L`ORIENT LE JOUR Hassan, l`effet de surprise, l`air de rien

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L`ORIENT LE JOUR Hassan, l`effet de surprise, l`air de rien
L'ORIENT LE JOUR
Hassan, l'effet de surprise, l'air de rien
SPECTACLE – Le comique français d'origine marocaine a présenté
“Appelation d'origine incontrôlée” au théâtre Monnot
Il a choisi la modestie.
Personne ne connaît le nom de
famille de Hassan, l'homme du
rire qui a emporté dans son
sillage d'humour, deux soirs
durant, la salle Monnot. Peu
importe. Ce qui est sûr, c'est
que sa prestation restera dans
les mémoires. Hassan n'est ni
Djamel Debbouze ni Smaïn. Les
allusions à ses origines arabes,
qui lui ont valu plus de déboires
que de portes ouvertes dans
son chemin vers le “one-manshow”, sont à la fois appuyées
et discrètes. L'homme évoque
les banlieues, la police, la
religion sans en faire un label.
Et c'est ce qui lui plaît. Il n'est
pas d'ailleurs sans entretenir
l'effet
de
surprise.
Régulièrement et de manière
sauvagement intelligente.
A commencer par son entrée
en matière. En moins de trente
secondes, comme le savent si
bien
les
équilibristes
du
spectacle en solitaire, un public
est conquis ou lassé. Hassan a
risqué le tout pour le tout en
évoquant la situation poilitique
actuelle du pays dans toute sa
splendeur. Et, au bout d'à peine
une minute, il emporte son
public, heureux d'entendre que
si “la scierie s'attaque à un
cèdre”, rien de moins étonnant
à cela. Hassan est un bûcheron
des jeux de mots,
pour
prolonger sa phrase. Aucune
envergure thématique ne lui fait
peur : la societé, l'homme et la
femme dans le mariage, la
politique française, et tous les
travers d'une population que les
comiques se font un plaisir de
débusquer, de ridiculiser, avec
un maximum d'objectivité,
ou presque. Le “beur” est un
orfèvre de toutes les figures de
style de la langue française qui
font mouche dans l'humour.
Quand il emmène ses enfants à
la plage, tout le vocabulaire est
emprunté au registre de la mer.
Quand il fait la cuisine pour faire
plaisir à sa femme – sans
conteste le meilleur sketch de la
soirée –, tous les livres de
cuisine en prennent pour leur
grade et la salle s'effondre de
rire.
il éclabousse par-ci, par-là,
mettant tout le monde à sa
place, l'air de rien. Quant à la
vulgarité ou à l'à peu près, notre
homme ne connaît pas ; et
quand il s'agit de décrire l'acte
sexuel, Hassan se transforme
en commandant d'une armée de
spermatozoïdes que Woody
Allen, avec son Tout ce que
vous avez toujours voulu savoir
sur le sexe sans jamais avoir
osé le demander (1972) a
probablement largement inspiré.
Des calembours à la vitesse
de la lumière
S'il y avait quelque chose à
regretter dans cette belle
prestation de langage, c'est la
volubilité d'un Hassan qui
enchaîne les calembours à la
vitesse de la lumière qui ne
permet pas à l'oreille de tous les
intercepter – un micro aurait
sans doute fait l'affaire. Ce qu'il
y a sûrement à regretter, c'est
que le vrai plaisir des mots et du
rire, signé Hassan, n'a pas pu
se
prolonger
après
son
spectacle : l'attentat de Broummana a gâché les effets
secondaires immédiats d'un
homme de rire qui a fait le choix
de rester un artisan, sans
tambour ni trompette, que l'on
pourra retrouver, pour la
cinquième année consécutive,
au Festival d'Avignon, en juillet
prochain. A bon rigoleur, salut.
Autre grand moment, autre
grand classique des comiques
en solo en France : la politique.
Hassan, bien sûr, n'épargne
personne sauf, comme il est de
coutume, Jacques Chirac (un
peu) et la gauche (beaucoup).
Avec beaucoup de subtilité (un
mot qu'il porte comme un gant),
Diala GEMAYEL