Prise en charge médicale de l`IMG
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Prise en charge médicale de l`IMG
Prise en charge médicale de l’interruption médicale de grossesse Dr Pascale GUFFROY, Dr Laure CONNAN, Dr Béatrice GUYARD-BOILEAU Introduction Avec le progrès du diagnostic anténatal, nous voyons augmenter le taux de dépistage des pathologies fœtales graves et donc le nombre des interruptions médicales de grossesse (IMG), qui est actuellement de 4000 pour 800 000 naissances (soit 0.5%). Les indications fœtales représentent plus de 80% des IMG en 2004 (1). Selon la loi française et en vertu de la loi du 17 Janvier 1975, l’IMG est autorisée quelque soit le terme de la grossesse. Elle autorise l’avortement pour raison médicale si la mère est en péril grave ou si l’enfant à naître est atteint d’une maladie reconnue incurable au moment du diagnostic. Depuis 1994, la loi impose que chaque dossier de demande d’IMG soit présenté devant un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDP). Depuis 2001, la signature de deux médecins membres du centre pluridisciplinaire est indispensable pour pouvoir réaliser l’IMG pour indication fœtale. Si l’indication est maternelle (la grossesse met en péril grave la santé de la femme), trois personnes dont au moins deux médecins (pas nécessairement membre du CPDP) et une personne tenue au secret médical doivent signer pour l’IMG. Bien qu’en France les prises en charge légale et administrative soient bien codifiées, il reste la prise en charge médicale et psychologique qui relève de la responsabilité de chaque maternité. Pour les différentes équipes, l’objectif premier reste techniquement une expulsion du fœtus par voie basse dans des conditions optimales de sécurité. Nous allons décrire les différents moyens à disposition. Moyens médicamenteux Quelque soit la prise en charge, le but reste d’obtenir une expulsion du fœtus par les voies naturelles dans un délai « court » avec le moins d’effets secondaires tant physiques que psychologiques. Il existe, selon les équipes, différents protocoles qui associent plusieurs classes de médicaments avec des modalités variables. Deux molécules sont devenues incontournables et ont démontré leurs efficacités dans la prise en charge médicamenteuse des IMG. Il s’agit du Mifépristone (Mifégyne®) et du Misoprostol (Cytotec®). a) La Mifépristone (Mifégyne®) = RU486 Cette molécule a une action anti-progestative, elle prépare l’action des prostaglandines, permet de diminuer leurs doses et de raccourcir de 50% le temps du travail. En effet, par son action anti-progestative, elle permet une sensibilisation des récepteurs endométriaux et facilite l’effet utéro-tonique des prostaglandines. Cette molécule est recommandée dans la prise en charge des IMG depuis plusieurs années par de nombreux auteurs (2,3,4). Contre indications : • • • • Insuffisance surrénale chronique. Allergie connue à la mifépristone ou à l'un des constituants du comprimé. Asthme sévère non équilibré par le traitement. Porphyrie héréditaire. Ce médicament n’est pas disponible en France en ambulatoire, il est réservé aux centres d’orthogénie et établissements réalisant des IMG. Il doit toujours être absorbé en présence d’un médecin ou d’une sage femme. b) Le Misoprostol (Cytotec®) Le Misoprostol est un analogue synthétique de la prostaglandine E1. C’est un médicament qui présente les propriétés d’un anti-ulcéreux majeur avec un effet antisécrétoire. Il est le plus couramment utilisé en gastro-entérologie. Bien que ce produit n’aie pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les IMG, il est largement utilisé dans cette indication pour de nombreuses raisons. C’est un produit efficace, facile d’emploi (par voie oral ou vaginal) et de conservation (température ambiante). Il présente une faible incidence des effets secondaires par rapport aux autres prostaglandines, et il est de faible coût. c) Autres traitements : Les autres prostaglandines -La dinoprostone = prépidil® (prostineE2 gel). C’est un analogue synthétique de la prostine E2. Elle est utilisée pour la maturation cervicale. Elle présente plusieurs contre indications (antécédents (ATCD) d’hypersensibilité aux prostaglandines, utérus cicatriciel, asthme). -le géméproste = cervagème®. C’est un analogue synthétique de la prostine E1. Il n’est plus utilisé en premier intention compte tenu de sa difficulté de conservation (-15°C). Il existe de nombreuses contre indications ( ATCD d’hypersensibilité aux prostaglandines, HTA, ATCD vasculaires et coronariens, tabagisme) -la sulprostone = nalador®. C’est un dérivé synthétique de la prostine E2. Ces molécules sont de moins en moins utilisées dans la prise en charge des IMG. Moyens complémentaires Plusieurs techniques sont utilisées comme moyen complémentaires pour permettre d’améliorer les conditions des IMG. 1. Les laminaires = dilapan® Les laminaires peuvent être placés dans le col après la prise de Mifépristone et avant celle du Misoprostol dans le but de diminuer le délai d’expulsion. Le mécanisme est triple : - stimulation de la libération locale de prostaglandine - distension passive du col - facilite l’accès ultérieur aux membranes pour permettre une rupture artificielle plus précoce. Leurs poses peut être parfois difficile et douloureuse surtout chez les nullipares et peut se faire une fois l’analgésie péridurale en place. 2. L’analgésie L’épreuve psychologique vécue par les femmes qui subissent une IMG incite à diminuer au maximum la douleur physique. Une analgésie péridurale est mise en place dès l’arrivée des femmes en salle de travail avant la prise du Misoprostol et avant le début des contractions utérines. En cas de contre indication à la péridurale, une PCA à la morphine est proposée. 3. Le fœticide Son intérêt est potentiellement multiple : - Eventuelle diminution de la douleur fœtale - Expulsion d’un fœtus sans vie (il n’y a donc pas d’infanticide à réaliser, ce dernier étant puni par la loi) Il est réalisé en fonction des équipes à partir de 23, 24, 25 ou 26 semaines d’aménorrhées. Il est pratiqué pour la majorité des équipes avant l’induction du travail et après la pose de la péridurale, sous contrôle échographique. Plusieurs produits peuvent être utilisés, il est actuellement recommandé de réaliser au niveau du cordon une injection de 2 cc de fentanyl® puis 10 à 20 cc de xylocaïne à 1% non adrénalinée. Ceci présente le double intérêt de ne pas prendre de risque vital pour la mère et de limiter l’effet neurotoxique pour l’examen foeto-pathologique. En cas d’échec, il est proposé de réaliser une injection intra-cardiaque de 5 cc de KCl. Complications 1. La rupture utérine Cette complication est rare (1 à 4.3% selon les études (5)), mais elle est plus élevée que lors du travail à terme. Elle est le plus souvent rapportée sur les utérus cicatriciels. Il existe d’autres facteurs de risques connus comme les malformations utérines ou les disproportions foeto-pelviennes. Certaines précautions sont alors préconisées comme l’utilisation des prostaglandines à demi-dose ou la mise en place d’un capteur interne de tocographie. 2. Les autres complications L’hémorragie de la délivrance ou les infections ne sont pas plus fréquentes que dans les accouchements normaux. Protocole proposé Jour 1: 3 comprimés de 200 mg de Mifégyne® (Mifépristone), soit 600 mg en présence d’un médecin Jour 2: Hospitalisation le soir et +/- pose d’un laminaire Jour 3: Bloc obstétrical pour la pose de l’analgésie péridurale +/- fœticide. Débuter la prise de Cytotec® (Misoprostol) à dose de 400 μg (2 comprimés) toutes les 3 heures par voie orale jusqu’à l’expulsion, 5 prises maximum. Le Cytotec® est donc débuté 36 à 48 heures après la prise de Mifégyne®. Ablation du laminaire et rupture artificielle des membranes dès que possible. Au moment de l’expulsion, une neuroleptanalgésie est proposée à la patiente. Cette expulsion peut se faire par voie basse même si la patiente est sédatée, l’épisiotomie évité le plus souvent. NB : En cas d’utérus cicatriciel, le Cytotec® est donnée à demi dose. Gamma-globulines anti-D si Rhésus négatif. Avec ce protocole, le délai moyen d’expulsion est d’environ 5 heures, avec 98% d’expulsion par voie naturelle (2). Conclusion Grâce à une adaptation des protocoles médicamenteux et à la mise en place de l’analgésie péridurale, l’amélioration de la prise en charge des IMG permet un meilleur confort de la patiente mais aussi de l’équipe soignante. Deux médicaments ont particulièrement contribué à cette amélioration : la Mifépristone et le Misoprostol. Références 1. DOMMERGUES M., MANDELBROT L. « Quelles sont les indications des interruptions médicales de grossesses en France ? Résultats préliminaires de l’études ICI. » Médecine fœtale et Echographie en gynécologie. N°66 – Juin 2006 – p14-19 2. HOFFER M.C., CHARLIER C. « Evaluation de l’association RU486 – Laminaires – Misoprostol – Anesthésie péridurale dans les interruptions médicales de grossesse des 2e et 3e trimestre » J Gynecol Obstet Biol Reprod 1998 ; 27 : 83-86 3. WINER N., LOPEZ P. « The fundamental basis and obstetrical applications of mifepristone or RU-486 (Voluntary interrupted pregnancies exclued) » Gynecol Obstet 1993 Feb ; 88(2) : 73-7 4. BARTLEY J., BAIRD D.T. « A ramdomised study of misoprostol and gemeprost in combination with mifepristone for induction of abortion in the second trimester of pregnancy » BJOG. 2002 Nov ;109(11):1290-4. 5. BOULOT P., HOFFET M., BACHELARD et Al. « Late vaginal induced abortion after a previous cesarean birth: potential for uterine rupture. » Gynecol Obstet Invest. 1993;36(2):87-90.