur les ventes légales domestiques et sur une enquête portant sur la collecte de paquets vides pour définir le niveau de consommation global sur la base de la proportion entre les paquets issus de la vente domestique légale et les autres paquets. Comme ces enquêtes sont menées dans les 27 États Membres de l’UE, elles se sont ensuite affinées pour prendre en compte les reflux de 10 produits de chaque marché (p. ex. les cigarettes vendues dans un pays mais finalement consommées dans un autre pays). Cela permet à KPMG de déterminer le volume de la consommation globale répartie entre consommation domestique légale (produits vendus légalement et consommés dans le même pays) et consommation nondomestique (produits issus d’un autre pays). L’étape suivante du processus consiste à définir la proportion de la consommation non- domestique de produits apportés légalement dans le pays par des voyageurs et la proportion illicite. Les flux légaux sont déterminés sur la base de la recherche primaire (plus de 159 000 consommateurs interrogés en 2009) en vue de quantifier le nombre de cigarettes que les voyageurs ont achetées à l’étranger durant l’année prise en considération. Ces volumes sont ensuite déduits de la consommation nondomestique totale, le reste étant classée dans la catégorie « consommation illicite ». Avant que les résultats ne soient finalisés, les données sont comparées avec toutes les autres sources de données disponibles, ainsi qu’avec les observations anecdotiques concernant les tendances et les développements, par les douanes et d’autres experts impliqués dans la lutte contre le commerce illicite. De plus, les informations fournies par les saisies et les données économétriques peuvent aussi servir à corroborer les résultats et les tendances. MM. Robin Cartwright et Richard Stephens, présentation lors de la Conférence de l’ITIC –« Measuring Illicit Trade : Effective Methodologies to Measure Total Consumption » (2009). 7 Tableau 2 : Composition des plus importantes saisies de cigarettes effectuées par les autorités britaniques Marques britanniques authentiques Marques non britanniques authentiques/« cheap whites ») Contrefaçons 100% % de saisies à large échelle 80% 41% 54% 48% 51% 51% 49% 49% 44% 47% 70% 60% 28% 40% 20% 18% 31% 36% 13% 20% 31% 28% 31% 18% 17% 13% 7% 0% 2002/3 2003/4 2004/5 2005/6 2006/7 2007/8 2008/9 4% 2009/10* Source: UK – HMRC Border Agency (2008) * Le volume des saisies d’une marque non vendue au Royaume-Uni est inclus dans le volumes des marques non britanniques authentiques et non dans celui des marques britanniques authentiques, comme indiqué par le HMRC. Parmi les autres méthodes, citons les sondages auprès des fumeurs, les collectes de paquets vides et des mégots de cigarettes, les comparaisons entre les résultats d’enquêtes menées auprès des ménages sur leur consommation estimée de produits du tabac, les statistiques gouvernementales sur les produits du tabac dont les taxes ont été réglées et le monitorage commercial. Afin d’obtenir des résultats solides, il est essentiel de reconnaître les forces et les faiblesses inhérentes à la méthode choisie. Par exemple : • La collecte de données primaires doit être entreprise de manière scientifique, systématique et structurée, de sorte à obtenir un échantillon représentatif et à résister à tout examen approfondi. Pour ce qui est de la collecte de paquets, elle doit inclure si possible des contrôles physiques pour confirmer la nature des paquets en question (contrefaçon/authenticité) et le pays d’où ils proviennent. • Les enquêtes auprès des consommateurs : il existe des preuves suffisantes montrant que les fumeurs sous-estiment leur consommation de tabac. Aussi les indications des consommateurs ne sont-elles pas fiables pour déterminer précisément les niveaux de consommation globaux, même si elles 8 constituent un bon indicateur de la prévalence du tabagisme. • Les informations sur le commerce international ne sont généralement pas fiables, car les statistiques d’importation et d’exportation ne sont pas facilement disponibles sous forme électronique et peuvent être sujettes à des erreurs de saisie quand elles sont compilées. • Pour faire face aux défauts et inefficacités d’un système commercial basé sur le papier, l’UE a récemment installé un système d’informatisation des mouvements et des contrôles des produits soumis à accises (EMCS) en partie pour équilibrer plus facilement les mouvements d’importation et d’exportation des biens soumis à accises au sein de ses États Membres. • Les échantillons doivent être représentatifs de la situation du marché, du pays ou de la région pris en considération et doivent permettre d’établir des estimations concernant le volume et la proportion des produits illicites, et ce de préférence par marque. • La qualité des estimations du commerce illicite dépend de celle des données existantes sur la consommation et/ou la vente des cigarettes légales dans le pays considéré. Dans de nombreux pays, ces données ne sont ni facilement accessibles ni vérifiables. La collecte des paquets vides mandatée par l’industrie allemande du tabac est un bon exemple de collecte de données primaires efficace et fiable. La méthodologie a été certifiée indépendamment par le TÜV11 un organisme de validation allemand, et les données qui en résultent sont utilisées dans les statistiques gouvernementales officielles. Les méthodologies les plus avancées associent plusieurs des approches citées. Différentes approches peuvent être nécessaires à évaluer l’ampleur du commerce illicite des produits du tabac et pour s’adapter aux restrictions budgétaires auxquelles doivent faire face les pays en développement ou ceux en transitions. Cependant, quelle que soit la méthodologie employée, c’est en réalisant de manière répétée des études annuelles ou semestrielles que l’on obtient la meilleure analyse des tendances à long terme qui, à leur tour, servent à valider ou non l’efficacité de la méthode. L’exemple de KPMG est l’exemple parfait d’une association réussie de méthodologies appliquées depuis plusieurs années qui visent à dresser un tableau aussi que proche que possible de la réalité. 2.4 Une situation en évolution permanente La comparaison et l’analyse régulières des statistiques de saisies fournissent une indication des changements incessants que connaît le commerce illicite. Les comparaisons des saisies effectuées ces dernières années par le HMRC et la Border Agency britanniques montrent la vitesse à laquelle ce commerce illicite peut changer. En 2002/2003, 31% des saisies importantes de cigarettes au RoyaumeUni intéressaient des marques britanniques authentiques. Grâce à la coopération entre le HRMC et les fabricants de cigarettes, cette proportion est devenue insignifiante, passant à seulement 4% en 2009/2010. 11 Technischer Uberwachungs-Verein, Technical Inspection Association (association d’inspection technique). 9 3. Nature et dynamiques 3.1 Nature et composition du problème Certains pays sont principalement une source de produits illicites (à la fois pour la consommation domestique et pour l’exportation), tandis que d’autres font partie des itinéraires de transit, des pays de destinations ou pays cibles dans lesquels les produits sont consommés. Dans de nombreux cas, un pays peut faire partie de plus d’une de ces catégories. Source, cibles et transit Source Transit Source: Estimations de l’industrie en 2010 Transit et source Non applicable / aucune donnée 3.2 Les Pays sources Tarir la source du commerce illicite est en théorie la façon la plus efficace de s’attaquer au problème. Cependant, c’est aussi la plus difficile à réaliser. Caractéristiques communes des pays sources : ■ Manque de volonté politique pour lutter contre le commerce illicite (n’est pas considéré comme une priorité) ; ■ Régimes légaux inadéquats (p. ex. lois inexistantes notamment celles visant à protéger la propriété intellectuelle, manque de poursuites et faibles sanctions pour les contrevenants) ; ■ Forces de police et agents des douanes sous-financés et pas suffisamment formés ; 10 ■ Sur-approvisionnement (c’est-à-dire cigarettes produites et fournies à la consommation sur le marché source en quantité excessive par rapport à la demande domestique) ; ■ Manque de capacité ; ■ Corruption ; ■ Disponibilité de machines d’occasion ou de machines de contrefaçon, pour la fabrication de cigarettes. Les comparaisons et analyses régulières des statistiques de saisies fournissent une indication des changements dans l’approvisionnement du commerce illicite à l’échelle mondiale. Etude de cas : s’attaquer aux cigarettes contrefaites en Chine La Chine est le plus grand marché du tabac avec une consommation d’environ 2000 milliards de cigarettes (soit à peu près un tiers de la consommation mondiale). La part de marché des marques internationales y est négligeable. exercée sur les trafiquants de cigarettes contrefaites. Chaque année, des milliers d’arrestations ont lieu et des milliards de cigarettes sont saisies lors de descentes effectuées conjointement par la police et la STMA. La Chine est le pays d’où provient le plus grand nombre de cigarettes contrefaites dans le monde, avec une production estimée à 190 milliards de cigarettes par an. La plupart d’entre-elles sont des marques vendues en Chine pour le marché domestique, et 15 à 20% sont destinées à l’exportation, principalement en Europe et en Amérique du Nord. La fabrication, le commerce, l’exportation et la contrebande de cigarettes en provenance de Chine sont contrôlés par des groupes criminels très organisés. Ces derniers ont des agents dans le monde entier qui tentent d’organiser la contrebande de cigarettes contrefaites vers le marché cible ou de transit. La majorité des cigarettes de contrefaçon en Chine sont fabriquées dans les provinces de Fujian et Guangdong, dans le sud du pays. De là, elles sont transportées soit vers des villes chinoises, soit vers les grands ports de Xiamen, Shenzen, Guangzhou et Shanghai pour y être exportées. La STMA (Administration du Monopole de l’Etat) est chargée de contrôler le marché du tabac en Chine, donc de prendre des mesures contre toute personne qui enfreint les strictes lois chinoises de contrôle du tabac par la fabrication, le transport ou la distribution des cigarettes contrefaites. Les sanctions chinoises appliquées pour ce type de commerce sont parmi les plus sévères au monde, avec des amendes lourdes et de longues peines de prison pour les condamnés. La STMA entretient des relations de travail étroites avec le ministère de la Sécurité Publique (Ministry of Public Security, MPS) et l’Administration Générale des Douanes chinoises (General Administration of Customs China, GACC). Ces relations se traduisent par une forte pression L’Organisation Mondiale des Douanes (OMD) publie chaque année un Rapport Douanes et Tabac qui analyse les saisies signalées par ses pays membres. Le rapport de 200912 indiquait que les produits illicites saisis par les douanes provenaient en majeure partie d’Asie13 (21% des saisies dans le monde), suivie des Emirats Arabes Unis (AEU, 9%). Cependant, les Emirats Arabes sont connus à la fois comme source de fabrication et comme lieu de transit ou de transbordement pour les envois en provenance d’Asie. En Europe, le nombre de détections impliquant les Emirats Arabes comme pays source concernaient 249 millions de cigarettes sur les plus de 304 millions ayant quitté ceux-ci en 2009. En Asie, la Chine, la Corée du Nord, les Philippines et le Vietnam sont connus pour être des sources de cigarettes illicites. Pour le Moyen-Orient, c’est l’Égypte qui est au cœur de la contrebande. En Afrique de l’Est et du Sud, elle prend son origine au Zimbabwe. Enfin, en Amérique du Sud, le Paraguay est une source principale des envois illicites destinés en premier lieu au Brésil. 12 13 14 Vu la nature internationale du commerce de cigarettes de contrefaçon, une coopération mondiale entre l’industrie du tabac et les Autorités de contrôle est indispensable. Au travers de ses réseaux d’agences douanières internationales, la GACC est en mesure de soutenir les efforts des douanes en Europe et en Amérique du Nord afin d’arrêter les expéditions de cigarettes contrefaites. En août 2010 par exemple, l’Union européenne et la GACC ont tenu une conférence commune à Shanghai, dont l’un des principaux sujets de discussion a porté sur la coopération visant à stopper le flux de cigarettes contrefaites en provenance de Chine. La STMA collabore également de façon étroite avec les principaux fabricants mondiaux, comme BAT, ITL, JTI et PMI. Cette coopération a démarré il y a plus de 10 ans et repose sur l’échange d’informations et de renseignements pour permettre à la SMTA d’agir en Chine contre les contrefacteurs identifiés et pour permettre aux fabricants de protéger leurs marques déposées dans des juridictions en dehors de la Chine. Ces dernières années, de nombreuses usines illicites ont été découvertes et démantelées dans l’Union Européenne, ce qui prouve que les organisations criminelles installent leurs sources de production au sein de leurs marchés cibles finaux. Cette évolution ébranle la conviction selon laquelle les sites de fabrication illicite se trouvent uniquement dans les pays corrompus, à bas revenus et présentant des structures légales faibles. 3.3 Points de transit Les cargaisons illicites transitent très souvent délibérément via plusieurs ports afin de rendre le dépistage plus difficile. Au cours du transit, les documents changent et les marchandises peuvent être transbordées dans d’autres navires. Les points de transit sont souvent parmi les ports les plus grands et les plus débordants d’activités au monde.14 Alors que le commerce mondial évolue très vite, les ports se font concurrence pour être les plus rapides dans le traitement des cargaisons et le temps de rotation des navires. Par conséquent, les contrôles sont minimes et l’interception d’envois potentiellement illicites qui ne font que transiter Les chiffres publiés dans le rapport de l’OMD sont basés sur les informations fournies par les membres de l’administration des douanes à la base de données mondiale au sein du système du réseau douanier mondial de lutte contre la fraude(CEN) de l’OMD. Seules les saisies de plus de 100 000 pièces sont comprises dans le rapport de l’OMD. Singapour et Dubaï, dont les ports de conteneurs sont respectivement les 1er et 7e dans le monde, sont principalement des ports de transit. 11 Etude de cas : Le Paraguay : source pour de cigarettes contrefaites et d’ illicit whites en l’Amérique du Sud Les cigarettes contrefaites et les « illicit whites » produites au Paraguay sont disponibles dans toute l’Amérique latine. Les organisations criminelles majeures et l’évasion fiscale locale s’arrachent le commerce illicite. L’estimation selon laquelle, au Brésil, 44% des points de vente sous licence ont régulièrement en stock des marques illicites du Paraguay illustre l’ampleur du problème. Le Paraguay produit environ 47 milliards de cigarettes par an alors que la consommation domestique annuelle est évaluée à seulement 4 milliards de cigarettes, soit moins de 10% de la production domestique. Il existe une trentaine de sites de production dont 14 sont actifs actuellement. Leur capacité de production est estimée à 100 milliards de cigarettes. La frontière du nordest du Paraguay fait 650 km de long et a plus de 1000 km de berges, de rivières et de lacs dans la région des trois frontières Ciudad Del Este / Itaipu. Des organisations criminelles ont été identifiées comme étant impliquées dans le commerce illicite de cigarettes. Les cigarettes contrefaites et « illicit whites » transitent par la route via la Bolivie à destination du Chili et du Pérou, puis sont transportées par la mer vers d’autres pays en Amérique du Sud, au Panama et aux Caraïbes ou le long du Rio Parana, et sont passées en contrebande en Argentine et au Brésil. Le gouvernement paraguayen a lancé un processus visant à mieux réguler la production interne de cigarettes, par le port en question sont souvent de faible importance. Le Panama, la Grèce, les EAU et la Russie sont des pays de transit habituellement utilisés pour le commerce illicite, mais cette situation change en fonction des circonstances. En effet, dès que les pays investissent dans de meilleures infrastructures routières et ferroviaires ou améliorent leurs contrôles, les criminels passent par d’autres itinéraires, empruntent de nouvelles routes de transit et ciblent de nouveaux marchés locaux (les fraudes spécifiques en matière de transit sont traitées au point 5.2.3). En raison des difficultés à s’attaquer à la source du commerce illicite, une attention particulière est accordée à l’interception des cargaisons en transit, lorsqu’elles atteignent un port « ami » où les autorités sont disposées à inspecter les conteneurs et agissent suite à des dénonciations. 12 avec notamment la mise en place d’un système de vérification numérique. Récemment, les efforts fournis par les Autorités de contrôle ont porté leurs fruits surtout grâce à une coopération plus étroite avec l’industrie du tabac et leurs homologues transfrontaliers. Les autorités brésiliennes par exemple ont lancé un programme pour faire en sorte que les points de vente sous licence cessent de vendre des cigarettes illicites venant du Paraguay. Sous ce régime, les inspecteurs gouvernementaux ont le pouvoir de fermer les points de vente ayant en stock des produits du tabac illicites. Le programme est axé sur une approche en deux étapes : tout d’abord, les commerçants ont un avertissement leur ordonnant de ne plus stocker de marques illicites. Ceux qui ne se plient pas à cette injonction reçoivent une lettre officielle de cessation qu’ils doivent afficher dans leur magasin ou sur la vitrine, en s’assurant qu’elle soit parfaitement visible depuis la rue. Et si le commerçant continue de rester sourd à la demande des autorités, son point de vente est fermé sans délai. Le programme a été un succès, avec une hausse des saisies de 41% par rapport à la même période en 2009. Par ailleurs, les douanes boliviennes ont restructuré leurs services pour être plus efficaces en vue de stopper le flux de produits de contrebande et de contrefaçon en provenance du Paraguay et transitant par la Bolivie en direction du Chili et du Pérou. 3.4 Pays de destination finale Les produits du tabac illicites sont disponibles dans le monde entier, dans les pays à hauts et à bas revenus. Voici les caractéristiques communes des marchés de destination : ■ Une politique de taxation du tabac qui a engendré des prix de vente au détail élevés par rapport au revenu des consommateurs (faible accessibilité) ou plus élevés que ceux appliqués dans les pays voisins ; ■ Des Autorités de contrôle qui ne s’intéressent que peu au commerce illicite du tabac en raison d’autres priorités ou en raison d’un manque de ressources ; ■ Un régime légal inadéquat (soit la législation soit le système judiciaire n’applique pas correctement les droits de propriété intellectuelle, et/ou les amendes pour contrebande sont trop faibles pour être dissuasives et/ou ne sont tout simplement pas efficaces en matière de condamnation des contrebandiers) ; Etude de cas : contrebande transfrontalière de tabac vers l’Afrique du Sud L’Afrique du Sud est une destination de choix pour la contrebande des produits du tabac qui y arrivent non seulement depuis les pays voisins mais aussi à travers d’autres pays. Le Zimbabwe est une source importante d’«illicit whites», six usines y fabriquent plus de 20 marques différentes de cigarettes. Elles sont situées dans une zone d’exportation à laquelle on a accordé des concessions afin d’améliorer le flux de devises étrangères et l’exportation d’au moins 80% de ses produits finis. Il n’existe aucun contrôle des mouvements des produits finis ou de l’entrée de devises étrangères. La situation est aggravée par le manque de volonté politique de s’attaquer efficacement au problème du commerce illicite dans le pays. On estime à plus de 4 milliards chaque année le nombre de cigarettes fabriquées au Zimbabwe pour être exportées en Zambie, en Afrique du Sud, au Mozambique, au Malawi et en République démocratique du Congo. La plupart d’entre-elles entrent en fait en Afrique du Sud. Une partie est importée légalement sous un régime d’entrepôt pour l’exportation ou la vente à l’échelle locale : quelque 500000 cigarettes sont déclarées pour la consommation domestique et les taxes dues sont payées. Une quantité similaire est saisie dans le marché le long de la frontière. Dans l’ensemble, le flux illicite en provenance du Zimbabwe est évalué à plus de 2 milliards de cigarettes. La corruption à la frontière est importante : jusqu’à USD 50 000 sont proposés par conteneur à des agents pour laisser passer la cargaison dissimulée. Les mesures répressives au Zimbabwe sont rares. Toutefois, de bonnes relations de travail et des séances de partage d’informations et de renseignements ont été établies entre l’industrie du tabac et les Autorités de contrôle en Afrique du Sud. De nombreuses interventions nationales menées conjointement par l’industrie, les douanes et la police sud-africaine ont fourni de bons résultats, avec la saisie de produits illicites sur le marché et le long des frontières. Ces opérations se sont également conclues par des charges pour corruption contre les trafiquants. De plus, l’Industrie du Tabac d’Afrique du Sud (Tobacco Industry of Southern Africa, TISA) et les autorités coopèrent par le biais de réunions d’évaluation trimestrielles (Revenue Services Forum) de présentations à la South African Customs Union, au Southern African Development Community Tax Forum, à l’Africa Tax Forum et au National Treasury. Par ailleurs, des forums transfrontaliers ont été créés entre les pays voisins du Zimbabwe (Mozambique, Swaziland, Botswana, Angola, Namibie et Zambie). ■ Une culture d’acceptation des produits illicites ou une connaissance insuffisante du caractère illicite des produits. L’évolution de la situation observée ces dernières années démontre que tant qu’il y aura une demande de produits illicites et tant qu’il y aura un potentiel pour faire des bénéfices, le crime organisé continuera d’approvisionner tous les pays du monde. 13 4. L’impact du commerce illicite des produits du tabac 4.1 L’impact sur l’économie 4.2 L’impact sur la société 4.1.1 Pertes fiscales pour le gouvernement 4.2.1 Sécurité nationale et crime organisé Le commerce illicite des produits du tabac entrave le développement économique, affaiblit l’Etat de droit et porte atteinte à l’assiette fiscale, faisant perdre aux gouvernements des sommes astronomiques en termes de recettes. A cause de lui, les gouvernements disposent de moins d’argent pour les services publics tels que la santé, l’éducation, la défense, les transports et l’environnement. L’infiltration des canaux de distribution par des réseaux criminels et des groupes terroristes entrave les blocs constitutifs fondamentaux du développement, de la démocratie, des droits humains ainsi que l’État de droit, et soutient les pratiques de corruption chez les fonctionnaires et les simples citoyens. Les mêmes réseaux sont utilisés pour le trafic d’êtres humains, d’armes et de la drogue. La Framework Convention Alliance15 a récemment évalué à USD 40,5 milliards les pertes fiscales totales essuyées par les gouvernements.16 La Commission européenne estime que les États membres de l’Union Européenne perdent jusqu’à 10 milliards d’euro de recettes fiscales chaque année en raison du commerce illicite des produits du tabac. Dans l’Union Européenne, la perte moyenne de droits de douanes, d’accise et de TVA sur un conteneur de 40 pieds transportant en contrebande 10 millions de cigarettes est d’environ EUR 1,5 million.17 Dans de nombreux pays, les ressources répressives et les sanctions sévères ciblent le trafic de drogue et d’êtres humains, de sorte que le commerce illicite des produits du tabac reste une activité très lucrative et peu risquée. Aussi le miroitement d’un bénéfice élevé comparé aux risques d’une arrestation et aux faibles sanctions qui attendent les trafiquants en cas de poursuites judiciaires éventuelles rendent la contrebande de cigarettes très attrayante pour les organisations criminelles ainsi que pour les réseaux terroristes. En plus des pertes fiscales indirectes, les gouvernements perçoivent moins d’impôts sur le revenu, de cotisations sociales et d’impôts sur les sociétés en raison de la baisse du volume légal dans l’industrie et le commerce licites qui se traduit souvent par une perte au niveau des emplois. 4.1.2 Pertes financières pour l’industrie et le commerce licites Les fabricants et les fournisseurs légaux des produits du tabac sont pénalisés car, en plus des pertes de revenus, le commerce illicite altère la concurrence sur le marché, minant les investissements dans l’innovation, la distribution, l’égalité des marques et l’emploi. Les petits revendeurs de tabac sont parmi les plus touchés par le commerce de cigarettes illicites facilement accessibles. Au Royaume-Uni, le commerce illicite des produits du tabac aurait un effet dévastateur sur les revendeurs locaux qui doivent rivaliser avec le marché noir. On estime que les commerçants, les grossistes et les distributeurs perdent GBP 230 millions chaque année au profit des contrebandiers.18 D’après les recherches19 effectuées au Canada par l’Association Canadienne des Dépanneurs en alimentation et le Conseil Canadien des Fabricants du Tabac, le commerce illicite entraîne une perte de recettes de 30% pour les magasins de proximité. 15 16 17 14 18 19 20 Après le 11 septembre, des mesures rigoureuses ont été prises à l’encontre des systèmes bancaires, ce qui a rendu compliqué le blanchiment d’argent à travers les banques. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les organisations criminelles et les groupes terroristes utilisent le commerce illicite pour générer des bénéfices et faire traverser les frontières à leur argent. Le département de justice américain de l’alcool, du tabac et des armes à feu (Bureau of Alcohol, Firearms and Tobacco, ATF) affirme que les groupes du crime organisé, dont ceux ayant des liens avec des organisations terroristes, sont impliqués dans le trafic d’alcool et des produits du tabac, y compris dans celui des produits du tabac contrefaits.20 Une étude universitaire sur le terrorisme, la criminalité transnationale et la corruption a révélé que les personnes impliquées dans le commerce illicite des produits du tabac, sont aussi impliqués dans d’autres formes de commerce illégal (p. ex. drogue, alcool, diamants, bois ou antiquités). Le commerce illicite des produits du tabac ne cesse de s’accroître, en partie, en raison de l’absence de ressources coordonnées qui devraient se concentrer sur les itinéraires et les chaînes de distribution du commerce illicite. Framework Convention Alliance « How Eliminating the Illicit Cigarette Trade Would Increase Tax Revenue and Save Lives » INB3 fact sheet. Ce chiffre est probablement exagéré car il repose sur un taux du droit d’accise moyen élevé et ne tient pas compte du double comptage (c.-à-d. lorsqu’un produit taxé dans un pays A est passé en contrebande dans un pays B, il faut déduire la taxe payée dans le pays A). Commission européenne/MEMO/10/448 (27 septembre 2010). Talking Retail (actualités de l’industrie) (10 décembre 2009). Royal Canadian Mounted Police’s Contraband Tobacco Enforcement Strategy, p. 17 (2008). The Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives’ Efforts to Prevent the Diversion of Tobacco (Efforts de l’ATF pour empêcher le détournement de tabac, septembre 2009). Les cigarettes illicites sont souvent dissimulées et transportées dans des conditions insalubres. L’extrait, fourni à la page 15 21 des résultats de cette étude du Dr Louise Shelley - Professeure et Directrice du « Terrorism, Transnational Crime and Corruption Center » à l’Université George Mason, Arlington, Virginie, donne un aperçu du lien entre le commerce illicite de cigarettes et le financement du terrorisme. 4.2.2 Respect de l’État de Droit Lorsque le grand public se rend compte que les lois ne sont pas suivies à la lettre et que cela n’entraîne aucune ou peu de conséquences, on peut observer une érosion progressive du respect à l’égard de la législation et des Autorités de contrôle. Si les gens n’entendent parler que rarement d’arrestations et de poursuites réussies des personnes impliquées dans le commerce illicite, ils penseront que les Autorités de contrôle sont inefficaces et que la loi n’a pas vraiment d’importance. Les gens qui sont habitué à violer les lois sans en subir les conséquences peuvent être pris comme modèles par d’autres et contribuer à un effritement des comportements standard de respect de la loi. et quantités maximums de goudron et de nicotine), les produits illicites, en particulier les contrefaits, sortent complètement ou en partie de ce cadre réglementaire. Les recherches menées par l’Institut National danois de la Santé Publique et de l’Environnement (RIVM) montrent que les cigarettes contrefaites contiennent des niveaux de cadmium cinq fois plus élevés et des niveaux de plomb six fois plus élevés que les cigarettes authentiques.22 4.2.3 Santé publique Le commerce illicite du tabac mine les initiatives de santé publique qui visent à freiner la consommation du tabac. Dans un environnement non régulé, le commerce illicite propose des cigarettes moins chères, et les rend accessibles à des groupes vulnérables tels que les mineurs. Contrairement aux produits du tabac légaux fabriqués et vendus conformément à de strictes exigences réglementaires (avertissements de santé 21 22 Dr Louise Shelley, exposé à la conférence de l’ITIC - « Illicit Trade: A Security Challenge - A Case of Cigarette Smuggling » (2009). Lettre du Ministère danois des finances au Parlement danois (26 mai 2010). 15 L’enquête Tobacco Underground du Center for Public Integrity23 affirme que « de nombreuses cigarettes sont fabriquées à partir de tabac de la plus médiocre qualité, plein de côtes et de sciure et trafiqué avec des niveaux inhabituellement élevés de nicotine. Des tests ont révélé que les cigarettes contrefaites contiennent une quantité de produits qui pourraient réduire encore davantage la durée de vie d’un gros fumeur : métaux tels que cadmium, pesticides, arsenic, mort-aux-rats et excréments humains. » L’OMD a rapporté que des saisies de cigarettes contrefaites contenaient des mites (voir photo ci-après) et a identifié des méthodes de dissimulation sans précédent (c’est-à-dire dans des barils d’éponges de titane contenant du chlore gazeux toxique) qui présentaient de sérieux risques de santé pour les Autorités de contrôle chargées d’inspecter et de saisir les cigarettes illicites dans ces conteneurs. Il va sans dire que ces cigarettes auraient pu être très dangereuses pour les consommateurs. Etude de cas : « Le commerce illicite : un défi en termes de sécurité » (Shelley 2009) « Pendant des décennies, le commerce [illicite des produits du tabac] a profité à des groupes criminels et à des agents corrompus, cependant les organisations terroristes ont aussi exploité le commerce illicite. La mafia italienne y est impliquée depuis le depuis le début ou le milieu du XXe siècle (Paoli 2003). L’appât du gain que cette commodité, souvent objet de contrebande, fait miroiter n’a pas fait qu’ attirer les groupes traditionnels du crime organisé. Le gouvernement américain et les corporations internationales ont en effet rapporté que des cigarettes contrefaites étaient fabriquées dans la région des trois frontières d’Amérique du Sud par des organisations terroristes (Hudson 2003, Sverdlick 2005). Nombre d’autres groupes terroristes participent au commerce illicite de cigarettes pour subventionner leurs activités à l’instar du Hezbollah, du Hamas, d’Al-Quaïda, de l’IRA, du PKK, de l’ETA (mouvement nationaliste basque), du jihad islamique égyptien et palestinien ainsi que des Farc (Coker 2003, Billingslea 2004, Wilson 2008). En raison de l’implication de tant de groupes différents dans cette activité, la Cour des Comptes américaine (Government Accountability Office, GAO) (2003) classe la contrebande de cigarettes parmi les activités de financement les plus utilisées par les terroristes, avec le trafic de drogue, d’armes et de diamants. Pour illustrer le caractère lucratif de ce commerce, le bénéfice total combiné du trafic de cigarettes pour les trois principales factions de l’IRA (l’IRA provisoire, l’IRA véritable 23 16 et l’IRA de la continuité) a atteint environ USD 100 millions entre 1999 et 2004 (Billingslea 2004). Les liens entre crime et terrorisme continuent d’être identifiés. Récemment, l’International Consortium of Investigative Journalists (groupement international des journalistes d’investigation) a montré que le trafic de cigarettes illégales est une source de revenu majeure pour les terroristes au Pakistan (Centre for Public Integrity 2009 ; Wilson 2009). Des chercheurs Russes on découvert que dans le conflit entre la Russie du Sud et le Caucase du Nord, le commerce de marchandises contrefaites (y compris les cigarettes) est une source de financement pour le terrorisme. Le commerce de cigarettes est une activité de choix pour les terroristes, parce qu’il n’intéresse que peu les Autorités de contrôle. Les terroristes cherchent à garantir leur financement par des moyens qui attirent le moins possible l’attention sur eux. Ils font passer en contrebande des cigarettes car les risques d’être arrêtés sont faibles et les profits suffisamment élevés pour les financer et acheter des armes, voire du matériel à double usage. Les terroristes se tournent de plus en plus vers la contrebande de cigarettes pour financer leurs opérations. Citons les Talibans, pour lesquels les cigarettes sont désormais la deuxième source de financement derrière l’héroïne, et Al-Quaïda. » The Center for Public Integrity « Tobacco Underground » par Marina Walker Guevara (19 octobre 2008) 5. Causes et facteurs favorables 5.1 Facteurs économiques du commerce illicite Le commerce illicite des produits du tabac est un phénomène mondial, qui concerne indifféremment les pays à faibles et à hauts revenus. Ses principaux moteurs sont : ■ La volonté des consommateurs d’économiser de l’argent en achetant sciemment des produits illicites moins chers ; ■ La possibilité pour les criminels de faire d’énormes bénéfices. Même dans les pays où le taux d’imposition absolu est faible, la contrebande peut être très rentable si ce taux est élevé par rapport aux revenus. L’impôt éludé est partagé entre le consommateur, sous forme de cigarettes moins chères, et le contrebandier. Par exemple, certaines personnes en Europe de l’Est sont ravies de gagner ne serait-ce que USD 100 à 150 en plus par semaine en faisant de la contrebande de cigarettes par petites quantités, car cette somme est bien supérieure au salaire perçu pour un travail régulier. A l’autre bout du spectre, les groupes criminels qui font passer des conteneurs entiers dans l’Union Européenne peuvent générer des millions d’euros de profits par envoi. Les cigarettes, qui sont fortement taxées, largement consommées, faciles à transporter et qui présentent un rapport poids-valeur intéressant, comptent parmi les biens les plus trafiqués au monde. Etude de cas : l’effet des fortes hausses du droit d’accise sur les cigarettes en Irlande. Droit d’accise, prix et revenu fiscal Au cours des dix dernières années, l’Irlande a connu deux périodes de fortes hausses du droit d’accise payé sur les cigarettes, en 2001-2003 et 2006-2009. L’augmentation totale s’est élevée à 76% entre 2000 et 2009 dans la catégorie de prix la plus populaire, soit trois fois plus que le taux d’inflation (26,2%). Entre 2000 et 2005, le prix des cigarettes a augmenté de 31% et les volumes légaux (droits acquittés) ont baissé de 16%. Durant la seconde période d’accroissement du droit d’accise (2006-2009), les prix ont bondi de 33%, le coût du paquet atteignant EUR 8.45, soit presque EUR 2 de plus que dans le deuxième pays de l’UE affichant les tarifs les plus élevés. En dépit de ces hausses exceptionnelles du droit d’accise, le gouvernement n’a enregistré aucun bénéfice fiscal, les revenus issus de la taxation des cigarettes (droit d’accise et TVA) restant pratiquement stables entre 2001 et 2009. Consommation de cigarettes et incidence du tabagisme En 2005, des produits illégaux (droits non acquittés) ont fait leur apparition sur le marché, atteignant environ 8% de la consommation totale. Cependant, le flux de produits de contrebande a rapidement augmenté pour parvenir à quelque 25% du marché en 2009, ce qui équivaut à 1,5 milliard de cigarettes. Depuis 2005, le marché légal des cigarettes (droits acquittés) a perdu 19%, de 5,6 à 4,55 milliards de cigarettes. Si l’on tient compte du nombre de cigarettes légales et illégales (4,55 + 1,5 milliards), il est clair que la consommation effective en Irlande pour cette période est restée à plus de 6 milliards de cigarettes et n’a pas diminué depuis 2003. Cette statistique est étayée par l’évolution de l’incidence du tabac entre 2000 et 2009, qui pour la population irlandaise adulte est restée à peu près stable à environ 30% Conclusions Ces fortes hausses du droit d’accise entre 2000 et 2009 n’ont pas entraîné la baisse de la consommation totale ni celle de l’incidence du tabagisme qui était le principal objectif de santé à l’origine de ces augmentations. La grande disponibilité des cigarettes issues du commerce illicite, tout en alimentant le crime organisé, a permis aux fumeurs adultes et aux jeunes d’accéder à des produits peu chers et non contrôlés. La politique de fortes hausses du droit d’accise a également été contre-productive du point de vue des revenus de l’Etat. En effet, en 2001, l’augmentation massive du droit d’accise de EUR 155 en 2001 à EUR 261 pour 1000 cigarettes (hausse de 68%) n’a pas permis à l’État irlandais de faire des bénéfices fiscaux mais, au contraire, cette augmentation a fait stagné ses revenus. Les limitations de cette politique de fortes hausses ont été reconnues par le ministre des Finances irlandais, qui a déclaré lors de l’annonce du budget le 9 décembre 2009 : « J’ai décidé de ne pas modifier le droit d’accise sur le tabac dans le cadre de ce budget, car je crois que les prix élevés du tabac entraînent une augmentation massive de la contrebande de cigarettes. Or j’ai le devoir, en tant que ministre des Finances, de protéger les recettes fiscales. » 17 5.2 Facteurs favorisant le commerce illicite En plus des principaux moteurs économiques, il existe un grand nombre de facteurs ayant une influence significative sur l’incidence et l’ampleur du commerce illicite. Citons notamment les politiques de taxation du tabac non équilibrées, les mesures de protectionnisme, des mesures coercitives inadéquates, l’exploitation de zones franches, des législations et des sanctions insuffisantes ainsi que la tolérance du public. 5.2.1 Politique de taxation du tabac Dans la plupart des pays, le tabac est considéré comme un candidat idéal pour engranger des recettes fiscales. En effet, sa consommation dans le monde est importante, la demande est relativement inélastique et les externalités négatives justifient la taxation. En fait, le tabac est soumis à des taxes spéciales depuis le XVIIe siècle et aujourd’hui, tous les pays imposent au moins une taxe sur les produits du tabac, qu’il s’agisse du droit d’accise, de droits d’importation, de la TVA/ taxe sur les ventes ou d’autres taxes du même ordre. Hormis quelques exemptions légales (p. ex. franchises de taxes pour les voyageurs), toutes ces taxes doivent être payées dans le pays de consommation. Le droit d’accise est généralement la taxe principale et la composante principale du prix de détail final. En plus de constituer pour les gouvernements une source de revenus sûrs, prévisibles et faciles à collecter, les taxes sur le tabac sont utilisées par les gouvernements comme instrument politique pour décourager la consommation de tabac. L’inconvénient d’une politique de taxation du tabac non équilibrée, c’est qu’elle peut être à l’origine du commerce illicite. Afin d’optimiser les revenus fiscaux à long terme et éviter le développement d’un marché illégal, il est donc essentiel que les gouvernements adoptent une approche modérée dans l’imposition de droits d’accise. Dans la mise en œuvre d’un principe d’optimisation, la politique fiscale doit refléter trois choses : ■ Des prix abordables pour les consommateurs – le niveau des taxes sur les cigarettes devrait être fixé en fonction du pouvoir d’achat des consommateurs ; ■ Un taux d’imposition dans les pays voisins ou au sein d’un bloc commercial - pour minimiser l’attrait des achats transfrontaliers et de la contrebande ; ■ Une facilité de gestion et d’application des lois - pour minimiser la bureaucratie et les coûts de conformité fiscale. 24 18 Les fortes hausses des droits d’accise qui entraînent une baisse soudaine de l’abordabilité pour les consommateurs ont tendance à être des moteurs particuliers de l’émergence du commerce illicite comme l’a récemment prouvé l’expérience irlandaise citée en page précédente. Le Canada est un autre exemple attestant que certaines circonstances peuvent avoir pour conséquence un renforcement du commerce illicite. Ces exemples montrent que les politiques fiscales peuvent être contre-productives aussi bien en matière de revenus qu’en matière de santé. À cet égard, la Banque mondiale a déclaré ce qui suit : « Le potentiel de contrebande du tabac peut limiter les augmentations des taux d’imposition. Lorsque l’on fixe les taux d’imposition, il faut tenir compte du risque de contrebande, du pouvoir d’achat des consommateurs locaux, des taux d’imposition en vigueur sur les marchés voisins ainsi que de la capacité et de l’efficacité des autorités fiscales pour faire respecter les lois. »24 5.2.2 Des mesures protectionnistes Les restrictions à l’importation, les droits d’entrée prohibitifs et toutes les autres mesures protectionnistes visant à instaurer des obstacles techniques au commerce alimentent le commerce illicite, la demande de marques internationales de la part des consommateurs étant un fait établi. La Chine illustre parfaitement cette situation : comme les importations de marques étrangères y sont limitées par de stricts quotas, ces dernières restent inaccessibles légalement à une grande majorité de consommateurs. 5.2.3 Des mesures répressives inappropriées Dans bien des cas, les lois promulguées en vue de contrer le commerce illicite ne sont pas appliquées correctement, et ce pour diverses raisons. Contrôles officiels Contrôler des millions de mouvements de marchandises au-delà des frontières requiert énormément de ressources et la participation des Autorités de contrôle tant au niveau national qu’au niveau international. Il y a un besoin d’agents formés dans les domaines de la prévention, du renseignement, de la détection et de l’investigation, de même qu’un système informatique de sauvegarde des données pour le renseignement, l’évaluation des risques, l’affectation des ressources et les comptes rendus d’intervention. La coopération transfrontalière est elle aussi indispensable. Les unités d’intervention mobiles ont besoin de matériel de transport, de scanners mobiles et de technologies les plus récentes. Kit d’outils sur le tabac de la Banque mondiale, Ayda Yurekli outil 4: Concevoir et gérer les taxes sur le tabac, quel est le bon taux d’imposition ? / Evaluer l’impact des droits d’accise sur le tabac, page 22. Étude de cas sur l’évasion fiscale : la fabrication de produits du tabac dans certaines Réserves des Premières Nations (Peuples Indigènes) Situés à la frontière entre le Canada et les ÉtatsUnis, les territoires des Premières Nations se prêtent très facilement aux activités transfrontalières illicites. Certaines des Premières Nations estiment que la fabrication et la vente exonérée d’impôts de produits du tabac relèvent du droit souverain de leurs citoyens, sans intervention du gouvernement fédéral ou provincial. Étant donné la réticence des autorités à faire appliquer les lois et réglementations relatives au tabac dans les réserves, la fabrication illégale ainsi que la vente (exonérée d’impôts) de produits du tabac n’ont fait qu’augmenter ces dix dernières années. Des usines, disposant ou non d’une autorisation, fabriquent et commercialisent des produits du tabac dont les droits ne sont pas acquittés, et qui sont disponibles directement dans des points de vente des réserves ou fournis en gros à des distributeurs illicites, qui les vendent à leur tour à des consommateurs en dehors des réserves. D’après la Gendarmerie Royale du Canada, une centaine de groupes du crime organisé sont impliqués dans ce trafic de tabac. Une série d’augmentations conséquentes des taxes sur le tabac entre 2001 et 2005 a incité les consommateurs à acheter ces produits de contrebande. Des sachets en plastique transparents contenant 200 cigarettes illégales se vendent désormais pour la modique somme de CAD 10, contre plus de CAD 70 en moyenne pour la même quantité vendue légalement. En 2008, le commerce illicite des produits du tabac représentait 32,7% de la consommation canadienne; dans les provinces les plus peuplées, Ontario et Québec, les taux de contrebande atteignaient 48,6% et 40,1% respectivement. Ces produits de contrebande n’étaient conformes à aucune des lois et réglementations Pour des raisons géographiques, un contrôle exhaustif des frontières est difficile à mettre en œuvre dans de nombreux pays. Dans la plupart des cas, la contrebande survient à des points d’entrée et de sortie connus (ports, ponts, routes principales, aéroports et zones franches). L’insuffisance des contrôles à ces points, souvent conjuguée à la corruption à un degré plus ou moins important, permet aux contrebandiers de transporter de grandes quantités de produits sans se faire remarquer. Cette situation ne fait que s’aggraver dans les pays ou les régions en proie à l’instabilité politique. Marchandises en transit et en transbordement Les marchandises en transit désignent celles qui ont quitté leur point d’expédition, de chargement ou d’embarquement, mais qui n’ont pas encore atteint le lieu de réception, de déchargement ou de livraison. Le transbordement consiste à expédier des marchandises vers une destination intermédiaire, canadiennes en matière de produits du tabac (p. ex. avertissements de santé, papier à propension inflammable réduite, essais et divulgation des ingrédients) et représentaient, en 2008, une perte fiscale d’environ CAD 2,4 milliards. La perte de revenus subie la même année par l’industrie légale du fait du commerce illicite est estimée à CAD 900 millions. Et pour les détaillants, le manque à gagner s’élevait à CAD 2,5 milliards en 2009. La même année, 2 300 commerces de détail ont fermé leurs portes, principalement à cause de la baisse du volume des ventes. Enfin, les saisies par les autorités ont été 33 fois plus importantes qu’en 2001, mais ne représentaient encore que 2% du volume total du commerce illicite. Ces deux dernières années, des progrès ont été réalisés au Canada. La prévalence des produits du tabac illégaux a diminué à 19%, ce qui reflète la baisse observée dans les provinces de l’Ontario et du Québec. C’est dans l’Ontario que cette prévalence reste la plus élevée, avec 32,4%. Dans la province du Québec, les produits du tabac illégaux représentent 17,9% du marché total. En 2009, les gouvernements provinciaux ont instauré de nouvelles mesures coercitives, notamment une présence accrue des forces de police, une gestion plus rigoureuse des feuilles de tabac ainsi qu’une surveillance et des contrôles aux frontières plus stricts. Jusqu’à présent, les mesures prises visaient à mieux faire respecter les lois. Cependant, le niveau élevé de l’accise va continuer d’inciter à la fabrication et à la vente de cigarettes illicites à bas prix pour répondre à la demande des consommateurs. Pour parvenir à éradiquer ce trafic, les gouvernements doivent rechercher des solutions pragmatiques et durables impliquant les communautés des Premières Nations. puis de cette dernière vers une autre destination. Souvent, cette pratique est utilisée lorsque le mode de transport change pendant le trajet (passage du transport maritime au transport routier, par exemple). Une grande partie du transbordement international a lieu dans des zones douanières désignées, dans lesquelles aucun contrôle ni droit de douane n’est appliqué. L’OCDE et l’OMC ont toutes deux exprimé des craintes liées aux lacunes d’une législation inadéquate, des contrôles et de l’application des mesures concernant les marchandises en transit. Dans son rapport sur la criminalité publié en 2007, l’OCDE indique que bien souvent, les marchandises en transit sont expressément exclues des interdictions applicables aux produits contrefaits, et qu’en conséquence, elles ne peuvent pas être interceptées. 19 Le tableau ci-dessous dresse la liste des catégories concernées. Principales catégories des cas de fraude en matière de transit Non-respect des procédures de transit. C’est le moyen le plus simple de commettre une fraude en matière de transit. Les marchandises « disparaissent » quelque part entre le bureau douanier de départ et le bureau de destination. Détournement de la procédure de transit. Les criminels peuvent donner l’impression que les droits relatifs à une opération de transit ont été acquittés en utilisant des timbres officiels volés ou falsifiés, ou des faux documents en guise d’exemplaires de retour. Fraude liée à la garantie du transit. Cette fraude peut passer par l’utilisation illicite d’une garantie authentique ou d’un certificat de garantie falsifié. Description erronée des marchandises. Il s’agit d’un cas fréquent de fraude douanière qui consiste à déclarer des marchandises sensibles ou soumises à des taxes élevées comme étant des marchandises non sensibles ou soumises à de faibles taxes lors du transit. Dissimulation ou substitution de marchandises pendant le transport. Autre cas fréquent de fraude douanière qui implique parfois la falsification des scellés douaniers sur les camions. L’étude de cas suivante décrit une situation dans laquelle la législation applicable aux marchandises en transit comporte des lacunes : Zones franches 25 Les zones franches sont créées par les gouvernements en vue d’y attirer les entreprises et les capitaux étrangers. Elles facilitent les échanges commerciaux, car elles ne sont pas soumises aux tarifs douaniers ni aux quotas, et limitent à un minimum les exigences administratives comme les procédures douanières et les obligations d’information. Les organisations criminelles profitent des zones franches pour passer des produits illicites en contrebande ou les faire entrer sur le marché domestique, voire pour mettre sur pied des unités de production de marchandises de contrefaçon et de contrebande. La saisie de conteneurs de cigarettes dans les zones franches montre que ces dernières sont souvent déclarées comme étant des marchandises légales. Nombre de cargaisons saisies ces dernières années étaient destinées à se trouver plusieurs fois en transit/transbordement, certaines d’entre elles étant passées par cinq points de transit/ transbordement avant d’être saisies. L’insuffisance des contrôles douaniers est le principal facteur à l’origine de cette situation. L’OCDE26 a identifié l’utilisation excessive des zones franches comme étant le principal moteur du commerce illicite. Elles sont parfois gérées comme des zones ne faisant pas partie du territoire douanier d’un pays. Étude de cas : en Égypte, les autorités douanières ne disposent pas d’un pouvoir légal clair pour saisir des marchandises contrefaites en transit De par sa position géographique stratégique entre l’Asie et l’Europe, l’Égypte constitue une plaque tournante de transbordement et de transit pour cigarettes contrefaites. Le droit de la propriété intellectuelle égyptien comporte d’importantes lacunes qui empêchent les officiers de douane de lutter efficacement contre le transbordement et le transit de ces contrefaçons. En effet, la législation nationale ne leur confère pas explicitement l’autorité de saisir les marchandises qui enfreignent les droits de propriété intellectuelle (DPI) étant en transit. La réglementation des Frontières (lois concernant les importations et exportations, qui dépendent du ministère de Commerce et de l’Industrie) se prête à des interprétations diverses et est susceptible de semer la confusion lorsqu’elle est appliquée parallèlement à la législation douanière (qui dépend du ministère des Finances). Par conséquent, les agents douaniers et judiciaires chargés de traiter les cas liés aux DPI bien souvent ne savent pas quoi faire. Ainsi, les autorités 25 26 20 douanières, en proie aux doutes, n’ont parfois d’autre choix que de laisser passer des envois dans les zones de libre-échange égyptiennes. Dans de nombreux cas, leur seule option est de coopérer avec leurs homologues dans le pays de destination des marchandises. En 2009, deux conteneurs transportant environ 17 millions de cigarettes de contrefaçon se trouvaient en transit à Port Saïd. Grâce au soutien constant des douanes pendant deux mois, le détenteur des droits a pu initier une procédure légale, mais il n’a pas été en mesure d’obtenir un ordre de saisie du procureur général. Le 17 décembre, les deux conteneurs ont été autorisés à partir pour Mersin, en Turquie. Le 25 décembre, les autorités douanières turques saisissaient les conteneurs à leur arrivée dans la zone de libre-échange de Mersin, bien qu’ils se trouvaient en transit pour Famagusta, dans la République Turque de Chypre du Nord. Ce cas illustre l’inefficacité du système actuel de protection de la propriété intellectuelle en Égypte. En 2002, on recensait environ 3000 zones franches dans 116 pays. Rapport de l’OCDE, « The economic impact of counterfeiting and piracy », 2007. Par conséquent, les marchandises qui y entrent ou en sortent sont soumises à des contrôles douaniers réduits au strict minimum. L’OMD a reconnu que les douanes devaient disposer d’un pouvoir légal clairement défini pour surveiller les marchandises en transit et dans les zones franches, reconnaissant que dans certains cas, il était difficile de déterminer si le gouvernement ou les autorités douanières avaient la compétence d’y effectuer des contrôles . 27 Une étude récente portant sur les contrôles effectués dans les zones franches indique que, même lorsque la législation adéquate existe, les mesures répressives sont parfois insuffisantes en raison de la pression exercée sur les autorités douanières pour assouplir les contrôles dans le but de stimuler la croissance économique. La saisie et la destruction des produits et du matériel utilisés pour fabriquer des cigarettes de contrefaçon sont des éléments essentiels de la législation et constituent un moyen efficace pour lutter contre le commerce illicite. 5.2.4 Insuffisance de la législation et des sanctions Dans de nombreux pays, les instances chargées de faire respecter les lois ne disposent pas de l’autorité suffisante pour intervenir efficacement, le commerce illicite des produits du tabac étant considéré comme une infraction relativement mineure. C’est ce qui attire les organisations criminelles, pour qui la contrebande de cigarettes est une activité rentable et peu risquée, punie par des sanctions moins lourdes que celles appliquées lors des trafics de drogue, d’êtres humains ou d’armes, par exemple. 27 28 Le témoignage suivant d’un (ex-) contrebandier, qui figure dans le rapport de 2008 intitulé « Tobacco and Terror » du personnel de la Commission sur la sécurité intérieure de la Chambre des représentants des États-Unis, illustre les limites de l’effet dissuasif de la loi américaine (toujours en vigueur) : «La seule crainte des contrebandiers de tabac est de perdre une cargaison de cigarettes. Nous n’avons pas peur des sanctions pénales. Nous pouvons être contrôlés, notre cargaison peut être saisie et nous pouvons même être arrêtés ; mais tout cela a très peu de risques d’arriver. Dans le pire des cas, nous irions en prison pendant deux mois, avant d’être libérés et de recommencer. Imaginez-vous qu’un petit trafiquant comme moi peut gagner USD 50 000 par mois en ne travaillant que quelques heures par semaine. Les gros bonnets brassent des centaines de milliers de dollars par semaine, dont une grande partie part au Moyen-Orient en espèces ou dans le cadre de transactions commerciales. » Les pays qui ne disposent pas de sanctions dissuasives strictes, et notamment du pouvoir de confisquer les recettes du crime, se mettent d’office dans une position de faiblesse dans la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac. En outre, comme le montre l’étude de cas décrite à la page précédente, la destruction des marchandises et du matériel saisi utilisé pour fabriquer des produits du tabac illicites, devrait être obligatoire. Dans certains pays, les marchandises et le matériel saisis sont vendus aux enchères – ce qui provoque leur retour immédiat sur le marché noir. WCO Guidelines on Controlling Free Zones in Relation to IPR Infringements, par. 3 (12 janvier 2005). Charles Kendall & Partners , « What is Effective Legislation », www.ITICnet.org (2009). 21 Etude de cas : la zone franche de Jebel Ali aux Emirats Arabes Unis (EAU) Il existe aux EAU de nombreuses zones franches situées dans ou à proximité des ports maritimes et abritant 15 usines de production de cigarettes. Neuf d’entre elles se trouvent dans la zone franche de Jebel Ali (JAFZA), quatre dans celle de Fujairah, une dans celle de Sharjah et une autre dans celle d’Ajman. A JAFZA, l’importante production de cigarettes de contrefaçon destinées principalement aux pays d’Afrique occidentale, est notoire. De fausses cigarettes provenant de JAFZA ont été trouvées au Ghana, mais aussi en Inde, en Afghanistan, en Irak, en Iran, dans différents pays d’Asie du Sud-Est, dans les Balkans, en Europe de l’Est et de l’Ouest et dans d’autres États du Moyen-Orient. Créée en 1985, la zone franche de JAFZA accueille 100% de sociétés étrangères, qui sont libres d’y employer qui elles veulent. Il n’y a aucun impôt sur les sociétés ni de taxes à l’importation ou à l’exportation. Depuis 2003, les entreprises internationales peuvent établir des sociétés offshores à JAFZA en bénéficiant d’un rapatriement illimité des capitaux et des bénéfices. L’autorité de la zone franche délivre des licences pour les activités de commerce, services et fabrication dans l’enceinte de la zone. JAFZA compte 54 sociétés enregistrées dans la catégorie « tabac et cigarettes ». Parmi elles, Concord Tobacco International FZE est associée depuis longtemps à la fabrication de cigarettes de contrefaçon et a des liens avec des installations en Afghanistan et en Irak. En mai 2008, les services de sécurité de l’État et les autorités douanières de Dubaï ont fait une descente dans les locaux de Concord Tobacco, où ils ont trouvé deux conteneurs pleins de cigarettes de contrefaçon, ainsi que de grandes quantités d’emballages contrefaits, de cigarettes en vrac et de composants autres que le tabac. 5.2.5 Tolérance du public Le commerce illicite est alimenté par la demande des consommateurs. En général, ces derniers savent pertinemment qu’ils achètent des produits de contrebande ou de contrefaçon, mais ils n’y renoncent pas afin de faire des économies. Parallèlement, le grand public n’a pas toujours conscience des conséquences du commerce illicite des produits du tabac, qu’il considère comme un délit sans victime. Lors d’une étude 29 menée auprès de fumeurs dans des zones socialement défavorisées au Royaume-Uni, Wiltshire et al. ont découvert que cette attitude n’était pas un motif de honte pour ces derniers, mais au contraire, un moyen de défier ce qu’ils perçoivent comme une injustice. Ils ont noté que presque tous les participants ont fait part de leur insatisfaction vis-à-vis du prix des produits du tabac légaux, qu’ils estiment injuste et pénalisant pour les consommateurs à petits revenus. Une étude récemment réalisée par l’ONG Action on Smoking and Health (ASH) révèle des résultats similaires: « Les mesures que le public estime excessives sont susceptibles d’accroître la tolérance vis-à-vis du commerce illicite. »30 29 30 22 Wiltshire et al. «They’re doing people a service» - qualitative study of smoking, smuggling and social deprivation, British Medical Journal (2001). The Illicit Tobacco Trade: Monitoring and Mitigating Risk in New Zealand, ASH Action on Smoking and Health, p.3 (juin 2010). Etude de cas : les procédures nécessaires pour la destruction obligatoire du matériel ou des machines utilisés à des fins de contrefaçon en Russie Bien que selon le Chapitre 4 du Code Civil russe, tout matériel (y compris les machines) ayant servi à produire des cigarettes contrefaites doit être détruit, celui saisi lors des raids dans les usines de production n’est pas détruit. Cela s’explique par le fait que la procédure de destruction n’est pas clairement définie dans le Code de Procédure Pénale russe. Dans la plupart des cas, les tribunaux se contentent de demander la saisie du matériel, sans exiger sa destruction. De même, lorsqu’une procédure pénale est suspendue, les juges ne disposent d’aucune instruction claire sur ce qu’ils doivent faire des preuves matérielles, des machines et des produits contrefaits. Les détenteurs de droits sont autorisés à participer au processus de destruction, mais n’y sont pas formellement tenus. Ils ne sont pas non plus avertis de manière officielle de la destruction. Dans les cas où aucune personne physique ou morale n’est identifiée comme contrevenant, la loi russe ne spécifie pas à qui incombent les coûts de la destruction, qui peuvent être conséquents lorsque des appareils de haute technologie ont été utilisés pour fabriquer les produits contrefaits. Etant donné l’absence de dispositions procédurales claires concernant la destruction, le matériel et les machines saisis peuvent très facilement rejoindre à nouveau le circuit criminel et être réutilisés dans de futures opérations de contrefaçon. dispositions claires dans le Code de Procédure Pénale, qui : (1) stipulent que les tribunaux doivent ordonner la destruction du matériel et des machines dont il a été prouvé qu’ils ont servi à fabriquer des contrefaçons ou qui étaient destinés à servir dans la fabrication de contrefaçon ; (2) confèrent aux tribunaux l’autorité et l’obligation d’ordonner la destruction des preuves matérielles lorsqu’une procédure pénale est suspendue et qu’il a été démontré que lesdites preuves matérielles étaient contrefaites, ou, dans le cas de matériel et de machines, qu’ils ont servi à fabriquer des contrefaçons; (3) prévoient une procédure de destruction du matériel ou des machines utilisés pour fabriquer des contrefaçons (4) prévoient que les détenteurs de droits participent au processus de destruction; (5) prévoient que les détenteurs de droits reçoivent une notification écrite formelle de la destruction; (6) précisent qui doit prendre en charge les coûts de la destruction lorsqu’aucune personne physique ou morale n’a été identifiée comme contrevenant. Ce problème pourrait être résolu par l’instauration de La saisie et la destruction des produits et du matériel utilisés pour fabriquer des cigarettes de contrefaçon sont des éléments essentiels de la législation et constituent un moyen efficace pour lutter contre le commerce illicite. 23 6. Comment faire face à ce problème ? Les gouvernements qui entendent lutter contre le commerce illicite des produits du tabac de façon exhaustive doivent avant tout faire preuve d’une détermination politique sans faille pour s’atteler aux multiples facettes de ce problème. C’est une nécessité pour garantir la disponibilité des ressources financières adéquates, la fixation d’objectifs et la présentation régulière de rapports d’avancement permettant d’évaluer les progrès réalisés (ou non). Dans ce chapitre, nous dressons la liste des principaux éléments devant être évalués, et au besoin, modifiés ou appliqués, dans le cadre d’une approche exhaustive. Résumé des caractéristiques clés d’une stratégie globale pour lutter contre le commerce illicite des produits du tabac • Cerner l’ampleur et la nature du problème et en suivre l’évolution. • Évaluer les principaux facteurs favorables, notamment lors des contrôles de fabrication et d’exportation, les zones franches, les opérations de transit, etc. • Disposer d’une politique fiscale et d’un système de recouvrement des impôts équilibrés. • Analyser les lois et réglementations existantes pour s’assurer qu’elles fonctionnent, que les sanctions sont appropriées et qu’elles ont un effet dissuasif. • S’assurer que le corps judiciaire est conscient de la gravité du délit et de la nécessité de détruire les marchandises et le matériel illicites dans les meilleurs délais. • 24 Développer une stratégie d’application des lois englobant toutes les autorités nationales concernées et garantir que ces dernières disposent des pouvoirs nécessaires pour agir efficacement. • Allouer suffisamment de ressources financières aux Autorités de contrôle. • Agir sur la demande en informant le public des implications du commerce illicite des produits du tabac. • Créer et consolider des partenariats entre les autorités nationales et internationales. • Coopérer avec des acteurs industriels licites pour exploiter au mieux les ressources et les informations combinées. 6.1 Cerner l’ampleur et la nature du commerce illicite Pour commencer, les gouvernements et les Autorités de contrôle doivent cerner l’ampleur et comprendre les implications du commerce illicite des produits du tabac, identifier les parties prenantes et les liens avec le commerce illicite d’autres marchandises. Il existe plusieurs indicateurs de l’existence du commerce illicite des produits du tabac et de sa progression, notamment: ■ Une baisse inexpliquée des ventes sur le marché légal, que les industriels et les commerçants sont en général les premiers à remarquer ; ■ Des perturbations dans le flux des recettes de l’État ; ■ Une augmentation des saisies de produits illégaux – en termes de fréquence ou de quantité ; ■ L’apparition de marques qui ne présentent pas les bons marqueurs ou qui ne sont pas distribuées et vendues légalement dans le pays ; ■ Des changements dans les résultats des enquêtes sur le commerce illicite. Les résultats issus de méthodologies solides jouent généralement un rôle clé pour sensibiliser les autorités et le grand public à la gravité du problème et peuvent servir à influencer l’allocation des ressources. 6.2 Évaluer les principaux facteurs qui favorisent le commerce illicite Voir le chapitre 5, et le point 5.2 en particulier. 6.3 Une politique fiscale et un système de recouvrement des impôts équilibrés Le droit d’accise sur les cigarettes devrait avoir pour principal objectif d’optimiser, à long terme, les recettes fiscales – voir aussi point 5.2.1. Lorsqu’il fixe un taux d’imposition, le gouvernement en question devrait tenir compte du niveau de développement économique, du pouvoir d’achat des consommateurs et des taux d’imposition appliqués dans les pays voisins. L’expérience montre qu’une hausse drastique de l’accise est très susceptible de provoquer l’apparition ou le développement du commerce illicite. Différentes méthodes sont utilisées selon les pays pour recouvrer et contrôler les recettes fiscales sur les produits du tabac. Le cadre administratif de l’accise est généralement fondé sur le contrôle de la production des usines, des entrepôts de douane et des volumes importés. En complément, des marqueurs fiscaux (timbres fiscaux imprimés ou codage numérique) peuvent être apposés sur chaque emballage de vente. Ces marqueurs peuvent être utilisés soit comme un mécanisme de contrôle supplémentaire, soit comme un moyen de paiement de l’impôt proprement dit (c’est-à-dire qu’ils contiennent le paiement de la taxe relative au produit auquel ils s’appliquent). Cependant, même les systèmes de timbres fiscaux imprimés les plus sophistiqués ne suffisent pas à protéger totalement le marché contre la menace que constituent les produits illicites, ni à préserver les recettes de l’accise. Tout comme les cigarettes, les timbres fiscaux imprimés font l’objet de contrefaçons de très grande qualité, généralement quelques semaines seulement après leur apparition. Ils peuvent également être volés et réutilisés par les contrebandiers. Grâce à la technologie actuelle, le recouvrement et le contrôle fiscal peuvent passer par une solution numérique, beaucoup plus sûre. Elle fonctionne sur la base d’une technique unique et sophistiquée, selon laquelle un code numérique est imprimé directement sur l’emballage, remplaçant ainsi timbres et marqueurs fiscaux. Ce code peut être lu facilement et peut aussi servir de moyen d’authentification, étant donné que la reproduction d’un code crypté authentique est quasiment impossible. Les gouvernements obtiennent ainsi en temps réel des informations sécurisées sur le volume de cigarettes fabriquées pour et dans leur pays. Le montant des droits d’accise que doit payer chaque fabricant et chaque importateur est donc totalement transparent. La certification fiscale numérique relative aux produits du tabac est parfaitement conforme aux initiatives de l’e-gouvernement et des douanes électroniques. Le certificat fiscal numérique est la méthode de demain. Il s’agit, en effet, du système présentant le meilleur rapport coût-efficacité, il est accessible aux pays développés comme aux pays émergents.31 31 6.4 Des lois et réglementations efficaces Pour être efficace, la législation doit être claire et simple à appliquer, et doit conférer aux instances répressives le pouvoir d’intervenir. Les principales exigences légales incluent : ■ Des infractions clairement définies et des sanctions adéquates ; ■ La destruction systématique de tous les produits du tabac, matières premières, matériel de fabrication et composants saisis. Dans certains pays, aucune loi ne régit la destruction des marchandises saisies, ce qui sème la confusion et empêche que ces dernières soient détruites rapidement ; ■ Des moyens de recouvrer le montant des pertes fiscales et des coûts liés à la destruction des marchandises saisies, en confisquant les biens par exemple ; ■ Le contrôle de la chaîne de distribution (p. ex. les licences de fabrication et les marquages de sécurité) ; ■ Des mesures strictes pour protéger les propriétaires de marques contre les infractions au droit de la propriété intellectuelle. Pour lutter au mieux contre le commerce illicite, les attributions des douanes doivent parfois être renforcées et clarifiées, afin d’écarter toute ambiguïté au niveau des compétences juridictionnelles. Il est capital que la destruction des biens confisqués ait lieu dans un délai raisonnable, pour éviter que ces derniers ne soient réutilisés dans le cadre du commerce illicite. Dans tous les cas, il est recommandé que la loi interdise aux instances publiques de vendre aux enchères ou de toute autre façon, les biens qui ont été saisis et qui sont directement liés à la fabrication ou à la vente de produits du tabac, y compris les cigarettes de contrebande ou de contrefaçon, l’équipement de fabrication et les matières premières des produits du tabac ou des composants autres que le tabac. Comme règle de base, toute mesure réglementaire visant à réduire la consommation de tabac devrait prendre en considération l’impact potentiel qu’elle pourrait avoir sur le commerce illicite. Pour plus d’informations sur le certificat fiscal numérique, consulter le site www.ITICnet.org 25 Les autorités devraient veiller à ce que toutes les mesures élaborées pour réduire la visibilité, la disponibilité et, d’un point de vue légal l’accessibilité, des produits du tabac pour les consommateurs soient soigneusement examinées par les Autorités de contrôle avant d’être mises en œuvre, afin de ne pas donner d’impulsion involontaire au commerce illicite : ■ En empêchant les autorités sanitaires et les Autorités de contrôle d’identifier les produits illicites ; ■ En compliquant, l’identification de la contrebande par les instances publiques, et la distinction entre les produits contrefaits et les produits authentiques par les acheteurs ; ■ En aidant les détaillants qui ont choisi de se livrer au commerce illicite à écouler leurs produits illégaux par le mélange de ceux-ci avec des produits authentiques. 6.5 Un système judiciaire qui fonctionne bien En définitive, le succès d’une stratégie de lutte contre le commerce illicite dépend en grande partie du système judiciaire et de sa capacité à traiter rapidement les cas soumis par les Autorités de contrôle. Les interventions des Autorités de contrôle doivent être fondées sur des lois adéquates, votées par les corps législatifs nationaux, doivent s’accompagner de sanctions appropriées et être utilisées par les tribunaux afin de mettre un terme à toute activité criminelle. 6.6 Répression Pour lutter de façon globale contre le commerce illicite, il est nécessaire de poursuivre une stratégie de répression ciblée et efficace. Sans elle, tous les éléments mis en place ne produiront que peu d’effets. L’élaboration d’une telle stratégie constitue souvent la première étape d’un nouveau processus, car on la considère comme la solution la plus rapide au problème. Toutefois, pour qu’elle soit efficace, des investissements considérables doivent être consentis dans des outils performants et du personnel compétent. 6.6.1 Investir dans des ressources adaptées et efficaces Au niveau national, les principales Autorités de contrôle sont généralement les douanes, les gardesfrontières et certaines unités de police spécialisées. La qualité de la formation des agents impliqués est un aspect décisif dans la lutte contre le commerce illicite. Ces derniers doivent connaître les exigences 26 légales relatives aux poursuites judiciaires et être capables d’utiliser les outils informatiques et d’analyser les sources des données. Ils devraient en outre se tenir informés de l’évolution des méthodes utilisées dans les domaines de la technologie et du renseignement (par exemple les techniques de contrefaçon, etc.). L’encadrement, la direction, une rémunération adéquate et la sensibilisation aux aspects éthiques sont des éléments qui peuvent contribuer à mettre fin à la culture de la corruption. Un cadre d’application efficace suppose aussi d’investir dans des solutions technologiques permettant : ■ D’analyser les flux et les tendances de production, d’importation et d’exportation, d’évaluer les risques liés aux mouvements de marchandises en temps réel, les opérations de réaction en temps réel et le feed-back/l’analyse des résultats des interventions ; ■ De veiller à la sécurité de la chaîne de distribution en assurant le suivi et la traçabilité des produits tout au long de la chaîne de distribution, l’authentification des produits saisis et la vérification de l’impôt déclaré par rapport à la production. D’autres outils ont aussi prouvé leur efficacité, citons par exemple les chiens renifleurs et les scanners placés aux points de transit du commerce international. La recherche de renseignements de toutes les sources disponibles ainsi que l’analyse des saisies peuvent aussi aider à identifier plus facilement les changements de méthodes des trafiquants. 6.6.2 Eduquer le public Il serait important que chaque fois que les autorités fiscales ou de contrôles changent d’orientation stratégique, elles nouent un dialogue serré avec le public afin qu’il soit informé de leur nouvelle orientation. Les Media, tant au niveau national qu’au niveau local, constituent une excellente caisse de résonnance pour alerter l’ensemble de la population des implications du commerce illicite des produits du tabac et pour mettre en évidence les poursuites judiciaires réussies afin que ces dernières aient un retentissement maximum auprès de cette même population. Ci-dessous quelques exemples de publicités et de campagnes de sensibilisation du public au RoyaumeUni. Les autorités publiques et l’industrie se doivent de sensibiliser les consommateurs et le grand public à l’impact du commerce illicite, de mettre en évidence le rôle joué par les organisations criminelles et terroristes et d’illustrer les conséquences que peuvent avoir les achats récurrents de cigarettes illicites. 6.6.3 Exemples de stratégies d’application globales La prise de conscience par un gouvernement de la hausse du commerce illicite des produits du tabac et des effets indésirables qui en découlent constitue le moteur de l’adoption d’une stratégie de répression résolue. Plusieurs pays et organismes internationaux ont développé des stratégies globales pour lutter conte ce fléau. Outre le Royaume-Uni et la Hongrie, c’est notamment le cas de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et du monopole chinois du tabac (STMA). S’il est primordial de disposer d’une stratégie de contrôle globale pour lutter contre le commerce illicite, cette dernière ne peut pas à elle seule remplacer tous les autres éléments complémentaires requis, décrits aux points 6.1 à 6.8. Etude de cas : les investissements dans la stratégie d’application au Royaume-Uni et en Hongrie En mars 2000, le Royaume-Uni lançait une stratégie visant à lutter contre l’explosion de la contrebande de produits du tabac. Supervisée par le département britannique de la fiscalité et des douanes (Her Majesty’s Revenue and Customs, HMRC), cette stratégie incluait un accroissement conséquent des ressources humaines et des investissements technologiques. Depuis son introduction, les autorités britanniques ont démantelé plus de 370 gangs criminels impliqués dans la contrebande et l’approvisionnement de cigarettes illicites à grande échelle. Elles ont saisi plus de 16 milliards de cigarettes et plus de 1250 tonnes de tabac à rouler dans les ports et les aéroports, sur le territoire britannique ainsi que des cargaisons à destination du Royaume-Uni. L’État a engagé des poursuites judiciaires, émis des ordres de confiscation représentant plus de GBP 35 millions et obtenu gain de cause contre plus de 2000 personnes. Cette stratégie globale, associée à une politique d’accise révisée instaurant une augmentation annuelle de la taxe en fonction de l’inflation, a entraîné une contraction du marché des cigarettes illicites, dont la fourchette médiane est passée de 21% à 11% (fourchette de 5% à 17%) en 8 ans, ainsi qu’une réduction du marché du tabac à coupe fine, de 73% à 49%. Reste que d’après le HMRC, le manque à gagner fiscal serait toujours de GBP 4 milliards par an.32 Lors de son adhésion à l’UE, la Hongrie33 a dû augmenter rapidement ses droits d’accise, et s’est alors vue confrontée à une montée en flèche du commerce illicite. En 2004, le pays a donc élaboré une stratégie globale de lutte contre la contrebande de produits du tabac. L’accent a été mis sur le renforcement du personnel de la Direction des douanes et des finances en vue d’améliorer les contrôles des frontières, en particulier avec l’Ukraine, d’où provenaient la majorité des cigarettes passées dans le pays en contrebande. L’application de cette stratégie extrêmement efficace a permis de faire passer la part du marché illicite de 25% en 2005 à 7% en 2008. 32 33 http://www.hmrc.gov.uk/stats/measuring-tax-gaps-2010.htm.pdf Lt. Gen. Janos Nagy, présentation lors de la conférence de l’ITIC, « How Hungary is Making Inroads into the Illicit Tobacco Problem: Achievements of the Hungarian Customs & Finance Guard in the Field of Repressing Illicit Trade in Tobacco Products between 2004–2009 » (2009). 27 6.7 Coopération internationale En raison de l’envergure mondiale du problème et de l’implication de réseaux du crime organisé très sophistiqués disposant de ressources conséquentes, une coopération internationale active est nécessaire pour lutter contre le commerce illicite des produits du tabac et faire aboutir les enquêtes, arrestations et poursuites judiciaires contre les contrevenants. Quelques organisations internationales et régionales (OMC et OLAF notamment) disposent maintenant de personnel de liaison à des emplacements stratégiques partout dans le monde. Certaines autorités douanières, au Royaume-Uni et aux États-Unis par exemple, ont des réseaux similaires d’officiers de liaison qui au niveau local coopèrent avec les Autorités de contrôle et les autorités fiscales ainsi qu’avec les fabricants de produits du tabac pour déceler toute activité criminelle. L’étude de cas ci-dessous donne un exemple de coopération efficace entre les douanes et les Autorités de contrôle dans l’UE et aux États-Unis.34 6.8 Coopération avec l’industrie légale Pour que la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac soit efficace, les Autorités de contrôle et l’industrie légale doivent collaborer de façon constructive, dans un esprit de confiance mutuelle. 6.8.1 Protocoles d’accord Dans de nombreux pays, le cadre de la coopération entre les autorités et l’industrie légale a été formalisé par des protocoles d’accords volontaires (Memoranda of Understanding, MOU) qui complètent les lois et réglementations. En principe, ces protocoles ont pour éléments clé le partage des informations et l’assistance dans les domaines suivants : ■ Evaluation et mesure des niveaux et des sources du commerce illicite des produits du tabac et échange d’informations ; ■ Approche proactive pour résoudre le problème ; ■ Suivi des mouvements des produits du tabac et des autres produits (suspectés d’être) illicites dans le cadre de leur fabrication ; ■ Analyse et destruction des biens saisis. Etude de cas : un contrebandier de cigarettes condamné à une peine de prison aux ÉtatsUnis Pour la première fois, un ressortissant d’un pays tiers a été condamné aux États-Unis à une peine à une peine de prison pour fraude pour fraude (contrebande de tabac) contre les intérêts financiers de l’Union européenne et au versement d’une somme de USD 1,5 million au titre d’une action en restitution. Dans l’affaire dite « de Miami », le tribunal du District sud de Floride a condamné un citoyen américain à deux ans de prison et au versement de USD 1,5 million à l’Union Européenne pour avoir pris part à un trafic de millions de cigarettes de contrebande, vendues au marché noir dans l’Union Européenne. Cette peine a été prononcée à la suite d’une audience préalable, lors de laquelle Roman Vidal avait plaidé coupable d’avoir escroqué plusieurs millions d’euros de taxes et droits de douanes au contribuable européen. Le prévenu avait conspiré avec des personnes basées dans l’Union Européenne. Depuis le port de Miami, il avait fait entrer des cigarettes en contrebande dans certains pays de l’Union Européenne en les faisant passer pour d’autres biens et ce, notamment en Allemagne, en Irlande et au Royaume-Uni. Monsieur Nicolas LLett, Directeur Général faisant fonction 34 28 de l’OLAF, à l’annonce de la peine a déclar « ce nouveau résultat obtenu dans le cadre d’une vaste enquête internationale très complexe, coordonnée par l’OLAF est formidable. En plus des États-Unis, cette enquête a été menée dans neuf États-membres de l’Union Européenne et plusieurs pays d’Amérique Centrale et du Sud. 43 millions de cigarettes ont été saisies dans l’Union Européenne et 11 personnes ont été arrêtées. Nous sommes très reconnaissants aux services de l’immigration et des douanes (ICE) et au Département de la justice des États-Unis de leur excellente coopération et du soutien qu’ils nous ont apporté dans tous les aspects américains de cette affaire. M. Vidal va non seulement passer les deux prochaines années derrière les barreaux, mais il devra également rembourser les sommes qu’il a touchées illégalement. » M. Ilett a également tenu à remercier les services de l’Administration de la Fiscalité et des Douanes irlandaises, les Autorités Douanières Allemandes, la Garde Civile Espagnole et le Département Britannique de la Fiscalité et des Douanes, qui ont tous joué un rôle clé pour faire aboutir cette enquête et éviter davantage de pertes financières. Communiqué de presse de la Commission européenne, OLAF/10/2, Bruxelles (8 février 2010). Etude de cas : la coopération réussie entre les autorités de contrôle et l’industrie Le 1er septembre 2009, « W », un criminel à la tête d’un réseau international de contrefaçon basé en Allemagne a été condamné à deux ans de prison (sursis de trois ans) et à une amende de EUR 200 000 à payer au Trésor public et à des associations caritatives. Le prévenu a également versé EUR 2,5 millions de dommages et intérêts au propriétaire de la marque, Philip Morris International (PMI). Ancien homme d’affaires et vendeur d’automobile, l’individu dirigeait une entreprise illégale qui produisait des millions de cigarettes de contrefaçon. Ces dernières étaient fabriquées en Chine et en Corée du Nord avant d’être passées en contrebande dans divers pays d’Asie, d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique. L’étroite coopération entre les autorités de contrôle et le secteur privé a été la clé du succès. Ces activités illégales ont été mises à jour lorsqu’une des sociétés de W a acheté des composants autres que le tabac similaires à ceux utilisés dans les cigarettes Marlboro. Ces marchandises ont ensuite été transbordées vers la Corée du Nord via la Chine. Plus tard, l’enquête a révélé que certaines des sociétés de W, en apparence conformes à la loi, étaient liées à un réseau actif à Dubaï (Émirats Arabes Unis). Les sociétés de W possédaient six marques de cigarettes enregistrées dans plus de 80 pays. W exploitait des usines en Chine et en Corée du Nord, qui fabriquaient non seulement ses marques légales, mais également des millions de cigarettes Marlboro contrefaites. Pendant cette période, de nombreuses saisies de cigarettes contrefaites de marque Marlboro ont été effectuées en Europe et ailleurs. De plus, des analyses basées sur des techniques scientifiques d’investigations ont permis de découvrir qu’elles présentaient des caractéristiques techniques identiques - appelées « empreintes ». Les autorités de contrôle allemandes et suisses ont travaillé en étroite collaboration avec le propriétaire de la marque. Grâce au partage d’informations, et notamment à l’expertise en analyse scientifique fournie par le propriétaire de la marque, il a été possible d’établir un lien direct entre des échantillons de cigarettes Marlboro contrefaits qui avait été saisis et les activités de contrefaçon et de contrebande de W en Corée du Nord et en Chine. Cette coopération étroite a permis l’arrestation de W et de certains de ses complices, leur mise en détention, ainsi que leur inculpation pour plusieurs infractions criminelles liées à leurs activités. Au terme d’une enquête approfondie et d’un procès qui a duré quatre mois et demi, W été reconnu coupable de contrefaçon. Sans la coopération entre les autorités de contrôle et le secteur privé, il est probable que W n’aurait jamais été poursuivi ni condamné. 6.8.2 Les accords de coopération de l’UE L’UE a conclu des accords de coopération ayant force exécutoire avec les quatre principaux fabricants de tabac qui approvisionnent 95% de son marché (British American Tobacco, Imperial Tobacco, Japan Tobacco International et Philip Morris International). Aux termes de ces accords, les fabricants prennent les engagements suivants : • Assurer le suivi et la traçabilité des produits du tabac ; • Appliquer une politique de connaissance des clients ; • Suivre les dispositions visant à lutter contre le blanchiment d’argent ainsi que des procédures de paiement transparentes ; • Faire coïncider l’offre à la demande au niveau local. Les accords prévoient également des processus clairs dans les cas de saisies et une coopération étroite avec l’OLAF et les autorités de répression des États membres de l’UE. 29 7. Article 15 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac 7.1 Contexte La Convention-cadre pour la lutte antitabac de l’OMS (CCLAT) a été adoptée par l’Assemblée Mondiale de la Santé en mai 2003 et est entrée en vigueur en février 2005. L’article 15.1 de la FCTC stipule ce qui suit : « Les Parties reconnaissent que l’élimination de toutes les formes de commerce illicite de produits du tabac, y compris la contrebande, la fabrication illicite et la contrefaçon, et l’élaboration et la mise en œuvre d’une législation nationale dans ce domaine, en sus des accords sous-régionaux, régionaux et mondiaux, constituent des aspects essentiels de la lutte antitabac. » L’article 15 de la CCLAT comporte sept clauses qui ont actuellement force exécutoire pour plus de 170 gouvernements. En juillet 2007, la Conférence des Parties (COP), l’organe directeur de la CCLAT a décidé de créer un Organe Intergouvernemental de Négociation (INB) ouvert à toutes les parties de la Convention Cadre, en vue de négocier un protocole sur le commerce illicite des produits du tabac. Ce protocole vise à établir des obligations contraignantes plus détaillées pour les parties, en complément de celles énoncées à l’article 15 de la Convention Cadre, dans le but d’enrayer le commerce illicite des produits du tabac. Une fois que le protocole aura été adopté par la COP, il sera ouvert à la signature, à la ratification et/ ou à l’adhésion par les parties. Il entrera en vigueur comme loi internationale lorsqu’il aura été ratifié par 40 parties. Ce protocole constituera un traité multilatéral et, à ce titre, ne deviendra contraignant pour les parties que lorsqu’il aura été transposé dans le droit national en vigueur comme loi internationale lorsqu’il aura été ratifié par 40 parties. Ce protocole constituera un traité multilatéral et, à ce titre, ne deviendra contraignant pour les parties que lorsqu’il aura été transposé dans le droit national. Les trois éléments principaux du protocole, à savoir la sécurité de la chaîne de distribution , les infractions et l’application de la loi, ainsi que la coopération internationale sont détaillés ci-après. 7.2. Sécurité de la chaîne de distribution Le protocole vise à réduire le commerce illicite des produits du tabac en protégeant la chaîne de distribution légale. Les participants à cette dernière sont donc tenus de prendre des mesures pour éviter que les produits du tabac ainsi que les machines servant à la fabrication ne soient détournés vers les circuits illicites. Ces mesures visent à promouvoir une conduite des affaires responsable auprès de tous les participants quelle que soit la taille de leur activité. La sécurisation de la chaîne de distribution mondiale du tabac permettrait aux Autorités de contrôle de détecter non seulement à quel niveau les produits sont détournés vers le marché noir, mais aussi d’identifier les criminels qui pratiquent le commerce illicite. 7.2.1 Suivi et traçabilité L’article 7 prévoit l’établissement d’un régime de suivi et traçabilité pour combattre le détournement de produits originaux. Ce système doit faire partie intégrante de la lutte contre le commerce illicite. Le suivi désigne la capacité à observer le mouvement en amont et en aval des produits finis tout au long de la chaîne de distribution. La traçabilité correspond à la possibilité de remonter la filière de distribution jusqu’à un point donné afin de déterminer à quel moment le produit a été détourné vers les canaux illégaux. Il est absolument nécessaire de pouvoir partager et gérer ces données de façon cohérente à l’échelle mondiale, conformément aux normes internationales. Ce point est souligné dans le rapport d’experts de la CCLAT du 22 février 2010 sur le suivi et la traçabilité, intitulé « Analyse de la technologie disponible pour les marques uniques, compte tenu du régime international de suivi et de traçabilité proposé dans le texte de négociation d’un protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac. » 30 Ce rapport comprend une évaluation des systèmes et des approches actuellement disponibles pour satisfaire aux exigences du protocole en matière de suivi et de traçabilité. Les principaux points formulés dans le rapport sont les suivants : • L’agrégation des emballages primaires est fondamentale (c’est-à-dire établir des relations entre les palettes, les caisses35 et les cartouches). Il est essentiel de suivre un processus qui va du haut vers le bas, c’est-à-dire de commencer par le conditionnement du plus grand (palette ou caisse) afin d’arriver au plus petit. Il n’est pas possible d’effectuer directement le suivi des paquets sans passer d’abord par les niveaux intermédiaires ; • Les solutions les plus sophistiquées s’appuyant sur le concept de timbres fiscaux imprimés disponibles à l’échelle mondiale ne répondent pas aux critères proposés pour le suivi et la traçabilité. Elles ne sont pas compatibles avec les normes mondiales en matière de données ou de transfert de données, ni avec l’agrégation des emballages primaires ni avec le suivi des événements tout au long de la chaîne de distribution. En bref, ces systèmes de « timbres fiscaux imprimés » ne permettent pas de satisfaire aux exigences du protocole concernant le suivi et la traçabilité. 7.2.2 Identification des clients Les actants-clé de la chaîne de distribution doivent effectuer une vérification diligente concernant les clients (« premiers acheteurs »), qui consiste à : Standards Internationaux de Suivi et traçabilité British American Tobacco, Imperial Tobacco, Japan Tobacco International et Philip Morris International ont travaillé ensemble afin d’établir des normes du secteur répondant aux exigences internationales en matière de suivi et de traçabilité. Ces normes sectorielles comprennent : ■ Standardisation du codage « ouvert » : toutes les informations sont publiées dans un format standard, indépendamment du fabricant. Le standard ouvert est conforme aux normes de codage internationales ; ■ Standardisation du reporting : tous les rapports présentent le même format, indépendamment du fabricant, ce qui permet aux autorités douanières d’utiliser la même méthodologie pour lire le code, quel que soit le fabricant de la marque ; ■ Standardisation de la source du reporting: les organismes gouvernementaux peuvent avoir un seul point de contact pour les demandes de reporting. Ces normes permettent à tous les fabricants, quelle que soit leur taille, d’adopter une solution conforme au but recherché, en fonction de leurs systèmes, processus et ressources propres. Les informations recueillies par ces systèmes de suivi et de traçabilité incluent des données sensibles et confidentielles. Il demeure essentiel que les fabricants puissent se conformer à la législation en matière de protection des données. ■ Vérifier leur habilitation à vendre ou à acheter des produits du tabac ; ■ Déterminer si les transactions proportionnelles à la demande ; sont ■ Signaler les transactions suspectes ; ■ Mettre un terme aux relations d’affaires lorsqu’une infraction a été commise. 7.2.3 Tenue de registres Les actants principaux de la chaîne de distribution devraient tenir des registres complets et exacts de toutes les transactions sur cinq ans et les rendre accessibles aux autorités compétentes. Ces registres devraient être partagés avec les parties au protocole. 7.2.5 Zones franches Pour réduire le commerce illicite, les zones franches doivent être soumises aux dispositions du protocole (licences, entrepôt fiscal, tenue de registres, suivi et traçabilité). 7.2.6 Destruction La destruction du matériel de fabrication, du tabac, des composants autres que le tabac et des produits du tabac illicites confisqués est impérative pour éviter qu’ils ne reviennent dans le circuit illicite ou ne soient utilisés pour produire d’autres produits illicites. 7.2.4 Licences ou systèmes d’autorisation équivalents S’il s’accompagne de sanctions répressives et dissuasives efficaces, le système permettra de garantir que seules les entreprises légales et respectant la loi soient impliquées dans la production, l’importation et l’exportation de produits du tabac et de matériel de fabrication. 35 Une caisse contient généralement 50 cartouches de 200 cigarettes, soit 10 000 cigarettes. 31 7.3 Infractions et Répression Cette partie du protocole prévoit les aspects législatifs et répressifs liés à la lutte contre le commerce illicite. Elle énonce des conseils à l’intention des gouvernements en ce qui concerne les mesures à prendre pour faire face aux actes illicites, y compris les poursuites et les sanctions contre les activités criminelles ainsi que la responsabilité. Elle porte sur la perquisition et la saisie de preuves, la confiscation des avoirs, le recouvrement après saisie, la destruction des produits saisis et les techniques d’investigation. 7.4 Coopération Internationale Le protocole prévoit, sur base d’un accord commun, que toutes les parties coopèrent entre elles et avec les organisations internationales compétentes pour échanger, des informations sur le contrôle et la répression ainsi que sur les meilleures pratiques, et qu’elles coopèrent entre elles et/ou par l’intermédiaire des organisations internationales et régionales compétentes afin d’assurer la formation, l’assistance technique et la collaboration dans les domaines scientifique, technique et technologique. 7.5 Conclusions Le protocole peut être utile à toutes les parties prenantes dans la mesure où il constitue une plateforme qui crée un cadre législatif international permettant aux gouvernements de lutter contre le commerce illicite. Cependant, une répression rigoureuse est nécessaire, étant donné que la législation ne suffit pas à elle seule à éradiquer le commerce illicite. En outre, la coordination et la coopération internationales avec le secteur privé sont fondamentales pour lutter efficacement contre le commerce illicite. Une longue période de transition précédera l’application du protocole par les gouvernements nationaux. Il importe que les autorités mettent ce temps à profit pour préparer le secteur local du tabac ainsi que les instances répressives au protocole pour transposer ce dernier dans la législation nationale aussi rapidement que possible. Le Protocole ne sera pleinement effectif que lorsqu’il aura été appliqué par toutes les Parties à tous les actants de la chaîne de distribution. 32 Glossaire Autorisation : les autorités exigent habituellement qu’un entrepôt fasse l’objet d’une autorisation pour le stockage des marchandises en attente du paiement des taxes et pour certaines opérations spécifiques sur ces marchandises. L’entrepositaire et le propriétaire des marchandises dans un entrepôt fiscal peuvent aussi exiger une autorisation. Certification fiscale numérique : fonctionne sur la base d’une technique de codage numérique sophistiquée, par laquelle un code numérique est imprimé directement sur l’emballage en remplacement d’un timbre ou d’un marqueur fiscal. Code-barres : présentation d’informations pouvant être lues par voie électronique. Les codes-barres sont régis par des normes internationales. Conditionnement des cigarettes : un paquet contient généralement 20 cigarettes ; une cartouche, 10 paquets soit 200 cigarettes ; et une caisse, 50 cartouches, soit 10 000 cigarettes. Entrepôt fiscal / de douane : entrepôt autorisé pour le stockage de marchandises sans paiement de taxes ou de droits. Garantie : engagement pris par un garant de payer une somme d’argent à hauteur de ce qui est exigé par les autorités. Une garantie inclut généralement un système de restitution automatique. Matériel de fabrication : confectionneuses de cigarettes, empaqueteuses, machines à fabriquer et à assembler les filtres et autres machines utilisées pour fabriquer des produits du tabac. Dans ce contexte, la définition englobe tout le matériel remis en état, les pièces de rechange et les composants. Marqueur fiscal : marqueur indiquant qu’une taxe a été payée, mais qui n’a aucune valeur fiscale. Ordre de confiscation : un ordre de confiscation est émis une fois que le prévenu a été condamné ; ce dernier est ainsi privé des bénéfices obtenus grâce à son activité criminelle. Protocole : « Un protocole, dans le contexte du droit et de la pratique des traités, a les mêmes caractéristiques juridiques qu’un traité. Le terme « protocole » est souvent utilisé pour désigner les accords d’une nature moins officielle que ceux qualifiés de traités ou conventions. Généralement, un protocole amende, complète ou éclaircit un traité multilatéral. Un protocole est normalement ouvert à la participation des parties à l’accord auquel il se rapporte. Cependant, récemment, les Etats ont négocié un certain nombre de protocoles qui ne suivaient pas ce principe. Le protocole présente l’avantage de pouvoir approfondir un aspect spécifique de l’accord auquel il se rapporte, tout en restant lié à cet accord. 36 Sécurité : lorsque les marchandises sont stockées ou transportées en suspension de taxes/droits, la taxe due est normalement couverte par une garantie ou caution douanière. La sécurité est assurée par une garantie relative aux entrepôts et/ou aux mouvements. Suivi : fait de suivre le parcours que les produits vont effectuer dans la chaîne de distribution . Traçabilité : fait de retracer le parcours que les produits ont déjà effectué dans la chaîne de distribution . Timbre fiscal : un timbre fiscal est similaire à un timbre-poste apposé sur un paquet de cigarettes lors de la fabrication. Il peut aussi se présenter sous la forme d’une longue bande fixée au niveau de l’ouverture du paquet. Transit : système douanier permettant aux opérateurs de faire traverser à des marchandises un pays ou territoire sans payer les droits de douane normalement dus à l’entrée dans ce pays ou ce territoire. Vérification diligente : enquête raisonnable menée selon des méthodes ultramodernes avant le début ou dans le cadre d’une relation d’affaires, en vue de déterminer si un partenaire ou un partenaire potentiel respecte ses obligations légales ou si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il les respecte. Zone franche : zone dans laquelle les marchandises sont traitées comme étant hors du territoire fiscal d’un pays. Cela signifie que les taxes et droits d’importation ne sont pas dus, sauf si les marchandises sont vendues sur le marché intérieur du pays. Ces zones sont également appelées zones de libre-échange, zones industrielles travaillant pour l’exportation ou zones hors douane. Les zones franches doivent habituellement être désignées comme telles par l’administration des douanes qui applique et surveille l’application des conditions valables pour les opérateurs dans une zone franche. 36 Bureau des affaires juridiques de l’ONU, section des traités. 33 Liens intéressants 1. Organisations économiques internationales 1.1 Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) – www.oecd.org 1.2 Banque mondiale – www.banquemondiale.org 1.3 Fonds Monétaire International (FMI) - www.imf.org 1.4 Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (WIPO) - www.wipo.int 1.5 Organisation mondiale du commerce (OMC) - www.wto.org 1.6 World Economic Forum (WEF) - www.weforum.org 2. Organisations douanières 2.1 Organisation mondiale des douanes (OMD) - www.wcoomd.org 2.2 Office européen de lutte antifraude (OLAF) - http://ec.europa.eu/anti_fraud/index_fr.htm 2.3 Interpol - www.interpol.int 2.4 Her Majesty’s Revenue & Customs (HMRC) - www.hmrc.gov.uk/ 2.5 Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF) - www.atf.gov/ 3. Organisations internationales de la santé 3.1 Organisation mondiale de la Santé (OMS) - www.who.int 4. Organisations universitaires et spécialisées dans le journalisme d’investigation 4.1 Terrorism, Transnational Crime and Corruption Center (TraCCC) - http://policy-traccc.gmu.edu/ 4.2 The Center for Public Integrity (CPI) - www.publicintegrity.org/investigations/tobacco/ 5. Organisations professionnelles 5.1 Business Action to Stop Counterfeiting and Piracy (BASCAP) - www.bascap.com 5.2 International Trademark Association (INTA) – www.inta.org 6. Organisations non gouvernementales (ONG) 6.1 Framework Convention Alliance (FCA) – www.fctc.org 6.2 International Tax and Investment Center (ITIC) – www.ITICnet.org 34 Pour plus d’informations, consulter le site Internet de l’ITIC : www.ITICnet.org 35 36 ALMATY • AMMAN • ASTANA • BAKU • KIEV • LONDON • MANILA • MOSCOW • WASHINGTON