Commémoration armistice de la seconde guerre mondiale

Transcription

Commémoration armistice de la seconde guerre mondiale
Commémoration armistice de la seconde guerre mondiale – 8 mai
2010
Chaque commémoration nous permet de prendre le temps, un matin, de
nous souvenir.
Une commémoration nous permet d’être réunis quelques minutes,
devant un monument aux morts, et de raconter un peu de l’Histoire de
France et certains évènements tragiques qui forment notre passé.
La commémoration de l’armistice du 8 mai 1945 nous permet, de nous
rappeler, qu’au cours de la seconde guerre mondiale, le gouvernement
de Vichy a commis des actes que nous ne devons pas oublier.
La rafle du Vel d’Hiv fait partie de ces actes. Elle ne peut pas être
oubliée.
*
* *
Devant les 6 semaines de combat de la campagne de France, devant les
100.000 morts et face à la débandade de notre armée, la capitulation du
22 juin 1940 était certainement irrémédiable ; elle n’excuse cependant
pas tout et en aucun cas la compromission absurde et la lâcheté irréelle
du 16 juillet 1942.
Elle ne peut pas pardonner au régime de Vichy d’avoir autorisé
l’internement dans des camps spéciaux des « ressortissants étrangers
de race juive ».
Elle ne peut pas pardonner lorsque le 13 juin 1942, le préfet de Paris
franchit un pas de plus dans la collaboration, à travers une circulaire qui
organise les arrestations et le rassemblement des juifs étrangers dans la
capitale.
Elle ne peut pas pardonner enfin lorsque les 16 et 17 juillet, près de
8.000 adultes et 4.000 enfants sont regroupés dans des
conditions épouvantables à l’intérieur du Vélodrome d'Hiver.
Cette rafle est l'un des épisodes les plus dramatiques de la collaboration,
l’un des pires instants de l’Histoire de France.
Le moment où la France a oublié d’où elle venait, le moment où elle a
piétiné ses valeurs, le moment où elle a perdu son âme, le moment enfin
où elle n’était plus rien.
*
*
*
Georges Weller racontait ainsi dans son livre « L'Étoile jaune à l'heure
de Vichy » :
Le 16 juillet, à l'aube, l'opération est déclenchée : la police parisienne
arrête, dans tous les quartiers de Paris et dans sa banlieue, près de
13.000 Juifs étrangers et, pour la première fois, des familles entières
avec des enfants à partir de l'âge de 2 ans. Dans tous les quartiers de
l’agglomération parisienne, la « chasse au Juif » est lancée. En même
temps, on arrête hommes, femmes et enfants, on enfonce les portes, on
emporte les enfants fiévreux, on fait des descentes dans les écoles. Les
familles sont enfermées au Vélodrome d'Hiver, en pleine ville.
Tous ces malheureux ont vécu cinq jours épouvantables dans l'énorme
enceinte remplie d'un vacarme assourdissant fait des cris et des pleurs
des enfants et des adultes à bout de nerfs, des hurlements et des râles
de quelques personnes devenues folles ou de malades et de blessés
après des tentatives de suicide. »
*
*
*
Parmi eux, se trouvait une petite fille, elle avait 10 ans, elle est arrêtée à
Paris, elle aussi, le 16 juillet 1942, avec sa mère. Comme une petite fille
qui ne peut pas comprendre ce qui se passe, elle écrit à son père et lui
explique simplement ce qu’elle est entrain de vivre.
1ère lettre, 16 juillet 1942
Cher papa,
On nous emmène au Vélodrome d'hiver mais faut pas nous écrire
maintenant parce que c'est pas sûr qu'on restera là.
Je t'embrasse bien fort et maman aussi.
Ta petite fille qui pense toujours à toi.
2ème lettre
Mon cher papa,
Je suis malade, j'ai la scarlatine, ce n'est pas très grave mais ça dure
très longtemps. Il faut rester 40 jours au lit, les premiers jours on n'a pas
le droit de manger, alors on boit du lait.
Je t'embrasse bien fort,
Ta petite fille qui t'aime,
3ème lettre, 27 août
Mon cher papa,
Je m'excuse de ne pas avoir écrit plus tôt parce que dans l'infirmerie il y
a des enfants plus petits que moi alors quand l'infirmière et la dame qui
s'occupent des enfants malades ne sont pas là, les grands doivent
s'occuper des plus petits. J'ai retrouvé mes camarades de Paris. J'ai vu
Fanny avec son petit frère. J'ai retrouvé Robert avec sa mère et son
père.
Je t'embrasse bien fort.
Ta petite fille qui t'aime beaucoup
4ème lettre, le 29 août
Mon cher papa
J'espère que tu ne t'ennuies pas de trop et que les pommes de terre
poussent bien. Moi ça va bien mais je m'ennuie quand même un peu. Il y
a quelques jours on s'est bien amusé. Je pense beaucoup à toi. Es-tu en
bonne santé ? Moi si je suis seulement fatiguée de rester dans mon lit
alors je me lève un peu. Je n'ai plus rien à t'écrire.
Je t'embrasse bien fort.
Ta petite fille qui t'aime
5ème lettre, 2 septembre
Mon cher papa
Je t'écris encore une fois pour te dire que je vais bientôt être guérie. J'ai
bon appétit, je mange bien, je dors bien et je m'amuse bien. J'espère
que tu ne t'ennuies pas trop, que tu manges bien, que tu dors bien,
comme moi et que tu es en bonne santé. Je ne sais plus quoi t'écrire.
Je t'embrasse bien fort.
Ta petite fille qui t'aime beaucoup.
6ème lettre, Phitiviers, le 11 septembre
Mon cher papa
Je m'excuse de ne pas t'avoir écrit plus tôt. Tu vas pouvoir m'envoyer un
colis 2 fois par mois et une lettre tous les semaines. Je ne te demande
pas grand chose parce que je sais que tu ne pourras pas m'envoyer
beaucoup. Quand retourneras-tu à Paris ? Moi je m'ennuie beaucoup.
Je t'embrasse bien fort.
Ta petite fille qui t'aime beaucoup
7ème lettre et dernière lettre, Phitiviers, le 18 septembre
Mon cher papa
Il y a très longtemps que je ne t’ai pas écris parce que j'attendais la
permission d'écrire des lettres. Je voudrais si tu peux que tu m'envoies
ma photo, celle de maman et la tienne. Il y a très longtemps que je ne t'ai
pas vu. J'espère que je te reverrais bientôt. Essaie de me faire sortir
ainsi je serais avec toi, ici je perds toutes mes forces. J'ai beaucoup
maigri, je suis encore malade, j'ai attrapé une autre maladie, la varicelle,
il y a des gens qui disent qu'on va libérer les enfants qui ont moins de 16
ans. J'espère que j'aurai la réponse le plus tôt possible. Sois en bonne
santé, surtout ne tombe pas malade comme moi je fais. Ne t'ennuie pas
comme moi car je pleure souvent en pensant à toi.
Ta petite fille qui t'aime et qui t'embrasse bien fort.
*
*
*
Il n’y eut pas de 8ème lettre. Il n’y eut plus rien. Cette petite fille n’aura
jamais revu son père, elle n’aura jamais reçu les photos qu’elle espérait
tant.
Elle aurait pu s’appeler Lucie, elle aurait pu s’appeler Aimy, elle se
prénommait Marie.
Marie se préparait à fêter son 11ème anniversaire lorsqu’elle fut exécutée,
lâchement, le 23 septembre 1942, gazée un matin à Auschwitz,
assassinée par le zèle d’un gouvernement stupide et assassin.
Qu’a pensé Marie au moment où elle pénétrait dans la douche qui la
condamnait ?
Etait-elle encore petite pour conserver ses rêves d’enfants et ne
s’apercevoir de rien ?
Avait-elle déjà souffert suffisamment pour ne plus croire en l’avenir ?
Avait-elle conscience que le 16 juillet 1942, l’humanité avait déserté
le gouvernement de Vichy ?
*
*
*
Mais ressentait-elle également et déjà la présence de ces Français de
France qui luttaient pour elle, contre l’occupation, contre Vichy et pour la
liberté ?
Marie n’est pas morte seule mais entourée de tous ces Français de
France qui se battaient pour faire renaitre l’espoir et sortir de l’obscurité.
Marie est morte entourée de tous ceux qui ont su se lever, ces résistants
torturés par la Gestapo, assassinés pour avoir dissimulé des alliés,
fusillés un matin dans un village du Vercors.
Marie est morte entourée de tous ceux qui ont osé dire non, ces justes
risquant leur vie pour cacher des juifs, ces villageois refusant la
dénonciation pour ne pas perdre leur honneur puis plus tard, ces
combattants abattus sur les plages de Normandie
Marie nous a quittés, entourée de ceux qui sont présents encore avec
nous ce matin et que nous célébrons à travers son souvenir.
*
*
*
Ils sont morts pour toutes les petites Marie enfermées dans des trains,
séparées de leurs parents et exterminées sans aucun état d’âme.
Ils auront donné leur vie, simplement, pour permettre d’en sauver des
milliers d’autres.
Ils sont tombés pour que la France retrouve simplement l’humanité
qu’elle avait perdue ce 16 juillet 1942.
Stéphane Mirambeau
Maire de Villepreux
8 Mai 2010, 09h30