une plaque de cuivre - 1000 tirés-à

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une plaque de cuivre - 1000 tirés-à
ADRIEN
BLANCHET
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UNE PLAQUE DE CUIVRE
GRAVEE EN
(MILIEU
DU
ÉPARGNE
XV e SIÈCLE)
Extrait des Procès-verbaux et Mémoires
dü Congrès international des Bibliothécaires et des Bibliophiles. Paris, 1923.
PARIS
JOUVE &
Hl.
Cie,
RUE RACINE,
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ÉDITEURS
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(MILIEU
EN ÉPARGNE
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XV e
SIÈCLE)
Extrait des Procès-verbaux (Jt Mémoires
du Congrès international des Bibliothécaires et des Bibliophiles. Paris, 1923
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JOUVE &
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Cie.
ÉDITEURS
RUE RACINE,
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UNE PLAQUE DE CUIVRE GRAVÉE EN ÉPARGNE'
(Milieu du XVe siècle (1)
Le petit monument que je présente au Congrès appartient à cette
série de plaques, gravées en épargne (2), entre le premier et le quatrième
quart du xv e siècle, dans une région comprise entre l'Escaut et la partie
moyenne du Rhin. Bien que ces plaques soient fort rares, on en connait
plusieurs, dont deux sont conservées au Musée du Louvre.
La caractéristique de ces planches est, comme on le sait, de porter
souvent des inscriptions en minuscules gothiques, tracées directement
sur le métal. On en a. conclu logiquement que ces plaques, quoiqùe
présentant tous les caractères de la technique des planches pour des
estampes, avaient servi pour des décorations d'orfèvrerie et pour des
reliures.
Mais ces hypothèses ne sont guère satisfaisantes. D',abord, on ne
se rend pas compte de l'effet décoratif que pouvaient présenter ces
plaques sans relief dans un motif ornemental, d'autant plus qu'à ma
connaissance, aucune ne porte d'émail dans les creux (3).
Si l'on considère ces plaques comme des matrices, destinées à
produire les reliefs des couvertures de veau ou de peau de truie, on doit
se demander quelle est la technique qui aurait permis d'obtenir l'impression de détails, si finement gravés, sur des matières si épaisses (4).
1. Voir PLANCHE 1.
:). Travail dit aussi interrasile.
3. Il ne saurait être question de reconnaître dans ces plaques des images religieuses,
analogues aux tableaux d'or et d'argent, si fréquents dans les inventaires du MoyenAge (par exemple ceux qui représentaient la Trinité, Jésus Crucifié, la Résurrection,
la Transfiguration, la Véronique, le Jugement dernier, etc., et qui appartenaient à la
Sainte-Chapelle de Bourges, en 1412), auxquels on a voulu, à tort selon moi, rattacher les premières « médailles».
4. Je sais que des reliures en peau de truie, du XVI' siècle, offrent des détails d'une
grande finesse. Mais néanmoins il me parait difficile que les relieurs du Xye siècle aient
pu obtenir, même en ram~llissant. la peau de truie, des impresl;lions parfaites avec des
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ADRIEN BLANCHET
Peut-être s'est-on servi de ces plaques pour obtenir des décors en pâte,
analogues à ceux qui ornent de petits coffrets jtaliens du XVIe siècle ?
D'après les trous de clous, qui servaient à fixer ces plaques (1),
on peut supposer que les supports étaient de simples plaques de bois,
analogues aux montages des clichés fabriqués actuellement.
L'argument qu'on a tiré des légendes, gravées dans le S'ens direct
sur des plaques de cuivre, n'est pas aussi formel qu'on pourrait le croire
tout d'abord, car il y a des exemples qui permettraient de soutenir une
hypothèse différente.
Ainsi, sur une estampe représentant l' H ortus Conclusus de la
Vierge (2), les inscriptions sont gravées, les unes dans le sens direct,
et la salutation <le l'ange dans le sens rétrograde. On peut donc conclure
que, dans certains cas au moins, la technique des artistes était hésitante.
Quoi qu'il en soit, on est d'accord pour reconnaître dans ces plaques
les ancêtres de celles que les graveurs destinèrent ensuite à tirer des
épreuves (3) et à illustrer des livres. Il n'est donc ptlS inutile de signaler
un nouvel exemple de cette série si rare, qui vraisemblablement le
restera toujours.
Le spécimen. que je communique aujourd'hui représente Jésus dans
la crèche, entouré tout entier de rayons de lumière. Devant lui, la Vierge
agenouillée p"rie, les mains jointes. Derrière Jésus, on aperçoit les têtes
de l'âne et du bœuf dans leur étable; à côté, saint Joseph, à mi-corps,
prie également. perrière la Vierge, dès femmes et un pèlerin s'entretiennent; plus loin, un bérger, entouré de son troupeau, explique à
d'autres pélerins ce . qu'il a vu. Et, au-dessus, un ange tient une banderole avec l'inscription en minuscules gothiques : Gloria in excelsis Deo.
(Diam. 0,08.)
plaques semblables à celles conservées au Louvre. ou à celle qui m'appartient, (lU, encore
et surtout, avec la plaque, si considérable, qui a servi à imprimer l'estampe portant la
marque de D o u a i . '
.
1. Il paraît bien que, dans la plupart des cas, ces trous ont une origine ancienne.
On en a une preuve par les traces, visibles sur l'épreuve ancienne, tirée sur la grande
plaque du Jugement dernier où Henri Bouchot a reconnu la marque de Douai (Les deux
cents incunables xylogl'aphiques du dép. des Estampes, p. 251, pl. 96, nO 177).
2. H. Bouchot, op. cit., p. 241. pl. 79, n° 145 (Artois, vers I I 40) ; François Courboin, La CravuI'e en. France, des origines à .i 900, 1923, p. 2 l, fig. 4 (vers 1445) et du
même, [fist. illilstrée de la gravure en France, l'· partie, 1923 , p. 17.
3. M. Courboin « très bien mis en relief l'importance que les premières épreuves des
plaques de métal avaient eu comme patrons, modèles précieux pour les artistes (Hist.
illustrée de la 9ravure en France, Ir. partie, p. 16 à 18, nO ~ l, à propos du « Chemin de
Croix et Calvaire », sravure eq relief sur métal, en Artois, vers 1467).
UNE PLAQUE DE CUIVRE GRAVÉE EN ÉPARGNE
?
Cette scène est la suite de celle de l'adoration des Bergers (1) et
plus rare que celle-ci, figurée sur plusieurs gravures anciennes, à peu
près contemporaines de la planche décrite plus haut (2).
La comparaiso~ s'impose aussi, avec une scène analogue, représentée dans la partie supérieure de la grande planche de cuivre, provenant de la collection Gay, conservée au Musée du Louvre, et dont
le sujet principal est une Annonciation, inspirée de la peinture de Stephan Lochner (3).
Cette adoration des bergers n'est probablement pas de l'auteur de la
planche de cuivre que je publie aujourd'hui; mais les deux œuvres sont
sûrement contemporaines et de la même école, que cette école soit de
la Flandre française ou de l'Artois, comme le voulait Bouchot, ou
« néerlando-colonaise », comme le disent d'autres auteurs.
Quant à la date de notre planche, on ne saurait la faire descendre
plus bas que le deuxième quart du xve siècle (4), car tout le travail a
été fait au burin, sans l'aide de poinçons, analogues à ceux qu'on a
signalés pour dive~ses œuvres. C'est la technique des gravures représentant l'Adoration des Mages et l'Annonciation que Bouchot plaçait
vers 1440 (5).
Assurément c'est à peu près le même art que celui de l'autre plaque
de cuivre, conservée au Louvre et représentant deux saints, plaque où
on lit la date de 1423 (6). Mais les discussions au sujet de cette date
n'étant sans doute pas terminées, je m'absti,endrai de m'appuyer sur
ce document.
Il suffit d'ailleurs d'indiquer l'époque probable de la planche de
cuivre, communiquée ici, pour en faire comprendre tout l'intérêt.
Adrien BLANCHET,
de l'Institut.
1 . Evangile de saint Luc, c. 'II, § 17 et 18: « Eo autem viso, divulgaverunt id
quod diclum fuerat ipsis de puerulo iHo ; et omnes qui audierunt, mirati sunt ea
quœ ipsis dicta fueranl a pastoribus illis ».
2. Voy-:-. W.-L. Schreiher, Manuel de l'amaleul' de la gravure sur bois et sur métal au
XVe siècle, 1893, t. l'r, p . 25 à 27, nos 81 à 85, go, Puis d'aulrls plus récentes,
nOS 87, 91 à 93 ; cf. t. Ill, p. 7, nO 2.191. Voy. aussi Il. Bouchot, op. cit., p.2IO,
pl. 26~ n° 55.
'
3. H. Bouchot, op. cit., pl. 28, nO 57; Pierre Gusman, La Gravure sur bois et d'éparyne sur métal du XIVe au xxe siècle, 1916, p. 46 el 6J-63, fig. 19-20.
4. Le co~tume du berger convient parfaitement à celte époque.
5. Op. at., p. 188, pl. II, nO 3 ; p. ~lIO, p1. 26, n° 55.
6. P. Gusman, op. cit., p.15 et 61) fig. 18. La date est très neUe sur l'original j
mais le champ poli de certaines parties, de la plaque fait croire à quelques retouches.
Imprimerie Jouve et Cie, 15, rue Racine. Paris
Congrès international des Bibliothécaires
et des Bibliophiles; Paris, 1923.
Plaque de cuivre gravée en épargne (xve siècle).
Planche 1

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