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gros plan Le Nouveau Prieuré «comme avant, comme à la maison» «Le Nouveau Prieuré sera un ensemble, autour de l’EMS, où cohabiteront des générations différentes, des activités différentes et des rythmes de vie différents avec la possibilité de rencontres et d’animation dans des lieux communs.» Tel est en substance le projet initié voilà deux ans par un groupe de travail de l’EMS Le Prieuré. Implanté depuis 1964 sur la commune de Chêne-Bougeries, Le Prieuré est propriété du Bureau Central d’Aide Sociale, tout comme le Foyer Eynard Fatio et la Résidence de la Gradelle, situés à quelques pas de là. Alors qu’elle devait procéder à la mise en conformité de l’établissement avec les dispositions de la Loi sur les EMS et les normes architecturales adoptées en 2001, la direction a choisi d’explorer de nouvelles pistes afin d’offrir un habitat à dimension humaine qui se rapproche au mieux du «comme avant, comme à la maison» et qui permette d’élaborer avec chacun des résidants un véritable projet de vie. Le projet institutionnel tel que présenté aujourd’hui est certes ambitieux. Mais il est aussi novateur et prometteur à plus d’un titre (lire l’encadré). Dans l’interview qui suit, Daniel Marguet, directeur du Prieuré, nous parle du projet, de sa philosophie et de son nouveau regard sur l’animation et l’idée d’habitat. L’Antenne – En quelques mots, comment définiriez-vous le Nouveau Prieuré ? Daniel Marguet – Le Nouveau Prieuré, c’est d’abord une grande aventure, axée sur le changement. C’est le projet d’un lieu de vie animé et ouvert, où se croiseront plusieurs générations. C’est la convergence des meilleures idées recueillies au cours de nos nombreuses visites dans d’autres établissements d’ici et d’ailleurs, enrichies de nos propres réflexions et expériences. L’Antenne – Quelles sont justement ces réflexions qui ont présidé au lancement du projet et quelle en est la philosophie ? DM – Notre démarche repose sur des nouvelles conceptions de la prise en soin d’une part, et de l’animation d’autre part. La mission de notre 15 institution est de prendre soin de personnes âgées dépendantes. La question à laquelle nous devions dès lors répondre était de savoir ce que nous pouvions faire de mieux qu’aujourd’hui, avec l’idée de passer d’un lieu de soins à un lieu de vie qui favorise l’autonomie et la liberté de choix du résidant, et lui permette de vivre «comme à la maison». Quant à l’animation, notre approche s’inscrit dans la suite logique de réflexions déjà menées précédemment au sein de notre établissement par un groupe de travail multidisciplinaire, et dont l’une des conclusions est que toute activité de la vie quotidienne peut être source d’animation. Ainsi, l’animation se décentralise, en quelque sorte. Elle n’est plus le seul apanage des animateurs, mais devient l’affaire de tous, car elle se manifeste au quotidien, dans l’écoute, l’accompagnement, le dialogue, le toucher... Nous sommes convaincus qu’un programme individualisé d’animation – le projet de vie – est aussi important que le programme individualisé de soins qui existe déjà. Tout cela signifie que c’est à l’établissement de s’adapter aux résidants, et non l’inverse. L’Antenne – Cette conception même de projet de vie individualisé favorisant l’autonomie et la liberté de choix a des conséquences directes sur l’organisation et la gestion des ressources humaines. Comment les collaborateurs sont-ils sensibilisés et intégrés au projet ? DM – Il est vrai que le lieu de vie et l’accompagnement que nous voulons offrir exigent de l’ensemble du personnel une plus grande flexibilité et polyvalence, un changement de mentalité et de comportement. La liberté de choix, par exemple, qui permet au résidant de décider notamment de l’heure à laquelle il veut se lever, se coucher, prendre son petit-déjeuner ou encore se laver, chamboule les horaires et l’organisation des équipes. Notre volonté de favoriser et de maintenir une certaine autonomie en ne faisant pas à sa place ce qu’un résidant peut encore faire lui-même, ralentira certainement le rythme et la rationalité du travail. Enfin, l’animation telle que nous la concevons au quotidien implique que chaque professionnel devient un peu plus animateur et accompagnateur et qu’il aura peut-être des tâches à accomplir qu’il avait l’habitude de déléguer, ou que ses collègues accompliront des tâches qu’il avait l’habitude d’assumer. Nous avons actuellement deux unités pilotes qui mettent déjà en œuvre la liberté de choix et le projet de vie individualisé. Des séances de «modélisation» permettent de faire le point de la situation, de détecter les dysfonctionnements, d’ajuster les horaires, d’affiner le modèle. Des séances l’antenne bulletin d’information juin 2003 gros plan d’information et de sensibilisation sont organisées, au cours desquelles le personnel peut poser des questions, faire part de ses préoccupations, soumettre des idées. Il est possible que certains n’adhéreront pas au projet, pour diverses raisons. Il faut cependant souligner que si ce nouveau modèle permet de mieux prendre en compte les désirs des résidants, il peut aussi être très stimulant pour les professionnels et revaloriser certaines fonctions, notamment celle d’aide-soignantE. C’est en effet surtout aux aides-soignantEs que nous allons confier le rôle de maître ou maîtresse de maison au sein des divers appartements, avec les tâches d’accompagnement, d’intendance et de contrôle inhérentes à cette fonction. Finalement, nous sommes tous là pour accomplir un travail, et nous devons le faire dans un esprit de solidarité. Et je pense que c’est parce que nous avons une bonne équipe que nous avons pu entrer dans ce processus. L’Antenne – Cohabitation de plusieurs générations, création d’une « place du village » animée, intégration du voisinage… Votre projet reconstitue ce que la société a défait au fil des décennies. Ne craignez-vous pas que ce lieu de vie souffre d’artificialité ? DM – Aujourd’hui, on ne prend généralement plus ses vieux parents chez soi pour s’en occuper, et nombreuses sont les personnes âgées qui souffrent de la solitude. Notre volonté est de répondre à un véritable besoin, de façon différente, en créant un lieu moins contraignant et imposé. Il est vrai aussi que, dans nos réflexions, nous avons dû faire attention de ne pas idéaliser et, surtout, de garder à l’esprit que nous accueillons des personnes présentant des pathologies souvent très lourdes. Prenez la crèche, par exemple. C’est une idée qui séduit de nombreux établissements. Encore faut-il respecter un certain nombre de règles pour qu’une Le Nouveau Prieuré sera construit à la place du Prieuré actuel. Les travaux de démolition et de reconstruction se feront progressivement, sans qu’il soit besoin de déloger et transférer les résidants ailleurs durant les travaux. 16 gros plan véritable intégration puisse se faire : que la majorité des enfants soient âgés de 18 mois au moins pour qu’il y ait interaction avec les personnes âgées, que les activités communes s’inscrivent dans la durée et la régularité et qu’elles ne soient imposées ni aux enfants ni aux résidants, que l’encadrement de la crèche adhère au concept d’intergénération... C’est à ces conditions qu’une crèche pourra s’intégrer naturellement, vivre et évoluer dans cet environnement. Jusqu’ici, nous nous sommes souvent donnés bonne conscience en organisant des activités très occupationnelles, en proposant des animations très structurées. Mais il faut savoir que sur l’ensemble des résidants, seul un quart a encore les capacités pour y participer et en profiter pleinement. Aujourd’hui, notre approche doit nous permettre de respecter le désir de chacun des résidants et d’élaborer avec et surtout pour lui son projet de vie. L’Antenne – Où en êtes-vous de votre projet ? Quelles sont les prochaines échéances ? DM – Nous avons déjà bien avancé à l’interne en matière de sensibilisation et d’intégration progressive de certains aspects du modèle. Le projet institutionnel, qui est actuellement à l’étude auprès du Département de l’Action Sociale et Santé, a déjà rencontré un écho positif auprès de diverses instances politiques et de professionnels. Le Conseil de fondation du Bureau Central d’Aide Sociale, qui s’est réuni à mi-mai, s’est prononcé en faveur de la poursuite du projet dans sa globalité. La procédure M. Daniel Marguet, directeur du Prieuré, en compagnie de Madame Ducrest, résidante au Prieuré. (Photo Le Prieuré). d’inscription à un concours d’architecture sur invitation est parue dans la Feuille d’Avis Officielle et le lauréat devrait être choisi pour la fin de l’année. le projet du Nouveau prieuré L’EMS demeure naturellement le pilier central du Nouveau Prieuré. Il devrait accueillir plus de 130 résidants – contre 101 actuellement – répartis entre une entité généraliste (96 lits) et une entité spécialisée en psychogériatrie (36 lits). Dans les deux entités, les pensionnaires résideront dans des appartements de 6 à 8 chambres chacun, conférant ainsi un sentiment de «chez soi», tout en favorisant la vie communautaire et la convivialité. Organisé autour d’une «place du village» animée, qui rassemble les espaces communs et publics, le concept d’intergénération prévoit en outre : • Un espace petite-enfance situé au cœur de l’EMS, qui doit apporter de la vie à l’EMS et répondre en même temps à une demande croissante de places de crèche sur la commune de Chêne-Bougeries. • Des logements pour étudiants, avec un contrat de travail qui leur permettrait d’effectuer diverses tâches au sein de l’EMS, principalement durant le week-end et les vacances. • Un foyer pouvant accueillir 24 adultes polyhandicapés. Sa présence s’inscrit dans cet esprit «d’ouverture et d’enrichissement réciproque», et permettrait de nouvelles synergies. • Une extension de la Résidence de la Gradelle qui abriterait des personnes âgées encore autonomes et une possibilité de collaboration. 17 l’antenne bulletin d’information juin 2003