Emporter un ordinateur en intervention

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Emporter un ordinateur en intervention
Techniquee 95
118 swissfire.ch 12|2010
Technologie: les ordinateurs ultradurcis
Emporter un ordinateur
en intervention
Il existe de nombreux logiciels techniques qui peuvent être d’un grand
secours durant les interventions. Toutes ces applications «tournent»
forcément sur des ordinateurs. Or les PC portables et les conditions
environnementales d’une intervention sont généralement incompatibles. Quoique …
Photos: Michael Werder
Dans le domaine médical, l’étanchéité
totale de ces machines est particulièrement
appréciée pour la facilité de désinfection
qu’elles offrent.
Ordinateur ultradurci embarqué dans un v­ éhicule d’officier de piquet.
Environ la moitié des accidents subis par
les ordinateurs portables sont dus à des
chutes, des impacts violents ou encore à des
liquides répandus sur la machine.
Généralement, ce sont l’écran, le boîtier
ou le disque dur qui font les frais de ces
chocs. De plus, l’écran, le clavier et les différentes connexions externes apprécient
très moyennement l’humidité. Un environnement qui n’est pas exactement approprié
et qui, en l’occurence, peut s’avérer mortel
pour un ordinateur.
Des conditions impossibles
pour n’importe quel PC
Les conditions dans lesquelles interviennent les sapeurs-pompiers en particulier et
les acteurs du secours en général regroupent
en principe tous les éléments hostiles à l’informatique. Chaleur, humidité, froid, manipulations brusques et eau se liguent pour
faire rendre l’âme à n’importe quel PC normalement constitué.
Or il existe des ordinateurs portables qui
ne sont pas normalement constitués. Il
s’agit de la gamme des machines semi-durcies, durcies et ultradurcies.
«Les fabricants d’ordinateurs – peu nombreux il est vrai – ont sorti ces machines
­depuis une dizaine d’années déjà, mais
­dernièrement de nombreux progrès ont été
réalisés en matière de résistance de ces véritables PC portables tout-terrain», explique
Sébastien Jungen, de l’entreprise lausannoise Assydis spécialisée dans ce domaine.
Différences gammes de résistance
Si la gamme des ordinateurs moins durcis
est principalement utilisée par les hommes
d’affaires et les commerciaux qui sont souvent en déplacement, les machines ultradurcies trouvent leur application auprès de tous
les organismes à feux bleus.
Ils sont également appréciés par la protection civile, l’armée ou les entreprises
dont les employés travaillent dans des
conditions difficiles (distributeurs de courant, entreprises de construction, Touring
Club Suisse, etc.) ou par des photographes
de terrain et des voyageurs au long cours.
Aucune différence
au niveau du fonctionnement
Au-delà des quelques constructeurs actifs
dans des marchés de niche, deux grands fabricants développent des produits ultradurcis: l’américain Dell et le japonais Panasonic. Il est à noter que le premier produit des
machines davantage «tout public» alors que
le second a abandonné voici quelques
temps l’informatique de Monsieur-tout-lemonde pour se spécialiser dans les portables tout-terrain professionnels, dont il fabrique l’intégralité des composants.
Toutes les applications conventionnelles
sont susceptibles de «tourner» sur les ordinateurs ultradurcis qui peuvent être équipés
du système d’exploitation Windows ou Linux, avec une configuration standard ou
personnalisée.
Au-delà de leur solidité, les performances des ces «chars d’assaut» sont en
tous point identiques à celles des machines
conventionnelles. L’utilisateur ne verra
donc aucune différence en lançant des applications sur son ordinateur «blindé».
La technologie au service de la solidité
Le secret de la solidité de ces portables réside dans une conception technique totalement repensée.
Ainsi, tous les composants internes de la
machine sont montés sur des amortisseurs
antichocs, à l’image du disque dur qui est
enfermé dans un boîtier amorti et rempli de
mousse absorbante.
Quant aux autres composants, ils reposent, là où c’est nécessaire, sur des mini silent-blocks.
«Le disque dur conventionnel est toujours
encore utilisé, car il représente une meilleure
solution technique que le Solid State Disk,
dont les performances ne sont, pour l’heure,
pas garantie au-delà de quatre ans», précise
le spécialiste Sébastien Jungen.
Le boîtier de ce type d’ordinateur est généralement en métal résistant (alliage de
magnésium) et en plastique renforcé.
96 Techniquee
Journal des sapeurs-pompiers suisses
Tous les ports de connexion sont protégés par des clapets étanches.
Le clavier est étanche, tout comme les
différents branchements, prises d’alimentation ou autres ports de connexions, qui sont
tous protégés par des clapets amovibles totalement étanches et capables de résister à
toutes les contraintes.
Le touchpad des ultradurcis est, quant à
lui, un peu moins sensible au toucher que
les modèles conventionnels, car il est conçu
pour être utilisé avec des gants.
L’écran, qui est un des éléments délicats
de tout ordinateur portable, est conçu de façon à résister aux torsions, notamment
grâce à la présence d’alliages de magnésium, qui évitent toute déformation susceptible de le briser. Il est généralement équipé
de suspensions flexibles qui lui permettent
d’absorber les chocs.
Il est à noter que les écrans, dont certains
peuvent être orientés dans tous les sens,
voire rabattus sur le clavier en fonctionnement tactile, affichent une luminosité de
1000 candéla, soit cinq fois la valeur normale, et sont revêtus d’une couche antireflets, ce qui permet de travailler sans problèmes en plein soleil.
La technologie à rétro-éclairage LED,
mise en œuvre à ce niveau, permet d’obtenir un excellent coefficient luminositéconsommation.
Quant au problème de la ventilation, qui
d’habitude nécessite forcément une ouverture vers l’extérieur, il a été résolu au
moyen d’une tige métallique qui recueille
la chaleur de façon uniforme et l’évacue
sous le clavier.
Enfin, l’implantation d’une alimentation
ultra low voltage permet de réduire la
consommation électrique de l’appareil et,
de ce fait, de prolonger son autonomie.
Alors qu’une autonomie de fonctionnement
standard actuelle est de quatre à cinq
heures, certaines des machines ultradurcies
disponibles sur le marché arrivent à «tourner» jusqu’à sept à huit heures d’affilée.
Des normes strictes
Les ordinateurs ultradurcis professionnels
répondent à des normes très exigeantes,
dont notamment la norme militaire MILSTD 810G en matière de résistance aux
W «Le chef d’intervention
est en mesure de consulter
un grand nombre de
documents précieux
directement sur le site
de l’intervention.»
chocs et la norme IP-54 pour ce qui concerne
la protection contre l’eau et la poussière.
Ils peuvent donc chuter d’une hauteur de
près d’un mètre sans en subir de conséquences et continuer de fonctionner sous la
pluie.
En outre, alors que le disque dur de la
plupart des PC se refuse à démarrer à 0°C,
les portables ultradurcis tournent sans problème dans une gamme de températures allant de –29°C à + 60°C.
Une aide sur site
Au niveau des sapeurs-pompiers, un investissement dans des ordinateurs portables ultradurcis, même si ceux-ci affichent un prix
sensiblement supérieur à leurs homologues
«normaux», peut s’avérer intéressant.
En effet, la plupart des interventions
quotidiennes sont effectuées sans l’engagement d’un véhicule poste de commandement qui permet de disposer d’informations
variées directement sur le lieu de l’intervention.
En l’absence de ce soutien logistique, un
chef d’intervention muni d’un PC résistant
à toutes les sollicitations sera en mesure
d’embarquer et de consulter un grand
nombre de documents très précieux (plans
d’intervention, listes de matières, listes de
numéros de téléphones, procédures variées,
ERI-Cards, plans du cadastres, informations de tous types, etc.) directement sur le
capot de son véhicule de piquet et sans retirer ses gants, et ceci indépendamment des
conditions environnementales auxquelles il
est confronté.
Sans compter qu’il devient ainsi possible, grâce au développement d’applications informatisées en tout genre, d’emporter avec soi des programmes d’aide à la décision, des programmes de cartographie ou
de gestion de l’information.
Et parions que, le progrès aidant, il deviendra même possible de collecter sur site
les données physiologiques ou environnementales recueillies puis transmises par les
vêtements intelligents endossés par les
équipes en intervention ou par les appareils
embarqués tels que les caméras thermiques
ou les capteurs GPS.
Dans ce domaine, on le sait bien, seule
l’imagination pose des limites.
f
Michael Werder, rédacteur