Affaire Humbert : non-lieu et exonération de responsabilité
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Affaire Humbert : non-lieu et exonération de responsabilité
Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique N°75 : Mars 2006 Affaire Humbert : non-lieu et exonération de responsabilité Le 26 février 2006, le juge d’instruction de Boulogne-sur-Mer a clos le dossier Humbert en prononçant un non-lieu pour Marie Humbert et l’anesthésiste qui avaient provoqué la mort du jeune Vincent Humbert, tétraplégique à la suite d’un accident de la circulation. Homicide volontaire reconnu En réaffirmant le caractère absolu de l’interdit de tuer, le juge a confirmé que l’élément matériel et légal de l’infraction était bien constitué. En effet, nul n’a contesté que la mère du jeune homme avait bien injecté des barbituriques dans la sonde gastrique de son fils dans l’intention de mettre fin à ses jours. Cette euthanasie ayant échoué, le Docteur Chaussoy, chef du service de réanimation au centre héliomarin de Berck-sur-Mer, après avoir débranché le respirateur artificiel, a administré du chlorure de potassium, un produit létal qui a entraîné la mort de Vincent Humbert. Cette injection est bien en contradiction avec l’article 38 du code de déontologie médicale qui rappelle qu’un médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort. Exonération de responsabilité Pourtant, prenant en compte l’élément moral de l’infraction, le juge a considéré qu’il pouvait être la cause d’une exonération de responsabilité du fait de la « contrainte » (chantage affectif, pression médiatique) qui s’est exercée sur les acteurs de cet homicide. Le magistrat a donc décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer l’affaire devant une Cour d’assises et l’affaire Humbert est définitivement close. Si le Docteur Chaussoy s’en félicite, il revendique sa responsabilité et affirme qu’aujourd’hui, il agirait de la même manière ; Marie Humbert, elle, regrette la décision, car elle aurait préféré que la justice lui donne raison. Une décision en demi-teinte Le raisonnement du juge d’instruction nous laisse perplexes car il laisse une part d’arbitraire tant au corps médical qu’aux tribunaux et laisse croire que l’euthanasie peut être admise par une porte dérobée. N’est-il pas inquiétant qu’un magistrat renonce à faire juger devant un tribunal un acte aussi grave qu’un homicide volontaire ? Si cette décision, qui se veut prudente, a le mérite d’apaiser les passions et de vouloir clore le débat sur l’euthanasie, elle n’empêche pas Marie Humbert de continuer à se battre pour que soit reconnue l’exception d’euthanasie dans les cas comparables à celui de son fils. Elle a déjà annoncé qu'une proposition de loi en ce sens serait déposée au Parlement dans les prochaines semaines. Euthanasie, acharnement thérapeutique : rappel de définitions Euthanasie L’euthanasie est une action ou une omission dont l’intention première vise la mort d’un malade pour supprimer la douleur. L’euthanasie est une mort imposée par opposition à la mort naturelle. Acharnement thérapeutique Poursuite d’un traitement lourd qui devient disproportionné par rapport au bien qu’en retire le patient. La loi dite Léonetti du 22 avril 2005 préfère parler d’obstination déraisonnable. La distinction entre l’euthanasie et l’interruption de soins disproportionnés est essentielle. « Le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort » mais il doit « éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique » (art. 37 et 38 du code de déontologie médicale). Au lieu de maintenir un traitement qui a fait la preuve de son inefficacité, le médecin doit tout faire pour permettre au malade l’accès à des soins palliatifs. l’acharnement thérapeutique pour passer aux soins palliatifs). Soins palliatifs Notion proposée par le Comité consultatif national d’éthique afin de permettre, dans certains cas exceptionnels, de provoquer la mort d’un malade (Rapport n°63, 27 janvier 2000). On se souvient que l’avortement ne devait être pratiqué dans les hôpitaux que pour répondre à une situation exceptionnelle, il remplace aujourd’hui souvent la contraception... Une telle dérive ne saurait épargner l’euthanasie dans une société où la longévité s’accroît avec ses souffrances et ses multiples dépendances. L’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) milite aujourd’hui, avec Marie Humbert, pour une loi en faveur de cette "exception d’euthanasie". Accompagner le malade et utiliser des antalgiques pour soulager la douleur, même si cela consiste à prendre des risques parfois mortels. Le but n’est pas ici de donner la mort au patient. Euthanasie active/passive La distinction entre euthanasie active et euthanasie passive n’a pas lieu d’être et fausse le débat. Soit il y a euthanasie par action ou omission (en injectant un produit létal ou en s'abstenant d’administrer un traitement utile), c’est-à-dire volonté de mettre un terme à la vie du patient, soit il y a volonté d’accompagner le patient en atténuant ses souffrances (en arrêtant « Euthanasie d’exception » Gènéthique - n°75 – mars 2006 L’avortement devient interdit dans le Dakota du sud Le gouverneur du Dakota du sud a promulgué lundi 6 mars 2006, une loi interdisant l’avortement dans tous les cas sauf quand la vie de la mère est en danger. A partir de juillet 2006, un médecin pratiquant un avortement sera passible de cinq ans d’emprisonnement et de 5000 dollars d’amende. Assaut contre l’arrêt Roe vs Wade Cette nouvelle loi va à l’encontre de l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis de 1973 (Roe vs Wade) qui autorisait l’avortement au nom du respect de la vie privée des femmes. Le gouverneur du Dakota du sud a déclaré : « nous lançons un assaut direct frontal contre l’arrêt Roe vs Wade », comparant l’interdiction de l’avortement à l’abolition de la ségrégation raciale par la Cour suprême en 1954. Tant qu’elle ne sera pas revenue sur sa décision de 1973, la Cour suprême ne reconnaît pas aux Etats la capacité de légiférer sur l’avortement. Les promoteurs de la nouvelle loi adoptée dans le Dakota du sud espèrent que sa contradiction avec la jurisprudence de la Cour suprême donnera à celle-ci l’occasion de se prononcer en faveur de la vie, en infirmant sa jurisprudence. Le camp pro-vie compte sur les récentes nominations de deux juges suprêmes, John Roberts et Samuel Alito. D'autres lois en préparation Les Etats de Georgie, de l’Ohio, de Caroline du sud, du Tennessee, du Mississipi et de l’Indiana préparent également des textes remettant en cause l’avortement. La fin de la jurisprudence Roe vs Wade pourrait laisser à chaque Etat le soin de légiférer sur la question de l’avortement. Pilule RU 486 : appels à la vigilance pour les femmes La prise de la pilule abortive, autrement appelée RU 486, fait l’objet de nombreux débats dans le monde car elle est loin d’être inoffensive pour la santé de la femme. Rappelons que la mifépristone (RU 486) est prescrite dans le cas d'une interruption volontaire de grossesse (IVG) sans hospitalisation et sans intervention chirurgicale avant le 49ème jour d'aménorrhée. revanche, les résultats ont montré une infection endométriale à Clostridium sordelli. Vigilance aux Etats-Unis Entre août 2001 et janvier 2004, sept décès ont été répertoriés au Canada, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Suède et en Espagne. A cette date, la Food and Drug Administration (FDA), l'agence américaine chargée du contrôle des médicaments, avait déjà reçu 676 déclarations d'effets secondaires liés à la mifépristone, dont 17 grossesses extrautérines, 72 hémorragies sévères et 7 cas d'infections graves. Dans l’immédiat, les auteurs de la publication et la FDA, recommandent la vigilance aux médecins et préconisent de modifier la notice d'utilisation de la mifépristone pour prévenir les patientes de cette complication grave. Aux Etats-Unis, ceux qui remettent en cause l’autorisation de mise sur le marché de la mifépristone (en 2000) font valoir que puisque 460 000 IVG médicamenteuses ont été réalisées ces dernières années aux USA, le risque de décès par syndrome de choc toxique est de 1/100 000 et sans doute davantage. Or, cette fréquence est supérieure à la mortalité observée après avortement chirurgical précoce (avant la 8ème semaine de gestation) qui serait de 0,1/100 000. 2005 : première alerte officielle Débat en Australie et en Italie La revue scientifique New England Journal of Medicine a publié (1) en décembre 2005 un article sur 4 décès survenus chez des jeunes femmes après une IVG médicamenteuse par la RU 486. Une autopsie et des recherches bactériologiques ont été réalisées sur les tissus prélevés post-mortem sur les patientes. Chez aucune d’entre elles, l’autopsie n’a retrouvé de "produits de conception" dans l’utérus, ce qui laisse entendre que cette complication n’est pas liée à un avortement incomplet. En La RU 486 est légale dans 35 pays dont la Grande-Bretagne, la France (depuis 1988), les Etats-Unis, la Grèce, l'Espagne et la Nouvelle Zélande. En Australie, le Parlement a voté en février 2006, la suppression de l'interdiction de la pilule abortive RU 486 malgré l’opposition du Premier ministre, John Howard et du ministre de la Santé, Tony Abbot. En Italie, des militants tentent d'obtenir l'autorisation de la pilule abortive RU 486. Le ministre de la santé, Francesco Storace, l'avait autorisée puis l'a Sept décès enregistrés en 2004 suspendue fin septembre après une première expérimentation à Turin. De grosses pressions sont exercées sur le ministre pour qu’il l'autorise à nouveau. La Toscane a d'ailleurs autorisé ses hôpitaux à prescrire la RU 486 sans le feu vert du ministère. Néanmoins, d'après un rapport parlementaire, les réticences sur l'interruption volontaire de grossesse, quelle que soit la méthode, restent nombreuses, y compris dans le corps médical. Mars 2006 : nouvelle alerte Dans un communiqué du 17 mars dernier, la Food and Drug Administration réitère sa mise en garde contre la RU 486 après la mort de deux autres femmes l'ayant utilisée. Bien que les causes de la mort de ces femmes ne soient pas confirmées, la FDA a convoqué le laboratoire fabricant, Darco Laboratories. L'agence rappelle que tous les médecins et leurs patientes doivent avoir conscience du risque encouru par la prise de la RU 486 et demande une vigilance particulière auprès des femmes qui ont pris cette pilule pour veiller aux effets secondaires. Le Planning familial appelle également à la prudence. 1 - Fischer M et coll. : « Fatal toxic shock syndrome associated with Clostridium sordelli after medical abortion. » New England Journal of Medicine 2005 ; 353 : 2352-60 Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné Rédacteur en chef : Aude Dugast Contact : Aude Dugast – [email protected] Tel : 01.55.42.55.14 - Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 - 4989 Gènéthique - n°75 – mars 2006 Gènéthique - n°75 – mars 2006