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Fleurs d’encre 3e – Chapitre 1. Petites histoires à lire entre les lignes
SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE POISSON
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Conforme aux nouvelles
dispositions de l’épreuve du
nouveau brevet des collèges
Le Poisson
TEXTE INTEGRAL
Dans la mythologie antique, Narcisse est un personnage célèbre pour sa beauté. Ovide a raconté
son histoire dans Les Métamorphoses : parce qu’il restait insensible à toutes les jeunes filles qui
l’aimaient, il fut condamné à s’aimer. Il vit son image dans le reflet de l’eau, en tomba éperdument
amoureux, et mourut de ne pas pouvoir la saisir. Le narcisse est aujourd’hui une fleur du
printemps.
Ce ne fut que vers huit heures du soir, quand la nuit allait lui sauter à la gorge, comme un chat
sauvage, que le pêcheur sentit soudain le froid.
Il était arrivé devant ce plan d’eau à l’aube, il n’avait pas pris le moindre poisson. Cela lui
parut inquiétant. Comme tous les pêcheurs, il n’avait que peu de cervelle et peu de facultés de
raisonner, mais il pensa quand même qu’il prenait toujours au moins un poisson, même dans les
étangs morts que l’on prétendait peu poissonneux.
De là à penser à la poisse1, il n’y avait qu’un pas. Il le franchit et s’obstina. Il ne voulait pas
rentrer bredouille. Il accrocha un nouvel hameçon à sa ligne, la lança et se mit à penser. Il se
demanda pourquoi il était venu là, qui lui avait indiqué cet endroit, comment il était arrivé jusquelà, pourquoi il s’obstinait, et il ne trouva pas de réponse à ses questions relativement complexes.
Il en était là quand soudain son bouchon plongea sous l’eau. Il avait enfin accroché un
poisson. Un gros poisson sans doute parce qu’il n’arrivait pas à l’arracher à l’eau. Cela dura
longtemps, cette lutte. Mais le poisson résistait. Et le pêcheur résistait aussi. Comme s’il avait été
pris dans un bloc de glaise2 ou de glace, relié par sa ligne à un autre bloc de glaise, l’homme se
paralysait dans son geste de tirer à lui quelque chose qui ne voulait pas venir à lui et puisque le
poisson ne cédait pas, il ne cédait pas non plus. Un seul fait lui importait : il avait enfin pris quelque
chose alors que, depuis ce matin, il n’avait rien pris. Quelque chose d’énorme puisque ça lui
résistait alors qu’il tirait de toutes ses forces.
À minuit, il tirait toujours. Épuisé, glacé, essoufflé.
À l’aube du lendemain, alors qu’il respirait à peine, il vit enfin le poisson qu’il avait
harponné. Il sortait en effet des eaux. C’était une chose translucide, apparemment molle, qui ne
semblait pas avoir de contours, mais qui pesait de tout son poids alors qu’elle ne semblait pas avoir
de réalité. Et l’homme tirait toujours, alors qu’il n’avait plus de forces en lui.
Et il ne voyait jamais qu’une chose qui sortait peu de l’eau, de plus en plus irréelle, de plus en
plus lourde comme sans cesse gorgée de plus en plus d’eau ou d’algues invisibles.
Jusqu’au moment où, soudain, il bascula en avant, vers l’eau.
On ne retrouva le pêcheur que quelques jours plus tard, noyé, boursouflé entre deux gerbes
d’algues, toujours accroché à sa ligne.
Ce qu’il avait cru retirer des eaux, c’était la mort.
Pas un simple poisson.
Jacques Sternberg, Contes glacés, Espace Nord, © Éditions Labor, 2006.
1 malchance.
2 terre grasse utilisée en poterie.
© Hachette Livre, 2012.
Fleurs d’encre 3e – Chapitre 1. Petites histoires à lire entre les lignes
SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE POISSON
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Première partie : Compréhension de texte, réécriture et dictée
COMPRÉHENSION DU TEXTE
 Une histoire banale
1. a. Qui est le héros de l’histoire ? Comment est-il désigné ? b. Que nous apprend le texte sur le
physique de ce personnage ? sur son caractère ?
2. a. « À l’aube du lendemain » (6e paragraphe) : cet indicateur de temps exprime-t-il une ellipse,
un sommaire ou une scène ? b. Combien de temps s’est écoulé entre le début de l’histoire et le 8e
paragraphe (… « il bascula en avant vers l’eau ») ? S’agit-il d’une ellipse, d’un sommaire ou d’une
scène ?
 Un récit codé
3. Quel rapport faites-vous entre ce récit et le mythe de Narcisse ?
4. a. Quelle est la classe grammaticale de « quelque chose », (fin du 4e paragraphe) ? b. 6e et 7e
paragraphes (« c’était une chose »… « algues invisibles ») : Quel nom est utilisé à deux reprises
pour désigner le poisson ? c. Observez les expansions de ce nom : le lecteur peut-il facilement se
représenter « le poisson » ?
5. Quel effet l’adverbe « apparemment » (6e paragraphe) crée-t-il ?
6. a. De quoi le poisson est-il l’allégorie (représentation concrète d’une idée abstraite) ? Citez une
phrase du texte à l’appui de votre réponse. b. Relevez le champ lexical de cette allégorie dans le
texte : quel est, selon vous, le rôle de ce champ lexical dans ce texte ?
7. a. La fin de ce récit est-elle attendue ? b. Comment nomme-t-on ce type de nouvelle ?
8. Quelle sensation éprouvez-vous à la lecture de ce texte ? Développez votre réponse.
 Question de synthèse
9. En quoi cette nouvelle s’apparente-t-elle à une nouvelle à clé ? Expliquez.
RÉÉCRITURE
Récrivez ce passage en remplaçant « il » par « ils ». Faites toutes les modifications nécessaires.
Il le franchit et s’obstina. Il ne voulait pas rentrer bredouille. Il accrocha un nouvel hameçon à sa
ligne, la lança et se mit à penser. Il se demanda pourquoi il était venu là, qui lui avait indiqué cet
endroit, comment il était arrivé jusque-là, pourquoi il s’obstinait, et il ne trouva pas de réponse à
ses questions relativement complexes.
DICTÉE
Une source limpide, aux eaux brillantes et argentées, était entourée d’une prairie qu’alimentait
cette eau toute proche. Le jeune Narcisse, fatigué par l’ardeur de sa chasse et par la chaleur, se
laissa tomber, séduit par l’aspect du lieu et de la source. Quand il but, il fut séduit par l’image de la
beauté qu’il vit dans l’eau. Il prit pour un corps ce qui était seulement une ombre. Charmé par son
propre reflet, le visage immobile, il ne bougeait pas plus qu’une statue en marbre. Couché par terre,
il admirait tout ce qui le rendait lui-même admirable. Sans le savoir, il s’aimait lui-même. Affaibli
par son amour, il dépérit, peu à peu tourmenté par ce feu caché.
Ovide, Les Métamorphoses, III, trad. C. Bertagna
© Hachette Livre, 2012.
Fleurs d’encre 3e – Chapitre 1. Petites histoires à lire entre les lignes
SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE POISSON
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Seconde partie : Rédaction
SUJET D’IMAGINATION
« Ce ne fut que vers huit heures du soir, quand la nuit allait lui sauter à la gorge, comme un chat
sauvage, que le pêcheur sentit soudain le froid. » Racontez la suite de l’histoire en la transformant
en un récit policier.
Consignes complémentaires :
Selon le choix du professeur ces consignes peuvent être ou non détaillées aux élèves. On peut aussi
leur demander d’expliciter les attentes.
 Vous respecterez la chronologie du texte.
 Vous rédigerez votre récit à la troisième personne.
 Vous proposerez une explication plausible de la mort du pêcheur.
 Vous emploierez le vocabulaire du récit policier.
SUJET DE RÉFLEXION
Expliquez le sens implicite de cette nouvelle. Développez votre rédaction en une vingtaine de
lignes.
Consignes complémentaires :
Selon le choix du professeur ces consignes peuvent être ou non détaillées aux élèves. On peut aussi
leur demander d’expliciter les attentes.
 Appuyez-vous sur les questions ci-dessus pour dégager le sens implicite de la nouvelle.
 Citez le texte à l’appui de vos arguments. Pensez à utiliser des guillemets.
© Hachette Livre, 2012.
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SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE POISSON
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Corrigé
Première partie : Compréhension de texte, réécriture et dictée
COMPRÉHENSION DU TEXTE
 Une histoire banale
1. a. Le héros de cette histoire est un pêcheur. Il est désigné par les expressions : « le pêcheur »,
« l’homme » et par le pronom personnel « il » b. On ne sait rien sur le physique du personnage ni
d’ailleurs sur son caractère. Il n’a pas de personnalité propre, il a seulement les caractéristiques
habituelles des pêcheurs : la patience et l’obstination.
2. a. Cet indicateur de temps exprime une ellipse b. Il s’est presque écoulé une journée entière
entre le début de l’histoire ce passage. Il s’agit d’un sommaire.
 Un récit codé
3. Le pêcheur, tout comme Narcisse, est penché au-dessus de l’eau. Il s’obstine dans sa quête tout
comme Narcisse s’obstine dans l’amour de son propre reflet. Pour les deux personnages, cette
quête les conduira à la mort.
4. a. « Quelque chose » est un pronom indéfini. b. Le poisson est désigné à deux reprises par le
mot « chose ». c. Il est très difficile de se représenter « ce poisson » car ce que le pêcheur sort de
l’eau n’a pas de forme définie, n’a pas de consistance et semble même irréel. En effet, « ce
poisson » est « translucide », c’est une chose « molle ». Les propositions relatives qui déterminent
le nom donnent une image contradictoire du poisson tout à la fois sans existence et pourtant
tellement lourd : « qui pesait de tout son poids ».
5. Cet adverbe de modalisation souligne la difficulté que rencontre le narrateur pour appréhender
de façon sûre les différents événements.
6. a. Le poisson est une allégorie de la mort : « Ce qu’il avait cru retirer des eaux, c’était la mort ».
b. On peut relever dans le texte différents mots appartenant au champ lexical de la mort : « étangs
morts », « glacé », « plus de forces en lui », « noyé », « boursouflé ».
7. a. La fin de ce récit n’est pas attendue. b. On appelle ce type de nouvelle, une nouvelle à chute.
8. À la lecture de ce texte, on peut éprouver plusieurs sensations. Tout d’abord, le lecteur est
sensible au sentiment d’étrangeté qui se dégage du texte. On ne comprend pas bien où conduit
cette histoire banale de pêche à la ligne. Puis, le malaise ressenti par le lecteur s’accroît au fil de sa
lecture, l’angoisse monte. On vit cette attente en même temps que le pêcheur jusqu’à la chute de
la nouvelle. Le dernier sentiment ressenti par le lecteur est peut-être aussi celui
d’incompréhension : ai-je bien lu, compris le texte ? Dois-je le relire pour ne rien perdre de son
sens ?
 Question de synthèse
9. La nouvelle raconte une histoire banale dont le sens semble se donner très facilement. En fait,
dans une nouvelle à clé, une seconde lecture du texte doit être faite à un deuxième niveau. Cette
seconde lecture n’est possible que si l’on possède la « clé », le code qui permet de décrypter le
texte, en l’occurrence cette clé est l’allégorie de la mort.
© Hachette Livre, 2012.
Fleurs d’encre 3e – Chapitre 1. Petites histoires à lire entre les lignes
SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET 1 : LE POISSON
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RÉÉCRITURE
Récrivez ce passage en remplaçant « il » par « ils ». Faites toutes les modifications nécessaires.
Ils le franchirent et s’obstinèrent. Ils ne voulaient pas rentrer bredouilles. Ils accrochèrent un
nouvel hameçon à leurs lignes, les lancèrent et se mirent à penser. Ils se demandèrent pourquoi ils
étaient venus là, qui leur avait indiqué cet endroit, comment ils étaient arrivés jusque-là, pourquoi
ils s’obstinaient, et ils ne trouvèrent pas de réponse à leurs questions relativement complexes.
Seconde partie : Rédaction
SUJET D’IMAGINATION
« Ce ne fut que vers huit heures du soir, quand la nuit allait lui sauter à la gorge, comme un chat
sauvage, que le pêcheur sentit soudain le froid. » Racontez la suite de l’histoire en la
transformant en un récit policier.
Le sujet demande à l’élève de rédiger une suite du texte mais en adoptant les caractéristiques
d’un autre genre littéraire : celles du roman policier.
Le premier indicateur de réussite à prendre en compte pourra être la capacité à rédiger une suite
de texte (conserver le cadre spatio-temporel, respecter le personnage).
On attend d’autre part que l’élève invente un élément perturbateur et une ou deux péripéties. Le
sujet demande de respecter la situation finale : la mort du pêcheur.
D’autres indicateurs de réussite prendront en compte la capacité de l’élève à rédiger un récit
policier : explication plausible de la mort du pêcheur, utilisation du vocabulaire du récit policier.
On évaluera également la capacité de l’élève à utiliser les temps du récit, les connecteurs
temporels,…
SUJET DE RÉFLEXION
Expliquez le sens implicite de cette nouvelle. Développez votre rédaction en une vingtaine de
lignes.
Le sujet demande aux élèves, à partir des réponses du questionnaire, de réfléchir au sens implicite
du texte c’est-à-dire au second niveau de lecture de la nouvelle.
On pourra prendre en compte différents indicateurs de réussite :
- La capacité à décrypter l’allégorie : la pêche est une métaphore de la vie.
- La nouvelle donne une vision assez pessimiste de l’existence : l’homme lutte, sans
connaître le sens de son combat. Celui-ci s’achève par la mort (l’existence humaine est
fragile).
- Le monde est inquiétant, la réalité nous échappe.
© Hachette Livre, 2012.

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