Bruxisme : des solutions à se mettre sous la dent
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Bruxisme : des solutions à se mettre sous la dent
QPRNnews08_french 8/5/08 7:00 PM Page 1 Bruxisme : des solutions à se mettre sous la dent Dans le laboratoire du Dr Gilles Lavigne, à l’Hôpital Sacré-Coeur de Montréal, des dizaines d’individus se pointent régulièrement avec leur pyja ma et leur brosse à dents, prêts à passer la nuit. Plusieurs souffrent de bruxisme. La nuit venue, leurs mâchoires s’entrechoquent violem ment et leurs dents grincent de façon incontrôlée. Toute une épreuve pour leur dentition ! Selon certaines estimations, la pression exercée par le serrement de leurs mâchoires durant la nuit atteindrait jusqu’ à 250 livres et les chocs surviendraient des dizaines de fois par heure. C’est un peu comme si un joueur de football se mettait à sauter sur leurs dents, à répétition. À titre de comparaison, la pression ressentie sur nos dents lorsqu’on mastique des aliments se situe entre 20 et 40 livres. Pas étonnant que certains bruxeurs se réveillent le matin avec des douleurs musculaires au visage ou des maux de tête. Plusieurs voient aussi leurs dents s’user de façon prématurée. Mais dans la majorité des cas, ce sont les plaintes formulées par leur partenaire de vie – réveillé par les grincements de dents – qui amènent les bruxeurs à consulter un professionnel de la santé. Sur la piste d’un diagnostic Pourquoi grince-t-on ? On estime que 8 % de la population adulte souffre de bruxisme du sommeil. Et pourtant, aucun critère diagnostique n’avait été établi jusqu’à récemment pour identifier ce trouble du sommeil. Le Dr Lavigne, doyen de la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal et membre du Réseau québécois de recherche sur la douleur, a pallié cette lacune en invitant des bruxeurs à dormir dans son laboratoire tandis que des électrodes étaient fixées à leur scalpe, et qu’un système de caméras infrarouge et audio enregistraient les expressions de leur visage ainsi que le bruit produit par le grincement de leurs dents durant la nuit. Si les critères diagnostiques commencent à s’éclaircir, les origines de ce trouble du sommeil, elles, demeurent mystérieuses. On a longtemps cru que les bruxeurs étaient des individus anxieux, stressés ou hyperactifs. Point à la ligne. « Ça fait sûrement partie du problème,mais ça n’explique pas tout », dit le Dr Lavigne. À l’appui, il souligne que certains individus stressés ou hyperactifs ne souffrent pas de bruxisme. Inversement, tous les bruxeurs ne sont pas des gens stressés ou hyperactifs. Premier constat : il existe deux types d’activité musculaire chez les sujets bruxeurs. D’une part, les muscles faciaux peuvent se contracter de façon répétitive et les contacts des dents se manifester de façon saccadée. C’est ce qu’on appelle le bruxisme phasique. D’autre part, les mâchoires peuvent se serrer et se maintenir contractées durant au moins deux secondes. C’est le bruxisme tonique. Certains bruxeurs peuvent passer plusieurs semaines sans vivre un seul épisode nocturne, mais chez ceux qui souffrent d’un trouble modéré à sévère, le problème survient au moins une nuit par semaine. Lorsqu’une crise se pointe, ce sont de une à quatre épisodes de grincement de dents par heure de sommeil qui se manifestent. Il n’est pas rare que lors d’une seule nuit, plus de 25 épisodes avec grincement des dents soient observés. Des hypothèses anciennes ont soulevé un lien possible entre le bruxisme et le débalancement de certaines substances chimiques du cerveau, nommément la dopamine. En effet, quelques études ont montré que les patients souffrant de Parkinson auxquels on prescrivait de la L-dopa avaient tendance à grincer des dents la nuit venue. Le Parkinson est une maladie dont l’origine se situe dans la dégénérescence de neurones à dopamine. La L-dopa permet à l’organisme de synthétiser ce neurotransmetteur plus facilement. Le lien entre un dérèglement de la dopamine et le grincement des dents n’a toutefois pas été établi avec certitude. « Certaines études ont montré que l’administration de précurseurs de dopamine à des bruxeurs avait peu d’effet sur leurs symptômes », explique le Dr Lavigne. Le rôle des substances associées à la vigilance, tels que la noradrénaline, l’hypocretine-orexine, la sérotonine, etc., sont sous investigation. Autre piste explorée par la communauté scientifique : le dérèglement de QPRNnews08_french 8/5/08 7:00 PM Page 2 la sentinelle du sommeil. Les chercheurs savent que lorsqu’on dort, une sentinelle physiologique est activée tous les 20 à 40 secondes, sans qu’on s’en rende compte. On évalue rapidement si notre environnement est normal, si notre respiration est adéquate, si notre posture n’est pas douloureuse. Si aucun danger n’est détecté, on se rendort aussitôt. C’est pendant ces réactivations naturelles et répétitives (soit des retours brefs de la vigilance physiologique – tel une préparation pour une fuite ou attaque) que surviennent la majorité des grincements de dents. La sentinelle serait trop active, en quelque sorte (c.a.d, une réactivation brève et trop forte des systèmes autonomiques cardiaque et respiratoire avec une élévation du tonus musculaire). Les études épidémiologiques ont montré que près d’un bruxeur sur trois a dans sa famille immédiate une personne qui grinçait des dents dans sa jeunesse. Il se peut que les gènes associés à certaines protéines jouant un rôle dans l’activation de la sentinelle du sommeil soient en cause. « C’est certainement un amalgame de facteurs biologiques et psychosociaux qui sont à l’origine du problème », croit le Dr Lavigne, reconnu mondialement comme un spécialiste de la question. Vives douleurs On l’imagine facilement : un joueur de football qui saute de tout son poids sur nos dents pendant une nuit entière risque d’occasionner des douleurs qu’on n’est pas près d’oublier. Éton- Le RQRD est l'un des réseaux de recherches financés par namment, l’équipe du Dr Lavigne a constaté que les patients qui souffraient de cas sévères de bruxisme étaient souvent ceux qui se plaignaient le moins de souffrances à la mâchoire. Les patients qui ne souffraient que de cas légers ou modérés rapportaient des douleurs plus vives. Qu’est-ce qui pourrait expliquer une telle incongruité ? « On pense que les gros bruxeurs se protègent activant encore plus les muscles de leur mâchoire que les bruxeurs légers. Du coup, ils restreignent la mobilité de leur mandibule. Imaginez que vous ayez mal à une épaule. Inconsciemment, vous sommeil, les individus deviennent aussi plus sensibles à la douleur. Le Dr Lavigne suggère qu’ « Il faut stopper ce cercle vicieux le plus tôt possible ». Des solutions Les patients qui visitent le laboratoire du Dr Lavigne n’ont qu’une question en tête : comment régler leur problème ? La première approche privilégiée par le chercheur est l’enseignement d’une bonne hygiène de sommeil. On doit expliquer au bruxeur en quoi consiste son trouble du sommeil, lui proposer des techniques de relaxation, lui signifier que le tabagisme et l’alcool peuvent exacerber le problème. On peut ensuite leur proposer des dispositifs oraux qui empêchent les dents de frotter les unes contre les autres, ou qui aident à maintenir ouvertes les voies respiratoires. Les appareils conçus sur mesure sont beaucoup plus confortables que ceux que l’on peut se procurer à la pharmacie. allez la tenir contractée pour empêcher qu’elle ne bouge et pour la protéger. C’est un mécanisme de défense naturel. » Le Dr Lavigne s’intéresse au phénomène de la douleur chez les bruxeurs puisqu’il peut être à l’origine d’une pénible interaction circulaire. En effet, plusieurs recherches ont montré que les individus qui éprouvent de la douleur souffrent plus souvent de troubles de sommeil que la moyenne des gens. Or, après une mauvaise nuit de En dernier recours, des médicaments peuvent être prescrits pour de courtes périodes, notamment des sédatifs qui agissent comme relaxants musculaires ou des « normalisateur» de l’activité autonomique cardiaque. Tous ces médicaments ont des effets délétères sur la vigilance diurne et ont des effets secondaires qui, pour le moment en limitent, l’usage. « Il n’y pas de traitement parfait, dit le Dr Lavigne, mais en combinant plusieurs approches, on peut améliorer la vie des bruxeurs. » Et de ceux qui partagent leur lit ! Auteur: Dominique Forget Conception: Solutions Ink