Au petit monde de Clovis… - Ville de Beaumont-lès

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Au petit monde de Clovis… - Ville de Beaumont-lès
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Au petit monde de Clovis…
Il se trouve comme résurgent, dans ma fugace
mémoire, le visage et la silhouette de beaucoup d’anciens habitants de Beaumont, pour beaucoup
aujourd’hui disparus, ayant vécu en ces années soixante-quinze de feu le siècle dernier en notre
bonne bourgade. Il y avait Marius et Robert. Il y avait Max et André. Il y avait Lucien mais aussi
Clovis…Voyez-vous !...Je ne me souviens pas de son nom patronymique mais se trouve en ma vive
mémoire sa dégaine, son allure, son profil de personne alors avancée dans l’âge. Clovis était un
homme vivant au village intra muros. Il était un retraité qui possédait du temps plus qu’il n’en
fallait pour l’occuper intégralement. Cet octogénaire s’ennuyait pendant le plus clair de son temps.
Il était alors une personne grande et forte de constitution. Largement obèse et bien en chair, il
endurait la maladie et la contrariété du surpoids lequel le voyait souffler et reprendre haleine
souvent et même de façon maladive suer abondamment. Il était alors une personne du troisième âge
adorant se promener dans son village qu’il chérissait tant en se déplaçant depuis le Café Marty
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jusqu’au Café du Commerce ou bien depuis le Café du Centre jusqu’à l’Auberge de la Tour.
Il prenait le temps de discuter avec ses interlocuteurs du moment. A la belle saison, avec son marcel
et sa casquette, vêtu sommairement de sa salopette à bretelles, il prenait le soin de tailler la bavette
avec le passant avec qui il sympathisait facilement. Mais ce qui l’intéressait le plus, c’était de
retrouver ses compagnons de palabres sous l’ombrage du séculaire platane situé alors devant la
forge de Marius et de Gaston, en quartier du Billeton.
Collectivement assis sur le banc de l’amitié, tous
passaient des après-midi entiers, Gaston, Clovis et les autres à discuter de l’actualité villageoise, de
ses potins, certes aussi de ses commérages. Mais aussi, à cette occasion journalière de trinquer le
coup de vin rosé de l’amitié. En effet, Clovis ressentait un petit faible pour le vin rosé. Parce que
cette petite amicalité liée à la forge, les voyait tous les jours d’été, immerger une bouteille de ce vin
dans l’eau vive fraîche et claire de la fontaine alors en gisement contre le mur de la Maison Pour
Tous et sur la place du Rasset Est. Au cours de ces après-midi, tous trinquaient agréablement en
passant des bons moments en chaleureuses et cordiales parlottes de racontars. De ce temps pendant
lequel Beaumont comptait deux fois moins d’habitants qu’aujourd’hui mais aussi deux épiceries
intra muros. Alors Clovis passait ses journées discursives mais aussi en tant que adhérent fidèle du
Club des Personnes Agées, membre actif de cette amicalité aux blanches chevelures. Il avait
l’habitude de prendre ses repas certes encore erratiques soit à la Maison Pour Tous, soit dans le
bâtiment de la Piscine Municipale soit en dernier ressort, dans le bâtiment de l’Ancienne Gare. Les
dames cuisinières de l’époque comme le cuisinier de nos jours, concoctaient le repas des membres
du club. Alors Clovis possédait autant d’amis parmi ses alter ego. Parce que ce bon vivant et de par
un grand malheur s’abattant sur lui, devint subitement veuf, en cette de la fin de cette décennie. Il
perdit malheureusement son épouse. Une circonstance qui le vit advenir au secrétariat de mairie
pour effectuer la déclaration du décès. Ce fut pour lui une terrible épreuve qu’il endura en devenant
très malheureux. Homme comme fauché par l’inqualifiable destinée humaine se montrant sans pitié
à son égard très éprouvé.
Pourtant, il voulait toujours communiquer et faire
partager sa détresse en marchant inlassablement dans les rues du village, solitaire, l’âme en peine et
le désespoir l’étreignant. Souhaitant prendre son repas à l’heure méridienne, la plupart du temps, il
se trouvait grandement en avance sur l’horaire convenu, lui solitaire et perdant ses repères
temporels. Pour tuer le temps, il venait alors au secrétariat de mairie et s’asseyait sur une chaise
d’attente et donnait libre cours à une discussion à bâtons rompus avec le personnel d’accueil de la
mairie se trouvant très heureux de cette amicale, originale et cordiale compagnie. Mais une
présence peu ordinaire et somme toute très affectueuse. C’était son passe-temps, son échappatoire
faisant à son égard que le temps se montrait plus supportable lorsqu’il était loin de son domicile. Et
puis l’heure de midi moins le quart advenant, il prenait alors congé et se dirigeait à pas lent vers le
bâtiment de l’Ancienne Gare où il partageait l’ordinaire du jour. Lui-même m’ayant demandé, au
titre de l’économat de la cantine des anciens de choisir du vin titrant 11 degrés plutôt que celui de
10 degrés. Il aimait bien le vin et c’était là son petit faible. Les anciens se montreront toujours très
solidaires et unis fraternellement. La solitude des personnes âgées se trouve mieux supportable à
cette condition très humaine.
Alors, entre le Club des Personnes Agées, le banc
de l’amitié, Clovis appréciait beaucoup aussi faire partie des voyages d’agrément organisés par
Monsieur Henri Noailhet, à la fois Président du club et adjoint au maire. Ils partaient fréquemment
en goguette promeneuse pour tant de destinations. Les Saintes-Maries-de-la-mer, le parc
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ornithologique dans les Dombes. Ce fut une partie de son bonheur parce que les années
devenant au fil du temps plus pressantes, Clovis, bien qu’il l’aurait tant souhaité, ne pouvait plus
partir en voyage avec ses amis qui le regrettaient bien. Tant ce villageois était un homme brave
homme, agréable et communicant. Le temps passant pendant que ses forces allaient diminuant. Et
puis, un jour son décès advint. Les vicissitudes de l’existence humaine firent que la silhouette et le
visage aussi jovial de Clovis nous quittèrent à jamais. Ce fut de ce temps pendant lequel Beaumont
en Valentinois était encore un village et non pas une petite ville. Clovis et son épouse dorment en
paix au cimetière communal de Beaumont.
Il fut un personnage sympathique, cordial et de
bon contact, incontournable de notre bourgade…Non pas un agent de renseignements, un délateur
mais une personne au relationnel très agréable. Il n’hésitait pas à révéler ses observations critiques
et constructives à l’intention de la municipalité et de son personnel : Comme un témoin oculaire
faisant part de ses précieuses confidences au garde-champêtre qui échangeait souvent avec lui,
témoin de tous les événements survenant dans la commune. Il se trouvera toujours dans ce village
des personnages qui constituèrent une part importante de son âme collective. Celle ne mourrant
jamais mais évoluant au fil des décennies se passant parce que la réalité villageoise de Beaumont
est devenue objectivement et humainement toute autre. Les Clovis n’existent plus et le lien social
s’en trouve aujourd’hui amoindri et altéré…Nous faisons dorénavant partie d’une collectivité
adhérant à une vaste et impersonnelle intercommunalité en qualité de commune suburbaine
indissociable d’un certain anonymat tellement pavillonnaire et si résidentiel. Parce que, il y a de
cela trente cinq années accomplies, Beaumont vivait à l’heure de Clovis et de ses amis, de ses
compagnes et compagnons, à l’heure du village ramassé et uni, riche de tous attraits à connotation
tellement humaine et chaleureuse à la fois…
Au petit monde de Clovis…
Jean d’Orfeuille

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