L`industrialisation du spectacle vivant

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L`industrialisation du spectacle vivant
MaMA - L’industrialisation du spectacle vivant
MaMA Event, 16 octobre, Théâtre de l’Atelier, PAris
Nous sommes habitués depuis des décennies à entendre parler d’industrie de la musique
enregistrée, un processus industriel étant nécessaire pour fabriquer des disques, les distribuer,
etc. On en parle beaucoup moins dans le spectacle vivant en revanche, longtemps considéré
comme artisanal. Depuis quelques années, la donne change : de grands groupes se positionnent
sur le spectacle vivant, probablement en réaction à la crise du disque. Quelles conséquences de
l’arrivée des Live Nation, Lagardère, Vivendi, Fimalac et consorts (pour ne prendre que des
exemples touchant directement la France) sur le secteur et les acteurs du live ?
Le secteur du spectacle vivant est en croissance, et d’autant plus important si l’on considère toutes
les recettes induites (bar, merchandising…), rappelle Tim Chambers, consultant britannique qui a
travaillé pour Live Nation France. On aboutit selon lui à un chiffre d’affaires mondial de 32 milliards
! Outre un engouement croissant pour le concert, le secteur bénéficie de l’ouverture de régions du
monde aux tournées internationales comme l’Asie, le Moyen Orient ou l’Amérique du Sud. « Une
tournée mondiale, il y a 10 ans, c’était 8 mois, aujourd’hui c’est 2 an et demi ! » illustre Manfred
Tari, journaliste musical pour MusikMarkt en Allemagne.
« La seule chose qui n’est pas uberisable, c’est l’émotion du spectacle, » résume Gerard Pont,
fondateur et dirigeant de Morgane Groupe pour expliquer ce succès croissant du live et de l’intérêt
des grands groupes.
Pourtant, on peut se demander pourquoi ces groupes investissent dans un secteur qui ne fait que
2% à 2,5% de marge, loin de leurs critères de rentabilité habituels? « Ils ont toute la chaîne, »
explique Gerard Pont. « C’est sur l’ensemble que se calcule la rentabilité. Fimalac c’est 34 salles,
par exemple. »
Dont acte, les grands groupes arrivent, c’est un fait, certains viennent du live (Live Nation) d’autres
même pas (Fimalac, Vivendi…) En quoi cela change-t-il la donne pour le secteur ?
Cela renforce la concurrence bien sûr, et le poids d’un Live Nation, qui détient de nombreuses
salles et festivals dans le monde, est tout autre que celui d’un acteur local à l’heure de négocier
avec un artiste. Une menace réelle, mais pas nouvelle. « La concurrence a toujours
existé, »analyse Guy Marseguerra, producteur de spectacles et président du CNV et du Prodiss,
avant du nuancer le risque pour le marché français : « La France a un marché largement
majoritaire en artistes locaux, c’est ce qui explique qu’on arrive à maintenir entreprises locales. »
En revanche, il y a des changements dans les pratiques, continue Guy Marseguerra, avec
notamment des pratiques d’avances aux artistes plus difficile à soutenir pour les acteurs locaux
que pour les grands groupes. Ces pratiques, courantes dans le disque, sont nouvelles dans le live.
Même dans un marché dominé par des artistes locaux, la concurrence risque donc de s’intensifier.
« Il y a deux manières de résister, » estime Gerard Pont : « Soit on est microscopique dans son
village, soit on se protège en grandissant. » Soit également on vend ses activités à un de ces
nouveaux géants du spectacle, ce qui arrive régulièrement.
Gérard Pont a lui clairement fait le choix de grandir en rachetant récemment le printemps de
Bourges, après avoir acquis les Francofolies de la Rochelle. Mais la passion reste un moteur
essentiel : « Je n’ai pas vu Lagardère, Bolloré ou Lacharrière en concert depuis longtemps, c’est
une autre démarche ! Il faut juste savoir si nous on veut continuer avec notre passion. Mais quand
on prend les mêmes armes, ça devient suspect… Telerama m’a appelé l’ogre Gerard pont ! »
L’arrivée de poids lourds dans le secteur, pourrait avoir pour conséquence à moyen terme que le
spectacle vivant se concentre sur les plus gros spectacles et ceux en développement, au détriment
d’artistes « au milieu ». Si plusieurs intervenants ont admis s’en inquiéter, d’autres y voient
presque une chance. « Toute consolidation de marché entraîne de nouvelles opportunités, »
explique Tim Chambers. « La clé reste l’attractivité de l’artiste. Tant que cela restera, le live
restera. »
Nous voilà rassurés !

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