ISRS ET DIMINUTION DE LIBIDO : AJOUT WELLBUTRIN?

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ISRS ET DIMINUTION DE LIBIDO : AJOUT WELLBUTRIN?
ISRS ET DIMINUTION DE LIBIDO : AJOUT
WELLBUTRIN?
QUESTION : L’ajout de Wellbutrin est-il une option efficace pour contrecarrer les
effets des ISRS sur la libido?
AUTEUR : Geneviève Baril-Guérard (DÉCEMBRE 2007)
P
:
patients prenant un ISRS et ayant une diminution de la
libido/fonction sexuelle
I
:
ajout de Wellbutrin
C
:
placebo
O
:
amélioration des symptômes
CONTEXTE: J'ai vu au bureau une patiente prenant du Paxil à 40 mg DIE, qui
rapportait une diminution marquée de sa libido. On m'a conseillé d'ajouter du
Wellbutrin à 100 mg DIE pour diminuer cet effet indésirable du Paxil. Puisque je
ne pouvais trouver aucune ligne directrice claire sur la posologie dans le CPS ou
dans tout autre livre de médication, je me suis alors demandée si cet
usage/dosage était prouvé efficace et si des études avaient été réalisées sur
cette pratique.
RECHERCHE:
Cochrane : 1 revue systématique sur la dysfonction sexuelle secondaire aux
antidépresseurs. Dans cette revue de 2004, on cite trois études sur l’utilisation
du bupropion.
Pubmed: libido AND antidepressant AND bupropion : 1 étude non comprise dans
la revue de Cochrane. Elle n’avait pas non plus été exclue par eux.
Tripdatabase: sexual dysfonction AND bupropion : revue de Cochrane
Up to Date: libido AND Wellbutrin : parle des 3 mêmes RCT et d’une revue de
2006.
1) Lisa R, Taylor M, Hawton K. Strategies for managing sexual dysfunction
induced by antidepressant medication. Cochrane Database of Systematic
Reviews 2004, Issue 4.
Buspirone vs placebo: 3 RCT
a) Clayton AH et al. A placebo controlled trial of bupropion SR as an
antidote for selective serotonin reuptake inhibitor- induced sexual
dysfonction. J clin psychiatry 2004 jan ; 65 (1) : p.62-7
- Patients avec dépression majeure selon DSM IV, 18-45 ans, 55 adultes (48
femmes, 7 hommes)
- placebo vs Wellbutrin 150 mg BID pour 4 semaines
- échelle CSFQ (change in sexual functionning questionnaire) pour évaluer
amélioration.
La différence dans le score global du CSFQ entre les 2 groupes n’était pas
statistiquement significative. Il y avait toutefois une augmentation statistiquement
significative du désir sexuel et de la fréquence rapportée d’activités sexuelles
dans le groupe wellbutrin. (p=0.024)
- 35.3 % des patients notaient une amélioration d’au moins 50 % avec Wellbutrin,
comparativement à 15 % des patients avec le placebo
Diminution des symptômes dépressifs de façon concomitante
Effets secondaires: bouche sèche et céphalées chez groupe Wellbutrin et
anxiété chez placebo (pas de différence dans le nombre d’arrêt pour effets
secondaires dans les 2 groupes).
Leur conclusion: amélioration globale du désir sexuel et de la fréquence des
relations sexuelles avec le Wellbutrin comparativement au placebo.
b) Marsand et al. Sustained-release bupropion for selective serotonin
reuptake inhibitor-induced sexual dysfunction : a randomized, doubleblind, placebo-controlled, parallel group study. American Journal of
Psychiatry, 2001;158 :805-7.
RCT: 30 patients qui prenaient un SSRI depuis au moins 6 semaines et qui
étaient euthymiques le « Arizona sexual experience scale » devait être d’au
moins 19/30
Randomisés en 2 groupes : 1 groupe placebo et 1 groupe avec bupropion
150mg SR à die à 18h00 pour 3 semaines.
Effets secondaires notés avec groupe Wellbutrin: céphalées, bouche sèche,
irritabilité.
Faiblesses de l’étude: population trop petite, doses probablement trop faibles.
Leur conclusion : pas de différence statistiquement significative notée dans les
mesures de l’échelle de l’Arizona ni dans le « Hamilton depression rating scale »
c) De Battista et al. A placebo-controlled, double blind study of bupropion
SR in the treatment of SSRI-induced sexual dysfunction. 41st Annual
NCDEU Meeting (2001) ; 41 patients, 150 mg PO DIE x 6sem. Détails de la
méthodologie incertaine. Démontre une augmentation du désir.
CONCLUSION générale de cette section: augmentation du désir, augmentation
de la fréquence des relations sexuelles (chez les femmes), pas de différences
significatives chez hommes. (1 abandon pour insomnie, effets secondaires nonrapportés).
2) Hierholzer R. Sustained-release bupropion for selective serotonin
reuptake inhibitor-induced sexual dysfunction: a randomized, double-blind,
placebo-controlled, parallel-group study. Am J Psychiatry 2002 Apr : 159(4) :
677
- 31 patients (1 patient ayant abandonné pour insomnie)
- Tous les patients avec un minimum de 19/30 sur l’échelle de l’Arizona Sexual
experience scale.
- 15 avec placebo, 15 traités avec Wellbutrin 150 mg DIE
- gradation de l'état sexuel via échelle de l'Arizona (amélioration jugée
cliniquement significative si amélioration d'au moins 50 % sur cette échelle)
- durée du traitement : 3 sem.
Groupe Wellbutrin : 4 patients avec détérioration de 1 à 25%, 9 patients avec
amélioration de 0-24% et 2 patients avec amélioration de 25-49 %
Groupe placebo: 2 patients avec détérioration de 1 à 25% %,11 patients avec
amélioration de 1-25% et 1 patient avec amélioration de 25-49 %
Effet noté surtout sur l’excitation sexuelle et la lubrification/érection dans les 2
groupes
Conclusion: si on compare les 2 groupes, le Wellbutrin n’est pas meilleur que le
placebo. Globalement, selon l'échelle, il y aurait eu une amélioration de la libido
d'environ 25 à 29 % dans les 2 groupes, surtout au niveau de la lubrification et
de l’érection.
Les faiblesses de cette étude sont le petit échantillon, le dosage de Wellbutrin
probablement trop faible et l’heure de prise du Wellbutrin qui n’est probablement
pas optimale (18h). L’âge des gens de l'échantillon est inconnu, le type
d'antidépresseur pris est inconnu et la répartition des sexes inconnu.
3) Zisook Sydney et al. Use of bupropion in combination with serotonin
reuptake inhibitors. Biological psychiatry 2006; 59:203-210:
Revue qui contient des études faites sur 8 ans (jusqu’en 2005) 5 études
prospectives open label, 3 placebo-control trials double-blind (les mêmes que
dans la revue de Cochrane)
- Les études prospectives ont toutes démontré globalement une amélioration du
désir sexuel autant chez les hommes que les femmes. 1 étude intéressante avec
prise de bupropion au besoin avant les relations durant 2 semaines, qui a
démontré plus ou moins d'efficacité et semblait avoir plus d'effets secondaires
que la prise continue. Les effets secondaires les plus soulevés: anxiété,
tremblements.
Donne une citation complète pour le RCT de De Battista.
De Battista et al. A prospective trial of bupropion Sr augmentation of partial
and non-responders to serotoninergic antidepressants. J Clin
Psychopharmacology. 2003; 23 : p.27-30
- 41 patients (24 femmes, 17 hommes)
- Bupropion SR 150 mg die pendant 6 semaines comparativement à un placebo
- Chez les femmes : augmentation significative du désir à la semaine 4 (p=0.005)
Ce résultat n’est plus significatif à la semaine 6.
- Pas d’effet chez les hommes. Effets secondaires non rapportés.
CONCLUSION:
L'utilisation du Wellbutrin en ajout comme thérapie à une diminution de libido
secondaire aux ISRS est, selon mes recherches, intéressante et mériterait plus
de recherche. Quelques petites études semblent au moins démontrer, de façon
cliniquement et statistiquement significative, une amélioration du désir, sinon de
l'orgasme. Pour le reste des paramètres observés, les résultats varient
beaucoup. Les effets secondaires semblent peu fréquents et bien tolérés dans la
plupart des cas. Par contre, peu d'études ont été faites sur le sujet et les
populations à l'étude sont souvent de très petite taille. Par ailleurs, les doses
utilisées sont très variables d'une étude à une autre, ce qui ne facilite pas la
tâche des cliniciens cherchant une réponse claire.
De mon côté, je crois que je vais continuer d’utiliser cette thérapie
lorsqu’appropriée. Toutefois je serai portée à donner une dose plus forte (jusqu’à
150 mg BID) avant de conclure à un échec.
Il y aurait place pour plus d’études randomisées contrôlées de façon à mieux
définir la dose efficace et la durée du traitement.

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