elements et references sur l`innovation sociale

Transcription

elements et references sur l`innovation sociale
ELEMENTS
ET
REFERENCES
L’INNOVATION SOCIALE
SUR
Compilation effectuée par Manon Althuser, Camille Luthereau, Samuel Moktar
de la Licence professionnelle « Chargé(e) de projet en solidarité internationale et
développement durable » de l’Université Bordeaux 3
dans le cadre d’un projet tutoré avec le RADSI
Décembre 2012
Réseau Aquitain pour le Développement et la Solidarité Internationale
RADSI - Domaine Universitaire- 351, Cours de la Libération - 33 405 Talence CEDEX
Tél.: 05 40 00 34 71- Email: [email protected] site : www.radsi.org
Ce document est créé à partir de certaines lectures.
Il s'agit pour nous d'apporter des références au comité de pilotage en charge de
l'organisation des rencontres régionales de la coopération de la solidarité
internationale.
Nous avons décidé de regrouper des passages de textes selon des parties diverses
caractérisant l'innovation sociale.
1 - Historique et définition de l'innovation sociale
2 - Quelques approches de l'innovation sociale
3 - Les dimensions et caractéristiques de l'innovation sociale
4 - Les critères de l'innovation sociale
5 - les processus de l'innovation sociale, de la conception à la diffusion
6 - Quelques acteurs de l'innovation sociale
7 – Parallèle Innovation sociale et Innovation technologique
Les sources de chaque article utilisé sont citées afin de permettre un
approfondissement des concepts. (Les sources sont citées en amont, en introduction
du passage sélectionné)
1 – Historique et définition
Dans cette partie, nous allons revenir sur des éléments historiques et de définition de
l'innovation sociale.
Source : De Muro Pasquale et al., « Organisations de la société civile,
innovation sociale et gouvernance de la lutte contre la pauvreté dans
le Tiers-Monde », Mondes en développement, 2007/3 n° 139, p. 25-42.
DOI : 10.3917/med.139.0025
Le concept d’innovation sociale ne se trouve pas vraiment au coeur des débats
théoriques des sciences sociales aujourd’hui. Pourtant, son importance analytique
s’accroît en raison des développements récents des réflexions scientifiques sur le
sens de l’innovation à la fois comme action et comme processus, et sans doute aussi
à la suite de l’échec relatif de politiques de développement excessivement inspirées
par des stratégies d’innovation technologique.
Dans la littérature mainstream des sciences sociales des années 1990, la notion
d’"innovation sociale" désigne en premier lieu la transformation des organisations et
de leurs liens sociaux afin d’augmenter leur efficacité. Mais qu’en est-il de la
littérature sur ce sujet avant les années 1990 ? Afin de pouvoir répondre à cette
question, il faut retourner au débat sur l’innovation dans les sciences économiques,
discipline qui, en interaction avec la gestion et la sociologie des organisations, a
monopolisé la théorisation de l’innovation dans les entreprises.
Joseph Schumpeter – considéré comme le fondateur et la référence de l’analyse de
l’innovation en sciences économiques – a été le premier à souligner la nécessité de
l’innovation sociale afin de garantir l’efficacité – à tout le moins partielle – d’une
innovation technologique. Depuis cette approche fondatrice, si le terme innovation
sociale n’est quasiment jamais utilisé dans la littérature économique, on observe
néanmoins, durant le demi-siècle passé, une tendance claire vers une "socialisation"
de la théorie économique de l’innovation. Certes, cette vision canonise le rôle
prédominant de l’innovation technologique. Toutefois, les progrès réalisés en
économie de l’innovation au cours des trois dernières décennies soulignent
clairement la reconnaissance de la nature sociale de l’innovation réalisée par les
entreprises et de l’innovation sociale comme dimension à part entière des
phénomènes d’innovation.
Source : Dandurand Louise, « Réflexion autour du concept
d'innovation sociale, approche historique et comparative », Revue
française d'administration publique, 2005/3 no115, p. 377-382. DOI :
10.3917/rfap.115.0377
À la fin des années quatre-vingt-dix, la phase de limitation fait progressivement place
à la phase de généralisation avec l’émergence du concept d’innovation sociale
proprement dit. Plusieurs auteurs l’ont défini bien avant en terme d’objet, de
processus, d’objectif et de finalité — je pense ici notamment à Taylor, Chombart de
Lauwe, Auclair et Lampron, Reverzy, Chambon et ses collaborateurs — mais c’est
véritablement dans les années quatre-vingt-dix que le concept d’innovation sociale
apparaît de façon, disons, plus macroscopique dans les orientations en matière de
recherche et de développement social et économique. Au moins deux ouvrages
d’envergure de l’OCDE, l’un traitant du système national d’innovation et l’autre de
l’innovation par les sciences sociales et humaines, marquent cette phase.
Sans nommer explicitement l’innovation sociale, le premier ouvrage, Dynamiser les
systèmes nationaux d’innovation, aborde les innovations dites « non technologiques
», telles que les nouvelles formes de modèles d’organisation, de pratiques
managériales et de méthodes de travail préalables à l’utilisation efficace de la
technologie. Le second ouvrage, Social Sciences and Innovation, porte en toutes
lettres sur l’innovation sociale. Dans un cas comme dans l’autre, force est de
constater que l’innovation sociale demeure une notion difficile à définir en raison de
l’aspect moins tangible de son produit et de ses extrants. Au cours de cette phase,
soulignons deux initiatives québécoises qui figurent parmi les premiers travaux de
conceptualisation de l’innovation sociale : le rapport du Groupe de travail sur
l’innovation sociale (1999), mis sur pied par l’ancien Conseil québécois de la
recherche sociale, et un document de réflexion du Conseil de la science et de la
technologie (2000). Tous deux portent explicitement sur l’apport de la recherche en
sciences humaines et sociales à l’innovation. Les travaux de ces deux organismes
viendront alimenter la Politique québécoise de la science et de l’innovation qui
reconnaît avec force — peut-être pour la première fois dans une politique occidentale
de la recherche — l’apport incontournable des sciences sociales et humaines et, par
conséquent, de l’innovation sociale dans le développement de la société et le mieuxêtre de la population. Depuis, une définition de l’innovation sociale fait consensus au
Québec. Elle y est définie comme : « toute nouvelle approche, pratique, ou
intervention, ou encore, tout nouveau produit mis au point pour améliorer une
situation ou résoudre un problème social et ayant trouvé preneur au niveau des
institutions, des organisations, des communautés ». En lien avec cette définition, on
reconnaît deux fonctions à la recherche dans le processus de l’innovation sociale.
Une fonction de création de l’innovation proprement dite et une fonction de
reconnaissance de l’innovation. Le milieu de la recherche est en effet lui-même lieu
d’innovation par l’expérimentation ou le développement de nouveaux programmes et
outils, de nouvelles pratiques et stratégies. Par sa fonction de reconnaissance, la
recherche est un « révélateur » en ce sens qu’en amont, elle nomme une situation
nécessitant une innovation sociale ou, en aval, fait de l’innovation un objet de
recherche : elle en vérifie la validité, en augmente la capacité d’application à des
contextes variés et identifie les conditions optimales pour une implantation réussie.
Source : Richez-Battesti Nadine et Vallade Delphine, « Éditorial.
Innovation sociale, normalisation et régulation », Innovations, 2012/2
n°38, p. 5-13. DOI : 10.3917/inno.038.0005
Alors que l’Union Européenne inscrit l’innovation sociale dans sa programmation
stratégique à l’horizon 2020, la notion demeure encore floue. Apparue dès les
années 1970 dans les sciences sociales, elle est aujourd’hui mobilisée dans le
champ de l’action publique (gouvernements, collectivités territoriales, organisations
internationales…), dans celui de l’entreprenariat ou encore par les acteurs de
l’économie sociale et solidaire.
Cette appropriation du terme implique des éclairages pluri disciplinaires.
Source : « Qu'est-ce que l'innovation ? Julie Cloutier, Cahier du
CRISES, collection Etudes théoriques no ET0314, novembre 2003
De façon générale, l’innovation sociale est une « réponse nouvelle » à une situation
sociale jugée insatisfaisante, situation susceptible de se manifester dans tous les
secteurs de la société. L’innovation sociale répond à ce titre parce qu’elle vise le
mieux-être des individus et/ou des collectivités. Elle se définit dans l’action et le
changement durable. Elle vise à développer l’individu, le lieu de vie (territoire) ou
l’entreprise. Ce faisant, l’innovation sociale ne prend pas une forme particulière. Elle
est tantôt d’ordre procédural, tantôt d’ordre organisationnel ou institutionnel.
L’innovation sociale peut également prendre une forme tangible (ex. : technologie,
produit). Certains chercheurs définissent également l’innovation sociale par son
processus. L’innovation sociale est alors celle qui résulte de la coopération entre une
diversité d’acteurs. Sous cet angle, l’innovation sociale peut être envisagée comme
un processus collectif d’apprentissage et de création de connaissances. Enfin, pour
certains chercheurs, l’innovation sociale exige la participation des usagers et ce, à
des degrés variables au cours du déroulement du processus de création et de mise
en oeuvre de l’innovation sociale.
Source : « Complémentarité, convergence et transversalité : la
conceptualisation de l’innovation sociale au CRISES », Carole Tardiff,
sous la direction de Denis Harrison, coll, Etudes théoriques,
novembre 2005
« Nous définissons les innovations sociales de façon large comme de nouvelles
façons de faire, de nouvelles pratiques, de nouvelles combinaisons, de nouvelles
approches, de nouveaux concepts, comme des savoir-faire et des habiletés
nouvelles à répondre à des besoins relevant du social. »
Lévesque, 2002
« Il faut différencier les innovations sociales des innovations technologiques, mais
tout en considérant qu’elles sont souvent liées et qu’il existe une certaine
complémentarité entre les deux : l’innovation technologique stimule l’innovation
sociale alors que l’innovation sociale génère l’innovation technologique. En somme
ce sont deux moments d’un même processus qui est l’innovation au sens large. »
Lévesque et Crevier, 2002
« De façon générale, les innovations sociales représentent de nouvelles formes
organisationnelles et institutionnelles, de nouvelles façons de faire, de nouvelles
pratiques sociales, de nouvelles combinaisons, de nouvelles approches et de
nouveaux concepts donnant lieu à des réalisations ou des améliorations. (…) [Les
processus des innovations sociales] c’est-à-dire les nouvelles façons collectives de
penser, de faire et de consommer, favorables au mieux-être et à l’intérêt général, en
discontinuité avec les pratiques antérieures et accueillies favorablement par d’autres
secteurs et institutions et ce, dans les secteurs de la consommation collective. »
Comeau et al, FQRSC, 2004
« Les innovations sociales sont dites sociales pour des fins de reconnaissance. (…)
Dans la société informationnelle capitaliste, les innovations ne sont pas que
techniques. L’épithète « social » permet de mettre en évidence ce qui est inédit dans
les conduites humaines et de comprendre que les innovations cherchent à contribuer
à la résolution de questions sociales ou de problèmes sociaux. Elles expriment l’idée
de nouveauté, mais celle-ci est toute relative. En fait, on désigne « innovations » les
pratiques qui présentent une discontinuité par rapport aux pratiques habituellement
mises en oeuvre dans un milieu donné et dans un contexte donné pour résoudre un
problème ou réaliser une aspiration. Elles prennent deux formes générales :
institutionnelles (normes, règles, ententes, coutumes) et organisationnelles (manière
d’utiliser et de coordonner les ressources) (…). On trouve ces formes d’innovations
dans des façons de faire, des pratiques, des approches et des concepts. Les
innovations sociales sont collectives puisqu’elles supposent l’initiative et la
participation des citoyens, la concrétisation de la nouveauté par un groupe et sa
diffusion dans une collectivité plus large (…). Elles comportent une connotation
positive et sont favorables au bien-être. Celui-ci est apprécié à l’aune de l’intérêt
général. Les innovations sociales supposent des réalisations souhaitables pour le
bien commun et des améliorations (…). Elles comportent inévitablement des
conséquences. Les innovations instaurent de l’inusité et des changements dans les
rapports sociaux, les institutions et les organisations (…). »
Comeau et al, FQRSC, 2004
Source : Hors-série n°38 bis d'Alternatives Économiques : L'économie
sociale de A à Z , Rodolphe Vidal, Essec, http://www.bibliosolidaires.org/innovation-sociale
L'innovation sociale est appelée à jouer un rôle majeur au niveau de l’articulation de
l’action privée et des choix collectifs, par exemple sur les questions de
développement, qu’il soit local, urbain, social ou soutenable.
Il n’y a cependant pas de définition officielle partagée par l’ensemble des acteurs de
l’innovation sociale. Celle-ci fait partie du vaste domaine de l’innovation, un domaine
largement structuré par l’innovation technologique.
En ce sens, elle est d’abord à la fois le résultat et le processus transformant une ou
des idées en réalisations concrètes : nouvelles pratiques, actions, stratégies,
organisations, produits ou services, mais aussi nouvelles institutions.
l’innovation sociale se distingue des innovations technologiques, économiques ou
commerciales sous deux aspects : dans ses objectifs et son intentionnalité, elle
cherche en priorité à répondre à des enjeux ou à des besoins sociaux non ou mal
satisfaits, enjeux et besoins qu’elle aura souvent contribué à construire ; dans ses
modalités, elle découle en priorité de nouveaux arrangements, modes de relation,
modes de participation, modes de vie, de nouvelles organisations, collaborations ou
coopérations entre acteurs, organisations ou communautés de la société. Elle
s’appuie sur des collectifs d’acteurs, existant préalablement ou bien se construisant
dans le cadre du processus d’innovation, dans des communautés de proximité
matérielle, mais aussi de proximité de valeurs, de dialogue ou sur les territoires.
L’innovation sociale procède de la société civile, dont elle renforce le rôle et la place
dans la société.
Source : Rapport de synthèse du Groupe de travail Innovation Sociale
/ Projet d’avis
Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire
Définition de l’innovation sociale, retenue par le Conseil Supérieur de l’ESS
Pour ces travaux, la définition suivante a été retenue par le groupe de travail
Innovation Sociale du Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire :
L'innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins
sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des
politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs
concernés, notamment des utilisateurs et usagers. Ces innovations concernent aussi
bien le produit ou service, que le mode d'organisation, de distribution, dans des
domaines comme le vieillissement, la petite enfance, le logement, la santé, la lutte
contre la pauvreté, l’exclusion, les discriminations…
Elles passent par un processus en plusieurs démarches : émergence,
expérimentation, diffusion, évaluation.
Source : Acteurs et processus d'innovatiuon sociale au Québec,
Joanie Rollin et Valérie Vincent (avec la coll. de D. Harrisson) (2007),
Acteurs et processus d'innovation sociale au Québec, Université du
Québec, 78 p.
Distinctions par rapport à d’autres concepts
L’innovation sociale se démarque non seulement de l’innovation technologique, mais
aussi d’autres concepts tels que l’invention et la transformation sociale.
L’innovation sociale, contrairement à l’innovation technologique, ne répond pas
exclusivement à une logique de marché, de concurrence ou de besoins d’une
clientèle. Elle répond très souvent à une urgence d’améliorer des pratiques sociales
ou organisationnelles et d’en mettre au point de nouvelles. Dans les deux cas,
cependant, le processus nécessite une participation accrue de différents acteurs, la
mise en commun de ressources et la diffusion de l’innovation par différents moyens :
éducation, formation, transfert de technologie et (ou) de connaissances.
En ce qui a trait à l’invention, cette fois, la présence d’un réseau d’acteurs n’est pas
nécessairement requise à son développement comme c’est le cas pour l’innovation
sociale. Une seule personne peut suffire à créer une nouvelle invention. Son
adoption (ou appropriation) par un milieu utilisateur n’est pas non plus une condition
essentielle. L’invention peut demeurer lettre morte. Elle ne devient une innovation
que lorsqu’elle est adoptée ou utilisée.
Les transformations sociales font, pour leur part, davantage référence à de nouvelles
formes de rapports ou de liens sociaux, et ces processus s’effectuent généralement
sur une longue période de temps (p. ex. : les transformations du mode de vie des
couples).
Nous avons pu voir qu’il est difficile de trouver une définition claire et universelle de
l’innovation sociale. Elle fait partie du vaste domaine de l’innovation.
De plus, son concept n’a été réellement étudié qu’assez récemment (fin des années
90). Afin d’en connaître l’origine, il est nécessaire de revenir au début de l’innovation
dans les sciences économiques, notamment avec les travaux de Joseph Schumpeter.
Nous pouvons, à la lecture des différents articles, faire émerger certaines
caractéristiques :
► Une réponse nouvelle, une nouvelle pratique afin de répondre à des besoins
sociaux et sociétaux dans le but d’un mieux-être individuel et collectif.
► Une innovation prenant plusieurs formes : organisationnelle, institutionnelle,
technologique, etc…
► Une diversité d’acteurs concernés et parties prenantes
► Une participation, à différents degrés, des populations « bénéficiaires »
2 - Quelques approches de l'innovation sociale
Source : Rapport de synthèse du Groupe de travail Innovation Sociale
/ Projet d’avis
Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire
Approches d’organisations internationales
► L’OCDE
Pour l’OCDE, l’innovation sociale est un élément essentiel de la prospérité et un
aspect déterminant du développement durable. C’est le programme LEED qui
s’occupe d’innovation sociale. Pour ce programme, l’innovation sociale vise à
satisfaire de nouveaux besoins, non couverts par le marché, ou à créer de nouveaux
moyens plus satisfaisants d’insertion en donnant aux individus une place et un rôle
économique et social, tout en introduisant de nouveaux types de production. Dans ce
cadre, les innovations sociales sont supposées renforcer le développement local par
la qualité de la vie et des ressources humaines et, plus généralement, par la capacité
d'un territoire d'élargir ses perspectives de développement. Les entreprises sociales,
et le secteur à but non lucratif en général, sont considérés comme des éléments-clés
pour atteindre des objectifs qui soient à la fois économiques et sociaux.
► La Commission Européenne
La véritable ouverture européenne à l’innovation sociale, ou tout au moins ses
prémisses, vient du domaine économique. Un rapport récent, réalisé à la demande
de la Direction générale « Entreprises et Industrie » et destiné à proposer des
recommandations pour la future politique européenne en matière d’innovation, trace
la voie vers un « modèle » plus large dans lequel l’innovation sociale joue un rôle
central.
La Commission Européenne entend par innovation sociale « la conception et la mise
en oeuvre de réponses créatrices aux besoins sociaux» qui recouvrent de nombreux
domaines tels que la protection de l’enfance, les transports durables, la
dépendance, …
Approches de gouvernements
► Québec
Pour le Québec, la définition retenue est la suivante : « toute approche, pratique ou
intervention ou encore tout nouveau produit mis au point pour améliorer une situation
ou pour solutionner un problème social ou socio-économique et ayant trouvé preneur
au niveau du marché, des institutions, des organisations, des communautés ».
► Etats-Unis
Par la création d’un fonds d’innovation sociale, le Président Obama a donné une
place effective aux citoyens en tant que porteurs de solutions face aux grands défis
actuels. L’Office of Social Innovation and Civic Participation (SCIP) a pour principales
missions de financer des réponses innovantes disposant de résultats tangibles et de
développer de nouveaux modèles de coopération entre les acteurs. Il fonde son
action sur 4 grands principes :
→ Une priorité donnée aux résultats
→ Des solutions issues du terrain : « chaque jour, des individus ou des collectifs, à
travers le pays, développent des solutions qui répondent aux nos plus grands défis et
obtiennent d’excellents résultats ».
→ L’élargissement de la participation
→ Un partage des responsabilités
► Royaume Uni
Le Nesta (Endowment for Science, Technology and the Arts) présente l’innovation
sociale comme une solution aux problèmes de la société, partant du principe que les
plus importants défis, tels que le vieillissement de la population ou le développement
durable, ne peuvent être résolus par des approches conventionnelles.
Dans ce cadre, une innovation est sociale lorsqu’elle répond à un besoin de la
société, ou à un défi pour elle, et qu’elle est diffusée par des organisations dont le
principal objectif est plus social qu’économique. Dans cette conception, l’innovation
sociale est fortement liée au tiers secteur, c’est-à-dire aux organisations bénévoles,
aux entreprises sociales, aux coopératives et aux sociétés mutualistes.
► Danemark
Créé en 2002 au Danemark, le MindLab est une organisation transversale à trois
ministères, qui régissent à eux seuls la plupart des domaines d’intervention de l’État
impactant la vie des citoyens danois : l’économie, la fiscalité et l’emploi. Sa mission
répond à deux objectifs principaux : innover, en associant citoyens et entreprises aux
processus de développement de solutions nouvelles et efficaces pour les services
publics ; mais aussi, opérer une véritable conduite du changement dans
l’administration en développant des connaissances inédites et en cherchant à
transformer la culture des ministères.
Approches d’organismes de recherche
► L’institut Godin
Pour l’institut Godin, une démarche d’innovation sociale peut être abordée comme
une approche territoriale qui s’étaye sur un espace d’acteurs économiques
hétérogènes. Cet espace ouvre la voix à une concertation et une co-construction
d’activités économiques qui aboutit à des projets à ressources plurielles
(marchandes, redistributives, réciprocitaires).
Les projets sont dotés d’une gouvernance élargie qui n’exclut pas l’implication des
usagers et des salariés. Ce processus de co-construction fait alors émerger un
nouveau produit ou service qui répond à un besoin situé (dans un contexte donné)
par son accessibilité.
3 - Les caractéristiques de l'innovation sociale
Source : « Qu'est-ce que l'innovation ? Julie Cloutier, Cahier du
CRISES, collection Etudes théoriques no ET0314, novembre 2003
Les dimensions d'analyse de l'innovation sociale
Objet (quoi?)
Caractère novateur / solution nouvelle, hors norme /
importance des changements
Champ (où?) :
Tangibilité : de l'action au produit (procédural
organisationnel / institutionnel / produit / technologie)
Cible du changement :
individu / territoire / entreprise
Objectif (pourquoi?) :
mieux-être des individus et des collectivités / résolution de
problèmes présents / prévention de problèmes futurs /
aspiration
/
Processus (comment?) : diversité des acteurs / degré de participation des usagers
(prise de conscience, création, mise en œuvre, évaluation)
Source : De Muro Pasqualeet al., « Organisations de la société civile,
innovation sociale et gouvernance de la lutte contre la pauvreté dans
le Tiers-Monde », Mondes en développement, 2007/3 n° 139, p. 25-42.
DOI : 10.3917/med.139.0025
Dans les sciences sociales contemporaines, la notion d’innovation sociale croît en
intérêt ; pourtant, un approfondissement du débat semble s’imposer. Nous avons
distingué quatre domaines pour lesquels la notion est soit mobilisée, soit analysée.
Le premier domaine est celui des sciences de gestion. Dans ce cadre, l’accent est
mis sur le rôle des "améliorations" du capital social susceptibles de favoriser un
meilleur fonctionnement des organisations dans l’économie, avec des effets positifs
sur l’innovation sociale dans le secteur à but non lucratif.
Le deuxième domaine correspond plutôt à une approche multidisciplinaire,
combinant pratiques de gestion et de recherche scientifique, qui examine les
rapports complexes entre le "business success" et le progrès social et
environnemental. Une initiative bien connue dans ce domaine est le Business and
Society Programme, précédemment l’Aspen Institute. Cet institut s’occupe d’aider
des entrepreneurs qui cherchent à intégrer les objectifs commerciaux et financiers à
des ambitions sociales et environnementales. Les liens entre "capital commercial" et
capitaux sociaux et environnementaux jouent un rôle significatif dans cette
approche10.
Le troisième domaine relève des sciences des arts et de la créativité, et porte sur le
rôle de l’innovation sociale dans la création intellectuelle et sociale.
Le quatrième domaine porte sur l’innovation sociale dans le développement territorial.
Afin de surmonter ces blocages, Moulaert (2002) suggère d’organiser le
développement des quartiers selon l’approche d’Integrated Area Development qui
articule étroitement les sphères du développement social et les acteurs principaux
(notamment les organisations de la société civile) selon le principe structurant de
l’innovation sociale. Ce principe lie la satisfaction des besoins humains à l’innovation
dans les rapports sociaux de gouvernance, en soulignant en particulier l’importance
de la capacité sociopolitique et de l’accès aux ressources nécessaires à la
satisfaction des besoins humains, y compris la participation active aux prises de
décision au sein de structures politiques ou administratives locales.
Les dimensions de l'innovation sociale selon différentes approches
Dimensions
l'IS /
Approches
de Finalité
l'initiative
de Changement de Rôle des agents
l'organisation de « spéciaux »,
l'initiative
leadership,
indivisus créatifs
Rôle de la « path
dependency » et
des contraintes
structurelles
Comment
surmonter les
tensions entre
normativité et
réalité ?
Sciences
de Améliorer
la
gestion et de cohérence de
l'organisation
l’organisation afin
de mieux réaliser
ses
objectifs
(profits
financiers, travail
éthique, produits
écologiques).
Créer un climat
d’échange
d’information et
d’idées.
"Horizontaliser"
les systèmes de
décision et de
communication
Les
agents
innovateurs
individuels sont
"cultturés"
par
l’organisation.
Reconnaissance
de la propriété de
path-dependency
par rapport à la
culture
d’entreprise
et
son organisation.
Tangibilité des
objectifs.
Normalisation
des
rapports
entre les élites
et
la
communauté
de
l’organisation.
Dynamique
d’apprentissage
« rapport
économie,
société
et
environnement »
Relations
humaines
de
travail. Qualité du
travail et des
rapports sociaux.
Engagements
individuels
ou
collectifs
(syndicats,
associations) au
sein
des
entreprises
en
faveur de l’action
sociale ou de la
protection
de
l’environnement
Tension
entre
mainstream
et
ethical
entrepreneurship
(représentée par
les tensions entre
associations
professionnelles).
"Sociétaliser"
les rapports de
la firme avec
son
environnement
Intégrer
des
finalités sociales
et
écologiques
aux
"agendas"
des entreprises.
Sciences de l'art Innovation
Processus
et de la créativité sociale (gamme cognitifs ouverts
large).
à toute idée.
Communication
entre individus.
Rôle
des
relations
et
activités
interpersonnelles
Attention
Inspiration
Rôle
de
particulière
historique
à l’information et
attribuée
aux l’innovation
son
initiatives
de sociale
assimilation par
création
contemporaine
la communauté
individuelle.
(grands
créative.
exemples,
Découverte des
expériences
contraintes et
pratiques).
des solutions.
Révision
et
affinement
interactifs des
solutions
proposées.
Approche
Satisfaction des … en accord
territoriale
besoins humains avec
des
(Integrated Area
changements
Developement)
dans les relations
de gouvernance
Plus
de
focalisation sur le
rôle
de
la
communauté et
des
agents
sociaux
Influence
importante de la
reproduction
historique
des
capitaux
institutionnels
Management
anticonformiste
Rôle de la culture Elargissement
dans l’innovation de la pensée
sociale
économique
unique
vers
une économie
"plurielle"
Autres
dimensions
Bonheur humain L’économie
comme
finalité diversifiée
suprême. Retour
de l’hédonisme
Par la voie de
la
"gouvernance
multiéchelles"
et
de
la
création
de
réseaux
de
coopération
entre agents de
la communauté
Nous soulignons trois dimensions clés de l’innovation sociale :
- La satisfaction des besoins humains non encore satisfaits, car ils ne sont pas, ou ne
sont plus, perçus comme importants par le marché, l’État ou tout autre agent collectif.
Ce sont en premier lieu les besoins "de base" qui sont pris en compte, mais en
acceptant que leur définition soit contextuelle et puisse varier selon les sociétés et
les communautés (dimension contenu ou finalité de l’innovation sociale);
- Les changements dans les relations sociales, notamment au niveau des
mécanismes de gouvernance, qui devraient permettre la satisfaction des besoins,
mais également l’amélioration de la participation des groupes exclus de la prise de
décision (dimension processus de l’innovation sociale) ;
- L’augmentation de la capacité sociopolitique et de l’accès aux ressources
nécessaires à la matérialisation des droits, à la satisfaction des besoins humains et à
la participation (dimensions d’encapacitation – "activation" – et de relation d’agence
de l’innovation sociale).
Source : Richez-Battesti Nadine et Vallade Delphine, « Éditorial.
Innovation sociale, normalisation et régulation », Innovations, 2012/2
n°38, p. 5-13. DOI : 10.3917/inno.038.0005
Jérôme Blanc et Marie Fare montrent qu’au-delà d’une combinaison d’innovation
techniques, organisationnelles, institutionnelles, l’innovation sociale est spécifique :
« elle produit des solutions inédites ayant une utilité sociale s’inscrivant dans un
cadre normatif novateur ». Ils identifient quatre dimensions pour caractériser
l’innovation sociale : l’importance des finalités, l’ancrage local, les logiques
partenariales autour d’un projet alternatif au modèle monétaire dominant et
l’émergence de règles novatrices, notamment de rapports d’échanges novateurs.
Cette question du changement de règle n’est pas sans lien avec celle des évolutions
de l’action publique et des limites que rencontrent les systèmes nationaux de
solidarité, surtout dans un contexte de crise, évolutions dont semblent largement
tributaires l’émergence et le développement d’innovation sociale.
Source : Théorie systémique de l'action sociale et innovation sociale,
Yao Assogba, Université du Québec en Outaouais (UQO) Alliance de
recherche université-communauté (ARUC-ISDC)
Série : Recherches, numéro 31, mars 2010
Les composantes de l'innovation sociale
Une réponse nouvelle à un Une innovation sociale est une réponse nouvelle à un
problème social
problème social concret, vécu localement, face à une
situation jugée inacceptable ou insatisfaisante. Elle se
développe sous une forme « peu codifiée », dans une
certaine « clandestinité », parce qu’il s’agit d’un acte «
déviant » qui implique une transgression des règles
établies.
Une finalité sociale
Au-delà de répondre à un besoin concret vécu
localement, les innovateurs poursuivent une finalité
sociale et s’appuient sur des valeurs et des aspirations qui
portent leur action.
Une pluralité d’acteurs
L’innovation sociale est un processus qui implique une «
appropriation » de l’innovation par la communauté locale
à travers un processus démocratique de négociations et
de compromis. Elle est donc le résultat d’une coconstruction impliquant divers acteurs locaux.
Trouver preneur
Pour porter son nom, une innovation sociale doit
connaître une certaine diffusion et avoir été adoptée en
dehors de son cadre initial. Elle doit donc avoir démontré
son efficacité, ou à tout le moins avoir reçu un jugement
extérieur positif, dans ce que Lévesque appelle une «
expérimentation réussie ».
L’institutionnalisation
L’institutionnalisation constitue l’étape ultime du
processus d’innovation sociale. Elle renvoie à une «
pérennisation de la nouveauté » qui fait en sorte que
l’innovation « dépasse l’éphémère », ce qui implique une
intervention de l’État. L’innovation s’inscrit donc dans une
dialectique incluant, d’une part, une rupture avec
l’institution mais, d’autre part, une construction de
l’institution en devenant la nouvelle norme qui sera à son
tour éventuellement défiée.
Cette partie nous a permis de faire un balayage des différentes caractéristiques de
l’innovation sociale, en fonction de sa finalité, des différentes dimensions qu’elle touche,
de son organisation, de ses résultats, etc…
4 - critères
Source : « Qu'est-ce que l'innovation ? Julie Cloutier, Cahier du
CRISES, collection Etudes théoriques no ET0314, novembre 2003
Le comité de pilotage du Forum sur les innovations sociales a dégagé cinq critères
permettant d’identifier les innovations sociales :
1. Caractère novateur, expérimental dans un contexte donné ;
2. État d’esprit et prise de risque de la part des acteurs du projet ;
3. Impact sur les politiques sociales au niveau national ou local ;
4. Qualité du partenariat entre les acteurs habituels et les nouveaux ;
5. Participation des bénéficiaires, des bénévoles et des habitants du territoire
concerné au projet.
5 - Le processus de l'innovation sociale
Source : Acteurs et processus d'innovatiuon sociale au Québec,
Joanie Rollin et Valérie Vincent (avec la coll. de D. Harrisson) (2007),
Acteurs et processus d'innovation sociale au Québec, Université du
Québec, 78 p.
Les quatre phases d’un processus d’innovation sociale
En fait, qu’une innovation sociale soit issue du secteur public, privé ou du secteur
associatif / économie sociale, on remarque des ressemblances entre les trajectoires.
C’est-à-dire que tout processus d’innovation sociale a un point de départ (phase
d’émergence); qu’à un moment ou l’autre, les acteurs expérimentent formellement ou
informellement les stratégies élaborées et qu’enfin, l’innovation sociale trouve
preneur à l’échelle d’une communauté, d’une organisation ou d’une institution
(appropriation).
Il ressort également de l’analyse que des activités de diffusion et de transfert de
connaissances sont présentes dans chacun des cas étudiés. Les acteurs partagent
leur savoir, leurs compétences, leurs valeurs avec d’autres acteurs tout au long du
processus et suscitent ainsi la participation et la collaboration de nombreux
partenaires (bailleurs de fonds, partenaires de soutien).
La phase d'émergence :
Le point de départ d’une innovation sociale est la phase d’émergence. À ce moment,
il n’est toutefois pas question d’innovation sociale; on parle généralement d’un projet
à « potentiel innovateur ». C’est en fait le moment où les acteurs se regroupent et
rejettent les voies institutionnelles déjà tracées – ou encore s’en inspirent – pour
trouver une solution à un problème, pour répondre à un besoin ou pour réaliser une
aspiration.
La phase d’émergence se divise en deux étapes plus ou moins distinctes. D’abord,
les acteurs partagent entre eux leurs connaissances et leurs compétences et en
viennent à cibler un problème, un besoin à combler ou encore une aspiration à
laquelle ils rêvent. Puis, dans une seconde étape, ils investiguent afin d’élaborer une
stratégie novatrice qui contribuera à trouver une solution au problème, à répondre au
besoin ou encore à réaliser leur aspiration.
Enfin, la stratégie novatrice, qui a comme objectif la réponse à un problème ou à un
besoin ou encore la réalisation d’une aspiration, peut prendre diverses formes dont :
nouvelle approche, nouveau service, nouveau produit.
L'expérimentation
Une fois la stratégie élaborée, les acteurs amorcent généralement la phase
d’expérimentation dans le cadre de laquelle ils tentent, par divers moyens,
d’implanter la nouvelle approche, de mettre en place le nouveau service ou de
rendre disponible le nouveau produit.
Cette phase peut prendre une ampleur variable selon le projet, selon le milieu dans
lequel elle se déroule, selon le nombre d’acteurs impliqués ou encore selon la
clientèle visée.
La phase d’expérimentation peut prendre deux formes principales : expérimentation
informelle (p. ex. : essais et erreurs, tâtonnement, évaluation informelle / ajustement)
ou expérimentation formelle (p. ex. : projet pilote, expérimentation formelle,
application théorique, transfert de connaissances, évaluation formelle / actualisation /
codification). Souvent, au cours de cette phase, les acteurs ajustent la stratégie
élaborée afin de mieux répondre aux besoins exprimés par les intervenants, les
utilisateurs, les usagers ou les bénéficiaires.
La phase d’expérimentation est une étape cruciale que l’on retrouve dans tous les
processus d’innovation sociale.
Enfin, en se référant à la définition de l’innovation sociale, on retient qu’une
innovation sociale n’existe qu’au moment où une institution, une organisation ou une
communauté se l’approprie. Autrement dit, dès que le nouveau service, la nouvelle
approche ou le nouveau produit est utilisé (approprié) par un groupe, aussi restreint
soit-il, il y a innovation sociale. Ainsi, dès la phase d’expérimentation achevée, on
peut parler d’innovation sociale appropriée par des acteurs de proximité, c’est-à-dire
des acteurs locaux, au sein d’une organisation ou au sein d’une entreprise.
La phase d'appropriation
Pour qu’une initiative sociale innovatrice soit reconnue comme innovation sociale
(qu’elle ait des retombées effectives), elle doit être appropriée à une échelle de
proximité ou de façon plus étendue.
La phase d’appropriation suit la phase expérimentale dans le schéma en supposant
toutefois que des retours en arrière sont possibles en tout temps (par exemple si la
phase expérimentale n’entraîne pas les résultats escomptés et que les acteurs sont
contraints de revoir ou de repenser la stratégie élaborée). Or, si la phase
d’expérimentation (formelle ou informelle) est concluante, l’appropriation (du nouveau
service, de la nouvelle approche ou du nouveau produit) à une échelle de proximité
est accomplie ou en voie de l’être.
Règle générale, l’appropriation de façon plus étendue se fait plus tard.
L’appropriation étendue signifie une innovation sociale née à l’échelle locale ou
organisationnelle et qui se dissémine dans plusieurs régions ou organisations, voire
à l’ensemble du Québec. Il est alors souvent question de « l’institutionnalisation » de
l’innovation.
À la toute fin d’un processus d’innovation sociale, les acteurs ont acquis de nouvelles
valeurs, de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences qu’ils partagent
toujours entre eux. À partir d’un processus en innovation sociale réussi, d’autres
processus peuvent émerger.
La phase de transfert, de diffusion
La phase d’alliance, de transfert et de diffusion n’est pas une phase au même titre
que les trois autres. Il s’agit davantage d’un passage nécessaire, d’activités qui se
font tout au long du processus de mise en place d’une innovation sociale.
Benoît Lévesque explique que la diffusion et le transfert de connaissances sont des
activités essentielles aux processus d’innovation sociale. Diffuser l’innovation signifie
qu’il importe de la faire reconnaître, de la vendre, de lui donner une plus-value, une
valeur marchande ou d’usage. L’objectif de ces activités est de faire rayonner la
stratégie novatrice mise en place. Ainsi, l’innovation sociale a plus de chances de se
disséminer dans d’autres milieux de pratique dans le besoin.
Suite à l’analyse des études de cas, deux types de diffusion ont été mis en lumière :
la diffusion formelle et la diffusion informelle.
• Diffusion formelle : diffusion dans les médias; diffusion par la recherche
(universitaire ou autre); colloques; forums; états généraux; etc.;
• Diffusion informelle : rencontre d’acteurs dans un cadre informel.
Source : « Complémentarité, convergence et transversalité : la
conceptualisation de l’innovation sociale au CRISES », Carole Tardiff,
sous la direction de Denis Harrison, coll, Etudes théoriques,
novembre 2005
L’innovation sociale ne pourra prendre forme qu’à certaines conditions qui
s’actualiseront plus facilement au niveau local. La liste des facteurs spécifiques
contenus dans l’ensemble des textes que nous avons étudiés peut être très longue,
mais on peut regrouper ceux-ci autour de trois axes principaux :
►La reconnaissance d’un problème ou d’une demande non satisfaite (prise de
conscience et volonté d’action sur le problème) ;
►Une certaine dynamique sociale permettant l’action (cohésion, sentiment
d’appartenance, capacité de mobilisation des ressources internes et externes,
volonté de prise en charge, autonomie, interrelations, consensus social, proximités
géographique, organisationnelle et institutionnelle, etc.) ;
►Des institutions permissives à l’égard du changement, incluant l’État et ses
dispositifs comme les politiques publiques et les programmes (volontaires,
appropriées, favorables, légitimes).
« Le processus à travers duquel une innovation est implantée et diffusée ne
s’institutionnalise que plus tard, quand les structures, les politiques et les
programmes acquièrent le statut de règles et deviennent des éléments légitimes de
l’organisation. » Harrisson et al, 2001
Source : Théorie systémique de l'action sociale et innovation sociale,
Yao Assogba, Université du Québec en Outaouais (UQO) Alliance de
recherche université-communauté (ARUC-ISDC)
Série : Recherches, numéro 31, mars 2010
L’innovation sociale renvoie fondamentalement aux changements non seulement au
niveau des institutions et des structures, mais aussi et surtout au niveau des
comportements individuels et collectifs de la population concernée. En d’autres
termes, on dira que l’innovation sociale n’a de sens qu’à condition de « trouver
preneur ».
Elle doit donc être diffusée au sein des acteurs sociaux à qui elle est destinée.
Ensuite, l’innovation doit être adoptée et appropriée par ceux-ci au niveau individuel,
microsocial (localité) et macrosocial (région, nation, etc.).
Cette partie nous renseigne sur le processus d’une innovation sociale qui répond à un
cheminement particulier :
La phase d’émergence, phase à laquelle les acteurs se regroupent après avoir
identifié un besoin social afin d’y répondre
Une phase d’expérimentation qui correspond à une phase de test d’implantation de la
« nouveauté » dans un contexte donné
Une phase d’appropriation et d’institutionnalisation qui correspond au fameux
« trouver preneur ». Cela signifie que l’ensemble des acteurs doit lui donner sens et la
reconnaître en tant que pratique novatrice. Ce n’est qu’à partir de là qu’un projet, une
idée, une pratique nouvelle devient innovation.
6 - Quelques acteurs de l'innovation sociale
Source : Rapport de synthèse du Groupe de travail Innovation Sociale
/ Projet d’avis
Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire
L’innovation sociale se joue le plus souvent dans la proximité, sur le territoire. On
identifie ci-après le type d’acteurs impliqués dans la production de ces innovations.
Mais à l’évidence, les politiques publiques, qu’elles soient nationales ou
communautaires, ont un rôle essentiel pour créer un écosystème favorable aux
innovations sociales, par des mesures législatives, budgétaires, fiscales.
On peut identifier, en France, quatre catégories d'acteurs impliqués dans la
production d'innovations sociales, et qui coopèrent souvent au service de l’intérêt
général :
► Les Associations 1901 constituent le plus grand laboratoire d'innovations
sociales français. Par leur proximité avec la population, elles sont très bien placées
pour détecter les besoins nouveaux et leur apporter des réponses. Jusqu'ici elles ont
financé cette fonction de laboratoire par des subventions (d'État ou de collectivités)
leur permettant de définir des objectifs puis de les proposer à la puissance publique.
Les subventions de fonctionnement et les excédents mis en réserve sont jusqu'ici le
principal financement de l'innovation sociale associative. Le relatif désengagement
public, de l'État d’abord, puis aujourd’hui des collectivités territoriales, remet en
cause le modèle économique associatif de financement de l’innovation.
► Les Fondations d'entreprises, les Fondations reconnues d’utilité publique
(RUP), les Fondations de l'économie sociale, très présentes dans d'autres pays
montent en puissance en France souvent sur des thèmes d’innovation sociale. La
Fondation de France est, depuis longtemps, un acteur de l'innovation sociale. La
Fondation de la Macif a fait de l'innovation sociale son principal axe stratégique. Les
fondations de l'économie sociale se sont regroupées avec l'État et de la Caisse des
Dépôts pour créer un programme Jeun’Ess, qui comportera des dimensions
d'innovation sociale.
► Les entreprises sociales, initiatives à forme privée (associative, coopérative,
Sarl…) à finalité sociale ou environnementale, est un secteur émergent qui repose
souvent sur des innovations sociales tant sur le produit, le service, le processus de
production ou de distribution ou de financement (commerce équitable, produits bio,
circuits courts, logiciels libres, façon d'associer les usagers, traitement des déchets,
maisons écologiques, coopératives d'habitat...). Le Mouvement des entrepreneurs
sociaux (Mouves) met l'accent sur la nécessité de créer un environnement favorable
à l'innovation sociale d’une part en ouvrant les outils existants en faveur de
l’innovation (centrés sur l’innovation technologique : crédit impôt recherche, avance
remboursable Oséo…) d’autre part en instaurant de nouveaux outils spécifiques.
► Les collectivités territoriales sont de plus en plus engagées dans l'innovation
sociale, parce qu'elles sont au contact direct des besoins des populations, parce
qu'elles financent les associations, parce qu'elles sont de plus en plus placées sous
contraintes pour assurer au meilleur rapport qualité/prix des services publics, en
associant les usagers et en recherchant une forme de performance globale.
L'innovation sociale est, en France comme à l'étranger, de plus en plus une
innovation sociale territoriale. Les Régions, les Départements, les CCAS sont actifs.
La Région Languedoc-Roussillon met en place pépinières, incubateurs, écoles
d'entrepreneuriat d'économie sociale, salons d'affaires de l'économie sociale et
solidaire, avec l'innovation sociale comme fil rouge. La Région Aquitaine a lancé un
appel à projets et inscrit l'innovation sociale dans sa stratégie régionale d'innovation
(SRI). Partout des actions sectorielles d'innovation sociale sont soutenues par les
collectivités territoriales dans l'insertion, la culture, le développement local, le
tourisme…
Source:
http://www.internetactu.net/2009/02/13/linnovation-socialepour-nous-sortir-de-la-crise/
Marjorie Jouen et Stéphane Vincent
Sa mission exacte demeure mystérieuse, mais il existe bel et bien. Un “bureau de
l’innovation sociale ” est en cours de création à la Maison Blanche. Est-ce le signe
que, pour sortir de cette crise dont la gravité signe l’échec du système actuel, Barack
Obama compte s’appuyer sur ceux qui inventent de nouvelles façons de travailler et
d’agir dans la société ?
Sous l’appellation un peu fourre-tout d’”innovation sociale”, se rencontrent depuis
longtemps des mouvements issus de traditions très différentes. Leur point commun:
prôner l’innovation “par les gens, pour les gens”. On y croise pèle-mêle des
mouvements philanthropiques et des entrepreneurs sociaux à l’anglo-saxonne,
comme Ashoka , des acteurs du développement local qui promeuvent une démarche
participative, telle Adels (Association pour la démocratie et l’éducation locale et
sociale) en France, des associations qui restaurent un lien direct entre les
producteurs et les consommateurs, comme les Amap (Associations pour le maintien
d’une agriculture paysanne), mais aussi des sociétés et des think-tanks qui
mobilisent l’innovation comme technique d’ingénierie sociale, à l’image de la Young
Foundation au Royaume-Uni. Ces mouvements, qui trouvent parfois dans l’Internet
un formidable champ d’expérimentation et de déploiement, constituent une
dynamique qui, sortant des schémas d’action et de pensée traditionnels, pourraient
apporter des réponses valables à la crise et constituer des solutions pragmatiques
aux problèmes quotidiens des citoyens.
[...]Mais, surtout, Barack Obama avait promis de poser les bases d’une véritable
politique publique de l’innovation sociale, en créant un fonds d’investissement
destiné à soutenir les initiatives locales innovantes et leur diffusion, et en mettant en
place une structure destinée à les accompagner. Il répondait ainsi aux vœux
notamment exprimés par le Center for american progress , un think thank proche des
Démocrates.
[...] Les innovateurs sociaux ont longtemps été cantonnés dans le rôle de pompiers
dans le domaine du social, alors qu’ils peuvent concevoir des réponses en amont, et
à des défis plus larges, comme l’économie ou l’environnement, ou plus simples,
relevant de la vie quotidienne.
La crise, que les économistes peinent à penser, pourrait bien accélérer cette
tendance. La création du nouveau bureau à la Maison Blanche constitue un signal
fort, tout comme, de ce coté-ci de l’Atlantique, l’appel lancé par José Manuel
Barroso , Président de la Commission Européenne, aux experts en innovation
sociale, le 20 janvier dernier. Lors de cette rencontre bruxelloise, le Président de la
Commission a déclaré que “la crise financière et économique a encore accru
l’importance de la créativité et de l’innovation en général, et de l’innovation sociale en
particulier”.
Depuis 2000 déjà, l’Europe soutient des expérimentations sociales, dans le cadre
du programme Equal . En Italie, le Ministère de la Fonction publique est également
celui de l’innovation. Dans le sud de l’Angleterre, le Comté du Kent s’est doté
d’un laboratoire d’innovation sociale , tout comme le ministère danois des
Finances . L’Espagne n’est pas en reste: le Pays Basque lance une “Silicon Valley
de l’innovation sociale “, et la Région Estremadure finance depuis 4 ans une agence
de 35 personnes chargée de déployer une “société de l’imagination “, misant sur le
changement et la mobilisation des jeunes pour favoriser son développement. A
Londres, Bruxelles et Milan, des designers imaginent de nouvelles façons de
répondre à des problèmes d’intérêt général.
Trois pistes pour l’innovation sociale à la française
La France est depuis longtemps un terreau fécond en matière d’innovation sociale. Il
y a chez nous une longue pratique, souvent portée à bout de bras par les
associations, les acteurs du développement local, de l’entrepreneuriat social, ainsi
qu’une myriade d’activistes disséminés un peu partout dans la société, y compris
dans l’administration. Mais leurs efforts sont clairsemés, et leurs enseignements
largement ignorés des grandes structures, des institutions et des procédures
publiques. Or il y a là une occasion de transformation majeure pour les acteurs
publics. Comment leur faire franchir un cap ?
Sans être forcément les seules, trois orientations sont possibles. Elles concernent
successivement les élus, les fonctionnaires et les acteurs de l’innovation sociale :
Nos élus doivent davantage intégrer l’innovation sociale au sein des grandes
politiques publiques. Aujourd’hui, les politiques d’innovation misent essentiellement
sur la technologie, sans forcément bien prendre en compte son implication sociale
majeure. Alors que l’économie solidaire produit les modèles de développement parmi
les plus robustes et les plus efficaces, elle reste souvent le parent pauvre des
politiques publiques. Or la culture et les méthodes propres à l’innovation sociale
peuvent apporter un profond renouveau à l’ensemble des politiques et de la
puissance publique, améliorer le service rendu et, pourquoi pas, réconcilier les
citoyens avec leurs gouvernants.
L’administration doit se professionnaliser dans ce domaine. Il y a dans l’innovation
sociale une alternative intéressante à la culture de l’audit et du contrôle financier qui
sclérose les grandes institutions. Seule l’innovation “dirigée par l’usager” peut faire
tomber durablement les frontières administratives et transformer les modes
d’intervention publique, en renversant la logique de production de l’aval vers
l’amont. Plus axée sur le qualitatif et le “sensible”, elle mobilise des techniques de
pointe, requiert des profils nouveaux et créatifs, où l’on rencontre aussi bien les
pionniers des think-tanks de Stanford, de Milan ou de Londres, que des
fonctionnaires ingénieux : une nouvelle génération de designers, de sociologues,
d’artistes, d’ingénieurs sociaux et numériques qui cherchent des réponses
pragmatiques aux grands problèmes de société et du quotidien -éducation, pauvreté,
exclusion, délinquance, pollution, isolement …
Tous les acteurs de l’innovation sociale doivent travailler en réseau. Pour atteindre
un seuil critique, il faut que les efforts des innovateurs de tous types, sociaux et
numériques, ceux du secteur public et des entreprises privées, les anciens et les
nouveaux, ceux de l’urbain et du rural, les chercheurs aussi bien que les praticiens
de terrain et les animateurs associatifs, puissent converger. Pour y parvenir, il faut
faciliter l’échange des pratiques les plus innovantes dans le cadre de réseaux
pluridisciplinaires, en faisant sauter les barrières obsolètes entre ceux qui conçoivent
et ceux qui appliquent. Il faut aider à la création de lieux, physiques ou virtuels, où
les innovations puissent acquérir une visibilité maximale, leurs résultats soient
validés et que ces méthodes puissent se généraliser. Il faut redonner à
l’expérimentation sociale ses lettres de noblesse pour en faire un outil neutre de
production de connaissance et de modernisation.
L’innovation sociale ne prétend pas être la panacée, mais, certainement, elle nous
redonnera l’envie et l’élan du changement collectif, seule voie possible pour sortir
grandis de cette crise.
Marjorie Jouen est conseillère à Notre Europe , laboratoire de pensée dédié à l’unité
Européenne, fondé par Jacques Delors. Stéphane Vincent dirige la 27e Région ,
laboratoire d’innovation publique soutenu par les Régions.
Exemple d'une innovation sociale
Source : De Muro Pasqualeet al., « Organisations de la société civile,
innovation sociale et gouvernance de la lutte contre la pauvreté dans
le Tiers-Monde », Mondes en développement, 2007/3 n° 139, p. 25-42.
DOI : 10.3917/med.139.0025
LA MISE EN RÉSEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN : LE CAS "ROMEMONDE"
Les analyses et l’expérience du réseau "Rome-Monde" présentées dans cet article
soulignent la pertinence d’une approche en termes d’innovation sociale croisant une
problématique de gouvernance et une analyse des dynamiques à l’oeuvre dans
l’émergence et la structuration institutionnelle et spatiale des réseaux de lutte contre
la pauvreté et l’exclusion sociale dans les pays du Sud.
Cette approche fait ainsi ressortir une série d’enseignements originaux au niveau des
multiples dimensions d’innovation sociale engendrées par les initiatives et les actions
des OSC impliquées dans ces processus. Elle suggère également que les différentes
expériences locales sont mobilisables pour constituer une base d’apprentissages
croisés intra et inter-organisationnels, offrant ainsi un éclairage précieux non
seulement sur les possibilités de démarches innovantes, mais aussi sur les pièges,
risques et erreurs qui guettent les initiateurs et les intervenants dans le domaine de
l’action sociale locale. Le cas du Comité municipal de Rome montre ainsi que,
malgré des difficultés persistantes, la démarche de rassemblement et de
coordination des OSC engagées dans des actions décentralisées de coopération
internationale pour le développement a d’ores et déjà produit des résultats innovants
multiples :
- Le réseau organisé autour du Comité a une structure non hiérarchique ouverte qui
favorise son développement continu et la construction de nouveaux liens avec
d’autres réseaux ou organisations.
- Le réseau a relancé le débat au sein de la société civile romaine sur le rôle de la
ville dans la coopération internationale et sur la possibilité d’élaborer de nouveaux
modèles de coopération territoriale (décentralisée) avec le Sud. De nouvelles
opportunités de discussion publique ouverte ont vu le jour et se sont traduites par un
examen critique des approches traditionnelles du développement. Enfin, la
participation des associations a été facilitée et renforcée.
- Le réseau a permis de créer un nouvel "agent collectif" (le Comité) qui est ainsi
devenu une référence institutionnelle et politique pour le gouvernement municipal.
Par suite, les politiques de coopération internationale ne relèvent plus seulement des
décisions des autorités municipales. De ce point de vue, un certain progrès a été
réalisé dans le sens d’un basculement progressif du gouvernement local vers une
gouvernance locale.
- Les partenaires du réseau partagent un ensemble de valeurs fondamentales
basées sur une approche du développement par les droits humains, avec une
focalisation sur les besoins de base et les biens communs (comme l’eau potable) et
la coopération directe horizontale (local à local ou communauté à communauté) entre
le Nord et le Sud.
- Le réseau offre une forte capacité pour catalyser et mobiliser des ressources
humaines et financières disponibles sur le territoire romain, et pour canaliser de
manière concrète et ciblée ces ressources vers des projets et des initiatives aux
niveaux local et international.
En définitive, en dépit d’une construction et d’un fonctionnement laborieux du réseau,
on observe une accumulation importante de capital social ainsi qu’une dynamique
d’innovation diversifiée. Les questions qui se posent aujourd’hui ont trait à l’échelle
d’action du réseau en dynamique : dans quelle mesure les bénéfices tirés des
ressources locales mobilisées pourront-ils avoir une portée à l’échelle globale ? Le
réseau sera-t-il capable de devenir réellement "global" ? De fait, les réponses qui
pourront être apportées à ces questions conditionnent de manière cruciale la
crédibilité et la pérennité de ce réseau dans les années à venir.
Cet exemple est particulièrement intéressant en traitant de l’innovation sociale par
une nouvelle approche des relations entre acteurs, par une nouvelle gouvernance
concernant la lutte contre la pauvreté dans les pays du « Sud » parmi l’ensemble des
acteurs de l’aire métropolitaine de Rome
Innovation sociale et innovation technologique
Source : Dandurand Louise, « Réflexion autour du concept
d'innovation sociale, approche historique et comparative », Revue
française d'administration publique, 2005/3 no115, p. 377-382. DOI :
10.3917/rfap.115.0377
Si un écart subsiste sur les plans conceptuel et opérationnel, de par leur processus,
innovation sociale et innovation technologique présentent néanmoins des similarités
à plusieurs égards. En fait, on les conçoit de plus en plus comme étant toutes deux
complémentaires, tant par nature que par nécessité ; même si elles continuent de se
différencier, à la marge, par leurs lieux de genèse et d’application.
Convenons qu’il existe d’importantes similitudes entre innovation technologique et
innovation sociale. Premièrement, toute innovation implique un processus non
linéaire qui fait appel à l’engagement de plusieurs acteurs dans une démarche de
résolution de problèmes, corollaire de l’existence d’une pression externe.
Deuxièmement, la démarche conduit à la définition d’une approche, à la conception
d’un produit ou d’un service nouveau ou alternatif, en rupture avec l’état actuel des
choses. Et finalement, pour que la solution nouvelle au problème devienne
innovation, elle doit faire l’objet d’une diffusion et surtout trouver utilisateur ou
promoteur.
Sur le plan de la complémentarité, on ne peut plus sous-estimer le poids des
impératifs de nature sociale, psychosociale, organisationnelle, économique, politique
etc., dans la mise en forme des innovations technologiques. Or, l’appréhension et la
prise en compte des variables d’implantation et d’adéquation, et surtout leur
agencement original, peuvent être en soi une innovation « non-technologique ». Les
exemples sont nombreux et nous disposons de plus en plus de données empiriques,
notamment sur le rapport entre les sommes investies en technologies et les coûts de
gestion du changement au niveau organisationnel. Je lisais récemment un entretien
d’un chercheur du Massachusetts Institute of Technology 8, dans lequel il estime que
pour chaque dollar investi dans l’acquisition de technologies, les entreprises doivent
s’attendre à consacrer quelque neuf dollars au développement de leur capital
organisationnel.
Là où innovation sociale et innovation technologique se distinguent, c’est dans leur
milieu d’origine. L’innovation technologique découle très largement de l’action menée
en matière de recherche et développement industriel ou de la recherche académique
dans le domaine de la santé, des sciences naturelles et du génie. L’innovation
sociale émerge plus souvent d’initiatives citoyennes et, en amont ou en aval, des
retombées de la recherche en sciences sociales et humaines, voire en arts et en
lettres.
Les deux types d’innovation se distinguent également par leur lieu premier
d’implantation. L’innovation pour le secteur privé continue d’être d’abord, mais pas
exclusivement, technologique, puisqu’il s’agit très souvent de produits
commercialisables ou de procédés industriels. À l’opposé, l’innovation pour le
secteur public et le secteur tertiaire demeure surtout, mais non de façon exclusive,
sociale, puisqu’il s’agit avant tout de services (interventions, approches, pratiques).