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NOTE D’ ANALYSE 15/05/2008 PARAGUAY : FERNANDO LUGO, DU BON PASTEUR AU CAUDILLO POPULISTE ? Par le Général (CR) Jean-Paul HUSTE Chercheurassoci éàl ’ ESI SC INTRODUCTION Les élections générales du 20 avril dernier mériteront sans doute le qualificatif d’ hi st ori quesdansl ’ hi st oi remoderneduParaguay.C’ estl apremière fois depuis 60 ans que le président ne sera pas issu des rangs du parti Colorado. Ave cl ’ ac c e s s i onà la présidence en août prochain de M. Fernando Lugo, le Paraguay qui, j us qu’ i c i ,é t ai tl es e ulpa y sduMe r c os urànepass ’ af f i c he ràgauc hedel ’ é c hi qui e rpol i t i que , nef e r apl usf i gur ed’ e xc e pt i on. La victoire –incontestable –del ’ e x-évêque dans la course à la présidence ne peut cependant masquer les défis qui ne manqueront pas de naître des résultats des élections législatives concomitantes. Comme pour « Evo », son homologue bolivien, la route sera rude sous les pieds du bon pasteur qui compte prendre ses fonctions en sandales. Peut-être à son tour sera-t-il tenté comme lui, et comme le vénézuélien Hugo Chávez, par la déri veducaudi l l i smopopul i st e… mais sans pétrole ni gaz naturel. Soixante ansd’ héri t ageColorado Etonnante trajectoire politique que celle de ce pays du « monde occidental » qui est entré dans le XXIe siècle après avoir été gouverné sans interruption depuis 1947 par le même parti, l ’ As s oc i a t i onNat i onal eRé publ i c ai ne( ANR) ,pl usc onnus ousl enom dePar t iColorado1. Sous cette même ombrelle conservatrice et nationaliste, le Paraguay a connu 35 ans de dictature militaire, s ui v i sdepr è sde20 ansd’ unedé moc r at i emi né eparl e spr a t i que s clientélistes et la corruption généralisée et qui aura attendu 1992 pour graver clairement dans sa Constitution le principe de la division des pouvoirs. - Retour sur les traces des Colorados Une telle continuité mérite un bref rappel de ce passé pour mieux appréhender combi enl emomentact uelrevêtuncaract èrehi st ori queetd’ i nconnu. 1Rejoignant ainsi au chapitre des records les 71 ans au pouvoir du Parti Révolutionnaire Institutionnel ( PRI )me xi c ai n,quipe r di tl apr é s i de nc ee n2000ave cl ’ é l e c t i ondeM.Vi c e nt eFox. 1 Le parti Colorado –né en 1887 –s ’ e mpar adupouvoi rdè ss ac r é at i onma i sf utc ontraint de l ’ abandonne rauxl i bé r a uxde1 904à1 947,anné eoùi ll er e c onqui tparunevé r i t a bl egue r r e civile. Ce retour musclé lui permit de confisquer le pouvoir à tous les niveaux comme seul par t ipol i t i quer e c onnul é gal e me nte tquil er e s t e r ai tj us qu’ en 1962. Néanmoins, ce parti à vocation de parti unique a, dès ses origines, été traversé et agité par des courants allant de l ’ ul t r aconservatisme au libéralisme modéré. C’ e s tai ns iquel at e ndanc el apl usdur e«invita » en 1954 le président Federico Chavez à céder son fauteuil au général Stroessner pour achever son mandat. Celui-ci terminé, le général Stroessner fut successivement réélu à compter de 1958 pour 7 autres mandats de 5 ans avec à chaque fois des scores voisins de 90%. Il fut renversé en 1989 parl ’ undes e s«grands subordonnés » à la tête des armées, le général Andrés Rodriguez Pedotti. Celui-ci légalisa tous les partis politiques2 et convoqua des élections générales qui le portèrent à la présidence comme candidat du parti Colorado. A la surprise de beaucoup, le nouveau président abandonna les mesures politiques r é pr e s s i ve s ,e nt r e pr i tl apr i vat i s a t i ond’ e nt r e pr i s e sé t at i que se tr e nf or ç al ’ i nt é gr at i ondupay s à son environnement régional par la co-fondation en 1991 du Mercosur. Il termina son mandat en 1993, évitant de peu une traduction en justice pour connivence avec les milieux de l adr oguequ’ i lpr oc l ama i tc omba t t r e . Dès lors, depuis les années ’ 90, le Paraguay a connu une succession de présidents civils tous issus du parti Colorado mais aussi des moments de fortes tensions politiques directement liées aux rivalités internes au parti. C’ e s tai ns iquel epr é s i de ntJuanCarlos Wasmosy Monti (1993-1998) fit destituer en 1996 le gé né r alLi no Ovi e do Si l va ( l ’ un de sc andi dat saux é l e c t i onsde2008) de son poste de c ommandante nc he fde sar mé e sapr è sl ’ av oi rac c us édet e nt at i vedec oup d’ Etat. Ceci n’ e mpê c hapasl egé né r ald’ ê t r ec hoi s iparl epa r t ic ommef ut urc andi datàl apr é s i de nc epour le mandat suivant (1999-2003)al or squ’ i lve nai tdepr e ndr ela tête du mouvement interne de l ’ Uni onNat i onal ede sColorados Ethiques (UNACE). I ln’ ac c é dac e pe ndantpasau pouv oi rc ar ,pour s ui via ve cac har ne me ntparl epr é s i de nt Was mos y ,i lf utc onda mné à 1 0 ansd’ e mpr i s onne me nt .A s on t our ,s i t ôts on manda t présidentiel terminé, M. Wasmosy fut condamné à 4 ans de prison pour détournements de fonds publics. Le parti désigna alors comme candidat M. Raul Cubas Grau (par ailleurs allié de Lino Oviedo) qui, néanmoins, duta bandonne rs on f aut e ui le n1 999 s ui t eà l ’ as s as sinat de son viceprésident, M. Argaña. Conformément à la Constitution, M. Luis Gonzales Macchi, président du Sénat, prit en main l ’ e xé c ut i fe tt e r mi nal emandate nc our s( 1 998-2003) après avoir formé un gouvernement d’ uni onnat i onal ei nt é gr antde sr e pr é s e nt ant sd’ aut r e spa r t i spol i t i que s . M. Lino Oviedo avait entre-t e mps gagné l ’ e xi le n Ar ge nt i ne pui sa u Br é s i loù i lf ut e mpr i s onnépr è sde2ansavantd’ ê t r er e mi se nl i be r t épui sd’ ê t r ej e t éànouve aue npr i s one n 2004dè squ’ i ls er i s quaàr e nt r e rda nss on pays. En fin de mandat, l epr é s i de ntMac c hié vi t adej us t e s s el ’ empeachement pour détournements de fonds bancaires et utilisation abusive de fonds de la présidence grâce aux bons offices de M. Nicanor Duarte Frutos qui sut « contrôler » les sénateurs Colorados depuis sa position à la direction du parti. M. Nicanor Duarte Frutos accéda aux fonctions présidentielles en 2003 mais avec un soutien populaire bien moins marqué à sa candidature personnelle que pour ses prédécesseurs. Ai ns i ,i lnel ’ e mpor t aqu’ ave c37, 1 % de ss uf f r a ge s ,c ’ e s tàdi r emoi nsqueM.Was mos ye n1 993 (39,3%) et très loin des scores de M. Cubas en 1998 (54,5%) ou de M. Rodriguez en 1989 (75,9%). 2A l ’ e xc e pt i on duParti communiste qui, par ailleurs, avait durement souffert sous la dictature du général Stroessner et vu ses secrétaires généraux successifs éliminés physiquement. 2 Les résultats aux législatives concomitantes3 enregistrèrent le même sérieux fléchissement pour le Parti Colorado. Pour la première fois depuis le renversement du général Stroessner, les Colorados n’ obt i nr e ntpasl ac onf or t a bl emaj or i t éabs ol ueàl aque l l ei l sé t ai e nthabi t ué s dans les deux chambres : 37 députés sur 80 et 16 sénateurs sur 45. Cette situation devait se révéler très problématique pour le président tout au long de son mandat. Les élections de 2003 (65% de participation) avaient donc donné le premier signal de lassitude générale des Paraguayens vis-à-vis du Parti Colorado. On peut aussienconcl urequel ’ opposi t i on–divisée - ne les avait pas non plus convai ncus.Lespart i sdegauche,ét antrest ést rèsf ragment és,n’ enregi st rèrent que des scores quasiment insignifiants aux législatives. Les 2 présidentiables libéraux mais aussi concurrents, durent se partager, en vain, 45% des suffrages. - La présidence Nicanor Duarte Frutos Lesrésul t at sd’ uneenquêt epubl i ésen marsderni erf i rentapparaî t requeM. Duarte serait jugé par ses concitoyens comme « le pire »des5prési dent squ’ ait connus le pays depuis le renversement de la dictature. I lyoc c upel ade r ni è r epl ac edansl e sdomai ne spar t i c ul i è r e me nts e ns i bl e sdel ’ e mpl oi ,del a s é c ur i t ée tde l ac or r upt i on,n’ obt e nantqu’ une mai gr e avant -dernière place pour les 4. performances de sa ge s t i ondansl edomai nedel ’ é duc at i onnat i onal e I lc onvi e ntbi e ne nt e ndu def ai r el apar tdel ’ ambi anc edel ac ampagneé l e c t or al equia c ont r i buéàdé gr ade rl ’ i magepe r s onne l l edeM.Duar t edansl ’ opi ni ondes e sc onc i t oy e ns avant de r e por t e rl ’ e ns e mbl e de cette appréciation négative sur le Parti Colorado d’ auj our d’ hui . Néanmoins, il est certain que les initiatives du président cherchant en cours de mandat à lui autoriser le cumul de ses fonctions avec celles de président du parti ou bien visant à modifier la Constitution pour permettre sa réélection, ont été interprétées comme des tentatives de retour à la dictature et au régime du parti unique. Mai spourde nombreux observat eurss’ ef f orçantà prendre pl usde recul ,l e bilan du président Duarte Frutos enregistre bien des points positifs. Toutd’ abor daupl anpol i t i que .Al or squel epr é s i de nts ’ e s ts ansc e s s et r ouvéc onf r ont éau manqued’ unemaj or i t édansl e s2c hambr e s ,s onmandatn’ apase nr e gi s t r édet ur bul e nc e s c ompar a bl e sàc e l l e squ’ ontc onnue ss e sprédécesseurs. Ce qui permet de penser que, vaille que vaille, ces 5 dernières années ont permis à la démocratie de se consolider au Paraguay. Par ailleurs, le gouvernement a mis en place des stratégies et des plans cohérents de façon à organiser et à conduire ses actions dans les domaines essentiels de la lutte contre la pauvreté (ENREPD) et de la croissance économique (Paraguay 2011)5. Ce te f f or t d’ or gani s at i on gl obal e de l ’ ac t i on gouve r ne me nt al eaé t é ac c ompagné par l ’ e ngage me ntdedé mar c he se tdeme s ures concrètes salutaires telles que la gestion plus 3Au Paraguay, les électeurs sont appelés à voter tous les 5 ans pour choisir le binôme président-viceprésident, leurs députés, leurs sénateurs et leurs représentants au parlement du Mercosur. 4I lf autnot e rqueM.Duar t ef utmi ni s t r edel ’ Educ at i onde1 999à2001s ousl apr é s i de nc edeM. Macchi. 5L aSt r at é gi enat i onal eder é duc t i ondel apauv r e t ée tdel ’ i né gal i t é( ENREPD)v i s eàf av or i s e rl ’ ac c è sà l ’ e mpl oiet au logement, le développement de la protection sociale, la participation au développement l oc al ,l ’ i nt é gr at i onde spopul at i onsi ndi gè ne s . Lepl ané c onomi quePar aguay201 1or gani s el ’ e ngage me ntdel ’ ac t i ondel ’ Et atdansquat r edomai ne s: amélioration de la compétitivité, diversification économique, production agricole et réduction de la pauvreté. 3 rigoureuse des finances publiques et des réformes structurelles touchant à la banque et à la fonction publiques. Enfin, le mandat de M. Duarte aura permis au pays de retrouver une stabilité macroéconomique qui avait été fortement ébranlée durant celui de son prédécesseur en raison des crises traversées par ses deux grands partenaires du Mercosur sur la période 1999-2001. Le se f f or t sdugouve r ne me ntl uiontmé r i t éd’ obt e ni rdè s2003aupr è sduFMIunc r é di t stand-by de 75 milliards de dollars destiné à soutenir la relance économique. En 2006, un accord de précaution de 65 M. de droits de tirage spéciaux (DTS) a été signé avec le Fonds. Les indicateurs sont globalement satisfaisants avec une évolution du PIB qui est redevenue positive à compter de 2003, soutenue par la hausse des prix agricoles mais aussi par la croissance industrielle et celle des services6. Cependant, le panorama des problèmes récurrents et des fragilités est indiscutablement très large. Il serait vain de vouloir en dresser un bilan exhaustif mais les plus graves ont été largement abordés durant les débats de la campagne électorale. Au plan politique, onrel èveunedégradat i ondel ’ i magedesi nst i t ut i onsetdel a classe politique, ce qui nec ons t i t uepa sd’ a i l leurs un cas isolé en Amérique latine où les populations de plusieurs pays manifestent leur désenchantement face aux lenteurs des c hange me nt sa t t e ndusd’ unedé moc r a t i er é c e mme nt( r e ) dé c ouve r t e . Les difficultés rencontrées durant ces 5de r ni è r e sa nné e sparl ’ e xé c ut i fdanss e sr e l at i onsa ve c les deux chambres ont souvent conduit à des compromis boiteux ou inopérants. Ce qui a i nc i t épl usd’ unPar a gua y e nàr e gr e t t e rquel epr é s i de ntn’ ai tpasd’ av ant agedepr é r ogat i ve s constitutionnelles. Ac e l as ’ aj out e , bien entendu, la conviction largement répandue selon laquelle corruption et i ns t i t ut i onss onti nt i me me ntl i é e sauPar a guayoùl apopul at i onn’ ape r ç ua uc unc hange me nt en la matière depuis la chute de la dictature7. Aux plans économique et social, les bons résultats macro-économiques ne saurai ent occul t er l a f ragi l i t é des pi l i ers de l ’ économi e du pays ni l es insuffisances de ses performances au regard des besoins des populations. Malgré les progrès du secteur des services (48 % du PIB), la santé économique du pays reste e s s e nt i e l l e me ntt r i but ai r edes onagr i c ul t ur ee tde sr e ve nusqu’ e l l egé nè r eàl ’ e xpor t a t i on. L’ agr i c ul t ur ee s tmaj or i t ai r e me ntt our né eve r sl ’ e xpor ta v e cpourc ons é que nc es one xt r ê me sensibilité –e tc e l l edel ’ é c onomi enat ionale - aux variations des cours mondiaux. Rappelons i c iquel es oj a,l avi andee tl e sc é r é al e sf our ni s s e ntque l que65% de sr e ve nusàl ’ e xpor t at i on, quel ’ agr i c ul t ur er appor t e21 % duPI Be toc c upepl usde50% del apopul a t i on. Au manque de compétitivité etdedi ve r s i t édel ’ é c onomi evi e nne nts ’ aj out e rl e sf r agi l i t é se t handicaps liés pêle-mêle au manque de coordination des politiques publiques, aux déficiences des équipements et des infrastructures de transports ou encore au faible niveau des investissements privés, en raison de la défiance générée par le manque de protection j ur i di quee tparl ’ appl i c at i one r r at i quede snor me sadmi ni s t r at i ve s . Ave c20% des e shabi t ant svi vantdansde sc ondi t i onsd’ e xt r ê mepauvr e t é ,l ePar aguays e r ai t le plus pauvre des paysd’ Amé r i queduSudapr è sl aBol i vi e . 6Evolution : - de la croissance : - 3,3% en 2000, 0% en 2002, 2,6% en 2003, 2,9% en 2005, 4% en 2006 ; - du solde budgétaire/PIB : 0,8% en 2005, 2,3% en 2006 ; - de la dette extérieure/PIB : 29,6% en 2005, 24% en 2006. 7 A ce propos, le Parti Colorado se sera encore particulièrement distingué au cours de la campagne électorale :pai e me ntd’ unei nde mni t éàt outaf f i l i éaupar t iquiv av ot e r; pressions sur les fonctionnaires ; prélèvements obligatoires sur les salaires des fonctionnaires affiliés pour financer la campagne. 4 L’ ac c r oi s s e me ntduPI B, bien que satisfaisant en termes macro-économiques, ne peut faire f ac eàl ’ ac c r oi s s e me ntdé mogr aphi quee tàl ’ augme nt at i onr é s ul t ant edel apopul at i onac t i ve . Le Paraguay enregistre en effet une croissance démographique régulière annuelle de 2%, soit le double de la croissance moyenne des pays du Cône Sud, tandis que le PIB par habitant stagne au-dessous de 2000 $ américains et que le taux de chômage (officiel) se maintient à plus de 10% depuis 2002aus e i nd’ unepopul at i onac t i vequiaaugme nt édepl usde2, 5% par anc e sde r ni è r e sanné e s .Or ,40% de sPar a guay e nss ontauj our d’ huiâgé sdemoi nsde1 5ans . Let auxd’ i nf l at i on, quis ’ é t a i tmai nt e nua u-dessous des 10% depuis 2003, est repassé audessus de ce seuil dès 2006, ajoutant aux difficultés de la vie quotidienne. Parmi les plus défavorisés se rangent les populations indiennes essentiellement versées dans les activités agricoles mais dont la moitié ne possèdent pas les titres de propriété des parcelles sur lesquelles elles subsistent. Vivant dans des conditions de grande précarité, la pl upa r tdut e mpss ansac c è sàl ’ e aupot abl e ,c ’ e s taus s ipar mic e spopul at i onsques er e l è vel e 8 pl usl ar get auxd’ anal pha bé t i s me. A ce sujet, malgré le triplement des dépenses sociales depuis la fin de la dictature, le Paraguayr e s t eauj our d’ huibi e nau-dessous des performances de ses voisins du Cône Sud en 9. mat i è r edes ant épubl i que( 30% del apopul at i onnonc ouv e r t e )e td’ e ns e i gne me ntdebas e L’ i nt égrat i onrégi onal eaméri t ébeaucoupd’ ef f ort sduprési dentDuart eFrut os, e s s e nt i e l l e me ntau s e i n du Me r c os urdontl ePar aguaye s tme mbr ef ondat e ur .L’ obj e c t i f pr i nc i paldec ev ol e tdel apol i t i quee xt é r i e ur ed’ As unc i ónr e j oi ntc e l uideses relations avec le reste du monde : la conquête de débouchés sur les grands marchés agricoles. Mais, pays sans accès à la mer, souffrant de nombreuses et importantes asymétries aux plans économique et social par rapport à ses voisins, le Paraguay a du mal à tirer son épingle du jeu dans ce marché commun régional. Etj usqu’ i ci ,l epaysn’ apasét éconvai ncudubi en-fondé du credo pro-Mercosur des derniers gouvernements malgré le coup de pouce donné à la production interne exportable. Ainsi, dans le contexte de la campagne électorale, ce sont les ressources générées par les bar r age sé l e c t r i que sdeI ac y r e t á( c ons t r ui tave cl ’ Ar ge nt i ne )e tdeI t ai pú( c ons t r ui ta ve cl e 10 Brésil) qui ont surtout fait débat .L’ opi ni onpubl i que ,c hauf f é eparl e ss l ogansr e ve ndi c at i f s del ’ Al l i anc ePat r i ot i quepourl eChange me nt( APC) ,s ’ e s te nf l ammé epoure xi ge rdeBr as i l i a une « renégociation »de sar r ange me nt si ni t i auxaf i ndet i r e rme i l l e urpar t id’ uneé ne r gi equi profite essentiellement à Sao Paulo. La campagne électorale, les programmes Tandis que « la droite » a repris ses sentiers de la guerre habituels, la campagne électorale a enregistré une prise en compte par « la gauche » des enseignements dupasséens’ uni ssantderri èreuncandi dat . Les programmes de la première faisaient hésiter entre le déjà entendu et le manque de crédibilité qui y est attaché. Ceux de la seconde ont attisé le nationalisme et opposé riches contre pauvres dans un langage populiste annonçantl ’ avènementd’ un«juste équilibre ». Les deux tendances se sont partagées les mauvaises manières, les Colorados accusantl el eaderdel ’ APC d’ êt rel ’ ambassadeurdesFARC etcel ui -ci désignant 8Il faut néanmoins relever que les indigènes représenteraient moins de 1% des Paraguayens, qui c ons t i t ue ntl ’ unede snat i onsl e spl ushomogè ne sd’ Amé r i queduSud. 9A l ’ aut r ee xt r ê me du domai ne de l ’ é duc at i on,l e se f f e c t i f sde sé t udi ant suni v e r s i t ai r e sonté t é multipliés par 7 depuis la chute de la dictature mais les universités ne répondent pas aux besoins en formations scientifiques et techniques. 10 Le Brésil verse au Paraguay 2,72 $ par mégawatt/heure quand, sur son marché intérieur, il est facturé 72 $. 5 les candidats « du pouvoir »commeresponsabl esdesvi ct i mesdel ’ épi démi ede fièvre jaune. Le Parti Colorado a offert aux Paraguayens le spectacle de féroces luttes intestines dont il est familier. Le sf r i c t i onsontc onnu l e urpar oxy s meàl ’ he ur ededé s i gne rl ec andi datdu par t iaux pr é s i de nt i e l l e s .C’ e s tf i nal e me ntMmeBl anc aOve l ar ,anc i e nnemi ni s t r edel ’ Education, qui, en décembre 2007, lors des pr i mai r e sdupar t i ,l ’ e mpor t ad’ unet r è sc our t et ê t e( 45, 04%)s ur son rival M. Luis Castiglioni, ex-vice-président (44, 55%). Le soutien inconditionnel apporté à Mme Ovelar par le président Nicanor Duarte Frutos a contribué à attiser les tensions entre Colorados. Quinze jours avant les élections, les plaies demeuraient ouvertes, comme le montraient les déclarations d’ un c andi dat«castiglioniste » à un fauteuil au Sénat qui estimait que M. Duar t eFr ut oss e r ai tr e s pons a bl edel ’ é c he cde sColorados aux élections et que la future représentation du parti au congrès comporterait « au moins » deux ailes. Blanca Ovelar a mené une campagne sur un programme sans grand relief fait de promesses de prospérité répartie, de lutte contre la misère, de révision des « traités énergétiques » et de gr a ndspr oj e t sd’ i nf r as t r uc t ur e sdet r ans por tf i nanc é sparl ’ ar ge ntdec e uxquivol e ntl epay s de pui s60ans … Lal i bérat i on ant i ci péeen sept embre2007del ’ ex-général Lino Oviedo fut une manœuvredu gouvernement ,opport uni st emai saux effets vite limités pour le Parti Colorado. La décision pr i s eàl ’ unani mi t éparl aCours upr ê medel aJus t i c emi l i t a i r ede libérer par ant i c i pat i onl egé né r alOvi e doe tl ’ aut or i s at i onquil uif utdonné epe udet e mpsa pr è sdes e présenter aux présidentielles avaient pour but de fracturer le mouvement Concertation Dé moc r at i quec r é éaut ourdel ’ e x-évêque Fernando Lugo et qui incluait dans ses rangs l ’ UNACEdeLi noOv i e do. Ler e t ouràl al i be r t édeM.Ovi e dodé t ac hal ’ UNACEdel aConc e r t at i onDé moc r at i quemais c epar t ii s s u d’ unes c i s s i on du par t iColorado décida – en fait sans surprise –de jouer c aval i e rs e ule ns ’ appuy ants url apopul ar i t édel ’ e x-général. La campagne de Lino Oviedo s ’ e s tc ur i e us e me ntar t i c ul é e autour de 7 grands projets « structurels » susceptibles de générer « investissements, développement et emplois » et al l antdel ac r é at i ond’ uner out et r ans c ont i ne nt al eaudé ve l oppe me ntdut our i s meé c ol ogi que dansl az onede st r oi sf r ont i è r e se npas s antparl ac ons t r uc t i ond’ unnouve aus i è gedupouvoir exécutif pour faire des économies de loyers et gagner en efficacité administrative. Autre prétendant « crédible »del ’ ai l edroi t eàl aprési dence,M.Pedro Fadul , candidat de Patrie Bien-aimée, « i ns t i t ut i on dé di é eàl ’ é l abor at i on de s t r at é gi e s publiques », a minutieusement développé en quelque 50 pages un programme axé sur «l ’ e mpl oi ,l ’ e mpl oi ,e nc or el ’ e mpl oi» et destiné à générer une « révolution positive » tirant s e sf or c e sdel af r anc hi s e ,del ’ ar de uraut r avai le tdel adi s c i pl i nepar t i s ane .Dans les trois moi spr é c é dantl e sé l e c t i ons ,M.Faduln’ a pas dé pas s é dans l e ss ondage sl e s 2, 4% d’ i nt e nt i onsdev ot e s . Après les multiples tensions qui agitèrent en 2006 la mouvance de la gauche paraguayenne –partis et organisations syndicales confondus - l ’ année2007l ui permi tdes’ uni raut ourdel acandi dat uredeM.Fernando Lugo t outen l i ant quelques alliances surprenantes avec le centre et la droite. Fernando Lugo finit en effet par prononcer en 2007 son propre choix entre plusieurs tendances puis ,l ar é appar i t i ondeLi noOv i e dos url as c è neé l e c t or al epe r mi tàl ’ Al l i anc e Pat r i ot i quepourl eCha nge me nt( APC)d’ e nt r e rda nsl ac ampagneé l e c t or al edé bar r as s é e d’ unec ohabi t at i onagi t é eave cl ’ UNACEaus e i ndel aConc e r t at i onDé moc r at i que . Néanmoins, l’ APC e s tr e s t é eun r as s e mbl e me ntt r è souve r t: à côté de quelque 8 partis catalogués à « gauche » (comme le Parti communiste ), se rangent deux partis du « centre » et le Parti Libéral Radical Authentique (PLRA) classé à « droite » mais rival historique du 6 Colorado. C’ e s td’ ai l l e ur sunme mbr eduPLRA,M.Fe de r i c oFr anc oqui assurera –comme entendu –la vice-présidence de la république. LeprogrammedeM.Lugon’ aét éprésent équef i nj anvi er2008. I lannonç ai td’ e mbl é eê t r eouve r tàt out e sl e sf or c e sdé moc r at i que sdupay se tqu’ i ls e r ai tmi s e n œuvr eparun gouve r ne me nt«patriote et honnête » qui prendrait prioritairement en compte les intérêts nationaux avant toute décision. Après avoir dressé un bilan des « problèmes et obstacles au développement » relevés dans les domai ne sdugouve r ne me nt ,del ’ é c onomi ee tdel ade t t es oc i al e ,l epr ogr ammeannonç ai t3 « objectifs stratégiques » : construire un Etat au service du bien commun des citoyens, impulser le développement économique avec la participation de la société civile, de l ’ Et ate tdus e c t e urpr i vé , défendre les intérêts nationaux et les droits fondamentaux de tous les Paraguayens. Enf i n,l epr ogr ammepr é s e nt ai t5c hampsd’ a ppl i c at i ondec e sobj e c t i f s: mi s ee n pl ac ed’ un Et a tpr omot e urdedé ve l oppe me nt ,de sécurité et de stabilité économique et sociale, c r oi s s anc eé c onomi quedur abl e ,é qui t és oc i al ee tc r é a t i ond’ e mpl oi , respect et expansion des droits sociaux, modernisation du secteur public, présence internationale et souveraineté énergétique. Sur ce fond de tableau académique, la campagne menée par Fernando Lugo et son succès ont en fait reposé sur trois discours étroitement liés : un discours aux accents populistes mettant en avant une polarisation simpliste de la société qui veut distinguer les nantis t e nant sdupouvoi re tl e spauvr e sàquil ’ APC veut le donner, une dénonciation tous azimuts du système visant à rassembler tous les exclus et aigris, une exaltation du nationalisme dénonçant la superbe de ses deux grands voisins et leurs atteintes à la souveraineté du pays. A propos du futur président Lugo M. Fernando Armindo Lugo Méndez est né en mai 1951 au sei n d’ unef ami l l e modeste, mais « engagée en politique », dans une petite localité du département de Itapúa, située à quelque 400 kilomètres au sud de la capitale. En 1970, âgé de 19 ans et après une première année de vie active comme instituteur, il intégra comme novice la congrégation des Missionnaires de la Parole Divine. Cet engagement dans la vie religieuse durera près de 28 ans. Le Vatican nel ’ a suspendu desesact i vi t éssacerdot al esqu’ en décembre2007mai sl econsi dère toujours évêque, en dépit de la demande déposée en 2006 par M. Lugo pour être dégagé de toute fonction ecclésiastique pour se consacrer à la course à la présidence. Mais sonengagementdansl ’ act ual i té séculière est bien antérieur à ces deux dernières années. En1 977,or donnépr ê t r ee tl i c e nc i ée ns c i e nc e sr e l i gi e us e s ,i lqui t t as onpa y spourl ’ Equat e ur où il passa 5 ans comme prêtre missionnaire et enseignant dans des régions déshéritées. Son chemin croisa celui de « l ’ évêquedespauvres» Léonidas Proaño et, à son contact, il s’ i nt éressadèsl orsdeprèsàl aThéol ogi edel aLi bérat i on. De retour au pays, il semble que son activisme lui attira les foudres de la sécurité militaire et ques e ss upé r i e ur sf ur e nti nvi t é sàl ’ é l oi gne rmome nt ané me ntduPar aguay . 7 Le sanné e s’ 80f ur e nta i ns ic ons ac r é e sàuner e pr i s edes e sé t ude suni v e r s i t ai r e sàRome , orientées vers la sociologie et la doc t r i nes oc i al edel ’ Egl i s e ,pui sàl ’ e ns e i gnement au sein de l ’ I ns t i t utSupé r i e urdeThé ol ogi e , à Asunción. Son retour dans des responsabilités de contact avec les réalités sociales de son pays se fit en 1992 au moment où il fut nommé supérieur provincial des Missionnaires de la Parole Divine. Ordonné évêque en 1994, i lf utdé s i gnépourpr e ndr el at ê t edel ’ unde sdi oc è s e sl e spl us pauvres, celui de San Pedro. Danscesf onct i onsdedi gni t ai redel ’ Egl i secat hol i que,FernandoLugos’ engagea al orsrésol umentdansl ’ act i onsoci al epui spol i t i que. C’ e s tai ns iquepe udet e mpsapr è ss apr i s edef onc t i onsde1 994,i ls out i ntt r è sdi r e c t e me nt les mouvements revendicatifs des paysans sans terre de son diocèse. Parallèlement, son e ngage me ntaupr of i tde spl usdé muni ss epr é c i s ae ts ’ é t e ndi tàl ’ e ns e mbl edupay sl or s qu’ i l devint responsable national des Communautés Ecclésiales de Base. 2006 f utl ’ annéedu choi xpourFernando Lugo.El l el evi tprendrel at êt ede mouvements clairement voués à renverser le pouvoir des Colorados. Ainsi, en mars 2006, Monseigneur Lugo - qui avait été nommé en 2004 évêque émérite par le Pape Jean Paul II - se retrouva animateur de la Résistance Citoyenne, mouvement qui réunit dans des manifestations de rejet du président Duarte Frutos et des Colorados, la majorité des partis de l’ oppos i t i on,pl us i e ur sc e nt r al e ss y ndi c al e se tnombr ed’ as s oc i at i onsdec i t oy e ns . En décembre 2006, Fe r nandoLugopr é s e nt aàRomes ade mandeder e t ouràl ’ é t atl aï quee t annonça son intention de se lancer dans la campagne présidentielle. L’ anné e2007l emi tàl at ê t edel af or mat i onquide vai tl epor t e ràl avi c t oi r e ,l ’ Al l i anc e Patriotique pour le Changement, formée sur la base politique et intersyndicale fournie par la Conc e r t a t i onDé moc r at i que( dé ba r r as s é edel ’ UNACE deLi noOvi e do)e tl eBl ocSoc i ale t Populaire (BSP) puis rejointe par le Parti Libéral Radical Authentique (PLRA). Des perspectives très problématiques Pour Fernando Lugo et pour le Paraguay, les lendemains de ces élections paraissent très incertains. Bien des données de la scène intérieure et des relations extérieures peuvent faire craindre une évolution comparable à celle que connaissent les pays de la région dont le vote populaire a porté au pouvoir des tenants du « socialisme du XXIe siècle ». I l est vrai que M.Lugo ne s’ est pas pi qué de convoquer une assemblée const i t uant e.Mai sl eParaguayn’ a pasl ’ argumentdu cont rôl ed’ uneri chesse comparable à celle du gaz naturel bolivien ou du pétrole vénézuélien pour garant i rdesrent réesdedevi sesàl ’ Et atetprét endrerééqui l i brersesrelations avec ses voisins. - Cequ’ ontdi tl esurnes Le succès de Fernando Lugo aux présidentielles est incontestable, notamment face à la candidate du parti Colorado. Ave cunepar t i c i pat i one xc e pt i onne l l edepl usde65%,M.Lugol ’ ae mpor t éave c1 0points d’ avant ages urMmeOv e l ar( 40, 8% c ont r e30, 7 %) .L’ e x-général Oviedo a frôlé les 22%, tandis que loin derrière, M. Fadul confirmait les derniers sondages avec 2,2%. En revanche, les résultats de législatives doivent inviter M. Lugo et ses supporteurs de gauche à s’ i nt erroger sur l a l i bert é de manœuvre que consentiront les deux chambres au nouvel exécutif. Bi e nquel e sr é s ul t at sdé f i ni t i f snes oi e ntpaspr oc l amé sàc ej our ,onpe utd’ or e se tdé j à affirmer que Fernando Lugo se retrouvera étroitement dépendant de son aile droite (PLRA), 8 t andi squel e spar t i sdegauc hel e spl uspr oc he sdel uin’ obt i e ndr ontque2ou3s i è ge spa r chambre. Ainsi, sur les 45 fauteuils du Sénat, 14 reviendraient au PLRA et 2 aux partis de gauche, c ont r e1 5àl ’ ANR,9aux«Oviédistes » et 4 aux « Fadulistes ». A la Chambre, les perspectives sont identiques avec 29 sièges sur 80 au PLRA et 2 ou 3 à la gauche face à 30 Colorados, 15 « Oviédistes » et 4 « Fadulistes ». - La scène intérieure Au premier rang des fragilités du nouvelexécut i fse range l ’ i nexpéri ence du nouveau président - comme de son vice-président - en matière de conduite des affaires publiques, inexpérience alliée à une connaissance très imparfaite et partisane des grands dos s i e r s .Cequin’ ar i e ndes ur pr e nant du fait de la confiscation du pouvoir depuis 60 ans par un même parti et par une administration affiliée. Cet t ei nexpéri ence va se véri f i er à l ’ heure de const i t uer un gouvernement , moment où, comme en Bolivie, on risque de trouver plus de bonnes volontés et de doctrinaires que de véritables spécialistes pour prendre en compte les portefeuilles les plus lourds. Parai l l eurs,i lserai tét onnantqu’ une al l i ance aussiécl ect i que que l ’ APC ne manifeste pas rapidement des divergences lors de la définition, nécessairement plus élaborée que dans les discours de campagne des diverses politiques. Sans oublier les pr é t e nt i onsquinemanque r ontpasd’ a ppa r aî t r epourl ec ont r ôl ede spos t e sder e s pons a bi l i t é . A ce propos, le PLRA qui, seul, mé r i t eàl ’ Al l i anc eunevéritable représentation sur les bancs du législatif, sera probablement source de tiraillements tant au plan des responsabilités gouvernementales que des orientations politiques. Enf i n,i lnef autpasnégl i gerl esent ravesàl ’ act i on gouvernement al equepeut créer une admi ni st rat i on l argement d’ obédi ence colorado. Les réactions de ne r vos i t éde sf onc t i onnai r e se tde se mpl oy é sdel ’ Et ats ousc ont r atauxr é s ul t at sde s élections ne laissent pas présager une transition sans heurts. Par ailleurs, il ne faut pas négliger les t e nt at i onsd’ i nt e r ve nt i on dans l e s af f ai r e spubl i que s de f or c e sde s é c ur i t é quionté t é largement associées aux errements du pouvoir politique sur la scène intérieure durant ces dernières décennies. Sur un autre registre, le président Lugo devra assumer les promesses et engagements contractés au fil de ses années de militance auprès de ceux qui ont constitué la majorité de son électorat : les pauvres. Il a toutes les chances de voir ses premières initiatives rattrapées par les attentes de ses fidèles. Or, certains de ces « engagements » peuvent rapidement se révéler périlleux. Parmi ceux-ci, on pe utc i t e rs e sdé c l ar at i onse nf ave urd’ uner e c onnai s s anc epl usaf f i r mé edel ’ hé r i t age indigène. Ou bien encore, son engagement pour le respect de la propriété privée et en faveur d’ une«réforme agraire intégrale » dans un pays où une large partie des paysans miséreux n’ ontauc unt i t r edepr opr i é t ée toùde sBr é s i l i e nss ’ e mpa r e ntdet e r r e si nc ont r ôl é e se nz one frontalière pour cultiver le soja. Si le président doit se garder sur son flanc gauche, il lui faudra aussi et surtout se garder sur son flanc droit. Forts de leur emprise traditionnelle et des positions c ons e r vé e s ,mal gr él e sdé c hi r ur e si nt e r ne sauj our d’ huiàvi f ,l e sColorados vont lui mener la vie dure à partir des hémicycles des deux chambres, à tous les niveaux des représentations é l e c t i ve se tdansl e sdi ve r sdomai ne sd’ e xe r c i c edupouvoi r . Il lui reste à espérer que le PLRA ne fera pas défection trop vite et restera dans son rôle d’ oppos anthi s t or i queàl ’ ANR. 9 Dans un tel contexte politique, M. Lugo, comme ses homologues bolivien, équatorien ou vénézuélien et en dépit de son passé de bon pasteur, pourrait bien se trouver entraîné vers un leadership de caudillo populiste en recourant comme eux à l ’ expressi on d’ un soutien populaire personnel par voie de référendums. Bien entendu, cette fragilité de nature politique se trouve accentuée par le manque quasi complet de souplesse dont dispose le président Lugo au plan économique. Ainsi, les agriculteurs, quif our ni s s e ntl ’ e s s e nt i e lde sr e s s our c e sdupa y s ,s es ontt r è st ôt pr ononc é se nf ave urd’ unegar ant i edel apr opr i é t épr i vé ee tc ont r et out enouve l l ei mpos i t i on des exportations agricoles. De son coté, le patronat a, dès le mois de mars, fait éta tdes e sc r ai nt e sdevoi rl ’ avè ne me nt d’ ungouve r ne me ntpopul i s t edé t our ne rpourl ongt e mpsdel ’ é c onomi epa r aguay e nnel epe u d’ i nve s t i s s e me nt sé t r ange r sdonte l l ebé né f i c i eauj our d’ hui .I lr e s t ebi e ne nt e ndu s urs e s gardes malgré le bon sourire du nouvel é l uquias s ur equ’ i l«n’ e s tpasunl oup». Enf i n,s iuneaugme nt at i ons ubs t ant i e l l ede sr e s s our c e spr ove nantdel apr oduc t i ond’ é ne r gi e é l e c t r i quec ons t i t ue r ai tauj our d’ huil as e ul es ol ut i onpourr api de me ntac c r oî t r ee ts t a bi l iser l e sr e s s our c e sdel ’ Et at , les déclarations du candidat Lugo promettant une augmentation de 500% dupr i xdec e t t eé ne r gi ee xpor t é eontdef or t e sc hanc e sder e s t e runv œupi e ux. - La scène internationale C’ estenef f etsurl ascènedesrel at i onsext éri euresett outpart i cul i èrement sur cel l edesrel at i onsrégi onal esdansl ecadredu Mercosurquereposel ’ essent i el du pari du président Lugo. Mais sur ce plan, la marge de négociations est quasiment inexistante dans les conditions actuelles et, a priori, le coup de force se révèlerait suicidaire. L’ é c onomi edupay se s tt r opé t r oi t e me ntdé pe nda nt edes onc omme r c eave cs e sv oi s i ns: mal gr él ’ har moni s at i ont ar i f ai r emi s ee nvi gue ure nt r epay sduMe r c os ur ,unepar t non négligeable de rentrées de devises est liée à des activités de réexportation vers les autres membres du marché commun, et globalement, le Paraguay est incapable de maintenir son maigre niveau de vie sans le recours aux importations de biens et aux exportations de ses productions agricoles dans le cadre des échanges régionaux. Oni magi nedoncmalc omme ntl enouve augouve r ne me ntpour r aame ne rl ’ Ar ge nt i nee tl e Brésil à accepter une révision drastique des « traités énergétiques ». Le Brésil, le plus gros fournisseur et client du Paraguay, a déjà calmement mais fermement annonc és onoppos i t i onaupl usf or tdel ac ampa gneparl e sv oi xdudi r e c t e urdel ’ e nt r e pr i s e Itaipu et du secrétaire général de la Chancellerie :l et e xt edut r ai t és i gnépr é c i s equ’ i lnepe ut être révisé avant 2023. Au lendemain des élections, le président Lula reprenait ces mêmes propos. Parai l l e ur s ,l e spe r s pe c t i ve sd’ ouve r t ur es sur les marchés du reste du monde pour ce pays enclavé sont difficiles à concrétiser et de toute façon ne peuvent laisser espérer des alternatives réelles dans les court et moyen termes11. 11A t i t r ei ndi c at i f ,l eMe r c os ure tl eChi l if our ni s s ai e nt ,e n2005,57% de sdé bouc hé sàl ’ e xpor t at i on, suivis par la Russie (11%) et les Iles Caïmans (9,5%). Les fournisseurs les plus importants en dehors de l ar é gi on( 44%)é t ai e ntdansl ’ or dr e: la Chine (27%), le Japon (8,3%) et les Etats-Unis (6,3%). La balance commerciale était déficitaire de 1 Md de $ en 2006. 10 Quantaux r e l at i onsav e cl ’ Eur ope ,e l l e ss ’ i ns c r i ve ntné c e s s ai r e me ntdansl ec a dr e de s né goc i at i onsd’ un ac c or d de l i br e -é c hangeave cl e Me r c os ur ,né goc i at i onsquis ’ avè r e nt not abl e me ntdi f f i c i l e spourl es e c t e urc l e fqu’ e s tl ’ agr i c ul t ur epourl e Paraguay. Enfin, les Etats-Uni sn’ appar ai s s e ntguè r ec ommeun r e c our spourdi ve r s e sr ai s ons , au premier rang desquelles on rangera les orientations politiques du nouveau gouvernement et l e sc ompr omi s s i onsdupas s éave cl ’ ANR,c ompr omi s s i onsquionté t ér écemment illustrées parl e sout r anc e sdel ’ e ngage me ntdel ’ amba s s ade uramé r i c ai ndansl e sdé bat si nt e r ne sau parti Colorado en pleines primaires. Qui plus est, les chaleureuses félicitations envoyées à Fernando Lugo par ses (futurs) homologues bolivien, vénézuélien, équatorien, nicaraguayen et cubain doivent pour le moins l ai s s e rWas hi ngt ondansunee xpe c t at i vemé f i ant e … En conclusion, beaucoupd’ él ément sport entàprévoi rqu’ àpei nedescendudes estrades de la campagne électorale, le nouveau président va être pris à contrepied sur deux de ses discours : le discours nationaliste (surtout anti-brésilien) et le discours populiste. De plus, on peut compter sur les Colorados et sur les fidèles de Lino Oviedo pour bientôt contre-attaquer sur le terrain de la corruption des personnes et du syst ème.La campagne a donnéen cel a d’ excel l ent sexempl esdel a ressource disponible en réserve. Pour le Paraguay, l et umul t e des déçus ri s que de succéder à l ’ apat hi e des pauvres. Copyright © ESISC 2008 11