T90-5-MR96

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T90-5-MR96
C LINIQUE
Dyschromie créole
ou hypomélanose maculeuse idiopathique du
métis mélanoderme de GUILLET-HÉLÉNON.
G. Guillet & M.-H. Guillet (1) (2)
(1) Dermatologie - CHU Morvan - 29609 Brest Cedex
(2) Courte note n°MR1996/016.«Clinique».Congrès SPE de l’Ile Maurice, novembre 1996.Accepté le 12 juin 1997.
Summary: Creole dyschromia or idiopathic macular hypomelanosis of melanodermic halfcasts.
Key-words: Hypomelanosis Pigmentation Tropical disease
Melanodermic halfcasts may develop an original cutaneous dyschromia known as "progressive and
extensive hypomelanosis" (G UILLET-HELENON 1988). This disease is characterized by hypochromic and
coalescent macules on the back and abdomen with possible spontaneous improvement within five
years, favoured by UV exposure. The disease is not restricted to a limited geographic group : eight
observations were collected in melanodermic patients leaving in temperate area. The pathogenesis
of the disorder involves a variation in melanosome size and distribution with decrease in production
Mots-clés :
of type IV melanosomes featuring a change of ultrastructural phenotype of melanogenesis.
Since it may be misdiagnosed as fungal disease, leprosy or achromic eczema leading to useless labo ratory examinations, this specific and frequent disease deserves to be known and recognized.
L
a présence de macules claires est un motif fréquent de
consultation du sujet à peau noire et le registre étiologique des dyschromies du métis mélanoderme est plus vaste
encore en raison d'une dyschromie qui lui est spécifique, repérée pour la première fois en 1985 aux Antilles et décrite en 1988
dans le J. Cutan. Pathol. sous le nom d"hypomélanose maculeuse confluente et progressive du métis mélanoderme"(3).
Cette entité acquise mérite d'être reconnue des dermatologues et tropicalistes en raison de sa fréquence et de sa large
distribution qui s'étend de l'Amérique du sud à l'Afrique ou
l'Océan Indien (1, 4, 5, 7). Cependant, sa distribution ne se
confine pas aux régions tropicales. La première publication
portait sur notre expérience antillaise, mais d'autres observations sont régulièrement signalées en zones tempérées (2, 6)
: des villes comme Dijon, Toulouse ou Brest représentent
autant de terrains d'observations de cette affection du métis
mélanoderme. La large distribution de cette dyschromie mérite
donc d'être mieux connue de façon à éviter le réflexe (et le
surcoût) d'une orientation diagnostique erronée, qui s'orienterait à priori dans de fausses directions comme les mycoses,
l'eczéma achromiant, ou la maladie de HANSEN. L'effet bénéfique de la photothérapie est indiscutable et souligne le fait que
l'occlusion des vêtements, constante en pays tempéré, favorise son apparition et constitue au moins un co-facteur.
Plus de dix ans après la première présentation, il nous paraît
utile de refaire le point sur cette affection, à propos de huit
observations colligées sur deux ans à Brest, pour insister sur
son ubiquité géographique et sur la nécessité "économique"
de savoir la diagnostiquer d'emblée. Notre expérience porte
sur des peaux claires, mais aussi des peaux très sombres de
métis issus d'Afrique (Zaïre), des Caraïbes (Martinique), ou
des Iles de l'Océan Indien (Ile Maurice, Réunion). Tous ont
en commun un profil anatomo-clinique standardisé, qu'il
s'agisse de métis à peau claire ou à peau sombre (figure 1).
Hypomélanose Pigmentation Maladie tropicale
Figure 1.
Dyschromie typique sur peau sombre.
L'affection s'observe chez le métis méla- Figure 2.
noderme, entre 18 et 25 ans, mais avec un
sex ratio femme/homme qui semble différent en pays tempéré par rapport aux
tropiques (7) : 1 dans notre série brestoise contre 4 sous les tropiques. La
prédominance féminine, peut-être artificielle, est donc moins évidente en zone
tempérée.
L'affection débute par l'apparition de
macules arrondies de 1 à 3 cm qui
confluent en nappes symétriques sur
l'abdomen, la région dorso-lombaire et
le sacrum, en épargnant la gouttière dorsale. Les macules sont planes, non squameuses, normo-esthésiques et non
fluorescentes aux ultra-violets. Les prélèvements mycobactériologiques sont
négatifs et aucune confusion n'est possible avec un pityriasis versicolor ou une
maladie de HANSEN. Son évolution peut
être prolongée sur plus de cinq ans et
seule la photothérapie permet d'améliorer cette dermatose de réputation tropicale, mais en réalité
"ethnique", ce qui suggère que la photoprotection vestimentaire joue un rôle dans sa physiopathogénie.
Les examens complémentaires se sont confirmés comme de peu
d'intérêt : l'examen dermato-pathologique ne nous a montré
qu'une diminution de la charge pigmentaire et du transfert
superficiel de la mélanine. Par contre, l'examen ultra-structural
donne à cette affection un intérêt considérable car il s'ouvre
sur une réflexion génétique : l'affection est caractérisée par
une altération de la mélanogénèse sur les zones d'hypochromie qui se différencient des zones sombres par la présence de
mélanosomes de petite taille (rarement de type IV) distribués aux kératoninocytes sous forme d'agrégats (figure 2).
Cette mélanogénèse caucasoïde contraste avec l'aspect de
mélanosomes géants (type IV) , distribués de façon solitaire
aux kératinocytes en peau sombre. Cet étonnant glissement
du phénotype négroïde vers une mélanogénèse caucasoïde
soulève la question du contrôle génétique de la pigmentation
et de l'interférence des facteurs d'environnement sur son
expression. Il est raisonnable de penser que cette affection
originale traduit un déséquilibre des gènes contrôlant la mélanogénèse du métis mélanoderme.
Inflexion de la mélanogénèse vers le phénotype caucasoïde
au sein des taches claires:petits mélanosomes agrégés.
Références bibliographiques
3.
4.
5.
1.
7.
2.
6.
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GUILLET G, HELENON R, GUILLET MH et al.- Hypomélanose
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LASSERE J - Hypomélanose maculeuse du métis mélanoderme.
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