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Le commerce illicite
des produits du tabac
et comment y faire face
Décharge et déclaration d’intention
« Le commerce illicite des produits du tabac et comment y faire face » est une publication de l’International Tax and
Investment Center (ITIC), une fondation pour la recherche et l’éducation, à but non lucratif. L’ITIC sert de point de repère
pour l’information et les meilleures pratiques en matière de politique fiscale et d’investissement. C’est aussi un centre
de formation dont le but est d’assurer le transfert de ce savoir-faire afin d’améliorer les investissements dans les pays
en transition et en voie de développement, et ainsi favoriser la genèse et le développement de la prospérité commerciale
et économique.
Cette publication se veut guide et référence en termes de meilleures pratiques pour les agents des services fiscaux, des
douanes et des forces de l’ordre afin qu’ils optimisent leur lutte face au commerce illicite des produits du tabac.
Pour financer cette publication, l’ITIC a bénéficié de subventions de la part des entreprises du secteur du tabac.
Néanmoins, l’ITIC a gardé l’intégralité du contrôle éditorial et est entièrement responsable du contenu ainsi que des
erreurs et omissions éventuelles.
Cette publication n’exprime pas forcément le point de vue de l’ITIC, elle ne soutient ni les opinions ni les politiques, des
individus ou des organisations y ayant participé (au niveau financier ou autre), tels que l’Organisation Mondiale des
Douanes (OMD), l’Office Européen de Lutte Antifraude (OLAF) ou l’industrie du tabac.
La réalisation de cette publication a été possible grâce aux contributions (y compris celle des données et des études
de cas) fournies par des Agents fiscaux et douaniers, par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) ainsi que par les
représentants de l’industrie du tabac et divers consultants.
A propos de l’auteur
Elizabeth Allen, BA
Diplômée de l’université de
Bristol, Elizabeth Allen compte
plus de 35 ans d’expérience en
Management des Opérations
Pratiques et des Politiques,
acquise au sein du Département
Britannique de la Fiscalité et des
Douanes (Her Majesty’s Revenue
and Customs, UK - HMRC) ainsi qu’auprès du Service
Britannique des Douanes et des Accises (HM Customs
and Excise). En qualité de haut fonctionnaire, elle a été
chargée de l’examen des fraudes dans le secteur de
l’alcool et du tabac, de la stratégie de conformité des droits
d’accise et des droits de douane intérieurs, de la mise en
œuvre du système d’informatisation des mouvements et
des contrôles des produits soumis à accises ainsi que
de la gestion des taxes environnementales. Mme Allen
a également travaillé à la politique et aux poursuites
douanières. Elle est rompue à collaborer avec les
Gouvernements Etrangers ainsi qu’avec les sociétés
privées. Depuis qu’elle a pris sa retraite du HMRC en
mars 2009, Mme Allen a défini le contenu technique et
présidé la conférence sur le commerce illicite des produits
du tabac organisé à Bruxelles, par l’ITIC en novembre
2009. Elle est aussi l’auteur d’une publication de l’ITIC
intitulée « Guidebook to the Successful Introduction of a
Specific Excise Tax on Alcoholic Beverages » (Guide pour
l’introduction réussie d’un droit d’accise spécifique sur
les boissons alcoolisées). Elle a également mené trois
révisions des règlements de développement politique
pour le bureau britannique du commerce gouvernemental
en 2009 et 2010. Enfin, elle a donné des conférences
sur le thème « Le contribuable comme client » dans le
cadre d’un cours de formation continue, organisée pour
les hauts fonctionnaires originaires de pays en voie de
développement. Actuellement, Mme Allen participe à une
recherche financée par l’Union Européenne portant sur le
commerce illicite des produits du tabac et des boissons
alcoolisées dans la Communauté de Développement
d’Afrique Australe.
Le commerce illicite des produits
du tabac et comment y faire face
Table des Matières
Avant-Propos
2
Résumé
3
1. Qu’est-ce que le commerce illicite des produits du tabac ?
5
2. Ampleur et mesure
6
3. Nature et dynamiques
10
4. L’impact du commerce illicite des produits du tabac
14
5. Causes et facteurs favorables
17
6. Comment faire face à ce problème ?
24
7. Article 15 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac
30
Glossaire
33
Liens intéressants
34
1
Avant-Propos
Nous vivons dans un monde qui est en rapide évolution et où le
commerce international est essentiel à notre mode de vie, au
développement économique ainsi qu’à notre prospérité. Les douanes
y jouent un rôle significatif en veillant à ce que le commerce mondial
soit conforme aux exigences internationales et à ce que les taxes
échues soient payées aux gouvernements pour qu’ils puissent
financer les services publics. Lorsque les biens sont fortement
taxés et facilement transportables, criminels, terroristes et insurgés
profitent de toutes les failles que présentent les douanes ainsi que
les mécanismes de contrôle fiscal pour faire des bénéfices. Peu leur
importe qu’ils violent les lois, nuisent à la santé des consommateurs, fassent perdre de l’argent
aux gouvernements ou que le commerce licite en pâtisse. Ces dernières années, une croissance
sans précédent du commerce illicite des produits du tabac a été observée et de ce fait, nous
sommes tenus à intensifier nos efforts pour remédier à ce problème.
Nous devons moderniser et optimiser l’utilisation des ressources, onéreuses et rares, de lutte
contre le commerce illicite des produits du tabac en développant de nouvelles idées, en nous
remettant en question, en planifiant, en nous inspirant de ce que d’autres ont déjà fait et en
renforçant la collaboration entre les autorités de contrôle, les autres autorités nationales et
le commerce licite. Nous devons sensibiliser les gouvernements et le public aux implications
du commerce illicite et obtenir leur soutien inconditionnel. Si nous adoptons une approche
novatrice et si nous établissons et entretenons des partenariats, nos efforts porteront leurs
fruits et nous parviendrons à faire reculer significativement le commerce illicite ainsi qu’à faire
baisser le nombre de criminels qui en bénéficient.
Cette publication a été rédigée suite à la conférence de l’ITIC « Anti-Illicit Trade in Tobacco
Products » qui s’est tenue avec succès en novembre 2009. Elle résume les principes et les
meilleures pratiques utilisées à travers le monde qui, je l’espère, permettront d’améliorer les
partenariats et les méthodes de travail.
Kunio Mikuriya
Secrétaire général, Organisation mondiale des douanes
2
Résumé
Cette publication veut stimuler une prise de
conscience par rapport à l’augmentation et
l’évolution du commerce illicite des produits
du tabac. Elle résume les faits et les opinions
d’un grand nombre de sources, notamment
d’universitaires, de consultants du secteur
privé, des journalistes, des Autorités de
Contrôle internationales, des autorités fiscales
gouvernementales et des représentants de
l’industrie. Elle définit les différents aspects du
commerce illicite et fournit des informations
sur les manières d’en mesurer l’ampleur.
Elle analyse la nature, les causes et les
conséquences du problème, et propose aux
autorités un guide des meilleures pratiques
afin de développer des stratégies pour faire
face au commerce illicite. Des études de cas
sont, en outre, présentées pour témoigner des
meilleures pratiques et des efforts mondiaux
en vue de remédier à ce grave problème.1
Qu’est-ce que le commerce
illicite des produits du tabac ?
Le commerce illicite se manifeste principalement
sous trois formes : la contrebande, la
contrefaçon et l’évasion fiscale locale. Ces
catégories sont interconnectées et montrent
que le commerce illicite des produits du tabac
est un phénomène mondial, qui concerne
indifféremment les pays à faibles et à hauts
revenus. Les cigarettes, qui sont fortement
taxées, faciles à transporter et présentent un
rapport risque-bénéfice avantageux comptent
parmi les biens qui, dans le monde, font le
plus l’objet du trafic illicite.
Ampleur et mesure
Malgré le manque de données mondiales
solides, tout le monde s’accorde à dire que
le commerce illicite des produits du tabac a
des proportions inadmissiblement énormes.
1
2
3
De récentes études estiment qu’environ 11%
du marché international des cigarettes est
illicite, ce qui représente plus de 600 milliards
de cigarettes par an et entraîne des pertes
fiscales annuelle pour les Etats de plus de
USD 40 milliards.2
La plupart des gouvernements n’essaient
pas de mesurer le problème sur une base
régulière et ne se rendent pas compte de
l’impact négatif que le commerce illicite des
produits du tabac est susceptible d’avoir
sur leur économie et la société. Or, sans
moyens solides pour déterminer l’ampleur
du problème, il est difficile pour les autorités
d’évaluer l’efficacité des stratégies visant à y
faire face.
Problème international
et dynamique
Au cours des dernières années, la dynamique
du commerce illicite a rapidement évolué.
On assiste notamment à une explosion des
cigarettes « illicit whites » spécifiquement
destinées à la contrebande. Un autre
exemple est le recours accru à Internet
pour vendre et expédier par la poste des
cigarettes dans le monde entier en petites
quantités afin d’éviter toute taxation. De plus,
les recherches effectuées montrent que le
commerce illicite est devenu un problème
de sécurité majeur dans certains milieux
et ce partout dans le monde. De plus, les
recherches démontrent que le commerce
illicite est de plus en plus utilisé pour financer
le terrorisme.3 On observe également l’essor
des réseaux de grande distribution utilisés par
les organisations criminelles afin de pratiquer
le commerce illicite d’une vaste gamme de
produits, dont le tabac, les narcotiques et les
êtres humains.
Les études de cas décrites dans la présente publication ont été fournies par l’industrie du tabac, des consultants et des
universitaires.
Framework Convention Alliance (2008).
Dr Louise Shelley, exposé à la conférence de l’ITIC - « Illicit Trade: A Security Challenge - A Case of Cigarette Smuggling » (2009).
3
Impact sur la société
Le commerce illicite a un impact énorme sur
le tissu économique et social de la société. En
plus d’être à l’origine de pertes considérables
de recettes portant atteinte à l’assiette
fiscale des pays concernés, il entrave le
développement économique, compromet
les objectifs politiques des gouvernements,
fragilise l’Etat de droit, soutient les pratiques
frauduleuses, finance le crime organisé et
le terrorisme, et favorise l’expansion des
activités criminelles. Enfin, il décourage
les investissements dans la fabrication,
l’innovation, le commerce et la distribution
par l’industrie légale et nuit à l’emploi.
Causes et moteurs du
commerce illicite
du commerce) soient impliquées afin de
garantir qu’elles poursuivent toutes les
mêmes objectifs. De plus, pour faire face
à ce problème, les Autorités de contrôle
doivent disposer des ressources appropriées
et être encouragées à collaborer étroitement
avec les autres parties prenantes sur le plan
national. La norme devrait être l’échange
d’informations avec les autorités d’autres pays
et les Autorités de contrôle internationales
ainsi que les législations prévoyant des
sanctions dissuasives et un pouvoir judiciaire
efficace. Les citoyens devraient connaître
les implications qu’un achat de produits
illicites peut avoir, notamment le soutien involontairement - apporté au crime organisé
et au terrorisme.
Article 15 de la Convention Cadre
de l’Organisation mondiale de la
Santé (OMS) pour la lutte antitabac
4
■ Des consommateurs, qui veulent faire des (CCLAT).
Les principaux moteurs du commerce illicite
sont doubles. Il s’agit :
économies, et
■ Des criminels, qui veulent gagner de
l’argent.
Parmi les facteurs contribuant à ce problème,
on peut citer les politiques fiscales non
équilibrées, les disparités en matière de
prix basés sur les taxes entre différentes
juridictions, les mesures de protectionnisme,
la corruption, la faible répression, le manque
de contrôles officiels dans les zones franches,
les législations et les sanctions insuffisantes,
l’accroissement des réseaux de distribution
illégaux et la tolérance du public à l’égard du
commerce illicite des produits du tabac.
Comment faire face à ce problème
Lorsqu’ils développent des politiques globales
pour lutter contre le commerce illicite, les
gouvernements doivent veiller en particulier à
ce que toutes les instances gouvernementales
concernées (p. ex. les douanes, les ministères
des finances, de la santé, de la justice et
4
4
Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (2003).
L’importance de s’attaquer au commerce
illicite des produits du tabac à l’échelle
mondiale est reconnue dans la Convention
Cadre de l’Organisation mondiale de la
Santé (OMS) pour la lutte antitabac dont
l’organe directeur est en train de négocier
un protocole sur le commerce illicite. Il a
pour objectif d’enrayer le commerce illicite
des produits du tabac vise à créer des
obligations plus contraignantes pour plus de
170 gouvernements. En particulier, il met en
place des directives internationales pour la
mise en œuvre d’actions nationales portant
sur la sécurité de la chaîne de distribution,
les délits et la répression, ainsi que sur la
coopération à l’échelle internationale.
1. Qu’est-ce que le commerce
illicite des produits du tabac ?
1.1 Définitions
Le commerce illicite est défini dans l’article 1 de la
Convention Cadre de l’OMS comme « toute pratique
ou conduite interdite par la loi, relative à la production,
l’expédition, la réception, la possession, la distribution,
la vente ou l’achat, y compris toute pratique ou conduite
destinée à faciliter une telle activité. »
Le commerce illicite des cigarettes et d’autres produits
du tabac existe sous trois formes générales :
• La contrebande : mouvement illégal de produits
du tabac (authentiques ou contrefaits) d’une
juridiction fiscale à une autre sans paiement
des taxes applicables ou en violation des lois
interdisant leur importation ou exportation.
• La contrefaçon : fabrication illégale, dans le cadre
de laquelle un produit porte une marque déposée
sans le consentement du propriétaire de cette
dernière. Les produits fabriqués illégalement
peuvent être vendus dans le pays où ils sont
fabriqués ou être passés en contrebande dans un
autre pays. Le droit d’accise est rarement, voire
jamais payé sur les produits contrefaits.
• L’évasion fiscale locale : cigarettes fabriquées
à des fins de consommation dans la même
juridiction et qui ne sont pas déclarées aux
autorités fiscales. Ces cigarettes sont vendues
hors taxe et peuvent être fabriquées dans des
usines habilitées ou dans le cadre d’opérations
illégales.
Le bootlegging résulte de la vente illicite de plus
petites quantités de cigarettes par des individus
ou de petits groupes de personnes profitant des
différences de taxes, entre deux juridictions.
C’est notamment le cas des ouvriers qui chaque
jour franchissent la frontière séparant l’Union
Européenne de l’Europe de l’Est en emportant
de l’autre côté de la frontière des cartouches (200
cigarettes) pour les revendre et améliorer leurs
revenus. C’est aussi le cas des « coursiers » qui font
des aller-retours entre les pays à haute et à faible
fiscalité en utilisant les compagnies aériennes à bas
prix. Ces cigarettes sont achetées et rassemblées par
des organisations criminelles qui les distribuent
dans des marchés bien ciblés.
Au sein d’un même pays, il peut également y avoir des
fuites depuis les zones franches (zones défiscalisées)
vers le marché où les taxes sont réglées. Au bas de
l’échelle, la contrebande est le fait d’un individu qui
importe des cigarettes, pour son usage personnel en
trop grande quantité par rapport aux quotas autorisés
dans son pays.6
Les achats transfrontaliers : pratique légale qui vise
à éviter des taxes domestiques plus élevées. Dans ce
cadre, un individu achète des cigarettes taxées dans
les limites autorisées par la loi pour les consommer
dans un autre pays. Les degrés de ces pratiques
dépendent des différences de taxes et de prix ainsi
que de la distance et du coût du trajet entre les
diverses juridictions.7
1.2 Autre terminologie courante
Ces dernières années, un nouveau type de
contrebande à large échelle a fait son apparition, avec
des cigarettes appelées « illicit whites » ou « cheap
whites ». Ces cigarettes sont achetées pour leur faible
prix et sont habituellement produites légalement,
mais elles sont destinées à la contrebande dans des
pays ne possédant pas de marchés légaux pour
elles. Les cigarettes « Jin Ling » en sont un exemple:
fabriquées en dehors de l’Union européenne (UE),
en 2008, elles étaient la deuxième marque la plus
saisie en UE.5
Le tabac sans marque est vendu sous forme de
feuilles de tabac en quantités de 500 grammes
ou d’un kilogramme. Il ne porte aucune étiquette
ou avertissement de santé et est consommé sous
forme de tabac à rouler ou inséré dans des tubes
de cigarettes vides. Le tabac sans marque est aussi
vendu en toute illégalité sous forme de cigarettes
en vrac contenues dans des sachets en plastique
transparent (connus sous le nom de « baggies »).
5
6
7
Image : Dragon Mark
Les produits contrefaits, dont les cigarettes, sont souvent vendus sur des
marchés en plein air.
Présentation OLAF, conférence de l’ITIC (novembre 2009).
La quantité de 200 cigarettes (une cartouche) hors taxe est couramment autorisée.
On a observé, par exemple, une corrélation entre le nombre de touristes britanniques voyageant vers des pays dans lesquels le
tabac est plus faiblement taxé et l’augmentation/la diminution des ventes de cigarettes au Royaume-Uni.
5
2. Ampleur et mesure
Incidence estimée du commerce illicite (contrebande, contrefaçon et évasion fiscale locale) par pays
Source: estimations de l’industrie* en 2010
<10%
>10%
Aucune donnée fiable
* Ces estimations peuvent dans certains cas, en raison de la méthodologie employée, inclure les achats transfrontaliers.
2.1 Ampleur
Aujourd’hui, au niveau international, il n’existe
aucune statistique fiable couvrant l’ampleur du
commerce illicite dans le monde. La boîte à outils
sur le tabac développée par la Banque Mondiale8 et
publiée en 2005 estimait la fourchette du commerce
illicite entre 6 à 9% de la consommation totale de
tabac. Une étude récente, estime qu’environ 11%
du marché mondial des cigarettes est illicite, ce qui
représente plus de 600 milliards de cigarettes par an9.
Cependant, ces chiffres n’ont pas été établis à partir
d’une seule méthodologie indépendante ou d’un seul
processus, mais sont des compilations d’estimations
existantes jusqu’en 2008, provenant de diverses
sources, couvrant différents pays et effectuées à des
moments donnés.
la contrebande dans la consommation de cigarettes
dans l’UE était de 8,9%. L’étude de KPMG est décrite
plus en détail au point 2.3.
2.2 Mesure
Même si tout le monde s’accorde à dire que les
produits du tabac sont l’une des marchandises les
plus trafiquées dans le monde, il est très difficile
de réaliser des calculs précis à ce sujet. Il importe
toutefois que chaque gouvernement tente de définir
l’étendue de la consommation illicite de tabac et de
l’évitement fiscal sur son territoire afin que soient
prises des décisions politiques averties et qu’une
base puisse être établie à l’aune de laquelle il serait
possible d’évaluer le succès des stratégies de lutte
contre le commerce illicite.
Les études mesurant la consommation illicite en
fonction d’un pays sont en général plus précises. Par
exemple, en appliquant une méthodologie de recherche
identique pour chacun des 27 États membres, KPMG
a estimé qu’en 2009, la part de la contrefaçon et de
8
9
6
Understand, Measure and Combat Tobacco Smuggling, World Bank Economics of Tobacco Toolkit (2005).
Framework Convention Alliance (2008) ; Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (2009).
Un outil de mesure du commerce illicite doit
poursuivre les objectifs suivants :
■ Mesurer l’incidence et la part de marché des
cigarettes illicites, à partir notamment d’enquêtes
sur l’usage des consommateurs, et sur leur
comportement d’achat ainsi que par des collectes
de paquets vides.
■ Permettre la réalisation d’analyses de tendances à
long terme et évaluer leur évolution.
■ Garantir la cohérence à travers le temps, les
pays et la population, indépendamment des
habitudes tabagiques ou de l’acceptation par les
consommateurs du commerce illicite.
Afin de mesurer l’ampleur du commerce illicite, il
existe un grand nombre de méthodologies utilisées
par les autorités fiscales et douanières, par les
organisations régionales et internationales et par
l’industrie. Dans l’idéal, les études devraient être
menées à grande échelle car les mécanismes sousjacents complexes des afflux en provenance des
marchés sources et des reflux allant vers les marchés
de destination sont plus facilement identifiables au
niveau régional
La mise en œuvre d’une méthodologie solide est la
première étape indispensable dans le processus de
mesure du commerce illicite. Cette méthodologie doit
garantir une totale indépendance et être acceptée par
toutes les parties concernées.
2.3 Méthodologies
Il n’existe aucune méthodologie universellement
reconnue pour évaluer l’ampleur du commerce
illicite des produits du tabac. Différentes approches
peuvent être nécessaires pour s’adapter aux
restrictions budgétaires potentielles, en particulier
dans les pays en développement. De multiples
méthodes peuvent être utilisées simultanément pour
dresser un tableau plus précis de la situation.
À la base, les saisies douanières peuvent indiquer
l’existence d’un problème même si on considère
généralement qu’elles ne représentent qu’une petite
portion du volume total du commerce illicite. De
plus, les statistiques de saisies peuvent aider à
identifier à un stade précoce les tendances et les
changements de canaux et de formes du commerce
illicite.
La méthodologie de KPMG pour mesurer le commerce illicite des produits du tabac10
Depuis 2005, KPMG est mandaté par Philip Morris
International pour réaliser une évaluation indépendante
de l’ampleur du marché illicite des produits du tabac
dans l’Union Européenne, dans le cadre de leur accord de
coopération entre la Commission Européenne et les États
Membres.
La méthodologie employée a été développée durant une
étude pilote complète menée en 2005 en Allemagne,
Pologne et Finlande suite à laquelle les résultats ont été
rigoureusement mis en question et testés, et un certain
nombre d’améliorations ont été mises en œuvre. Ensuite,
pendant quatre ans des recherches ont été effectuées
dans tous les États membres de l’UE en appliquant cette
méthodologie.
La méthode en question repose sur trois sources
principales: les enquêtes sur collectes de paquets
vides, les ventes domestiques légales et les sondages
auprès des consommateurs. Au début et en raison
des possibilités limitées de déterminer les niveaux
de consommation auprès des consommateurs (pour
les raisons mentionnées plus haut), la méthodologie
s’appuyait sur les ventes légales domestiques et sur une
enquête portant sur la collecte de paquets vides pour
définir le niveau de consommation global sur la base de la
proportion entre les paquets issus de la vente domestique
légale et les autres paquets. Comme ces enquêtes sont
menées dans les 27 États Membres de l’UE, elles se sont
ensuite affinées pour prendre en compte les reflux de
10
produits de chaque marché (p. ex. les cigarettes vendues
dans un pays mais finalement consommées dans un autre
pays).
Cela permet à KPMG de déterminer le volume de la
consommation globale répartie entre consommation
domestique légale (produits vendus légalement et
consommés dans le même pays) et consommation nondomestique (produits issus d’un autre pays). L’étape
suivante du processus consiste à définir la proportion
de la consommation non- domestique de produits
apportés légalement dans le pays par des voyageurs
et la proportion illicite. Les flux légaux sont déterminés
sur la base de la recherche primaire (plus de 159 000
consommateurs interrogés en 2009) en vue de quantifier
le nombre de cigarettes que les voyageurs ont achetées
à l’étranger durant l’année prise en considération. Ces
volumes sont ensuite déduits de la consommation nondomestique totale, le reste étant classée dans la catégorie
« consommation illicite ».
Avant que les résultats ne soient finalisés, les données
sont comparées avec toutes les autres sources de données
disponibles, ainsi qu’avec les observations anecdotiques
concernant les tendances et les développements, par les
douanes et d’autres experts impliqués dans la lutte contre
le commerce illicite. De plus, les informations fournies par
les saisies et les données économétriques peuvent aussi
servir à corroborer les résultats et les tendances.
MM. Robin Cartwright et Richard Stephens, présentation lors de la Conférence de l’ITIC –« Measuring Illicit Trade : Effective
Methodologies to Measure Total Consumption » (2009).
7
Tableau 2 : Composition des plus importantes saisies de cigarettes effectuées par les autorités
britaniques
Marques britanniques authentiques
Marques non britanniques authentiques/« cheap whites »)
Contrefaçons
100%
% de saisies à large échelle
80%
41%
54%
48%
51%
51%
49%
49%
44%
47%
70%
60%
28%
40%
20%
18%
31%
36%
13%
20%
31%
28%
31%
18%
17%
13%
7%
0%
2002/3
2003/4
2004/5
2005/6
2006/7
2007/8
2008/9
4%
2009/10*
Source: UK – HMRC Border Agency (2008)
* Le volume des saisies d’une marque non vendue au Royaume-Uni est inclus dans le volumes des marques non
britanniques authentiques et non dans celui des marques britanniques authentiques, comme indiqué par le
HMRC.
Parmi les autres méthodes, citons les sondages
auprès des fumeurs, les collectes de paquets vides et
des mégots de cigarettes, les comparaisons entre les
résultats d’enquêtes menées auprès des ménages sur
leur consommation estimée de produits du tabac, les
statistiques gouvernementales sur les produits du
tabac dont les taxes ont été réglées et le monitorage
commercial.
Afin d’obtenir des résultats solides, il est essentiel de
reconnaître les forces et les faiblesses inhérentes à la
méthode choisie. Par exemple :
• La collecte de données primaires doit être
entreprise de manière scientifique, systématique
et structurée, de sorte à obtenir un échantillon
représentatif et à résister à tout examen
approfondi. Pour ce qui est de la collecte de
paquets, elle doit inclure si possible des contrôles
physiques pour confirmer la nature des paquets
en question (contrefaçon/authenticité) et le pays
d’où ils proviennent.
• Les enquêtes auprès des consommateurs : il existe
des preuves suffisantes montrant que les fumeurs
sous-estiment leur consommation de tabac. Aussi
les indications des consommateurs ne sont-elles
pas fiables pour déterminer précisément les
niveaux de consommation globaux, même si elles
8
constituent un bon indicateur de la prévalence
du tabagisme.
• Les informations sur le commerce international
ne sont généralement pas fiables, car les
statistiques d’importation et d’exportation ne
sont pas facilement disponibles sous forme
électronique et peuvent être sujettes à des erreurs
de saisie quand elles sont compilées.
• Pour faire face aux défauts et inefficacités d’un
système commercial basé sur le papier, l’UE a
récemment installé un système d’informatisation
des mouvements et des contrôles des produits
soumis à accises (EMCS) en partie pour équilibrer
plus facilement les mouvements d’importation et
d’exportation des biens soumis à accises au sein
de ses États Membres.
• Les échantillons doivent être représentatifs
de la situation du marché, du pays ou de la
région pris en considération et doivent permettre
d’établir des estimations concernant le volume
et la proportion des produits illicites, et ce de
préférence par marque.
• La qualité des estimations du commerce illicite
dépend de celle des données existantes sur la
consommation et/ou la vente des cigarettes
légales dans le pays considéré. Dans de nombreux
pays, ces données ne sont ni facilement accessibles
ni vérifiables.
La collecte des paquets vides mandatée par
l’industrie allemande du tabac est un bon exemple
de collecte de données primaires efficace et fiable.
La méthodologie a été certifiée indépendamment
par le TÜV11 un organisme de validation allemand,
et les données qui en résultent sont utilisées dans les
statistiques gouvernementales officielles.
Les méthodologies les plus avancées associent
plusieurs des approches citées. Différentes approches
peuvent être nécessaires à évaluer l’ampleur du
commerce illicite des produits du tabac et pour
s’adapter aux restrictions budgétaires auxquelles
doivent faire face les pays en développement ou
ceux en transitions. Cependant, quelle que soit la
méthodologie employée, c’est en réalisant de manière
répétée des études annuelles ou semestrielles que
l’on obtient la meilleure analyse des tendances à
long terme qui, à leur tour, servent à valider ou non
l’efficacité de la méthode.
L’exemple de KPMG est l’exemple parfait d’une
association réussie de méthodologies appliquées
depuis plusieurs années qui visent à dresser un
tableau aussi que proche que possible de la réalité.
2.4 Une situation en
évolution permanente
La comparaison et l’analyse régulières des
statistiques de saisies fournissent une indication des
changements incessants que connaît le commerce
illicite. Les comparaisons des saisies effectuées ces
dernières années par le HMRC et la Border Agency
britanniques montrent la vitesse à laquelle ce
commerce illicite peut changer. En 2002/2003, 31%
des saisies importantes de cigarettes au RoyaumeUni intéressaient des marques britanniques
authentiques. Grâce à la coopération entre le HRMC
et les fabricants de cigarettes, cette proportion est
devenue insignifiante, passant à seulement 4% en
2009/2010.
11
Technischer Uberwachungs-Verein, Technical Inspection Association (association d’inspection technique).
9
3. Nature et dynamiques
3.1 Nature et composition du problème
Certains pays sont principalement une source de produits illicites (à la fois pour la consommation
domestique et pour l’exportation), tandis que d’autres font partie des itinéraires de transit, des pays de
destinations ou pays cibles dans lesquels les produits sont consommés. Dans de nombreux cas, un pays peut
faire partie de plus d’une de ces catégories.
Source, cibles et transit
Source
Transit
Source: Estimations de l’industrie en 2010
Transit et source
Non applicable /
aucune donnée
3.2 Les Pays sources
Tarir la source du commerce illicite est en théorie
la façon la plus efficace de s’attaquer au problème.
Cependant, c’est aussi la plus difficile à réaliser.
Caractéristiques communes des pays sources :
■ Manque de volonté politique pour lutter contre
le commerce illicite (n’est pas considéré comme
une priorité) ;
■ Régimes légaux inadéquats (p. ex. lois inexistantes
notamment celles visant à protéger la propriété
intellectuelle, manque de poursuites et faibles
sanctions pour les contrevenants) ;
■ Forces de police et agents des douanes
sous-financés et pas suffisamment formés ;
10
■ Sur-approvisionnement (c’est-à-dire cigarettes
produites et fournies à la consommation sur le
marché source en quantité excessive par rapport
à la demande domestique) ;
■ Manque de capacité ;
■ Corruption ;
■ Disponibilité de machines d’occasion ou de
machines de contrefaçon, pour la fabrication de
cigarettes.
Les comparaisons et analyses régulières des
statistiques de saisies fournissent une indication
des changements dans l’approvisionnement du
commerce illicite à l’échelle mondiale.
Etude de cas : s’attaquer aux cigarettes contrefaites en Chine
La Chine est le plus grand marché du tabac avec une
consommation d’environ 2000 milliards de cigarettes (soit
à peu près un tiers de la consommation mondiale). La part
de marché des marques internationales y est négligeable.
exercée sur les trafiquants de cigarettes contrefaites.
Chaque année, des milliers d’arrestations ont lieu et des
milliards de cigarettes sont saisies lors de descentes
effectuées conjointement par la police et la STMA.
La Chine est le pays d’où provient le plus grand nombre
de cigarettes contrefaites dans le monde, avec une
production estimée à 190 milliards de cigarettes par
an. La plupart d’entre-elles sont des marques vendues
en Chine pour le marché domestique, et 15 à 20% sont
destinées à l’exportation, principalement en Europe et en
Amérique du Nord.
La fabrication, le commerce, l’exportation et la
contrebande de cigarettes en provenance de Chine sont
contrôlés par des groupes criminels très organisés. Ces
derniers ont des agents dans le monde entier qui tentent
d’organiser la contrebande de cigarettes contrefaites vers
le marché cible ou de transit.
La majorité des cigarettes de contrefaçon en Chine sont
fabriquées dans les provinces de Fujian et Guangdong,
dans le sud du pays. De là, elles sont transportées soit
vers des villes chinoises, soit vers les grands ports de
Xiamen, Shenzen, Guangzhou et Shanghai pour y être
exportées.
La STMA (Administration du Monopole de l’Etat) est
chargée de contrôler le marché du tabac en Chine, donc
de prendre des mesures contre toute personne qui
enfreint les strictes lois chinoises de contrôle du tabac par
la fabrication, le transport ou la distribution des cigarettes
contrefaites. Les sanctions chinoises appliquées pour ce
type de commerce sont parmi les plus sévères au monde,
avec des amendes lourdes et de longues peines de prison
pour les condamnés.
La STMA entretient des relations de travail étroites avec
le ministère de la Sécurité Publique (Ministry of Public
Security, MPS) et l’Administration Générale des Douanes
chinoises (General Administration of Customs China,
GACC). Ces relations se traduisent par une forte pression
L’Organisation Mondiale des Douanes (OMD)
publie chaque année un Rapport Douanes et
Tabac qui analyse les saisies signalées par ses pays
membres. Le rapport de 200912 indiquait que les
produits illicites saisis par les douanes provenaient
en majeure partie d’Asie13 (21% des saisies dans le
monde), suivie des Emirats Arabes Unis (AEU, 9%).
Cependant, les Emirats Arabes sont connus à la
fois comme source de fabrication et comme lieu
de transit ou de transbordement pour les envois
en provenance d’Asie. En Europe, le nombre de
détections impliquant les Emirats Arabes comme
pays source concernaient 249 millions de cigarettes
sur les plus de 304 millions ayant quitté ceux-ci en
2009.
En Asie, la Chine, la Corée du Nord, les Philippines
et le Vietnam sont connus pour être des sources
de cigarettes illicites. Pour le Moyen-Orient, c’est
l’Égypte qui est au cœur de la contrebande. En
Afrique de l’Est et du Sud, elle prend son origine au
Zimbabwe. Enfin, en Amérique du Sud, le Paraguay
est une source principale des envois illicites destinés
en premier lieu au Brésil.
12
13
14
Vu la nature internationale du commerce de cigarettes de
contrefaçon, une coopération mondiale entre l’industrie
du tabac et les Autorités de contrôle est indispensable.
Au travers de ses réseaux d’agences douanières
internationales, la GACC est en mesure de soutenir les
efforts des douanes en Europe et en Amérique du Nord
afin d’arrêter les expéditions de cigarettes contrefaites. En
août 2010 par exemple, l’Union européenne et la GACC ont
tenu une conférence commune à Shanghai, dont l’un des
principaux sujets de discussion a porté sur la coopération
visant à stopper le flux de cigarettes contrefaites en
provenance de Chine.
La STMA collabore également de façon étroite avec les
principaux fabricants mondiaux, comme BAT, ITL, JTI et
PMI. Cette coopération a démarré il y a plus de 10 ans et
repose sur l’échange d’informations et de renseignements
pour permettre à la SMTA d’agir en Chine contre les
contrefacteurs identifiés et pour permettre aux fabricants
de protéger leurs marques déposées dans des juridictions
en dehors de la Chine.
Ces dernières années, de nombreuses usines illicites
ont été découvertes et démantelées dans l’Union
Européenne, ce qui prouve que les organisations
criminelles installent leurs sources de production au
sein de leurs marchés cibles finaux. Cette évolution
ébranle la conviction selon laquelle les sites de
fabrication illicite se trouvent uniquement dans les
pays corrompus, à bas revenus et présentant des
structures légales faibles.
3.3 Points de transit
Les cargaisons illicites transitent très souvent
délibérément via plusieurs ports afin de rendre le
dépistage plus difficile. Au cours du transit, les
documents changent et les marchandises peuvent
être transbordées dans d’autres navires. Les points
de transit sont souvent parmi les ports les plus
grands et les plus débordants d’activités au monde.14
Alors que le commerce mondial évolue très vite,
les ports se font concurrence pour être les plus
rapides dans le traitement des cargaisons et le
temps de rotation des navires. Par conséquent, les
contrôles sont minimes et l’interception d’envois
potentiellement illicites qui ne font que transiter
Les chiffres publiés dans le rapport de l’OMD sont basés sur les informations fournies par les membres de l’administration des
douanes à la base de données mondiale au sein du système du réseau douanier mondial de lutte contre la fraude(CEN) de
l’OMD.
Seules les saisies de plus de 100 000 pièces sont comprises dans le rapport de l’OMD.
Singapour et Dubaï, dont les ports de conteneurs sont respectivement les 1er et 7e dans le monde, sont principalement des ports
de transit.
11
Etude de cas : Le Paraguay : source pour de cigarettes contrefaites et d’ illicit whites en
l’Amérique du Sud
Les cigarettes contrefaites et les « illicit whites » produites
au Paraguay sont disponibles dans toute l’Amérique
latine. Les organisations criminelles majeures et l’évasion
fiscale locale s’arrachent le commerce illicite. L’estimation
selon laquelle, au Brésil, 44% des points de vente sous
licence ont régulièrement en stock des marques illicites
du Paraguay illustre l’ampleur du problème.
Le Paraguay produit environ 47 milliards de cigarettes par
an alors que la consommation domestique annuelle est
évaluée à seulement 4 milliards de cigarettes, soit moins
de 10% de la production domestique.
Il existe une trentaine de sites de production dont 14
sont actifs actuellement. Leur capacité de production est
estimée à 100 milliards de cigarettes. La frontière du nordest du Paraguay fait 650 km de long et a plus de 1000 km
de berges, de rivières et de lacs dans la région des trois
frontières Ciudad Del Este / Itaipu.
Des organisations criminelles ont été identifiées comme
étant impliquées dans le commerce illicite de cigarettes.
Les cigarettes contrefaites et « illicit whites » transitent par
la route via la Bolivie à destination du Chili et du Pérou,
puis sont transportées par la mer vers d’autres pays
en Amérique du Sud, au Panama et aux Caraïbes ou le
long du Rio Parana, et sont passées en contrebande en
Argentine et au Brésil.
Le gouvernement paraguayen a lancé un processus
visant à mieux réguler la production interne de cigarettes,
par le port en question sont souvent de faible
importance.
Le Panama, la Grèce, les EAU et la Russie sont
des pays de transit habituellement utilisés pour le
commerce illicite, mais cette situation change en
fonction des circonstances.
En effet, dès que les pays investissent dans de
meilleures infrastructures routières et ferroviaires
ou améliorent leurs contrôles, les criminels passent
par d’autres itinéraires, empruntent de nouvelles
routes de transit et ciblent de nouveaux marchés
locaux (les fraudes spécifiques en matière de transit
sont traitées au point 5.2.3).
En raison des difficultés à s’attaquer à la source
du commerce illicite, une attention particulière est
accordée à l’interception des cargaisons en transit,
lorsqu’elles atteignent un port « ami » où les autorités
sont disposées à inspecter les conteneurs et agissent
suite à des dénonciations.
12
avec notamment la mise en place d’un système de
vérification numérique. Récemment, les efforts fournis
par les Autorités de contrôle ont porté leurs fruits surtout
grâce à une coopération plus étroite avec l’industrie du
tabac et leurs homologues transfrontaliers. Les autorités
brésiliennes par exemple ont lancé un programme pour
faire en sorte que les points de vente sous licence cessent
de vendre des cigarettes illicites venant du Paraguay.
Sous ce régime, les inspecteurs gouvernementaux ont le
pouvoir de fermer les points de vente ayant en stock des
produits du tabac illicites. Le programme est axé sur une
approche en deux étapes : tout d’abord, les commerçants
ont un avertissement leur ordonnant de ne plus stocker
de marques illicites. Ceux qui ne se plient pas à cette
injonction reçoivent une lettre officielle de cessation qu’ils
doivent afficher dans leur magasin ou sur la vitrine, en
s’assurant qu’elle soit parfaitement visible depuis la rue.
Et si le commerçant continue de rester sourd à la demande
des autorités, son point de vente est fermé sans délai. Le
programme a été un succès, avec une hausse des saisies
de 41% par rapport à la même période en 2009.
Par ailleurs, les douanes boliviennes ont restructuré
leurs services pour être plus efficaces en vue de stopper
le flux de produits de contrebande et de contrefaçon en
provenance du Paraguay et transitant par la Bolivie en
direction du Chili et du Pérou.
3.4 Pays de destination finale
Les produits du tabac illicites sont disponibles
dans le monde entier, dans les pays à hauts et à bas
revenus.
Voici les caractéristiques communes des marchés de
destination :
■ Une politique de taxation du tabac qui a engendré
des prix de vente au détail élevés par rapport au
revenu des consommateurs (faible accessibilité)
ou plus élevés que ceux appliqués dans les pays
voisins ;
■ Des Autorités de contrôle qui ne s’intéressent
que peu au commerce illicite du tabac en raison
d’autres priorités ou en raison d’un manque de
ressources ;
■ Un régime légal inadéquat (soit la législation soit
le système judiciaire n’applique pas correctement
les droits de propriété intellectuelle, et/ou les
amendes pour contrebande sont trop faibles pour
être dissuasives et/ou ne sont tout simplement
pas efficaces en matière de condamnation des
contrebandiers) ;
Etude de cas : contrebande transfrontalière de tabac vers l’Afrique du Sud
L’Afrique du Sud est une destination de choix pour la
contrebande des produits du tabac qui y arrivent non
seulement depuis les pays voisins mais aussi à travers
d’autres pays. Le Zimbabwe est une source importante
d’«illicit whites», six usines y fabriquent plus de 20 marques
différentes de cigarettes. Elles sont situées dans une zone
d’exportation à laquelle on a accordé des concessions afin
d’améliorer le flux de devises étrangères et l’exportation
d’au moins 80% de ses produits finis.
Il n’existe aucun contrôle des mouvements des produits
finis ou de l’entrée de devises étrangères. La situation est
aggravée par le manque de volonté politique de s’attaquer
efficacement au problème du commerce illicite dans le
pays.
On estime à plus de 4 milliards chaque année le nombre
de cigarettes fabriquées au Zimbabwe pour être exportées
en Zambie, en Afrique du Sud, au Mozambique, au Malawi
et en République démocratique du Congo. La plupart
d’entre-elles entrent en fait en Afrique du Sud. Une partie
est importée légalement sous un régime d’entrepôt pour
l’exportation ou la vente à l’échelle locale : quelque
500000 cigarettes sont déclarées pour la consommation
domestique et les taxes dues sont payées. Une quantité
similaire est saisie dans le marché le long de la frontière.
Dans l’ensemble, le flux illicite en provenance du Zimbabwe
est évalué à plus de 2 milliards de cigarettes.
La corruption à la frontière est importante : jusqu’à USD 50
000 sont proposés par conteneur à des agents pour laisser
passer la cargaison dissimulée. Les mesures répressives
au Zimbabwe sont rares.
Toutefois, de bonnes relations de travail et des séances
de partage d’informations et de renseignements ont été
établies entre l’industrie du tabac et les Autorités de contrôle
en Afrique du Sud. De nombreuses interventions nationales
menées conjointement par l’industrie, les douanes et la
police sud-africaine ont fourni de bons résultats, avec
la saisie de produits illicites sur le marché et le long des
frontières. Ces opérations se sont également conclues par
des charges pour corruption contre les trafiquants.
De plus, l’Industrie du Tabac d’Afrique du Sud (Tobacco
Industry of Southern Africa, TISA) et les autorités coopèrent
par le biais de réunions d’évaluation trimestrielles
(Revenue Services Forum) de présentations à la South
African Customs Union, au Southern African Development
Community Tax Forum, à l’Africa Tax Forum et au National
Treasury. Par ailleurs, des forums transfrontaliers ont été
créés entre les pays voisins du Zimbabwe (Mozambique,
Swaziland, Botswana, Angola, Namibie et Zambie).
■ Une culture d’acceptation des produits illicites
ou une connaissance insuffisante du caractère
illicite des produits.
L’évolution de la situation observée ces dernières
années démontre que tant qu’il y aura une demande
de produits illicites et tant qu’il y aura un potentiel
pour faire des bénéfices, le crime organisé continuera
d’approvisionner tous les pays du monde.
13
4. L’impact du commerce illicite
des produits du tabac
4.1 L’impact sur l’économie
4.2 L’impact sur la société
4.1.1 Pertes fiscales pour le gouvernement
4.2.1 Sécurité nationale et crime organisé
Le commerce illicite des produits du tabac entrave le
développement économique, affaiblit l’Etat de droit
et porte atteinte à l’assiette fiscale, faisant perdre
aux gouvernements des sommes astronomiques en
termes de recettes. A cause de lui, les gouvernements
disposent de moins d’argent pour les services publics
tels que la santé, l’éducation, la défense, les transports
et l’environnement.
L’infiltration des canaux de distribution par des
réseaux criminels et des groupes terroristes entrave les
blocs constitutifs fondamentaux du développement,
de la démocratie, des droits humains ainsi que l’État
de droit, et soutient les pratiques de corruption chez
les fonctionnaires et les simples citoyens. Les mêmes
réseaux sont utilisés pour le trafic d’êtres humains,
d’armes et de la drogue.
La Framework Convention Alliance15 a récemment
évalué à USD 40,5 milliards les pertes fiscales totales
essuyées par les gouvernements.16 La Commission
européenne estime que les États membres de
l’Union Européenne perdent jusqu’à 10 milliards
d’euro de recettes fiscales chaque année en raison du
commerce illicite des produits du tabac. Dans l’Union
Européenne, la perte moyenne de droits de douanes,
d’accise et de TVA sur un conteneur de 40 pieds
transportant en contrebande 10 millions de cigarettes
est d’environ EUR 1,5 million.17
Dans de nombreux pays, les ressources répressives
et les sanctions sévères ciblent le trafic de drogue et
d’êtres humains, de sorte que le commerce illicite
des produits du tabac reste une activité très lucrative
et peu risquée. Aussi le miroitement d’un bénéfice
élevé comparé aux risques d’une arrestation et aux
faibles sanctions qui attendent les trafiquants en
cas de poursuites judiciaires éventuelles rendent la
contrebande de cigarettes très attrayante pour les
organisations criminelles ainsi que pour les réseaux
terroristes.
En plus des pertes fiscales indirectes, les
gouvernements perçoivent moins d’impôts sur le
revenu, de cotisations sociales et d’impôts sur les
sociétés en raison de la baisse du volume légal dans
l’industrie et le commerce licites qui se traduit
souvent par une perte au niveau des emplois.
4.1.2 Pertes financières pour l’industrie
et le commerce licites
Les fabricants et les fournisseurs légaux des produits
du tabac sont pénalisés car, en plus des pertes de
revenus, le commerce illicite altère la concurrence
sur le marché, minant les investissements dans
l’innovation, la distribution, l’égalité des marques
et l’emploi.
Les petits revendeurs de tabac sont parmi les plus
touchés par le commerce de cigarettes illicites
facilement accessibles. Au Royaume-Uni, le
commerce illicite des produits du tabac aurait un
effet dévastateur sur les revendeurs locaux qui
doivent rivaliser avec le marché noir. On estime que
les commerçants, les grossistes et les distributeurs
perdent GBP 230 millions chaque année au profit
des contrebandiers.18
D’après les recherches19 effectuées au Canada
par l’Association Canadienne des Dépanneurs en
alimentation et le Conseil Canadien des Fabricants
du Tabac, le commerce illicite entraîne une perte de
recettes de 30% pour les magasins de proximité.
15
16
17
14
18
19
20
Après le 11 septembre, des mesures rigoureuses
ont été prises à l’encontre des systèmes bancaires,
ce qui a rendu compliqué le blanchiment d’argent à
travers les banques. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les
organisations criminelles et les groupes terroristes
utilisent le commerce illicite pour générer des
bénéfices et faire traverser les frontières à leur argent.
Le département de justice américain de l’alcool, du
tabac et des armes à feu (Bureau of Alcohol, Firearms and Tobacco, ATF) affirme que les groupes
du crime organisé, dont ceux ayant des liens avec
des organisations terroristes, sont impliqués dans
le trafic d’alcool et des produits du tabac, y compris
dans celui des produits du tabac contrefaits.20
Une étude universitaire sur le terrorisme, la
criminalité transnationale et la corruption a révélé
que les personnes impliquées dans le commerce
illicite des produits du tabac, sont aussi impliqués
dans d’autres formes de commerce illégal (p. ex.
drogue, alcool, diamants, bois ou antiquités). Le
commerce illicite des produits du tabac ne cesse
de s’accroître, en partie, en raison de l’absence de
ressources coordonnées qui devraient se concentrer
sur les itinéraires et les chaînes de distribution du
commerce illicite.
Framework Convention Alliance « How Eliminating the Illicit Cigarette Trade Would Increase Tax Revenue and Save Lives » INB3 fact
sheet.
Ce chiffre est probablement exagéré car il repose sur un taux du droit d’accise moyen élevé et ne tient pas compte du double
comptage (c.-à-d. lorsqu’un produit taxé dans un pays A est passé en contrebande dans un pays B, il faut déduire la taxe payée dans
le pays A).
Commission européenne/MEMO/10/448 (27 septembre 2010).
Talking Retail (actualités de l’industrie) (10 décembre 2009).
Royal Canadian Mounted Police’s Contraband Tobacco Enforcement Strategy, p. 17 (2008).
The Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives’ Efforts to Prevent the Diversion of Tobacco (Efforts de l’ATF pour
empêcher le détournement de tabac, septembre 2009).
Les cigarettes illicites sont souvent dissimulées et transportées dans des conditions insalubres.
L’extrait, fourni à la page 15 21 des résultats de cette
étude du Dr Louise Shelley - Professeure et Directrice
du « Terrorism, Transnational Crime and Corruption
Center » à l’Université George Mason, Arlington,
Virginie, donne un aperçu du lien entre le commerce
illicite de cigarettes et le financement du terrorisme.
4.2.2 Respect de l’État de Droit
Lorsque le grand public se rend compte que les lois
ne sont pas suivies à la lettre et que cela n’entraîne
aucune ou peu de conséquences, on peut observer
une érosion progressive du respect à l’égard de la
législation et des Autorités de contrôle. Si les gens
n’entendent parler que rarement d’arrestations et de
poursuites réussies des personnes impliquées dans
le commerce illicite, ils penseront que les Autorités
de contrôle sont inefficaces et que la loi n’a pas
vraiment d’importance. Les gens qui sont habitué à
violer les lois sans en subir les conséquences peuvent
être pris comme modèles par d’autres et contribuer
à un effritement des comportements standard de
respect de la loi.
et quantités maximums de goudron et de nicotine),
les produits illicites, en particulier les contrefaits,
sortent complètement ou en partie de ce cadre
réglementaire.
Les recherches menées par l’Institut National danois
de la Santé Publique et de l’Environnement (RIVM)
montrent que les cigarettes contrefaites contiennent
des niveaux de cadmium cinq fois plus élevés et des
niveaux de plomb six fois plus élevés que les cigarettes
authentiques.22
4.2.3 Santé publique
Le commerce illicite du tabac mine les initiatives de
santé publique qui visent à freiner la consommation
du tabac. Dans un environnement non régulé, le
commerce illicite propose des cigarettes moins
chères, et les rend accessibles à des groupes
vulnérables tels que les mineurs.
Contrairement aux produits du tabac légaux
fabriqués et vendus conformément à de strictes
exigences réglementaires (avertissements de santé
21
22
Dr Louise Shelley, exposé à la conférence de l’ITIC - « Illicit Trade: A Security Challenge - A Case of Cigarette Smuggling » (2009).
Lettre du Ministère danois des finances au Parlement danois (26 mai 2010).
15
L’enquête Tobacco Underground du Center for Public
Integrity23 affirme que « de nombreuses cigarettes
sont fabriquées à partir de tabac de la plus médiocre
qualité, plein de côtes et de sciure et trafiqué avec des
niveaux inhabituellement élevés de nicotine. Des tests
ont révélé que les cigarettes contrefaites contiennent
une quantité de produits qui pourraient réduire encore
davantage la durée de vie d’un gros fumeur : métaux
tels que cadmium, pesticides, arsenic, mort-aux-rats et
excréments humains. »
L’OMD a rapporté que des saisies de cigarettes
contrefaites contenaient des mites (voir photo ci-après)
et a identifié des méthodes de dissimulation sans
précédent (c’est-à-dire dans des barils d’éponges
de titane contenant du chlore gazeux toxique) qui
présentaient de sérieux risques de santé pour les
Autorités de contrôle chargées d’inspecter et de saisir
les cigarettes illicites dans ces conteneurs. Il va sans dire
que ces cigarettes auraient pu être très dangereuses
pour les consommateurs.
Etude de cas : « Le commerce illicite : un défi en termes de sécurité » (Shelley 2009)
« Pendant des décennies, le commerce [illicite des produits
du tabac] a profité à des groupes criminels et à des agents
corrompus, cependant les organisations terroristes ont
aussi exploité le commerce illicite. La mafia italienne y est
impliquée depuis le depuis le début ou le milieu du XXe
siècle (Paoli 2003). L’appât du gain que cette commodité,
souvent objet de contrebande, fait miroiter n’a pas fait
qu’ attirer les groupes traditionnels du crime organisé. Le
gouvernement américain et les corporations internationales
ont en effet rapporté que des cigarettes contrefaites étaient
fabriquées dans la région des trois frontières d’Amérique
du Sud par des organisations terroristes (Hudson 2003,
Sverdlick 2005).
Nombre d’autres groupes terroristes participent au
commerce illicite de cigarettes pour subventionner leurs
activités à l’instar du Hezbollah, du Hamas, d’Al-Quaïda, de
l’IRA, du PKK, de l’ETA (mouvement nationaliste basque), du
jihad islamique égyptien et palestinien ainsi que des Farc
(Coker 2003, Billingslea 2004, Wilson 2008). En raison
de l’implication de tant de groupes différents dans cette
activité, la Cour des Comptes américaine (Government
Accountability Office, GAO) (2003) classe la contrebande
de cigarettes parmi les activités de financement les plus
utilisées par les terroristes, avec le trafic de drogue,
d’armes et de diamants.
Pour illustrer le caractère lucratif de ce commerce, le
bénéfice total combiné du trafic de cigarettes pour les trois
principales factions de l’IRA (l’IRA provisoire, l’IRA véritable
23
16
et l’IRA de la continuité) a atteint environ USD 100 millions
entre 1999 et 2004 (Billingslea 2004).
Les liens entre crime et terrorisme continuent d’être
identifiés. Récemment, l’International Consortium of
Investigative Journalists (groupement international des
journalistes d’investigation) a montré que le trafic de
cigarettes illégales est une source de revenu majeure
pour les terroristes au Pakistan (Centre for Public Integrity
2009 ; Wilson 2009). Des chercheurs Russes on découvert
que dans le conflit entre la Russie du Sud et le Caucase
du Nord, le commerce de marchandises contrefaites (y
compris les cigarettes) est une source de financement pour
le terrorisme.
Le commerce de cigarettes est une activité de choix pour
les terroristes, parce qu’il n’intéresse que peu les Autorités
de contrôle. Les terroristes cherchent à garantir leur
financement par des moyens qui attirent le moins possible
l’attention sur eux. Ils font passer en contrebande des
cigarettes car les risques d’être arrêtés sont faibles et les
profits suffisamment élevés pour les financer et acheter des
armes, voire du matériel à double usage.
Les terroristes se tournent de plus en plus vers la
contrebande de cigarettes pour financer leurs opérations.
Citons les Talibans, pour lesquels les cigarettes sont
désormais la deuxième source de financement derrière
l’héroïne, et Al-Quaïda. »
The Center for Public Integrity « Tobacco Underground » par Marina Walker Guevara (19 octobre 2008)
5. Causes et facteurs favorables
5.1 Facteurs économiques
du commerce illicite
Le commerce illicite des produits du tabac est un
phénomène mondial, qui concerne indifféremment
les pays à faibles et à hauts revenus.
Ses principaux moteurs sont :
■ La volonté des consommateurs d’économiser
de l’argent en achetant sciemment des produits
illicites moins chers ;
■ La possibilité pour les criminels de faire
d’énormes bénéfices.
Même dans les pays où le taux d’imposition absolu
est faible, la contrebande peut être très rentable si
ce taux est élevé par rapport aux revenus. L’impôt
éludé est partagé entre le consommateur, sous forme
de cigarettes moins chères, et le contrebandier.
Par exemple, certaines personnes en Europe de l’Est
sont ravies de gagner ne serait-ce que USD 100 à 150
en plus par semaine en faisant de la contrebande
de cigarettes par petites quantités, car cette somme
est bien supérieure au salaire perçu pour un travail
régulier. A l’autre bout du spectre, les groupes
criminels qui font passer des conteneurs entiers dans
l’Union Européenne peuvent générer des millions
d’euros de profits par envoi.
Les cigarettes, qui sont fortement taxées, largement
consommées, faciles à transporter et qui présentent
un rapport poids-valeur intéressant, comptent parmi
les biens les plus trafiqués au monde.
Etude de cas : l’effet des fortes hausses du droit d’accise sur les cigarettes en Irlande.
Droit d’accise, prix et revenu fiscal
Au cours des dix dernières années, l’Irlande a connu deux
périodes de fortes hausses du droit d’accise payé sur les
cigarettes, en 2001-2003 et 2006-2009. L’augmentation
totale s’est élevée à 76% entre 2000 et 2009 dans la
catégorie de prix la plus populaire, soit trois fois plus que
le taux d’inflation (26,2%).
Entre 2000 et 2005, le prix des cigarettes a augmenté de
31% et les volumes légaux (droits acquittés) ont baissé de
16%. Durant la seconde période d’accroissement du droit
d’accise (2006-2009), les prix ont bondi de 33%, le coût
du paquet atteignant EUR 8.45, soit presque EUR 2 de
plus que dans le deuxième pays de l’UE affichant les tarifs
les plus élevés.
En dépit de ces hausses exceptionnelles du droit d’accise,
le gouvernement n’a enregistré aucun bénéfice fiscal, les
revenus issus de la taxation des cigarettes (droit d’accise
et TVA) restant pratiquement stables entre 2001 et 2009.
Consommation de cigarettes et incidence du tabagisme
En 2005, des produits illégaux (droits non acquittés) ont
fait leur apparition sur le marché, atteignant environ 8%
de la consommation totale. Cependant, le flux de produits
de contrebande a rapidement augmenté pour parvenir à
quelque 25% du marché en 2009, ce qui équivaut à 1,5
milliard de cigarettes.
Depuis 2005, le marché légal des cigarettes (droits
acquittés) a perdu 19%, de 5,6 à 4,55 milliards de
cigarettes. Si l’on tient compte du nombre de cigarettes
légales et illégales (4,55 + 1,5 milliards), il est clair que
la consommation effective en Irlande pour cette période
est restée à plus de 6 milliards de cigarettes et n’a pas
diminué depuis 2003.
Cette statistique est étayée par l’évolution de l’incidence
du tabac entre 2000 et 2009, qui pour la population
irlandaise adulte est restée à peu près stable à environ
30%
Conclusions
Ces fortes hausses du droit d’accise entre 2000 et 2009
n’ont pas entraîné la baisse de la consommation totale
ni celle de l’incidence du tabagisme qui était le principal
objectif de santé à l’origine de ces augmentations. La
grande disponibilité des cigarettes issues du commerce
illicite, tout en alimentant le crime organisé, a permis aux
fumeurs adultes et aux jeunes d’accéder à des produits
peu chers et non contrôlés.
La politique de fortes hausses du droit d’accise a
également été contre-productive du point de vue des
revenus de l’Etat. En effet, en 2001, l’augmentation
massive du droit d’accise de EUR 155 en 2001 à EUR 261
pour 1000 cigarettes (hausse de 68%) n’a pas permis
à l’État irlandais de faire des bénéfices fiscaux mais, au
contraire, cette augmentation a fait stagné ses revenus.
Les limitations de cette politique de fortes hausses ont
été reconnues par le ministre des Finances irlandais, qui a
déclaré lors de l’annonce du budget le 9 décembre 2009 :
« J’ai décidé de ne pas modifier le droit d’accise sur le
tabac dans le cadre de ce budget, car je crois que les prix
élevés du tabac entraînent une augmentation massive de
la contrebande de cigarettes. Or j’ai le devoir, en tant que
ministre des Finances, de protéger les recettes fiscales. »
17
5.2 Facteurs favorisant
le commerce illicite
En plus des principaux moteurs économiques, il
existe un grand nombre de facteurs ayant une
influence significative sur l’incidence et l’ampleur
du commerce illicite. Citons notamment les
politiques de taxation du tabac non équilibrées, les
mesures de protectionnisme, des mesures coercitives
inadéquates, l’exploitation de zones franches, des
législations et des sanctions insuffisantes ainsi que
la tolérance du public.
5.2.1 Politique de taxation du tabac
Dans la plupart des pays, le tabac est considéré
comme un candidat idéal pour engranger des recettes
fiscales. En effet, sa consommation dans le monde est
importante, la demande est relativement inélastique
et les externalités négatives justifient la taxation. En
fait, le tabac est soumis à des taxes spéciales depuis le
XVIIe siècle et aujourd’hui, tous les pays imposent au
moins une taxe sur les produits du tabac, qu’il s’agisse
du droit d’accise, de droits d’importation, de la TVA/
taxe sur les ventes ou d’autres taxes du même ordre.
Hormis quelques exemptions légales (p. ex. franchises
de taxes pour les voyageurs), toutes ces taxes doivent
être payées dans le pays de consommation.
Le droit d’accise est généralement la taxe principale
et la composante principale du prix de détail final. En
plus de constituer pour les gouvernements une source
de revenus sûrs, prévisibles et faciles à collecter, les
taxes sur le tabac sont utilisées par les gouvernements
comme instrument politique pour décourager la
consommation de tabac.
L’inconvénient d’une politique de taxation du tabac
non équilibrée, c’est qu’elle peut être à l’origine du
commerce illicite. Afin d’optimiser les revenus fiscaux
à long terme et éviter le développement d’un marché
illégal, il est donc essentiel que les gouvernements
adoptent une approche modérée dans l’imposition de
droits d’accise. Dans la mise en œuvre d’un principe
d’optimisation, la politique fiscale doit refléter trois
choses :
■ Des prix abordables pour les consommateurs
– le niveau des taxes sur les cigarettes devrait
être fixé en fonction du pouvoir d’achat des
consommateurs ;
■ Un taux d’imposition dans les pays voisins ou
au sein d’un bloc commercial - pour minimiser
l’attrait des achats transfrontaliers et de la
contrebande ;
■ Une facilité de gestion et d’application des lois
- pour minimiser la bureaucratie et les coûts de
conformité fiscale.
24
18
Les fortes hausses des droits d’accise qui entraînent
une baisse soudaine de l’abordabilité pour les
consommateurs ont tendance à être des moteurs
particuliers de l’émergence du commerce illicite
comme l’a récemment prouvé l’expérience irlandaise
citée en page précédente. Le Canada est un autre
exemple attestant que certaines circonstances
peuvent avoir pour conséquence un renforcement du
commerce illicite.
Ces exemples montrent que les politiques fiscales
peuvent être contre-productives aussi bien en matière
de revenus qu’en matière de santé. À cet égard, la
Banque mondiale a déclaré ce qui suit :
« Le potentiel de contrebande du tabac peut limiter les
augmentations des taux d’imposition. Lorsque l’on fixe
les taux d’imposition, il faut tenir compte du risque
de contrebande, du pouvoir d’achat des consommateurs
locaux, des taux d’imposition en vigueur sur les marchés
voisins ainsi que de la capacité et de l’efficacité des autorités
fiscales pour faire respecter les lois. »24
5.2.2 Des mesures protectionnistes
Les restrictions à l’importation, les droits d’entrée
prohibitifs et toutes les autres mesures protectionnistes
visant à instaurer des obstacles techniques
au commerce alimentent le commerce illicite, la
demande de marques internationales de la part des
consommateurs étant un fait établi. La Chine illustre
parfaitement cette situation : comme les importations
de marques étrangères y sont limitées par de stricts
quotas, ces dernières restent inaccessibles légalement
à une grande majorité de consommateurs.
5.2.3 Des mesures répressives inappropriées
Dans bien des cas, les lois promulguées en vue de
contrer le commerce illicite ne sont pas appliquées
correctement, et ce pour diverses raisons.
Contrôles officiels
Contrôler des millions de mouvements de
marchandises au-delà des frontières requiert
énormément de ressources et la participation des
Autorités de contrôle tant au niveau national
qu’au niveau international. Il y a un besoin d’agents
formés dans les domaines de la prévention, du
renseignement, de la détection et de l’investigation,
de même qu’un système informatique de sauvegarde
des données pour le renseignement, l’évaluation des
risques, l’affectation des ressources et les comptes
rendus d’intervention. La coopération transfrontalière
est elle aussi indispensable. Les unités d’intervention
mobiles ont besoin de matériel de transport, de
scanners mobiles et de technologies les plus récentes.
Kit d’outils sur le tabac de la Banque mondiale, Ayda Yurekli outil 4: Concevoir et gérer les taxes sur le tabac, quel est le bon taux
d’imposition ? / Evaluer l’impact des droits d’accise sur le tabac, page 22.
Étude de cas sur l’évasion fiscale : la fabrication de produits du tabac dans certaines
Réserves des Premières Nations (Peuples Indigènes)
Situés à la frontière entre le Canada et les ÉtatsUnis, les territoires des Premières Nations se prêtent
très facilement aux activités transfrontalières illicites.
Certaines des Premières Nations estiment que la
fabrication et la vente exonérée d’impôts de produits du
tabac relèvent du droit souverain de leurs citoyens, sans
intervention du gouvernement fédéral ou provincial. Étant
donné la réticence des autorités à faire appliquer les lois
et réglementations relatives au tabac dans les réserves,
la fabrication illégale ainsi que la vente (exonérée
d’impôts) de produits du tabac n’ont fait qu’augmenter
ces dix dernières années.
Des usines, disposant ou non d’une autorisation,
fabriquent et commercialisent des produits du tabac dont
les droits ne sont pas acquittés, et qui sont disponibles
directement dans des points de vente des réserves ou
fournis en gros à des distributeurs illicites, qui les vendent
à leur tour à des consommateurs en dehors des réserves.
D’après la Gendarmerie Royale du Canada, une centaine
de groupes du crime organisé sont impliqués dans ce
trafic de tabac.
Une série d’augmentations conséquentes des taxes sur
le tabac entre 2001 et 2005 a incité les consommateurs
à acheter ces produits de contrebande. Des sachets en
plastique transparents contenant 200 cigarettes illégales
se vendent désormais pour la modique somme de CAD
10, contre plus de CAD 70 en moyenne pour la même
quantité vendue légalement.
En 2008, le commerce illicite des produits du tabac
représentait 32,7% de la consommation canadienne;
dans les provinces les plus peuplées, Ontario et Québec,
les taux de contrebande atteignaient 48,6% et 40,1%
respectivement. Ces produits de contrebande n’étaient
conformes à aucune des lois et réglementations
Pour des raisons géographiques, un contrôle exhaustif
des frontières est difficile à mettre en œuvre dans
de nombreux pays. Dans la plupart des cas, la
contrebande survient à des points d’entrée et de sortie
connus (ports, ponts, routes principales, aéroports
et zones franches). L’insuffisance des contrôles à ces
points, souvent conjuguée à la corruption à un degré
plus ou moins important, permet aux contrebandiers
de transporter de grandes quantités de produits
sans se faire remarquer. Cette situation ne fait que
s’aggraver dans les pays ou les régions en proie à
l’instabilité politique.
Marchandises en transit et en transbordement
Les marchandises en transit désignent celles qui
ont quitté leur point d’expédition, de chargement
ou d’embarquement, mais qui n’ont pas encore
atteint le lieu de réception, de déchargement ou de
livraison. Le transbordement consiste à expédier des
marchandises vers une destination intermédiaire,
canadiennes en matière de produits du tabac (p.
ex. avertissements de santé, papier à propension
inflammable réduite, essais et divulgation des ingrédients)
et représentaient, en 2008, une perte fiscale d’environ
CAD 2,4 milliards. La perte de revenus subie la même
année par l’industrie légale du fait du commerce illicite
est estimée à CAD 900 millions. Et pour les détaillants, le
manque à gagner s’élevait à CAD 2,5 milliards en 2009. La
même année, 2 300 commerces de détail ont fermé leurs
portes, principalement à cause de la baisse du volume
des ventes. Enfin, les saisies par les autorités ont été 33
fois plus importantes qu’en 2001, mais ne représentaient
encore que 2% du volume total du commerce illicite.
Ces deux dernières années, des progrès ont été réalisés
au Canada. La prévalence des produits du tabac illégaux a
diminué à 19%, ce qui reflète la baisse observée dans les
provinces de l’Ontario et du Québec. C’est dans l’Ontario
que cette prévalence reste la plus élevée, avec 32,4%.
Dans la province du Québec, les produits du tabac illégaux
représentent 17,9% du marché total.
En 2009, les gouvernements provinciaux ont instauré de
nouvelles mesures coercitives, notamment une présence
accrue des forces de police, une gestion plus rigoureuse
des feuilles de tabac ainsi qu’une surveillance et des
contrôles aux frontières plus stricts.
Jusqu’à présent, les mesures prises visaient à mieux faire
respecter les lois. Cependant, le niveau élevé de l’accise
va continuer d’inciter à la fabrication et à la vente de
cigarettes illicites à bas prix pour répondre à la demande
des consommateurs. Pour parvenir à éradiquer ce trafic,
les gouvernements doivent rechercher des solutions
pragmatiques et durables impliquant les communautés
des Premières Nations.
puis de cette dernière vers une autre destination.
Souvent, cette pratique est utilisée lorsque le mode
de transport change pendant le trajet (passage du
transport maritime au transport routier, par exemple).
Une grande partie du transbordement international
a lieu dans des zones douanières désignées, dans
lesquelles aucun contrôle ni droit de douane n’est
appliqué.
L’OCDE et l’OMC ont toutes deux exprimé des craintes
liées aux lacunes d’une législation inadéquate, des
contrôles et de l’application des mesures concernant
les marchandises en transit. Dans son rapport sur
la criminalité publié en 2007, l’OCDE indique que
bien souvent, les marchandises en transit sont
expressément exclues des interdictions applicables
aux produits contrefaits, et qu’en conséquence, elles
ne peuvent pas être interceptées.
19
Le tableau ci-dessous dresse la liste des catégories
concernées.
Principales catégories des cas de fraude en
matière de transit
Non-respect des procédures de transit. C’est le moyen
le plus simple de commettre une fraude en matière de
transit. Les marchandises « disparaissent » quelque
part entre le bureau douanier de départ et le bureau de
destination.
Détournement de la procédure de transit. Les criminels
peuvent donner l’impression que les droits relatifs à une
opération de transit ont été acquittés en utilisant des
timbres officiels volés ou falsifiés, ou des faux documents
en guise d’exemplaires de retour.
Fraude liée à la garantie du transit. Cette fraude peut
passer par l’utilisation illicite d’une garantie authentique
ou d’un certificat de garantie falsifié.
Description erronée des marchandises. Il s’agit d’un
cas fréquent de fraude douanière qui consiste à déclarer
des marchandises sensibles ou soumises à des taxes
élevées comme étant des marchandises non sensibles ou
soumises à de faibles taxes lors du transit.
Dissimulation ou substitution de marchandises pendant
le transport. Autre cas fréquent de fraude douanière qui
implique parfois la falsification des scellés douaniers sur
les camions.
L’étude de cas suivante décrit une situation dans
laquelle la législation applicable aux marchandises
en transit comporte des lacunes :
Zones franches 25
Les zones franches sont créées par les gouvernements
en vue d’y attirer les entreprises et les capitaux
étrangers. Elles facilitent les échanges commerciaux,
car elles ne sont pas soumises aux tarifs douaniers ni
aux quotas, et limitent à un minimum les exigences
administratives comme les procédures douanières et
les obligations d’information.
Les organisations criminelles profitent des
zones franches pour passer des produits illicites
en contrebande ou les faire entrer sur le marché
domestique, voire pour mettre sur pied des unités
de production de marchandises de contrefaçon
et de contrebande. La saisie de conteneurs de
cigarettes dans les zones franches montre que ces
dernières sont souvent déclarées comme étant des
marchandises légales. Nombre de cargaisons saisies
ces dernières années étaient destinées à se trouver
plusieurs fois en transit/transbordement, certaines
d’entre elles étant passées par cinq points de transit/
transbordement avant d’être saisies. L’insuffisance
des contrôles douaniers est le principal facteur à
l’origine de cette situation.
L’OCDE26 a identifié l’utilisation excessive des
zones franches comme étant le principal moteur du
commerce illicite. Elles sont parfois gérées comme
des zones ne faisant pas partie du territoire douanier
d’un pays.
Étude de cas : en Égypte, les autorités douanières ne disposent pas d’un pouvoir légal clair pour
saisir des marchandises contrefaites en transit
De par sa position géographique stratégique entre l’Asie
et l’Europe, l’Égypte constitue une plaque tournante de
transbordement et de transit pour cigarettes contrefaites.
Le droit de la propriété intellectuelle égyptien comporte
d’importantes lacunes qui empêchent les officiers de
douane de lutter efficacement contre le transbordement
et le transit de ces contrefaçons. En effet, la législation
nationale ne leur confère pas explicitement l’autorité
de saisir les marchandises qui enfreignent les droits
de propriété intellectuelle (DPI) étant en transit.
La réglementation des Frontières (lois concernant
les importations et exportations, qui dépendent du
ministère de Commerce et de l’Industrie) se prête à des
interprétations diverses et est susceptible de semer
la confusion lorsqu’elle est appliquée parallèlement à
la législation douanière (qui dépend du ministère des
Finances). Par conséquent, les agents douaniers et
judiciaires chargés de traiter les cas liés aux DPI bien
souvent ne savent pas quoi faire. Ainsi, les autorités
25
26
20
douanières, en proie aux doutes, n’ont parfois d’autre
choix que de laisser passer des envois dans les zones de
libre-échange égyptiennes. Dans de nombreux cas, leur
seule option est de coopérer avec leurs homologues dans
le pays de destination des marchandises.
En 2009, deux conteneurs transportant environ 17
millions de cigarettes de contrefaçon se trouvaient
en transit à Port Saïd. Grâce au soutien constant des
douanes pendant deux mois, le détenteur des droits a pu
initier une procédure légale, mais il n’a pas été en mesure
d’obtenir un ordre de saisie du procureur général. Le 17
décembre, les deux conteneurs ont été autorisés à partir
pour Mersin, en Turquie. Le 25 décembre, les autorités
douanières turques saisissaient les conteneurs à leur
arrivée dans la zone de libre-échange de Mersin, bien
qu’ils se trouvaient en transit pour Famagusta, dans la
République Turque de Chypre du Nord. Ce cas illustre
l’inefficacité du système actuel de protection de la
propriété intellectuelle en Égypte.
En 2002, on recensait environ 3000 zones franches dans 116 pays.
Rapport de l’OCDE, « The economic impact of counterfeiting and piracy », 2007.
Par conséquent, les marchandises qui y entrent ou
en sortent sont soumises à des contrôles douaniers
réduits au strict minimum. L’OMD a reconnu que
les douanes devaient disposer d’un pouvoir légal
clairement défini pour surveiller les marchandises
en transit et dans les zones franches, reconnaissant
que dans certains cas, il était difficile de déterminer
si le gouvernement ou les autorités douanières
avaient la compétence d’y effectuer des contrôles . 27
Une étude récente portant sur les contrôles effectués
dans les zones franches indique que, même lorsque
la législation adéquate existe, les mesures répressives
sont parfois insuffisantes en raison de la pression
exercée sur les autorités douanières pour assouplir
les contrôles dans le but de stimuler la croissance
économique.
La saisie et la destruction des produits et du matériel
utilisés pour fabriquer des cigarettes de contrefaçon
sont des éléments essentiels de la législation et
constituent un moyen efficace pour lutter contre le
commerce illicite.
5.2.4 Insuffisance de la législation
et des sanctions
Dans de nombreux pays, les instances chargées de
faire respecter les lois ne disposent pas de l’autorité
suffisante pour intervenir efficacement, le commerce
illicite des produits du tabac étant considéré comme
une infraction relativement mineure. C’est ce qui
attire les organisations criminelles, pour qui la
contrebande de cigarettes est une activité rentable et
peu risquée, punie par des sanctions moins lourdes
que celles appliquées lors des trafics de drogue,
d’êtres humains ou d’armes, par exemple.
27
28
Le témoignage suivant d’un (ex-) contrebandier, qui
figure dans le rapport de 2008 intitulé « Tobacco
and Terror » du personnel de la Commission sur la
sécurité intérieure de la Chambre des représentants
des États-Unis, illustre les limites de l’effet dissuasif
de la loi américaine (toujours en vigueur) : «La seule
crainte des contrebandiers de tabac est de perdre
une cargaison de cigarettes. Nous n’avons pas peur
des sanctions pénales. Nous pouvons être contrôlés,
notre cargaison peut être saisie et nous pouvons
même être arrêtés ; mais tout cela a très peu de
risques d’arriver. Dans le pire des cas, nous irions en
prison pendant deux mois, avant d’être libérés et de
recommencer. Imaginez-vous qu’un petit trafiquant
comme moi peut gagner USD 50 000 par mois en ne
travaillant que quelques heures par semaine. Les
gros bonnets brassent des centaines de milliers de
dollars par semaine, dont une grande partie part
au Moyen-Orient en espèces ou dans le cadre de
transactions commerciales. »
Les pays qui ne disposent pas de sanctions
dissuasives strictes, et notamment du pouvoir de
confisquer les recettes du crime, se mettent d’office
dans une position de faiblesse dans la lutte contre le
commerce illicite des produits du tabac.
En outre, comme le montre l’étude de cas décrite à la
page précédente, la destruction des marchandises et
du matériel saisi utilisé pour fabriquer des produits
du tabac illicites, devrait être obligatoire. Dans
certains pays, les marchandises et le matériel saisis
sont vendus aux enchères – ce qui provoque leur
retour immédiat sur le marché noir.
WCO Guidelines on Controlling Free Zones in Relation to IPR Infringements, par. 3 (12 janvier 2005).
Charles Kendall & Partners , « What is Effective Legislation », www.ITICnet.org (2009).
21
Etude de cas : la zone franche de Jebel Ali aux Emirats Arabes Unis (EAU)
Il existe aux EAU de nombreuses zones franches situées
dans ou à proximité des ports maritimes et abritant 15
usines de production de cigarettes. Neuf d’entre elles se
trouvent dans la zone franche de Jebel Ali (JAFZA), quatre
dans celle de Fujairah, une dans celle de Sharjah et une
autre dans celle d’Ajman. A JAFZA, l’importante production
de cigarettes de contrefaçon destinées principalement
aux pays d’Afrique occidentale, est notoire. De fausses
cigarettes provenant de JAFZA ont été trouvées au Ghana,
mais aussi en Inde, en Afghanistan, en Irak, en Iran, dans
différents pays d’Asie du Sud-Est, dans les Balkans, en
Europe de l’Est et de l’Ouest et dans d’autres États du
Moyen-Orient. Créée en 1985, la zone franche de JAFZA
accueille 100% de sociétés étrangères, qui sont libres
d’y employer qui elles veulent. Il n’y a aucun impôt sur
les sociétés ni de taxes à l’importation ou à l’exportation.
Depuis 2003, les entreprises internationales peuvent
établir des sociétés offshores à JAFZA en bénéficiant
d’un rapatriement illimité des capitaux et des bénéfices.
L’autorité de la zone franche délivre des licences pour
les activités de commerce, services et fabrication dans
l’enceinte de la zone.
JAFZA compte 54 sociétés enregistrées dans la catégorie
« tabac et cigarettes ». Parmi elles, Concord Tobacco
International FZE est associée depuis longtemps à la
fabrication de cigarettes de contrefaçon et a des liens
avec des installations en Afghanistan et en Irak. En mai
2008, les services de sécurité de l’État et les autorités
douanières de Dubaï ont fait une descente dans les locaux
de Concord Tobacco, où ils ont trouvé deux conteneurs
pleins de cigarettes de contrefaçon, ainsi que de grandes
quantités d’emballages contrefaits, de cigarettes en vrac
et de composants autres que le tabac.
5.2.5 Tolérance du public
Le commerce illicite est alimenté par la demande
des consommateurs. En général, ces derniers
savent pertinemment qu’ils achètent des produits
de contrebande ou de contrefaçon, mais ils
n’y renoncent pas afin de faire des économies.
Parallèlement, le grand public n’a pas toujours
conscience des conséquences du commerce illicite
des produits du tabac, qu’il considère comme un
délit sans victime. Lors d’une étude 29 menée auprès
de fumeurs dans des zones socialement défavorisées
au Royaume-Uni, Wiltshire et al. ont découvert que
cette attitude n’était pas un motif de honte pour ces
derniers, mais au contraire, un moyen de défier ce
qu’ils perçoivent comme une injustice. Ils ont noté
que presque tous les participants ont fait part de leur
insatisfaction vis-à-vis du prix des produits du tabac
légaux, qu’ils estiment injuste et pénalisant pour les
consommateurs à petits revenus.
Une étude récemment réalisée par l’ONG Action
on Smoking and Health (ASH) révèle des résultats
similaires: « Les mesures que le public estime
excessives sont susceptibles d’accroître la tolérance
vis-à-vis du commerce illicite. »30
29
30
22
Wiltshire et al. «They’re doing people a service» - qualitative study of smoking, smuggling and social deprivation, British Medical
Journal (2001).
The Illicit Tobacco Trade: Monitoring and Mitigating Risk in New Zealand, ASH Action on Smoking and Health, p.3 (juin 2010).
Etude de cas : les procédures nécessaires pour la destruction obligatoire du matériel ou des
machines utilisés à des fins de contrefaçon en Russie
Bien que selon le Chapitre 4 du Code Civil russe, tout
matériel (y compris les machines) ayant servi à produire
des cigarettes contrefaites doit être détruit, celui saisi
lors des raids dans les usines de production n’est pas
détruit. Cela s’explique par le fait que la procédure de
destruction n’est pas clairement définie dans le Code de
Procédure Pénale russe.
Dans la plupart des cas, les tribunaux se contentent de
demander la saisie du matériel, sans exiger sa destruction.
De même, lorsqu’une procédure pénale est suspendue,
les juges ne disposent d’aucune instruction claire sur ce
qu’ils doivent faire des preuves matérielles, des machines
et des produits contrefaits. Les détenteurs de droits sont
autorisés à participer au processus de destruction, mais
n’y sont pas formellement tenus. Ils ne sont pas non
plus avertis de manière officielle de la destruction. Dans
les cas où aucune personne physique ou morale n’est
identifiée comme contrevenant, la loi russe ne spécifie
pas à qui incombent les coûts de la destruction, qui
peuvent être conséquents lorsque des appareils de haute
technologie ont été utilisés pour fabriquer les produits
contrefaits. Etant donné l’absence de dispositions
procédurales claires concernant la destruction, le matériel
et les machines saisis peuvent très facilement rejoindre
à nouveau le circuit criminel et être réutilisés dans de
futures opérations de contrefaçon.
dispositions claires dans le Code de Procédure Pénale,
qui :
(1) stipulent que les tribunaux doivent ordonner la
destruction du matériel et des machines dont il a été
prouvé qu’ils ont servi à fabriquer des contrefaçons
ou qui étaient destinés à servir dans la fabrication de
contrefaçon ;
(2) confèrent aux tribunaux l’autorité et l’obligation
d’ordonner la destruction des preuves matérielles
lorsqu’une procédure pénale est suspendue et qu’il
a été démontré que lesdites preuves matérielles
étaient contrefaites, ou, dans le cas de matériel
et de machines, qu’ils ont servi à fabriquer des
contrefaçons;
(3) prévoient une procédure de destruction du matériel ou
des machines utilisés pour fabriquer des contrefaçons
(4) prévoient que les détenteurs de droits participent au
processus de destruction;
(5) prévoient que les détenteurs de droits reçoivent une
notification écrite formelle de la destruction;
(6) précisent qui doit prendre en charge les coûts de la
destruction lorsqu’aucune personne physique ou
morale n’a été identifiée comme contrevenant.
Ce problème pourrait être résolu par l’instauration de
La saisie et la destruction des produits et du matériel utilisés pour fabriquer des cigarettes de contrefaçon sont des éléments
essentiels de la législation et constituent un moyen efficace pour lutter contre le commerce illicite.
23
6. Comment faire face
à ce problème ?
Les gouvernements qui entendent lutter contre le
commerce illicite des produits du tabac de façon
exhaustive doivent avant tout faire preuve d’une
détermination politique sans faille pour s’atteler
aux multiples facettes de ce problème. C’est une
nécessité pour garantir la disponibilité des ressources
financières adéquates, la fixation d’objectifs et la
présentation régulière de rapports d’avancement
permettant d’évaluer les progrès réalisés (ou non).
Dans ce chapitre, nous dressons la liste des
principaux éléments devant être évalués, et au
besoin, modifiés ou appliqués, dans le cadre d’une
approche exhaustive.
Résumé des caractéristiques clés d’une
stratégie globale pour lutter contre le
commerce illicite des produits du tabac
•
Cerner l’ampleur et la nature du problème et en
suivre l’évolution.
•
Évaluer les principaux facteurs favorables, notamment
lors des contrôles de fabrication et d’exportation, les
zones franches, les opérations de transit, etc.
•
Disposer d’une politique fiscale et d’un système de
recouvrement des impôts équilibrés.
•
Analyser les lois et réglementations existantes pour
s’assurer qu’elles fonctionnent, que les sanctions
sont appropriées et qu’elles ont un effet dissuasif.
•
S’assurer que le corps judiciaire est conscient de
la gravité du délit et de la nécessité de détruire les
marchandises et le matériel illicites dans les meilleurs
délais.
•
24
Développer une stratégie d’application des lois
englobant toutes les autorités nationales concernées
et garantir que ces dernières disposent des pouvoirs
nécessaires pour agir efficacement.
•
Allouer suffisamment de ressources financières aux
Autorités de contrôle.
•
Agir sur la demande en informant le public des
implications du commerce illicite des produits du
tabac.
•
Créer et consolider des partenariats entre les
autorités nationales et internationales.
•
Coopérer avec des acteurs industriels licites pour
exploiter au mieux les ressources et les informations
combinées.
6.1 Cerner l’ampleur et
la nature du commerce illicite
Pour commencer, les gouvernements et les Autorités
de contrôle doivent cerner l’ampleur et comprendre
les implications du commerce illicite des produits
du tabac, identifier les parties prenantes et les liens
avec le commerce illicite d’autres marchandises.
Il existe plusieurs indicateurs de l’existence du
commerce illicite des produits du tabac et de sa
progression, notamment:
■ Une baisse inexpliquée des ventes sur le marché
légal, que les industriels et les commerçants sont
en général les premiers à remarquer ;
■ Des perturbations dans le flux des recettes de
l’État ;
■ Une augmentation des saisies de produits
illégaux – en termes de fréquence ou de quantité ;
■ L’apparition de marques qui ne présentent pas
les bons marqueurs ou qui ne sont pas distribuées
et vendues légalement dans le pays ;
■ Des changements dans les résultats des enquêtes
sur le commerce illicite.
Les résultats issus de méthodologies solides
jouent généralement un rôle clé pour sensibiliser
les autorités et le grand public à la gravité du
problème et peuvent servir à influencer l’allocation
des ressources.
6.2 Évaluer les principaux
facteurs qui favorisent
le commerce illicite
Voir le chapitre 5, et le point 5.2 en particulier.
6.3 Une politique fiscale
et un système de recouvrement
des impôts équilibrés
Le droit d’accise sur les cigarettes devrait avoir
pour principal objectif d’optimiser, à long terme,
les recettes fiscales – voir aussi point 5.2.1. Lorsqu’il
fixe un taux d’imposition, le gouvernement en
question devrait tenir compte du niveau de
développement économique, du pouvoir d’achat des
consommateurs et des taux d’imposition appliqués
dans les pays voisins. L’expérience montre qu’une
hausse drastique de l’accise est très susceptible de
provoquer l’apparition ou le développement du
commerce illicite.
Différentes méthodes sont utilisées selon les pays
pour recouvrer et contrôler les recettes fiscales
sur les produits du tabac. Le cadre administratif
de l’accise est généralement fondé sur le contrôle
de la production des usines, des entrepôts de
douane et des volumes importés. En complément,
des marqueurs fiscaux (timbres fiscaux imprimés
ou codage numérique) peuvent être apposés
sur chaque emballage de vente. Ces marqueurs
peuvent être utilisés soit comme un mécanisme de
contrôle supplémentaire, soit comme un moyen de
paiement de l’impôt proprement dit (c’est-à-dire
qu’ils contiennent le paiement de la taxe relative au
produit auquel ils s’appliquent).
Cependant, même les systèmes de timbres fiscaux
imprimés les plus sophistiqués ne suffisent pas à
protéger totalement le marché contre la menace
que constituent les produits illicites, ni à préserver
les recettes de l’accise. Tout comme les cigarettes,
les timbres fiscaux imprimés font l’objet de
contrefaçons de très grande qualité, généralement
quelques semaines seulement après leur apparition.
Ils peuvent également être volés et réutilisés par les
contrebandiers.
Grâce à la technologie actuelle, le recouvrement et
le contrôle fiscal peuvent passer par une solution
numérique, beaucoup plus sûre. Elle fonctionne sur
la base d’une technique unique et sophistiquée, selon
laquelle un code numérique est imprimé directement
sur l’emballage, remplaçant ainsi timbres et
marqueurs fiscaux. Ce code peut être lu facilement
et peut aussi servir de moyen d’authentification,
étant donné que la reproduction d’un code crypté
authentique est quasiment impossible.
Les gouvernements obtiennent ainsi en temps
réel des informations sécurisées sur le volume de
cigarettes fabriquées pour et dans leur pays. Le
montant des droits d’accise que doit payer chaque
fabricant et chaque importateur est donc totalement
transparent.
La certification fiscale numérique relative aux
produits du tabac est parfaitement conforme aux
initiatives de l’e-gouvernement et des douanes
électroniques.
Le certificat fiscal numérique est la méthode de
demain. Il s’agit, en effet, du système présentant le
meilleur rapport coût-efficacité, il est accessible aux
pays développés comme aux pays émergents.31
31
6.4 Des lois et
réglementations efficaces
Pour être efficace, la législation doit être claire et
simple à appliquer, et doit conférer aux instances
répressives le pouvoir d’intervenir. Les principales
exigences légales incluent :
■ Des infractions clairement définies et des
sanctions adéquates ;
■ La destruction systématique de tous les produits
du tabac, matières premières, matériel de
fabrication et composants saisis. Dans certains
pays, aucune loi ne régit la destruction des
marchandises saisies, ce qui sème la confusion
et empêche que ces dernières soient détruites
rapidement ;
■ Des moyens de recouvrer le montant des pertes
fiscales et des coûts liés à la destruction des
marchandises saisies, en confisquant les biens
par exemple ;
■ Le contrôle de la chaîne de distribution (p. ex.
les licences de fabrication et les marquages de
sécurité) ;
■ Des mesures strictes pour protéger les
propriétaires de marques contre les infractions
au droit de la propriété intellectuelle.
Pour lutter au mieux contre le commerce illicite,
les attributions des douanes doivent parfois être
renforcées et clarifiées, afin d’écarter toute ambiguïté
au niveau des compétences juridictionnelles.
Il est capital que la destruction des biens confisqués
ait lieu dans un délai raisonnable, pour éviter que
ces derniers ne soient réutilisés dans le cadre du
commerce illicite.
Dans tous les cas, il est recommandé que la loi
interdise aux instances publiques de vendre aux
enchères ou de toute autre façon, les biens qui ont
été saisis et qui sont directement liés à la fabrication
ou à la vente de produits du tabac, y compris
les cigarettes de contrebande ou de contrefaçon,
l’équipement de fabrication et les matières premières
des produits du tabac ou des composants autres que
le tabac.
Comme règle de base, toute mesure réglementaire
visant à réduire la consommation de tabac devrait
prendre en considération l’impact potentiel qu’elle
pourrait avoir sur le commerce illicite.
Pour plus d’informations sur le certificat fiscal numérique, consulter le site www.ITICnet.org
25
Les autorités devraient veiller à ce que toutes les
mesures élaborées pour réduire la visibilité, la
disponibilité et, d’un point de vue légal l’accessibilité,
des produits du tabac pour les consommateurs
soient soigneusement examinées par les Autorités
de contrôle avant d’être mises en œuvre, afin de ne
pas donner d’impulsion involontaire au commerce
illicite :
■ En empêchant les autorités sanitaires et les
Autorités de contrôle d’identifier les produits
illicites ;
■ En compliquant, l’identification de la contrebande
par les instances publiques, et la distinction
entre les produits contrefaits et les produits
authentiques par les acheteurs ;
■ En aidant les détaillants qui ont choisi de se livrer
au commerce illicite à écouler leurs produits
illégaux par le mélange de ceux-ci avec des
produits authentiques.
6.5 Un système judiciaire
qui fonctionne bien
En définitive, le succès d’une stratégie de lutte
contre le commerce illicite dépend en grande partie
du système judiciaire et de sa capacité à traiter
rapidement les cas soumis par les Autorités de
contrôle.
Les interventions des Autorités de contrôle doivent
être fondées sur des lois adéquates, votées par les
corps législatifs nationaux, doivent s’accompagner
de sanctions appropriées et être utilisées par les
tribunaux afin de mettre un terme à toute activité
criminelle.
6.6 Répression
Pour lutter de façon globale contre le commerce
illicite, il est nécessaire de poursuivre une stratégie
de répression ciblée et efficace. Sans elle, tous
les éléments mis en place ne produiront que peu
d’effets. L’élaboration d’une telle stratégie constitue
souvent la première étape d’un nouveau processus,
car on la considère comme la solution la plus
rapide au problème. Toutefois, pour qu’elle soit
efficace, des investissements considérables doivent
être consentis dans des outils performants et du
personnel compétent.
6.6.1 Investir dans des ressources adaptées et
efficaces
Au niveau national, les principales Autorités de
contrôle sont généralement les douanes, les gardesfrontières et certaines unités de police spécialisées.
La qualité de la formation des agents impliqués est
un aspect décisif dans la lutte contre le commerce
illicite. Ces derniers doivent connaître les exigences
26
légales relatives aux poursuites judiciaires et être
capables d’utiliser les outils informatiques et
d’analyser les sources des données. Ils devraient en
outre se tenir informés de l’évolution des méthodes
utilisées dans les domaines de la technologie et
du renseignement (par exemple les techniques de
contrefaçon, etc.). L’encadrement, la direction, une
rémunération adéquate et la sensibilisation aux
aspects éthiques sont des éléments qui peuvent
contribuer à mettre fin à la culture de la corruption.
Un cadre d’application efficace suppose aussi
d’investir dans des solutions technologiques
permettant :
■ D’analyser les flux et les tendances de production,
d’importation et d’exportation, d’évaluer les
risques liés aux mouvements de marchandises en
temps réel, les opérations de réaction en temps
réel et le feed-back/l’analyse des résultats des
interventions ;
■ De veiller à la sécurité de la chaîne de distribution
en assurant le suivi et la traçabilité des produits
tout au long de la chaîne de distribution,
l’authentification des produits saisis et la
vérification de l’impôt déclaré par rapport à la
production.
D’autres outils ont aussi prouvé leur efficacité,
citons par exemple les chiens renifleurs et les
scanners placés aux points de transit du commerce
international. La recherche de renseignements de
toutes les sources disponibles ainsi que l’analyse
des saisies peuvent aussi aider à identifier plus
facilement les changements de méthodes des
trafiquants.
6.6.2 Eduquer le public
Il serait important que chaque fois que les autorités
fiscales ou de contrôles changent d’orientation
stratégique, elles nouent un dialogue serré avec
le public afin qu’il soit informé de leur nouvelle
orientation.
Les Media, tant au niveau national qu’au niveau
local, constituent une excellente caisse de résonnance
pour alerter l’ensemble de la population des
implications du commerce illicite des produits du
tabac et pour mettre en évidence les poursuites
judiciaires réussies afin que ces dernières aient un
retentissement maximum auprès de cette même
population.
Ci-dessous quelques exemples de publicités et de
campagnes de sensibilisation du public au RoyaumeUni.
Les autorités publiques et l’industrie se doivent de
sensibiliser les consommateurs et le grand public à
l’impact du commerce illicite, de mettre en évidence
le rôle joué par les organisations criminelles et
terroristes et d’illustrer les conséquences que
peuvent avoir les achats récurrents de cigarettes
illicites.
6.6.3 Exemples de stratégies
d’application globales
La prise de conscience par un gouvernement de la
hausse du commerce illicite des produits du tabac et
des effets indésirables qui en découlent constitue le
moteur de l’adoption d’une stratégie de répression
résolue. Plusieurs pays et organismes internationaux
ont développé des stratégies globales pour lutter
conte ce fléau. Outre le Royaume-Uni et la Hongrie,
c’est notamment le cas de l’Office européen de lutte
antifraude (OLAF) et du monopole chinois du tabac
(STMA).
S’il est primordial de disposer d’une stratégie de
contrôle globale pour lutter contre le commerce
illicite, cette dernière ne peut pas à elle seule
remplacer tous les autres éléments complémentaires
requis, décrits aux points 6.1 à 6.8.
Etude de cas : les investissements dans la
stratégie d’application au Royaume-Uni et
en Hongrie
En mars 2000, le Royaume-Uni lançait une stratégie
visant à lutter contre l’explosion de la contrebande
de produits du tabac. Supervisée par le département
britannique de la fiscalité et des douanes (Her Majesty’s
Revenue and Customs, HMRC), cette stratégie incluait
un accroissement conséquent des ressources
humaines et des investissements technologiques.
Depuis son introduction, les autorités britanniques
ont démantelé plus de 370 gangs criminels impliqués
dans la contrebande et l’approvisionnement de
cigarettes illicites à grande échelle. Elles ont saisi plus
de 16 milliards de cigarettes et plus de 1250 tonnes
de tabac à rouler dans les ports et les aéroports,
sur le territoire britannique ainsi que des cargaisons
à destination du Royaume-Uni. L’État a engagé des
poursuites judiciaires, émis des ordres de confiscation
représentant plus de GBP 35 millions et obtenu gain de
cause contre plus de 2000 personnes. Cette stratégie
globale, associée à une politique d’accise révisée
instaurant une augmentation annuelle de la taxe
en fonction de l’inflation, a entraîné une contraction
du marché des cigarettes illicites, dont la fourchette
médiane est passée de 21% à 11% (fourchette de 5%
à 17%) en 8 ans, ainsi qu’une réduction du marché du
tabac à coupe fine, de 73% à 49%. Reste que d’après
le HMRC, le manque à gagner fiscal serait toujours de
GBP 4 milliards par an.32
Lors de son adhésion à l’UE, la Hongrie33 a dû
augmenter rapidement ses droits d’accise, et s’est alors
vue confrontée à une montée en flèche du commerce
illicite. En 2004, le pays a donc élaboré une stratégie
globale de lutte contre la contrebande de produits
du tabac. L’accent a été mis sur le renforcement du
personnel de la Direction des douanes et des finances
en vue d’améliorer les contrôles des frontières, en
particulier avec l’Ukraine, d’où provenaient la majorité
des cigarettes passées dans le pays en contrebande.
L’application de cette stratégie extrêmement efficace
a permis de faire passer la part du marché illicite de
25% en 2005 à 7% en 2008.
32
33
http://www.hmrc.gov.uk/stats/measuring-tax-gaps-2010.htm.pdf
Lt. Gen. Janos Nagy, présentation lors de la conférence de l’ITIC, « How Hungary is Making Inroads into the Illicit Tobacco Problem:
Achievements of the Hungarian Customs & Finance Guard in the Field of Repressing Illicit Trade in Tobacco Products between
2004–2009 » (2009).
27
6.7 Coopération internationale
En raison de l’envergure mondiale du problème et
de l’implication de réseaux du crime organisé très
sophistiqués disposant de ressources conséquentes,
une coopération internationale active est nécessaire
pour lutter contre le commerce illicite des produits
du tabac et faire aboutir les enquêtes, arrestations et
poursuites judiciaires contre les contrevenants.
Quelques organisations internationales et régionales
(OMC et OLAF notamment) disposent maintenant
de personnel de liaison à des emplacements
stratégiques partout dans le monde. Certaines
autorités douanières, au Royaume-Uni et aux
États-Unis par exemple, ont des réseaux similaires
d’officiers de liaison qui au niveau local coopèrent
avec les Autorités de contrôle et les autorités fiscales
ainsi qu’avec les fabricants de produits du tabac
pour déceler toute activité criminelle.
L’étude de cas ci-dessous donne un exemple de
coopération efficace entre les douanes et les Autorités
de contrôle dans l’UE et aux États-Unis.34
6.8 Coopération avec
l’industrie légale
Pour que la lutte contre le commerce illicite des
produits du tabac soit efficace, les Autorités de
contrôle et l’industrie légale doivent collaborer de
façon constructive, dans un esprit de confiance
mutuelle.
6.8.1 Protocoles d’accord
Dans de nombreux pays, le cadre de la coopération
entre les autorités et l’industrie légale a été formalisé
par des protocoles d’accords volontaires (Memoranda
of Understanding, MOU) qui complètent les lois et
réglementations. En principe, ces protocoles ont
pour éléments clé le partage des informations et
l’assistance dans les domaines suivants :
■ Evaluation et mesure des niveaux et des sources
du commerce illicite des produits du tabac et
échange d’informations ;
■ Approche proactive pour résoudre le problème ;
■ Suivi des mouvements des produits du tabac
et des autres produits (suspectés d’être) illicites
dans le cadre de leur fabrication ;
■ Analyse et destruction des biens saisis.
Etude de cas : un contrebandier de cigarettes condamné à une peine de prison aux ÉtatsUnis
Pour la première fois, un ressortissant d’un pays tiers a
été condamné aux États-Unis à une peine à une peine de
prison pour fraude pour fraude (contrebande de tabac)
contre les intérêts financiers de l’Union européenne et au
versement d’une somme de USD 1,5 million au titre d’une
action en restitution.
Dans l’affaire dite « de Miami », le tribunal du District sud
de Floride a condamné un citoyen américain à deux ans
de prison et au versement de USD 1,5 million à l’Union
Européenne pour avoir pris part à un trafic de millions de
cigarettes de contrebande, vendues au marché noir dans
l’Union Européenne. Cette peine a été prononcée à la suite
d’une audience préalable, lors de laquelle Roman Vidal
avait plaidé coupable d’avoir escroqué plusieurs millions
d’euros de taxes et droits de douanes au contribuable
européen.
Le prévenu avait conspiré avec des personnes basées
dans l’Union Européenne. Depuis le port de Miami, il avait
fait entrer des cigarettes en contrebande dans certains
pays de l’Union Européenne en les faisant passer pour
d’autres biens et ce, notamment en Allemagne, en Irlande
et au Royaume-Uni.
Monsieur Nicolas LLett, Directeur Général faisant fonction
34
28
de l’OLAF, à l’annonce de la peine a déclar « ce nouveau
résultat obtenu dans le cadre d’une vaste enquête
internationale très complexe, coordonnée par l’OLAF
est formidable. En plus des États-Unis, cette enquête
a été menée dans neuf États-membres de l’Union
Européenne et plusieurs pays d’Amérique Centrale et
du Sud. 43 millions de cigarettes ont été saisies dans
l’Union Européenne et 11 personnes ont été arrêtées.
Nous sommes très reconnaissants aux services de
l’immigration et des douanes (ICE) et au Département de
la justice des États-Unis de leur excellente coopération et
du soutien qu’ils nous ont apporté dans tous les aspects
américains de cette affaire. M. Vidal va non seulement
passer les deux prochaines années derrière les barreaux,
mais il devra également rembourser les sommes qu’il a
touchées illégalement. »
M. Ilett a également tenu à remercier les services de
l’Administration de la Fiscalité et des Douanes irlandaises,
les Autorités Douanières Allemandes, la Garde Civile
Espagnole et le Département Britannique de la Fiscalité
et des Douanes, qui ont tous joué un rôle clé pour faire
aboutir cette enquête et éviter davantage de pertes
financières.
Communiqué de presse de la Commission européenne, OLAF/10/2, Bruxelles (8 février 2010).
Etude de cas : la coopération réussie entre les autorités de contrôle et l’industrie
Le 1er septembre 2009, « W », un criminel à la tête d’un
réseau international de contrefaçon basé en Allemagne a
été condamné à deux ans de prison (sursis de trois ans) et
à une amende de EUR 200 000 à payer au Trésor public
et à des associations caritatives. Le prévenu a également
versé EUR 2,5 millions de dommages et intérêts au
propriétaire de la marque, Philip Morris International
(PMI). Ancien homme d’affaires et vendeur d’automobile,
l’individu dirigeait une entreprise illégale qui produisait
des millions de cigarettes de contrefaçon. Ces dernières
étaient fabriquées en Chine et en Corée du Nord avant
d’être passées en contrebande dans divers pays
d’Asie, d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique. L’étroite
coopération entre les autorités de contrôle et le secteur
privé a été la clé du succès.
Ces activités illégales ont été mises à jour lorsqu’une
des sociétés de W a acheté des composants autres que
le tabac similaires à ceux utilisés dans les cigarettes
Marlboro. Ces marchandises ont ensuite été transbordées
vers la Corée du Nord via la Chine. Plus tard, l’enquête
a révélé que certaines des sociétés de W, en apparence
conformes à la loi, étaient liées à un réseau actif à Dubaï
(Émirats Arabes Unis).
Les sociétés de W possédaient six marques de cigarettes
enregistrées dans plus de 80 pays. W exploitait des
usines en Chine et en Corée du Nord, qui fabriquaient
non seulement ses marques légales, mais également des
millions de cigarettes Marlboro contrefaites. Pendant cette
période, de nombreuses saisies de cigarettes contrefaites
de marque Marlboro ont été effectuées en Europe et
ailleurs. De plus, des analyses basées sur des techniques
scientifiques d’investigations ont permis de découvrir
qu’elles présentaient des caractéristiques techniques
identiques - appelées « empreintes ».
Les autorités de contrôle allemandes et suisses ont
travaillé en étroite collaboration avec le propriétaire
de la marque. Grâce au partage d’informations, et
notamment à l’expertise en analyse scientifique fournie
par le propriétaire de la marque, il a été possible d’établir
un lien direct entre des échantillons de cigarettes
Marlboro contrefaits qui avait été saisis et les activités de
contrefaçon et de contrebande de W en Corée du Nord et
en Chine. Cette coopération étroite a permis l’arrestation
de W et de certains de ses complices, leur mise en
détention, ainsi que leur inculpation pour plusieurs
infractions criminelles liées à leurs activités.
Au terme d’une enquête approfondie et d’un procès qui
a duré quatre mois et demi, W été reconnu coupable de
contrefaçon. Sans la coopération entre les autorités de
contrôle et le secteur privé, il est probable que W n’aurait
jamais été poursuivi ni condamné.
6.8.2 Les accords de coopération de l’UE
L’UE a conclu des accords de coopération ayant force
exécutoire avec les quatre principaux fabricants
de tabac qui approvisionnent 95% de son marché
(British American Tobacco, Imperial Tobacco, Japan
Tobacco International et Philip Morris International).
Aux termes de ces accords, les fabricants prennent
les engagements suivants :
• Assurer le suivi et la traçabilité des produits du
tabac ;
• Appliquer une politique de connaissance des
clients ;
• Suivre les dispositions visant à lutter contre le
blanchiment d’argent ainsi que des procédures
de paiement transparentes ;
• Faire coïncider l’offre à la demande au niveau
local.
Les accords prévoient également des processus
clairs dans les cas de saisies et une coopération
étroite avec l’OLAF et les autorités de répression des
États membres de l’UE.
29
7. Article 15 de la Convention-cadre
de l’OMS pour la lutte antitabac
7.1 Contexte
La Convention-cadre pour la lutte antitabac de
l’OMS (CCLAT) a été adoptée par l’Assemblée
Mondiale de la Santé en mai 2003 et est entrée en
vigueur en février 2005. L’article 15.1 de la FCTC
stipule ce qui suit :
« Les Parties reconnaissent que l’élimination de
toutes les formes de commerce illicite de produits
du tabac, y compris la contrebande, la fabrication
illicite et la contrefaçon, et l’élaboration et la mise en
œuvre d’une législation nationale dans ce domaine,
en sus des accords sous-régionaux, régionaux et
mondiaux, constituent des aspects essentiels de la
lutte antitabac. »
L’article 15 de la CCLAT comporte sept clauses qui
ont actuellement force exécutoire pour plus de 170
gouvernements. En juillet 2007, la Conférence des
Parties (COP), l’organe directeur de la CCLAT a
décidé de créer un Organe Intergouvernemental de
Négociation (INB) ouvert à toutes les parties de la
Convention Cadre, en vue de négocier un protocole
sur le commerce illicite des produits du tabac. Ce
protocole vise à établir des obligations contraignantes
plus détaillées pour les parties, en complément de
celles énoncées à l’article 15 de la Convention Cadre,
dans le but d’enrayer le commerce illicite des produits
du tabac.
Une fois que le protocole aura été adopté par la
COP, il sera ouvert à la signature, à la ratification et/
ou à l’adhésion par les parties. Il entrera en vigueur
comme loi internationale lorsqu’il aura été ratifié
par 40 parties. Ce protocole constituera un traité
multilatéral et, à ce titre, ne deviendra contraignant
pour les parties que lorsqu’il aura été transposé dans
le droit national en vigueur comme loi internationale
lorsqu’il aura été ratifié par 40 parties. Ce protocole
constituera un traité multilatéral et, à ce titre, ne
deviendra contraignant pour les parties que lorsqu’il
aura été transposé dans le droit national.
Les trois éléments principaux du protocole, à savoir
la sécurité de la chaîne de distribution , les infractions
et l’application de la loi, ainsi que la coopération
internationale sont détaillés ci-après.
7.2. Sécurité de la chaîne
de distribution
Le protocole vise à réduire le commerce illicite
des produits du tabac en protégeant la chaîne de
distribution légale. Les participants à cette dernière
sont donc tenus de prendre des mesures pour éviter
que les produits du tabac ainsi que les machines
servant à la fabrication ne soient détournés vers les
circuits illicites. Ces mesures visent à promouvoir
une conduite des affaires responsable auprès de
tous les participants quelle que soit la taille de leur
activité.
La sécurisation de la chaîne de distribution mondiale
du tabac permettrait aux Autorités de contrôle de
détecter non seulement à quel niveau les produits
sont détournés vers le marché noir, mais aussi
d’identifier les criminels qui pratiquent le commerce
illicite.
7.2.1 Suivi et traçabilité
L’article 7 prévoit l’établissement d’un régime de
suivi et traçabilité pour combattre le détournement
de produits originaux. Ce système doit faire partie
intégrante de la lutte contre le commerce illicite. Le
suivi désigne la capacité à observer le mouvement en
amont et en aval des produits finis tout au long de
la chaîne de distribution. La traçabilité correspond
à la possibilité de remonter la filière de distribution
jusqu’à un point donné afin de déterminer à quel
moment le produit a été détourné vers les canaux
illégaux.
Il est absolument nécessaire de pouvoir partager
et gérer ces données de façon cohérente à l’échelle
mondiale, conformément aux normes internationales.
Ce point est souligné dans le rapport d’experts de la
CCLAT du 22 février 2010 sur le suivi et la traçabilité,
intitulé « Analyse de la technologie disponible pour les
marques uniques, compte tenu du régime international de
suivi et de traçabilité proposé dans le texte de négociation
d’un protocole pour éliminer le commerce illicite des
produits du tabac. »
30
Ce rapport comprend une évaluation des systèmes
et des approches actuellement disponibles pour
satisfaire aux exigences du protocole en matière
de suivi et de traçabilité. Les principaux points
formulés dans le rapport sont les suivants :
• L’agrégation des emballages primaires est
fondamentale (c’est-à-dire établir des relations
entre les palettes, les caisses35 et les cartouches).
Il est essentiel de suivre un processus qui va
du haut vers le bas, c’est-à-dire de commencer
par le conditionnement du plus grand (palette
ou caisse) afin d’arriver au plus petit. Il n’est
pas possible d’effectuer directement le suivi des
paquets sans passer d’abord par les niveaux
intermédiaires ;
• Les solutions les plus sophistiquées s’appuyant
sur le concept de timbres fiscaux imprimés
disponibles à l’échelle mondiale ne répondent pas
aux critères proposés pour le suivi et la traçabilité.
Elles ne sont pas compatibles avec les normes
mondiales en matière de données ou de transfert
de données, ni avec l’agrégation des emballages
primaires ni avec le suivi des événements tout
au long de la chaîne de distribution. En bref,
ces systèmes de « timbres fiscaux imprimés » ne
permettent pas de satisfaire aux exigences du
protocole concernant le suivi et la traçabilité.
7.2.2 Identification des clients
Les actants-clé de la chaîne de distribution doivent
effectuer une vérification diligente concernant les
clients (« premiers acheteurs »), qui consiste à :
Standards Internationaux de Suivi et
traçabilité
British American Tobacco, Imperial Tobacco, Japan
Tobacco International et Philip Morris International
ont travaillé ensemble afin d’établir des normes du
secteur répondant aux exigences internationales en
matière de suivi et de traçabilité.
Ces normes sectorielles comprennent :
■ Standardisation du codage « ouvert » : toutes
les informations sont publiées dans un format
standard, indépendamment du fabricant. Le
standard ouvert est conforme aux normes de
codage internationales ;
■ Standardisation du reporting : tous les rapports
présentent le même format, indépendamment
du fabricant, ce qui permet aux autorités
douanières d’utiliser la même méthodologie
pour lire le code, quel que soit le fabricant de
la marque ;
■ Standardisation de la source du reporting: les
organismes gouvernementaux peuvent avoir
un seul point de contact pour les demandes de
reporting.
Ces normes permettent à tous les fabricants,
quelle que soit leur taille, d’adopter une solution
conforme au but recherché, en fonction de leurs
systèmes, processus et ressources propres.
Les informations recueillies par ces systèmes
de suivi et de traçabilité incluent des données
sensibles et confidentielles. Il demeure essentiel
que les fabricants puissent se conformer à la
législation en matière de protection des données.
■ Vérifier leur habilitation à vendre ou à acheter
des produits du tabac ;
■ Déterminer
si
les
transactions
proportionnelles à la demande ;
sont
■ Signaler les transactions suspectes ;
■ Mettre un terme aux relations d’affaires
lorsqu’une infraction a été commise.
7.2.3 Tenue de registres
Les actants principaux de la chaîne de distribution
devraient tenir des registres complets et exacts de
toutes les transactions sur cinq ans et les rendre
accessibles aux autorités compétentes. Ces registres
devraient être partagés avec les parties au protocole.
7.2.5 Zones franches
Pour réduire le commerce illicite, les zones franches
doivent être soumises aux dispositions du protocole
(licences, entrepôt fiscal, tenue de registres, suivi et
traçabilité).
7.2.6 Destruction
La destruction du matériel de fabrication, du tabac,
des composants autres que le tabac et des produits
du tabac illicites confisqués est impérative pour
éviter qu’ils ne reviennent dans le circuit illicite ou
ne soient utilisés pour produire d’autres produits
illicites.
7.2.4 Licences ou systèmes d’autorisation
équivalents
S’il s’accompagne de sanctions répressives et
dissuasives efficaces, le système permettra de garantir
que seules les entreprises légales et respectant la loi
soient impliquées dans la production, l’importation
et l’exportation de produits du tabac et de matériel
de fabrication.
35
Une caisse contient généralement 50 cartouches de 200 cigarettes, soit 10 000 cigarettes.
31
7.3 Infractions et Répression
Cette partie du protocole prévoit les aspects
législatifs et répressifs liés à la lutte contre le
commerce illicite. Elle énonce des conseils à
l’intention des gouvernements en ce qui concerne
les mesures à prendre pour faire face aux actes
illicites, y compris les poursuites et les sanctions
contre les activités criminelles ainsi que la
responsabilité. Elle porte sur la perquisition et
la saisie de preuves, la confiscation des avoirs,
le recouvrement après saisie, la destruction des
produits saisis et les techniques d’investigation.
7.4 Coopération Internationale
Le protocole prévoit, sur base d’un accord commun,
que toutes les parties coopèrent entre elles et avec
les organisations internationales compétentes pour
échanger, des informations sur le contrôle et la
répression ainsi que sur les meilleures pratiques, et
qu’elles coopèrent entre elles et/ou par l’intermédiaire
des organisations internationales et régionales
compétentes afin d’assurer la formation, l’assistance
technique et la collaboration dans les domaines
scientifique, technique et technologique.
7.5 Conclusions
Le protocole peut être utile à toutes les parties
prenantes dans la mesure où il constitue une plateforme qui crée un cadre législatif international
permettant aux gouvernements de lutter contre
le commerce illicite. Cependant, une répression
rigoureuse est nécessaire, étant donné que la
législation ne suffit pas à elle seule à éradiquer le
commerce illicite. En outre, la coordination et la
coopération internationales avec le secteur privé sont
fondamentales pour lutter efficacement contre le
commerce illicite.
Une longue période de transition précédera
l’application du protocole par les gouvernements
nationaux. Il importe que les autorités mettent ce
temps à profit pour préparer le secteur local du tabac
ainsi que les instances répressives au protocole pour
transposer ce dernier dans la législation nationale
aussi rapidement que possible.
Le Protocole ne sera pleinement effectif que
lorsqu’il aura été appliqué par toutes les Parties à
tous les actants de la chaîne de distribution.
32
Glossaire
Autorisation : les autorités exigent habituellement qu’un entrepôt fasse l’objet d’une autorisation pour le
stockage des marchandises en attente du paiement des taxes et pour certaines opérations spécifiques sur ces
marchandises. L’entrepositaire et le propriétaire des marchandises dans un entrepôt fiscal peuvent aussi exiger
une autorisation.
Certification fiscale numérique : fonctionne sur la base d’une technique de codage numérique sophistiquée,
par laquelle un code numérique est imprimé directement sur l’emballage en remplacement d’un timbre ou d’un
marqueur fiscal.
Code-barres : présentation d’informations pouvant être lues par voie électronique. Les codes-barres sont régis
par des normes internationales.
Conditionnement des cigarettes : un paquet contient généralement 20 cigarettes ; une cartouche, 10 paquets
soit 200 cigarettes ; et une caisse, 50 cartouches, soit 10 000 cigarettes.
Entrepôt fiscal / de douane : entrepôt autorisé pour le stockage de marchandises sans paiement de taxes ou
de droits.
Garantie : engagement pris par un garant de payer une somme d’argent à hauteur de ce qui est exigé par les
autorités. Une garantie inclut généralement un système de restitution automatique.
Matériel de fabrication : confectionneuses de cigarettes, empaqueteuses, machines à fabriquer et à assembler
les filtres et autres machines utilisées pour fabriquer des produits du tabac. Dans ce contexte, la définition
englobe tout le matériel remis en état, les pièces de rechange et les composants.
Marqueur fiscal : marqueur indiquant qu’une taxe a été payée, mais qui n’a aucune valeur fiscale.
Ordre de confiscation : un ordre de confiscation est émis une fois que le prévenu a été condamné ; ce dernier
est ainsi privé des bénéfices obtenus grâce à son activité criminelle.
Protocole : « Un protocole, dans le contexte du droit et de la pratique des traités, a les mêmes caractéristiques
juridiques qu’un traité. Le terme « protocole » est souvent utilisé pour désigner les accords d’une nature moins
officielle que ceux qualifiés de traités ou conventions. Généralement, un protocole amende, complète ou éclaircit
un traité multilatéral. Un protocole est normalement ouvert à la participation des parties à l’accord auquel il se
rapporte. Cependant, récemment, les Etats ont négocié un certain nombre de protocoles qui ne suivaient pas ce
principe. Le protocole présente l’avantage de pouvoir approfondir un aspect spécifique de l’accord auquel il se
rapporte, tout en restant lié à cet accord. 36
Sécurité : lorsque les marchandises sont stockées ou transportées en suspension de taxes/droits, la taxe due est
normalement couverte par une garantie ou caution douanière. La sécurité est assurée par une garantie relative
aux entrepôts et/ou aux mouvements.
Suivi : fait de suivre le parcours que les produits vont effectuer dans la chaîne de distribution .
Traçabilité : fait de retracer le parcours que les produits ont déjà effectué dans la chaîne de distribution .
Timbre fiscal : un timbre fiscal est similaire à un timbre-poste apposé sur un paquet de cigarettes lors de la
fabrication. Il peut aussi se présenter sous la forme d’une longue bande fixée au niveau de l’ouverture du paquet.
Transit : système douanier permettant aux opérateurs de faire traverser à des marchandises un pays ou territoire
sans payer les droits de douane normalement dus à l’entrée dans ce pays ou ce territoire.
Vérification diligente : enquête raisonnable menée selon des méthodes ultramodernes avant le début ou dans
le cadre d’une relation d’affaires, en vue de déterminer si un partenaire ou un partenaire potentiel respecte ses
obligations légales ou si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il les respecte.
Zone franche : zone dans laquelle les marchandises sont traitées comme étant hors du territoire fiscal d’un
pays. Cela signifie que les taxes et droits d’importation ne sont pas dus, sauf si les marchandises sont vendues
sur le marché intérieur du pays. Ces zones sont également appelées zones de libre-échange, zones industrielles
travaillant pour l’exportation ou zones hors douane. Les zones franches doivent habituellement être désignées
comme telles par l’administration des douanes qui applique et surveille l’application des conditions valables pour
les opérateurs dans une zone franche.
36
Bureau des affaires juridiques de l’ONU, section des traités.
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Liens intéressants
1. Organisations économiques internationales
1.1 Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) – www.oecd.org
1.2 Banque mondiale – www.banquemondiale.org
1.3 Fonds Monétaire International (FMI) - www.imf.org
1.4 Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (WIPO) - www.wipo.int
1.5 Organisation mondiale du commerce (OMC) - www.wto.org
1.6 World Economic Forum (WEF) - www.weforum.org
2. Organisations douanières
2.1 Organisation mondiale des douanes (OMD) - www.wcoomd.org
2.2 Office européen de lutte antifraude (OLAF) - http://ec.europa.eu/anti_fraud/index_fr.htm
2.3 Interpol - www.interpol.int
2.4 Her Majesty’s Revenue & Customs (HMRC) - www.hmrc.gov.uk/
2.5 Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF) - www.atf.gov/
3. Organisations internationales de la santé
3.1 Organisation mondiale de la Santé (OMS) - www.who.int
4. Organisations universitaires et spécialisées dans le journalisme d’investigation
4.1 Terrorism, Transnational Crime and Corruption Center (TraCCC) - http://policy-traccc.gmu.edu/
4.2 The Center for Public Integrity (CPI) - www.publicintegrity.org/investigations/tobacco/
5. Organisations professionnelles
5.1 Business Action to Stop Counterfeiting and Piracy (BASCAP) - www.bascap.com
5.2 International Trademark Association (INTA) – www.inta.org
6. Organisations non gouvernementales (ONG)
6.1 Framework Convention Alliance (FCA) – www.fctc.org
6.2 International Tax and Investment Center (ITIC) – www.ITICnet.org
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Pour plus d’informations, consulter le site Internet de l’ITIC : www.ITICnet.org
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ALMATY • AMMAN • ASTANA • BAKU • KIEV • LONDON • MANILA • MOSCOW • WASHINGTON