LE CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE

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LE CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE
DOSSIER / LE CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE
Juillet 2013
LE CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE
INTÉRÊT
PARTAGÉ
DF
Nouvel outil de sécurisation des
parcours, le Conseil en évolution
professionnelle s’adresse en
priorité aux salariés des TPE.
Mais étroitement lié au Compte
personnel de formation par la
loi transcrivant l’ANI de janvier
2013, et mis en œuvre par
le Service Public Régional de
l’Orientation, ce dispositif est
prédisposé à accompagner
toute personne, quel que soit
son statut, au regard universel
du Compte. Il pourrait ainsi
bénéficier à un public élargi,
notamment les demandeurs
d’emploi et les jeunes.
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débat formation — 17
DOSSIER / LE CONSEIL EN ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE
Juillet 2013
UN NOUVEL OUTIL
DE SÉCURISATION
DES PARCOURS
La création du compte personnel de formation s’accompagne de la mise
en œuvre, dans le cadre du service public de l’orientation, d’un conseil en
évolution professionnelle. Objectif : permettre au salarié de se qualifier et
d’entretenir son employabilité tant interne qu’externe.
Le challenge : parvenir à associer les entreprises à ce conseil.
DF
L
’idée de rendre les salariés
« acteurs » de leur évolution
professionnelle, « entrepreneurs
d’eux-mêmes » (1) ou, a
minima, de les outiller pour
leur permettre de piloter leur
carrière et d’utiliser au mieux
les dispositifs plus ou moins
individuels de formation (Congé
individuel de formation [CIF],
Droit individuel à la formation [DIF]) n’est
pas nouvelle. Mais avec le nouveau Compte
personnel de formation (CPF) s’est imposé,
dès sa création dans l’Accord national
interprofessionnel (ANI) du 11 janvier
2013 sur la sécurisation de l’emploi, le
principe d’un accompagnement du salarié
sous la forme d’un « conseil en évolution
professionnelle ». Si l’ANI ne fait pas un lien
direct entre le CPF et le conseil, plaçant
même ces deux dispositifs à onze articles de
distance, la loi du 14 juin 2013 transposant
les dispositions de l’accord réunit, au sein
du même article 5, le CPF et le conseil, liant
ainsi étroitement ces deux dispositifs, dans le
but d’améliorer la qualification des salariés,
notamment ceux des Très petites et moyennes
entreprises (TPME).
Premier constat : ce conseil s’effectuera « en
dehors de l’entreprise » (article 16 de l’ANI
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du 11 janvier 2013) et sera « mis en œuvre
au niveau local dans le cadre du Service
public de l’orientation (SPO) » (article 5 de la
loi de juin 2013). Il doit permettre au salarié
d’être « informé sur son environnement
professionnel et l’évolution des métiers
sur le territoire ; de mieux connaître ses
compétences, de les valoriser et d’identifier
les compétences utiles à acquérir pour
favoriser son évolution professionnelle ;
d’identifier les emplois correspondant aux
compétences qu’il a acquises ; et d’être
informé des différents dispositifs qu’il peut
mobiliser pour réaliser un projet d’évolution
professionnelle ».
UN CONSEIL PROMU PAR L’EMPLOYEUR
L’employeur devra en faire la promotion
auprès de son personnel. On peut ici
s’interroger sur l’effectivité d’une telle
disposition : un patron de PME sera-t-il enclin
à informer ses salariés sur les débouchés
qu’offre le territoire, au risque de les voir
partir à la concurrence ? « Il appartient aux
entreprises d’être suffisamment attractives
pour fidéliser leur personnel », répond MarieAndré Seguin, secrétaire nationale de la CFDT
en charge de la formation professionnelle (lire
l’interview ci-contre). Pour le MEDEF, il ne
fait aucun doute que « l’accompagnement est
la première étape de mobilisation du CPF »
(2). Cette méthodologie d’accompagnement
est « déjà développée par le FONGECIF au
titre du CIF et comprend a minima sept étapes
pour le conseil en évolution professionnelle :
un diagnostic de situation, une clarification de
la problématique de sécurisation des parcours
professionnels, la découverte des dispositifs de
formation, un approfondissement de certains
dispositifs spécifiques, une aide à la décision,
une co-élaboration d’un plan d’action, un
accompagnement des démarches si besoin ».
Les FONGECIF (ainsi que l’Association pour
l’emploi des cadres [APEC]) étaient d’ailleurs
mentionnés par l’accord du 11 janvier comme
les opérateurs susceptibles de participer à
la mise en œuvre du conseil en évolution
professionnelle. « Informer, orienter et
accompagner les salariés qui souhaitent
évoluer, se reconvertir, se qualifier est la
mission première des FONGECIF, qui ne sont
pas seulement financeurs des CIF, congés de
bilans de compétences et de Validation des
acquis de l’expérience (VAE) », précise Laurent
Nahon, directeur du FONGECIF Ile-de-France
dont l’espace-projet accueille entre 400 et
500 salariés par jour.
LES RÉGIONS, CHEFS DE FILE DU CONSEIL
Pour le député socialiste des Hauts-de-Seine
Jean-Marc Germain, qui s’exprimait le 14 mai
lors d’un colloque du Parti socialiste sur
la formation professionnelle, « les Régions
doivent être les chefs de file du nouveau
conseil en évolution professionnelle, en
s’appuyant sur un réseau composé notamment
des FONGECIF ».
Pour Françoise Mesnard, vice-présidente (PS)
du Conseil régional de Poitou-Charentes,
en charge de la commission ÉducationFormation-Enseignement supérieur, le conseil
en évolution professionnelle est « un outil
qui permettra de rééquilibrer les inégalités
d’accès à l’orientation et à l’information
des salariés des TME/PME ». Il trouvera sa
place dans le service public régional de
formation professionnelle entré en vigueur
en mars 2013 et qui permet, grâce à un
partage de compétences entre la Région et
Pôle emploi, de financer à 100 % des parcours
qualifiants. Ce partenariat va s’étendre
au FONGECIF pour éviter toute rupture de
formation des salariés en CIF. La création du
conseil en évolution professionnelle intervient
au moment où la Région Poitou-Charentes
réfléchit à l’instauration d’un service public
de l’orientation « qui s’inspirera du réseau
des Maisons de la formation professionnelle
mis en place dans les 21 pays bretons,
guichets uniques d’information et d’accès à la
formation tout au long de la vie, quel que soit
le statut ».
LES ENTREPRISES NOUS DEMANDENT DE
PLUS EN PLUS D’OUTILLER LEURS SALARIÉS
D’autres acteurs de la formation
mettent également en œuvre des outils
d’accompagnement des salariés dans une
perspective de sécurisation des parcours et de
maintien de leur employabilité tant interne
qu’externe. AGEFOS-PME Midi-Pyrénées
a ainsi conçu Securi’Pass, une démarche
méthodologique visant à identifier les besoins
en compétences et qualifications des TPME
de la région. « Depuis 2012, Securi’Pass
est devenu un outil d’accompagnement
de “l’actif cheminant” dans un contexte
économique difficile grâce à des diagnostics
de sécurisation des parcours proposés aux
salariés les plus fragiles (peu qualifiés,
contrats précaires, handicapés, femmes
reprenant une activité…) », témoigne Olivier
Gérard, directeur AGEFOS-PME Midi-Pyrénées.
Ces diagnostics permettent de « faire un point
sur la situation professionnelle, de formaliser
des projets, d’envisager des aspirations
d’évolution ou de mobilité professionnelle ».
À la fin du diagnostic, le prestataire propose
à chaque bénéficiaire une formation
adaptée, « en cohérence avec la stratégie de
l’employeur et/ou des besoins en compétences
du territoire ».
Pour le consultant Marc Dennery, directeur
associé de C-Campus, la réussite du conseil
en évolution professionnelle est étroitement
liée à « son financement par les OPCA et
par l’implication des entreprises dans ce
dispositif ». À défaut, « il risque d’échouer
comme le bilan de compétences, cadenassé
par la confidentialité des résultats ». « Arrêtons
de penser que les intérêts des employeurs
et des salariés sont antinomiques, dit-il. Les
entreprises nous demandent de plus en plus
d’outiller leurs salariés pour qu’ils soient
autonomes dans leur évolution interne, qu’ils
sachent faire le choix de la bonne formation. »
C-Campus propose ainsi une prestation
« Atelier de carrière » à la demande des
(grandes) entreprises qui « veulent mettre en
mouvement leurs salariés en dehors d’une
situation de crise, dans une perspective
d’évolution interne mais également dans le
but de les préparer à affronter un accident de
carrière ». Autant de réflexions et expériences
éclairantes, alors que le groupe multipartite
qui planche sur les contours du CPF travaille
également à affiner le conseil en évolution
professionnelle au sein d’un groupe ad hoc.
Valérie Grasset-Morel
[1] «€Contribution d’Entreprise & Personnel au débat public sur
la réforme de la formation professionnelle », Sandra Enlart et
Bernard Masingue, avec le concours de Jean-Marie Luttringer,
mai 2013.
[2] «€Le CPF : explicitation des principes et propositions de
modalités de mise en œuvre », Medef, mai 2013.
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