Cooperation - Valérie Baeriswyl
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Cooperation - Valérie Baeriswyl
70 Coopération tendances&loisirs N° 32 du 7 août 2012 en parallèle à votre métier de bibliothécaire documentaliste. Pourquoi êtes-vous venue étudier à Paris? En Suisse – j’habitais Lausanne – je faisais des photos publicitaires, des mariages, des portraits, je travaillais un peu pour la presse mais c’était difficile d’en vivre. Alors un jour j’ai décidé de foncer et d’arrêter d’attendre que quelque chose m’arrive. «Ce prix signifie que je sais faire ce que j’aime: raconter des histoires» J’ai posé ma candidature à l’Ecole des métiers de l’information (EMI) à Paris et j’ai été prise. Je viens d’obtenir mon diplôme de photojournaliste, après une année de formation. e prix me donne confiance pour l’avenir.» Valérie Baeriswyl, née à Saint-Aubin (FR), se lance dans le métier de photojournaliste avec la reconnaissance de Paris Match. «Ce c «J’aime ma vie d’indépendante» L’invitée. Valérie Baeriswyl, 28 ans, vient de gagner le Grand Prix Etudiant Paris Match, tout en décrochant son diplôme de photojournaliste. Rencontre joyeuse à Paris, où la Fribourgeoise s’est installée l’année dernière. INTERVIEW FLORENCE MICHEL PHOTO FRANCINE BAJANDE Coopération. Le 29 juin à Paris, des mains de la journaliste Laurence Ferrari, vous avez reçu le Grand Prix Etudiant Paris Match 2012. Belle consécration! Valérie Baeriswyl. Oui, d’autant plus pour une femme et une Suissesse. J’ai été complètement surprise lorsque Laurence Ferrari a dit mon nom! Le photoreportage qui vous a valu ce prix est consacré à une jeune Française convertie à l’islam. Pourquoi avoir choisi ce sujet? Par un ami, j’avais rencontré Justine, Bretonne de 22 ans qui vit à Paris avec son mari Ali, Marocain. Je n’ai pas d’intérêt particulier pour les religions mais j’ai été touchée par son histoire. En se convertissant, elle a été capable de changer sa vie pour la foi, je voulais en savoir plus. Elle aussi avait envie de s’exprimer parce que, comme elle porte le voile, dans la rue elle se fait aussi bien engueuler par des Françaises que par des Maghrébines – qui voient en elle un retour en arrière. Dans le cadre de mon école, j’ai suivi Justine pendant plusieurs mois. Les photos font partie d’une POM (Petite Œuvre Multimédia) de trois minutes où on entend sa voix. Un sujet délicat… A-t-il suscité des réactions? Quelques-unes. A l’école j’ai par exemple reçu un paquet contenant une bible et une carte disant que «Allah est le diable déguisé en Dieu», le tout destiné à me «remettre dans la lumière»… Vous avez appris la photographie en autodidacte, Les indépendants sur le marché sont légion mais vous, vous avez une clé nommée Paris Match. Des portes s’ouvrent-elles? C’est trop tôt, la visibilité dans ce milieu prend du temps. C’est surtout à moi d’appeler des gens, de montrer mon travail. Mais ce prix me donne confiance pour l’avenir, il signifie que je sais faire ce que j’aime: raconter des histoires. Mais c’est mon premier reportage et on m’attend un peu au tournant. Des idées pour la suite? J’aimerais aller en Ouzbékistan. Et avec un copain de ma classe, on vient de démarrer un reportage sur la mémoire des quartiers de Paris, on cherche des gens qui vivent ici depuis plus de trente ans. J’espère pouvoir vivre en vendant un reportage qui me permette de repartir pour le suivant. Comme c’est difficile d’avoir des commandes, il faut autofinancer le reportage et espérer qu’on vous l’achètera. Finies les photos de mariages, alors? Non, pour le moment je continue. J’ai toujours aimé faire les mariages, en Suisse comme en France – même si moi, le mariage ne m’attire pas du tout. J’adore faire des portraits et ce jour-là, les gens se sont faits tout beaux et sont heureux. A part, chaque fois, un oncle ou une tante qui ne veulent pas du tout être pris en photo! Que vous a appris l’Ecole des métiers de l’information? A prendre du recul par rapport au sujet, moi qui aime aller très près des personnes. A varier les plans et à construire un reportage. Tout le monde peut faire une belle photo, c’est facile; ce qui est plus difficile, c’est la cohérence, l’enchaînement des images, la recherche. Quel photojournaliste admirez-vous particulièrement? L’Italien Paolo Pellegrin, son parcours est incroyable. Il sait saisir des moments dramatiques tout en ayant un sens artistique propre. 71 Son style est reconnaissable entre mille avec ses noir-blanc hyper contrastés, j’adore! Il va là où j’ai envie d’aller: de façon engagée, il témoigne de l’histoire, tout comme le Tchèque Koudelka. Etre photojournaliste, ce n’est pas seulement faire du «news». J’admire ceux qui (sur)vivent avec de beaux reportages sur la société. Aimez-vous vivre à Paris? Beaucoup. Je me suis fait une place, j’ai des amis. Même si on se moque tout le temps de mon accent, parce que je dis «Je me réjouis!», «C’est monstre cool», «Ou bien»… On me dit que le français académique, c’est le français de France… Mais chaque région francophone parle son français! Ça me vexe un peu. Si vous deviez faire votre autoportrait en quelques mots? Spontanée, piquante, gourmande, joyeuse… Je rigole fort – je suis connue pour mon rire! J’adore le cinéma, j’y vais 3-4 fois par semaine. Et j’aime ma vie d’indépendante. «Convertie» Lauriers prestigieux Origines. Valérie Baeriswyl est née le 1er février 1984 à Saint-Aubin, dans la Broye fribourgeoise. Ses parents, Gaby et Annelise, travaillent tous deux à La Poste. Elle a un frère de 31 ans, Joël, et une sœur de 25 ans, Marie. Formation. Elle a obtenu un CFC d’assistante en information documentaire à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg. «Je suis tombée malade, à la fin de mon apprentissage, et ça m’a ouvert les yeux sur ce que j’avais envie de faire. En fait, je voulais déjà devenir photographe avant.» Voyages. «A 20 ans, je suis partie cinq mois en Amérique du Sud, j’ai visité sept pays, seule, sac au dos. Au retour j’ai organisé plusieurs expositions de mes photos. J’ai aussi passé deux mois en Afrique australe (Afrique du sud, Namibie, Botswana et Zimbabwe).» Prix. Avec le photoreportage «Convertie» (photo ci-dessus), elle a gagné 5000 euros, la publication de plusieurs photos dans Paris Match et un trophée. On peut voir le reportage et d’autres travaux de Valérie Baeriswyl sur: lien www.valeriebaeriswyl.com