Analyse de la Valeur

Transcription

Analyse de la Valeur
[ L’ o b s e r v a t o i r e F M ]
Analyse de la Valeur
Optimisation garantie!
Quels que soient les
enjeux attachés à
un projet immobilier,
les limites budgétaires
finissent toujours par
s'imposer. Mettre en
adéquation qualité du
projet et coûts n'est pas
toujours chose aisée.
La méthode d'Analyse de
la Valeur peut alors faire
la différence. Un exemple
venu de France.
C
omment réduire de 42,5 millions
EUR à 28 millions EUR le coût d’un
projet de construction d'une nouvelle soufflerie, tout en maintenant la qualité initialement attendue? En appliquant
la méthode d'Analyse de la Valeur (AV)!
C'est en tout cas le tour de force réalisé par
Spie Batignolles, quatrième groupe de
construction français pour le compte d'un
GIE (Groupement d’Intérêt Economique)
formé par Renault et Peugeot.
Créer et partager
de la valeur
Avec Concertance, Spie Batignolles a créé
une méthode destinée à identifier les gisements de valeur existant au coeur de
chaque projet. Comment dépasser les
limites imposées par le mode conventionnel de réalisation d’un projet en usage
dans les métiers de la construction?
12
Profacility Magazine mai 2005
Comment réduire le temps de réalisation,
éliminer les sources de conflit et optimiser le budget? Basée sur l'Analyse de la
Valeur, la méthode Concertance entend
apporter une réponse sur tous ces points
et bien au-delà.
"Concertance est une offre de partenariat
destinée à créer et à partager de la valeur
par une action très en amont auprès de
chaque client" explique François-Xavier
Anscutter. Et le directeur général du groupe de citer le cas du chantier des souffleries aéro-acoustiques de Saint-Cyr pour
PSA et Renault. Le budget prévu était de
30 millions EUR. Comme la plupart des
entreprises de construction sollicitées,
Spie Batignolles a répondu avec une offre
chiffrée aux alentours de 42 millions d’euros. Face à ce qui se présentait comme
une impasse, le constructeur a convaincu
la maîtrise d’ouvrage d’adhérer à sa
démarche Concertance.
Instaurant un nouveau mode d'organisation entre les acteurs, la méthode permet
d'améliorer les performances techniques
tout en réalisant des économies dont les
fruits sont partagés entre le client et les
intervenants. "Le client et les autres
contractants forment une équipe projet
qui recherche collectivement des solutions optimisées", explique François-Xavier
Anscutter. Ici en l'occurrence, 5 mois ont
été nécessaires pour redéfinir le cahier
des charges en tenant compte des souhaits du client et de la faisabilité du projet. "Ce partenariat intégré avec notre client
a permis de hiérarchiser ses besoins et
d'accepter certaines réductions de performances pour entrer dans le budget tout en
respectant délais et niveau de qualité".
Finalement, le budget a été ramené à
28 millions EUR, soit deux millions de
moins que l'enveloppe initiale. Fort de
cette optimisation, le GIE a pu prendre la
décision de consacrer 7 millions EUR de
plus à la construction d'un bâtiment qui
n'était pas initialement prévu. Qui a dit
tour de force?
Satisfaire les besoins
Mais par quel miracle parvient-on à de
telles réductions des coûts sans impact
sur la finalité et la qualité du projet? "À la
base de l’AV, il y a le besoin. Il faut en donner juste ce qu’il faut pour le satisfaire,
c’est-à-dire ni trop ni trop peu", explique
Albert Puttaert, consultant au sein du cabinet Acclivity, administrateur de l’ABCAL
(Association Belge des Cadres d’Achat et
de Logistique) et de l’AVD (Association
pour le développement de l’Analyse de la
Valeur).
Comment? En identifiant précisément les
fonctions auxquelles doit répondre un
projet et en recherchant pour chacune
d’entre elles les solutions techniques et
organisationnelles permettant de réduire
les coûts qui y sont associés, tout en garantissant le niveau de satisfaction du besoin.
"C’est l’Approche Fonctionnelle", explique
A. Puttaert. "On raisonne en termes de
fonctions et non de solutions, la fonction
étant ce à quoi sert le produit. On cherche
ensuite à réaliser toutes les fonctions que
doit assurer le produit au juste coût, en
pondérant celui-ci par son degré d’importance aux yeux de l’utilisateur (satisfaction du besoin), le tout étant formalisé
dans un cahier des charges fonctionnel
(CdCF)".
Dans l’exemple d’un immeuble de
bureaux, la décomposition des fonctions
et leur pondération ont fait apparaître que
les fonctions de confort, parkings additionnels et esthétisme visuel ("Image")
généraient les coûts les plus élevés en disproportion à leur degré d’utilité dans la
satisfaction des besoins. "Il s'agissait ici
d'un projet mené par Spie Batignolles sur
lequel nous sommes intervenus dans la
phase d'analyse", explique A. Puttaert.
Confronté à un cahier des charges réduisant la marge opérationnelle à 1% au lieu
des 4% habituellement pratiqués dans le
secteur, Spie Batignolles a engagé son
client dans la démarche Concertance.
Mettre en adéquation
projet et budget
En clair, l'Analyse de la Valeur permet
d'accroître la satisfaction des besoins tout
en réduisant les coûts. "Ces objectifs ne
sont pas incompatibles, mais bien indissociables", explique Albert Puttaert. "C'est
la notion même de création de valeur. Si
les économies engendrées par l'Analyse de
Albert Puttaert, consultant auprès du cabinet
Acclivity et administrateur de l’ABCAL et de l’AVD
la Valeur ne sont que la conséquence de la
démarche d’adéquation au besoin, pas son
objectif premier, il n'en reste pas moins que
dans tous les cas, la réduction des coûts
accompagne le processus".
Citons ainsi l'exemple de la Clinique Saint
Omer. Le projet de construction d'une
nouvelle clinique à la périphérie de la
ville est dans l'impasse: les chiffrages effectués selon les plans de l'architecte dépassent le budget fixé de 30 à 40%! Cet investissement est pourtant indispensable.
L'ancienne clinique du centre ville, devenue exiguë, n'est plus conforme aux
normes de Sécurité Incendie, de plus la
direction de l'établissement souhaite améliorer la circulation autour des blocs opératoires et le niveau de prestations hôtelières et d'accueil. Tout cela milite en
faveur d'un projet neuf, mais dans le respect des budgets d'investissements et d'exploitation prévisionnels. Avec l'intervention de Spie Batignolles et l'analyse
fonctionnelle menée en amont, le projet
devient plus rationnel, ce qui a permis de
dégager de nombreuses sources d'économies, sans aucune conséquence sur le
niveau des prestations.
Quelques exemples:
• À chaque fois que cela était possible,
des volumes réguliers ont été préférés,
sans pour autant dénaturer le projet
architectural.
• La hauteur d'étage a été redéfinie, en se
basant sur l'espace minimum nécessaire pour le passage des fluides et des
gaines.
• L'assise du bâtiment a été réadaptée afin
que le niveau zéro ne soit pas en contrebas: la disposition des réseaux, facilitée, a été de ce fait beaucoup moins coûteuse.
A lire
L’analyse de la valeur, de Joël Ballieu et Claude Boulet,
Col. A savoir, Edition AFNOR
Exprimer le besoin – Contributions de la démarche
fonctionnelle ; Association Française pour L’analyse
de la Valeur, Edition AFNOR.
Analyse de la valeur, outil de conception dans
le bâtiment; Revue La Valeur, n˚ 35, janvier 1988.
• Toutes les installations techniques
(notamment la chaufferie) ont été regroupées en un seul pôle, situé à l'extérieur
de la clinique: une seule "artère technique" traverse le bâtiment, et la maintenance se trouve facilitée.
Pivot du changement
Rapprocher le coût des solutions des services qu'elles rendent, voilà l’essentiel de
l’analyse de la valeur. Pour nombre d'entreprises, la méthode est devenue le principal pivot du changement. Car elle permet
précisément de s'affranchir des solutions
existantes. Albert Puttaert de souligner
que "créer de la valeur, c’est aller bien audelà des démarches traditionnelles de
réduction des coûts, qui optimisent à partir de solutions existantes, en considérant
la conception comme intangible. Créer de
la valeur, c’est améliorer en profondeur. Et
le principal obstacle à vaincre est précisément le piège de la solution existante".
"Rapprocher le coût des
solutions des services
qu'elles rendent,
voilà l’essentiel de
l’analyse de la valeur".
D’où l’intérêt de faire intervenir un consultant AV extérieur pendant la phase d’analyse, c’est qu’il n’a ni a priori ni connaissances techniques sur les solutions ou les
processus en place. Il aide les participants
à s’affranchir de leurs habitudes de
réflexion et à tirer le côté positif de chaque
proposition pour élaborer la solution finale. "L’AV et particulièrement le modèle
fonctionnel sont en outre d’excellents bons
outils de communication entre les différents intervenants d'un projet", intervient
A. Puttaert. "Elle les oblige à travailler
ensemble en considérant tout problème
en termes de besoins à satisfaire".
Reste la question: quand mettre en place
l’analyse de la valeur? "Plus on intervient
en amont d’un projet, c’est-à-dire avant
même qu’il ne soit conçu, plus les gains
sont grands", conclut Albert Puttaert.
Jean-François MARCHAND ■
Supprimer l'inutile
L’Analyse de la Valeur n’est pas une innovation récente ou une
nouvelle méthode à la mode. Elle fut mise au point au début des
années 50, dans la foulée de la reconstruction économique de
l’après-guerre, à une époque où les matériaux s’étaient raréfiés,
entraînant des problèmes d’approvisionnement dans les usines et,
conséquemment, une augmentation des coûts.
C’est à Larry D. Miles, alors responsable des approvisionnements
chez General Electric, que revient le mérite d’avoir conçu la
méthode. Il met en évidence que, dans un produit, 80% des coûts
ne rendent pas directement service à l'utilisateur et que réduire ces
coûts "inutiles pour l'utilisateur" permet d'augmenter la marge sur
les produits sans en modifier la valeur pour le client. Le même type
de raisonnement appliqué aux projets, puis aux organisations,
permet de transformer, au fil des années, cette simple observation
en un postulat : 80% des moyens que nous mettons en œuvre
chaque jour sont "inutiles pour l’utilisateur".
Information clé
Groupe de travail : méthode hautement efficace,
l’analyse de la valeur a ses exigences dont celle,
fondamentale, de mettre sur pied une équipe
interdisciplinaire. Cette équipe suivra un cheminement
en trois étapes : optimisation des besoins, meilleurs
choix technologiques, réduction des coûts et des délais.
Cahier des charges fonctionnel (CdCF): destiné aux
fournisseurs de l’entreprise, c’est l’expression des
besoins à satisfaire et des fonctions à assumer pour
un produit, un projet ou un processus donnés.
Conception à coûts objectifs: méthode de gestion
de projet où un coût plafond doit être fixé dès la
conception. Elle est surtout pratiquée pour les grands
projets impliquant de nombreux sous-traitants
(ex: lanceur Ariane) et utilise une approche
fonctionnelle.
Profacility Magazine mail 2005
13