Propos d`ouverture de Robert TURGIS

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Propos d`ouverture de Robert TURGIS
Propos d’ouverture de Robert TURGIS
Président de la CRAJEP Île-de-France
La CRAJEP Île-de-France est la coordination volontaire des associations, unions, fédérations et mouvements
régionaux de jeunesse et d’éducation populaire. Elle se revendique des principes de l’éducation populaire qui
reposent à la fois sur l’émancipation à tous les âges de la vie, la reconnaissance des capacités et des savoirs
de chacun, et l’envie d’agir collectivement dans une perspective de transformation sociale.
C’est à ce titre que la CRAJEP entend contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques
publiques notamment éducatives dans la région Île-de-France.
Pour la deuxième année, avec la DRJSCS, nous vous invitons à échanger, croiser nos regards, réfléchir
autour des enjeux éducatifs mis en mouvement par la loi de refondation de l'école.
Peut-être, avant d'évoquer des éléments en lien avec la thématique de la journée, quelques mots sur ce lieu :
Ancien entrepôt de la SNCF, ce lieu est la plus grande centrale photovoltaïque urbaine de France et la
première construction mixte bois-béton. A énergie positive, il produit plus qu'il ne consomme, il est la
réalisation de Françoise-Hélène JOURDA, pionnière en France de l'architecture écologique. Une pensée pour
cette architecte qui s'est éteinte très récemment.
Plus récemment, sur ce parvis, la présence des migrants de vendredi à lundi, dont certains demandent l'asile
politique, et qui, après avoir été évacués pour des raisons sanitaires il y a plus d'une semaine, cherchent
désespérément un endroit pour se poser en attendant de voir les résultats à leur demande de statuts.
Peu importe la manière de dire les choses, il nous faudra bien prendre notre part pour réaffirmer notre
conception de patrie des droits de l'homme dans l'espace européen et peut être nous réinscrire dans des
solidarités internationales ici et maintenant ; voir sans doute soulager les forces de l'ordre et certainement les
finances publiques.
Nous l'évoquions l'an passé dans le propos introductif de notre première journée : la « Loi d'orientation et de
programmation pour la refondation de l'école de la République » a pour ambition de faire réussir tous les
enfants et cela quel que soit le territoire où ils vivent.
La France est un des pays ou le système scolaire reproduits le plus les inégalités sociales. Selon une étude
dévoilée par le ministère de l'éducation nationale, parmi les élèves entrés en sixième, 71,7% des enfants
d'enseignants et 68,2% d'enfants de cadres supérieurs, ont décroché un bac général à la fin du lycée. Contre,
20,1% des enfants d'ouvriers qualifiés, 13% des enfants d'ouvriers non qualifiés et 9,2% des enfants
d'inactifs.
Rencontre du 10 juin 2015 – CRAJEP Île-de-France / DRJSCS Île-de-France
« Réforme des rythmes : l’ambition éducative à l’épreuve des inégalités territoriales »
Cela prend tout son sens au moment où les inégalités continuent de se creuser, où les 40 % des personnes
ayant les plus faibles revenus ont vu leurs ressources diminuer. Depuis le début des années 2000, nous
assistons à une augmentation du nombre de pauvres en France. Dans le même temps les inégalités de
patrimoine, plus importantes que celle des revenus, progressent.
10 % des ménages les plus fortunés disposent de près de la moitié de l'ensemble de la richesse du pays tandis
que les 50 % des moins fortunés n'en possèdent que 7 %. Ces écarts se reproduisent de génération en
génération par le biais de l'héritage.
Pour voir le monde, contribuer à sa transformation, nous avons besoin de voir loin. L'échelle du temps nous
invite parfois à charger de perspective pour observer le monde et voir parfois au-delà des étoiles au fond de
nous-même. Voir loin c'est parfois nous retrouver dans la plénitude de notre humanité. Nous avons porté une
attention sur le genre, la couleur de peau, l'intergénérationnel ...Ce changement de regard a permis de pointer
un certain nombre de situations et d'apporter des éléments de réponse. Pour autant, cette approche ne doit pas
nous faire oublier de porter notre regard et nos efforts sur les classes sociales. Les écarts entre les résultats
des enfants dont aucun des parents n'a le bac sont quasiment nuls entre enfants immigrés et non-immigrés
pour l'obtention du bac général ou de technologie.
Contrairement à des idées qui se propagent, aujourd'hui la France qui souffre le plus des dégâts de la crise
vit, pour la plus grande partie au cœur ou à proximité immédiate des grandes agglomérations.
Ainsi, parmi les 10 plus grands EPCI en terme de population résident dans les quartiers de la politique de la
ville, 6 sont en Île de France :
-2 la communauté d’agglomération de Plaine Commune (93) avec 268 680 habitants soit 6% de la population
nationale des quartiers prioritaires;
-5 la communauté d’agglomération Est Ensemble (93) avec 152 000 habitants ;
- 6 la ville de Paris (75) avec 150 460 habitants ;
- 7 la communauté d’agglomération Val-de-France (95) avec 116 420 habitants ;
Dans le rapport de la cours des comptes de 2012, le ratio de la subvention de la politique de la ville par
habitant est de 43 € au niveau national tandis qu'en Seine saint Denis il était de 31 € par habitant des
précédentes ZUS. Avec une population de maintenant 600 000 habitants en politique de la ville en Seine
Saint Denis et malgré une augmentation de l'enveloppe de 7 % sur la nouvelle programmation, le chemin
tracé reste encore long et éprouvant pour la population et les acteurs du territoire avec un taux qui passerait à
20 € par habitant
La réforme des rythmes scolaires a permis un accès plus important aux pratiques sportives et culturelles pour
bons nombres d’enfant. Sur certaines villes le taux de participation à des activités autres que scolaire oscillait
entre 15 et 20 % avant la mise en œuvre de la réforme, avec celle-ci nous sommes parfois entre 60 et 75 %.
Beaucoup reste à faire sur les territoires pour renforcer la dimension quantitative entre les acteurs de la
Rencontre du 10 juin 2015 – CRAJEP Île-de-France / DRJSCS Île-de-France
« Réforme des rythmes : l’ambition éducative à l’épreuve des inégalités territoriales »
communauté éducative dont les mouvements d'éducation populaire sont parties prenantes depuis de
nombreuses décennies.
Cette journée devraient nous permettre de croiser des appréciations, partager des expériences, élaborer
pourquoi pas des modes de résolutions.
Il s'agit bien de permettre à tous les enfants de pouvoir avoir accès aux différents codes culturels de la
société, de leur permettre de grandir et de pouvoir évoluer au sein de ces différents espaces et de ne pas avoir
à faire preuve d'un courage singulier lorsqu'ils sortent d'un quartier de Clichy-sous-Bois et qu'ils intègrent,
moyennant un prêt étudiant, une école de commerce pour s'inscrire dans un master. Cette jeune expliquait
que ce qui lui manquait c'était le bagage culturel pour faire sens et monde commun avec ses nouveaux
camarades.
Une étude sur les pratiques culturelles pointe le fait que les jeunes les plus investis dans leur passion le sont
aussi dans le domaine scolaire et se projettent dans l'avenir. Un lien dynamique existe entre réussite scolaire
et intensité des pratiques culturelles1.
Ce propos pour nous resituer une part du réel et conservant comme ligne de force cette ambition politique de
faire réussir l'ensemble des enfants et des jeunes avec une attention toute particulière pour ceux des milieux
populaires ou pauvres en les inscrivant ou réinscrivant dans les parcours scolaires et éducatifs avec les autres
pour permettre à tous les enfants de notre République de vivre et d'agir ensemble dans un monde commun.
Peut-être l'objectif de cette journée pourrait-il être soit de lancer un avis de recherche, soit de déposer une
annonce à Pôle emploi, créer un nouveau métier, soit faire groupe pour ensemble, chacun dans nos missions,
retrouver le technicien en charge de réparer l’ascenseur social.
Créer les conditions pour contribuer à désencombrer l'horizon, permettre aux jeunes quels que soient leurs
lieux de naissance, la catégorie sociale dans laquelle ils sont nés, de retrouver le goût de l'avenir, la confiance
en eux et dans une humanité sensible bref, de pouvoir trouver une place et faire société.
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Enfance et culture, transmission, appropriation et représentation 2010 Sylvie Octobre
Rencontre du 10 juin 2015 – CRAJEP Île-de-France / DRJSCS Île-de-France
« Réforme des rythmes : l’ambition éducative à l’épreuve des inégalités territoriales »