Jeune parangon de l`art tribal
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Jeune parangon de l`art tribal
raoul de keyser Patric Didier Claes Jeune parangon de l’art tribal Membre de la Chambre belge des Experts en œuvres d’art, de la Chambre royale des Antiquaires de Belgique, du Syndicat national des Antiquaires français (SNA), Vice-Président de BRUNEAF et de la BRAFA, l’antiquaire spécialisé en arts premiers Didier Claes peut se targuer d’avoir effectué jusqu’ici un parcours sans faute dans le marigot des spécialistes de l’art africain. Rencontre à la veille de la Brussels Non European Art Fair (BRUNEAF) qui, depuis 23 éditions, anime le quartier du Sablon en cette fin de printemps. texte : Christophe Dosogne A photos : Jerry De Brie ssis au premier étage de la galerie, de part et d’autre d’un bureau postmoderne dont on retrouve par ailleurs l’esprit se mariant admirablement avec cet art ethnique qui fait la spécialité de notre homme, la conversation s’engage tout naturellement et sans langue de bois. D’une grande élégance, le regard franc et le verbe direct, Patric Didier Claes (né en 1971) exerce son métier avec rigueur et passion depuis la fin des années 1980. Né d’une mère congolaise et d’un père belge, l’enfant métis grandit à Kinshasa avant de retrouver, adolescent, la terre paternelle. « Mon Fameux fétiche à clous ou figure Nkonde, Kongo, République démocratique du Congo, bois, métal, tissus, kaolin, verre, H. 88 cm. Collecté en 1914 par les Pères Blancs, donné ensuite à l’oncle Lucien, chimiste de la Régie des Eaux au Congo, puis donné à Mr et Mme Thion en 1960 et conservé dans la famille jusqu’en 2010, il était présenté pour la première fois au public par Didier Claes, lors de la BRAFA, en janvier 2011. Collection privée, Belgique. © Courtesy of Galerie Didier Claes, Bruxelles 24 l collect père a connu ma mère en cherchant des œuvres d’art pour le nouveau musée de Kinshasa, créé quelques années après l’indépendance du Congo. Parcourant la brousse, il fournissait également en objets le commerce européen. Mais ce n’était pas un passeur. Bien que j’eusse passé un temps considérable à ses côtés, il ne m’a rien transmis. Pour lui, c’était seulement un métier. » Pour le jeune Didier, imprégné dès sa prime enfance du souvenir olfactif indélébile des objets africains traditionnels, cela deviendra très vite, en revanche, une passion. Sur les traces du père Revenu en Belgique dès l’âge de 16 ans, il n’aura de cesse de retourner sur les traces de ce père et, abandonnant rapidement des études qui ne le passionnent guère, reprend le chemin de la brousse pour y dénicher l’objet rare. « J’ai vécu très jeune les mêmes expériences que certains vieux marchands, alors que d’autres de mes jeunes collègues, spécialisés dans le même segment de marché, n’ont jamais mis les pieds en Afrique. Je tire sans doute ma force de cette double culture. » Mis à part quelques trouvailles exceptionnelles effectuées dans des chefferies, notamment une statue Songye cédée en 1993 à l’antiquaire Pierre Dartevelle, Didier Claes déchante rapidement. D’une part, l’Afrique de l’Ouest est désormais quasi vide d’objets de premier ordre. En sus, devenu le fournisseur officiel de quelques marchands belges et français, il est vite lassé de cette position de courtier qui le maintient dans un rôle – certes très confortable pour les antiquaires de la place qui n’ont aucun intérêt à le voir sortir de l’ombre – mais frustrant pour l’ambitieux jeune homme qu’il n’a cessé d’être jusque ici. D’autant qu’avec son physique avantageux et sa mise soignée, il dérange fortement le landerneau habitué jusqu’alors à l’entre soi d’une audience postcolo- collect l 25 patric didier claes là, en effet, que va pouvoir se créer cette liberté commerciale tant désirée. Aux Etats-Unis, Didier Claes enchaîne avec un réel succès foires et salons spécialisés, notamment le fameux International Tribal & Textile Arts Show de New York, au point d’envisager un temps d’y installer une galerie. Ce succès américain – outre qu’il le doive à son éthique rigoureuse, à la qualité de son regard sur l’art africain et à une sélection particulièrement pointue qui séduit d’emblée de grands collectionneurs locaux – n’aurait sans doute pas été possible sans le travail accompli auparavant par l’artiste et antiquaire spécialisé en art tribal Merton Daniel Simpson, décédé en février dernier. D’origine afro-américaine, Simpson était considéré comme l’un des marchands les plus réputés dans le domaine, contribuant sans conteste à inventer l’art de collectionner les objets africains outre-Atlantique. Il le dit lui-même, Didier Claes lui doit sans doute d’avoir pu, en tant que métis, être considéré aux Etats-Unis comme marchand spécialisé en art tribal. Ayant conquis New York, Bruxelles ne pouvait que suivre. … à la conquête du Monde ! “Les pays émergents vont, à moyen terme, s’intéresser à l’art tribal. Quand celle-ci sera prête, l’Afrique rachètera son patrimoine comme le font aujourd’hui les Chinois.” niale plutôt bigarrée. Qu’à cela ne tienne, il en faut plus pour émousser les convictions du jeune loup qui, anticipant les évolutions du marché, change son fusil d’épaule et choisit de ne plus désormais travailler qu’avec les collectionneurs eux-mêmes, se mettant en quête des plus grands amateurs européens et américains d’art africain. « Ce sont eux les vrais banquiers en la matière. Ils conservent jalousement des objets devenus rarissimes que l’on peut ainsi facilement retrouver. L’art tribal est un domaine de collectionneurs pointilleux qui savent que revendre un objet signifie lui dire adieu.» 26 l collect D’une acrimonie ordinaire… Didier Claes raconte avec malice une anecdote symptomatique de cet accueil, plein de préjugés, parmi ses confrères antiquaires. Sur son premier stand à la BRAFA, on le prendra ainsi d’abord pour un agent de maintenance. A une personne qui lui demande de changer des ampoules, il répondra non sans humour : « Je veux bien, mais cela va vous coûter cher ! » Même si nous ne la caractériserons pas franchement de raciste, l’attitude prise naguère par le monde de l’art vis-àvis de ce jeune antiquaire spécialisé, peut à tout le moins être qualifiée d’acrimonie ordinaire. Didier Claes, on l’a dit, dérange. Ce, d’autant plus qu’il est autodidacte, nourri d’une passion bibliophile encyclopédique, ne s’en laisse guère conter et a pour lui d’avoir écumé une partie de l’Afrique centrale là où, à l’aube du XXIe siècle, peu de ses confrères peuvent encore en dire autant. Aussi, lorsqu’en 1995 on lui refuse sa participation à BRUNEAF, salon de référence en matière d’arts premiers, c’est tout naturellement que le jeune homme se tourne vers l’Amérique du Nord, et plus précisément New York. C’est En 2002, auréolé de gloire, Didier Claes ouvre donc un espace de galerie au Sablon. Sa première participation à la BRAFA, on l’a vu, est pour le moins déconcertante. C’était en 2003, lors du déménagement de la foire à Tour & Taxis. Or, une décennie plus tard, signe incontestable d’une reconnaissance de ses pairs – laquelle se cristallisait sans doute durant l’édition 2011, lors de la présentation d’un spectaculaire fétiche à clous Bakongo au centre d’un stand de 1000 mètres carrés, vide par ailleurs – notre homme en est devenu le viceprésident ! Et le salon bruxellois est aujourd’hui considéré comme le plus important au monde en matière d’art tribal africain. Entretemps, il y eut pour Didier Claes une participation au Showcase de la TEFAF de Maastricht en 2009. « Ce fut pour moi une expérience très mitigée. Ne disposant que d’un espace très réduit, il m’était impossible de m’y exprimer. J’y ai, en outre, ressenti pas mal de condescendance et, pour le coup, un brin de racisme. Qui plus est, les organisateurs ne s’intéressent absolument pas à l’Art africain et, en conséquence, le vetting committee n’est pas à la hauteur, s’y montrant incapable de repérer les faux. Et j’en ai vu…» Mais plus que la TEFAF, c’est cette sollicitation du SNA à participer à la Biennale des Antiquaires de Paris, où il effectuait un sans-faute en septembre dernier, qui ravit notre homme. « C’est une véritable consécration ! Le rêve de tout antiquaire. En outre, j’y suis entré par la grande porte. Ce qui constitue une grande satisfaction et la reconnaissance d’un certain niveau de qualité et d’un parcours. Cela m’a permis de conforter ma place auprès d’un public de collectionneurs qui, jusqu’ici, m’observaient de loin. » “Certains de mes jeunes collègues, spécialisés dans le même segment de marché, n’ont jamais mis un pied en Afrique. Je tire sans doute ma force de cette double culture.” Vers une BRAFA encore plus ethnique Désormais épaulé par son frère Alexandre, qui organise la participation de la galerie aux foires et assure le suivi des relations à la clientèle, ainsi qu’Agnès Lacaille, universitaire spécialiste des arts africains, un temps gestionnaire des collections d’anthropologie culturelle au Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren, Didier Claes peut sans doute voir l’avenir avec sérénité, lui qui ambitionne de développer le marché de l’art africain… en Afrique. « Les pays émergents vont, à moyen terme, s’intéresser à l’art tribal. Quand celleci sera prête, l’Afrique rachètera son patrimoine comme le font aujourd’hui les Chinois. Il y a déjà des collectionneurs africains qui s’intéressent à l’art africain, notamment au Bénin. Mais l’Afrique a grand besoin d’éducation et de se réconcilier avec ses croyances, détruites par plus d’un siècle de Christianisme. En conséquence, l’Africain d’aujourd’hui a peur de l’objet d’art ! Il faut lui enlever cette peur, par l’éducation et l’inscription de la culture traditionnelle africaine dans les manuels scolaires. Par ailleurs, un véritable marché africain ne pourra émerger que lorsque des marchands éduqués, issus du continent, ouvriront des enseignes sur place. » Alors qu’il prépare BRUNEAF où il présentera quelques pièces inédites et rares du Congo, Didier Claes ne s’alarme pas outre mesure des récentes flambées de prix dans l’art africain. « J’avais pressenti cette évolution il y a une douzaine d’années, lorsque j’ai décidé d’arrêter de vendre aux marchands. Aujourd’hui, il faut aller de plus en plus vers les acheteurs et les vendeurs. D’où le rôle primordial des foires et des ventes publiques de New York et de Paris ». Du côté des foires, c’est la BRAFA qui tient le haut du pavé. Forte d’un contingent de six exposants spécialisés en 2013, elle devrait arriver à une dizaine l’an prochain car – et c’est un scoop que nous réserve Didier Claes – le Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren sera l’invité d’honneur du salon ! Confortée dans sa position de leader mondial dans le domaine tribal, la foire pourra alors c’est sûr dire merci à son Vice-Président… e n s av o i r p lu s Visiter BRUNEAF XXIII du 05 au 09-06 www.bruneaf.com Contacter Galerie Didier Claes 7 rue Van Moer Bruxelles Tél. : 02/414.19.29 www.didierclaes.com collect l 27