expo eau Dieppe moyenne def
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1. La distribution d’eau potable Dieppe et l’eau des villes. Des porteurs d’eau à la distribution d’eau potable à domicile, du simple puits au robinet en passant par les gracieux jeux d’eau d’une fontaine, la conquête de l’eau par l’homme fut riche et complexe. Dès l’antiquité thermes et aqueducs attestent d’une connaissance approfondie de certaines techniques hydrauliques en matière de distribution d’eau, d’hygiène ou de loisirs. Au moyen-âge, les moines, en particulier les cisterciens, maîtrisent parfaitement l’adduction d’eau par le biais de canaux et retenues, d’aqueducs, de puits et de fontaines, de viviers, aussi bien pour l’irrigation, la meunerie que pour les besoins alimentaires quotidiens. L’essor urbain entraîne un ravitaillement en eau plus difficile pour les villes, tant pour la consommation que pour les besoins de certaines activités artisanales (teintureries, mégisseries, tanneries, boucheries…). Ainsi, dès la fin du moyen-âge, l’accroissement des populations citadines, les risques d’incendie et d’épidémies incitent les pouvoirs publics à augmenter l’approvisionnement en eau des villes, et à tenter de résoudre les problèmes d’insalubrité engendrés par le rejet des eaux usées, par simple ruissellement. La conception d’un réseau de distribution d’eau potable à l’échelle d’une ville émerge lentement comme à Laval (1485) mais surtout à Rouen ; l’adduction d’eau au début du 16e siècle y est remarquable par son étendue et la beauté de ses fontaines. Désormais de nouvelles sources sont recherchées et captées, des aqueducs sont bâtis, reliant et alimentant les points d’eau disponibles, fontaines ou puits, et des réservoirs sont créés. Parallèlement s’épanouit un usage plus esthétique de l’eau dans le cadre d’un véritable art des jardins. Cette exposition a été réalisée par la Direction régionale des Affaires culturelles de Haute-Normandie (DRAC), Service régional de l’Inventaire général, en collaboration avec les services de la Ville de Dieppe et le Service Fontaine de la Barre en 1838, tableau de W. C. Stanfield. Cette fontaine dieppoise était en réalité le réservoir d’arrivée de l’aqueduc qui menait l’eau de la source du Gouffre jusqu’à la ville (emplacement de l’actuelle rue Toustain). (Collection Musée de Dieppe) cl. H. C. Boniface. régional de l’Archéologie (DRAC). © 2004. Textes : Viviane Manase, Service régional de l’Inventaire général, avec la collaboration de Christelle Morin, Ville d’Art et d’Histoire de la ville de Dieppe et de Philippe Fajon, Service régional de l’Archéologie. Photographies : Yvon Miossec, Christophe Kollmann, Denis Couchaux. Mise en page : Denis Couchaux Remerciements : B. Billiotte, P. Ickowicz, C. Féron, D. Anfray, la Générale des Eaux Vue cavalière de Dieppe, vers 1682, dit “plan d’Asseline”, avec localisation des fontaines. (Collection Musée de Dieppe). 2. La distribution d’eau potable Aux 17e et 18e siècles, l’implantation de pompes sur les rivières optimise l’alimentation en eau des villes ; à Paris en 1608 les quatre pompes de la Samaritaine constituent la première machine élévatrice d’eau de Seine, avant celles du pont Notre-Dame (1671) et de Marly. À la même période “l’aqueduc Médicis” (1628) desser t le Palais du Luxembourg et quatorze fontaines publiques. Mais c’est véritablement à partir du 18e siècle que se développe la mise en place de réseaux urbains des eaux ; ils sont indissociables des notions d’hygiène publique et d’urbanisme qui s’enracinent alors. L’apparition des machines à vapeur pour actionner les pompes élévatrices à partir de la fin du 18e siècle en Angleterre puis en France, et celle des conduites en fonte au milieu du 19e siècle, vont encore améliorer le fonctionnement des réseaux d’eau. Dans la seconde moitié du 19e siècle, une distribution plus rationnelle et plus étendue de l’eau se généralise, desservant de plus en plus de particuliers. Au 16e siècle, la prospère cité dieppoise s’accommode mal des quelques points d’eau disponibles, d’autant que l’eau y est souvent saumâtre. La crainte des épidémies de peste et les travaux d’adduction d’eau entrepris à Rouen (à l’initiative du Cardinal Georges d’Amboise), et au Havre, incitent les bourgeois dieppois à réclamer une eau saine et abondante pour leur ville. Aussi est-il décidé de recourir aux services d’un fontainier rouennais, Pierre Toustain, pour capter et conduire l’eau d’une source située au lieu-dit Le Gouffre, à Saint-Aubin-surScie, jusqu’à la fontaine du Puits Salé, par le biais d’un aqueduc souterrain. C’est le point de départ d’une longue et difficile entreprise destinée à faciliter l’accès à l’eau potable. Dieppe en 1695, après le bombardement de 1694, plan gravé par H. Van Loon, avec localisation des fontaines. (Médiathèque de Dieppe). Le réseau d’eau à la fin du 18e siècle à Dieppe est d’une densité remarquable pour l’époque, même si le village du Pollet ne bénéficie que de deux branchements. (Bibliothèque Municipale de Rouen). Maison ancienne au Pollet à Dieppe, avec son puits. Dessin et lithographie par Tirpenne, milieu 19e siècle. (Collection Musée de Dieppe). Ci-contre : Fontaine du Marché aux Veaux à Dieppe (place L. Vitet), lithographie par V. Adam, milieu 19e siècle. Fontaine construite en 1579, refaite en 1681 puis en 1783, maintenant détruite. (Médiathèque de Dieppe). Si la ville intra-muros profite dès 1558 de l’eau potable amenée par l’aqueduc Toustain, le village du Pollet situé au delà du port se contente de l’eau souvent saumâtre des puits jusqu’à la mise en place de fontaines en 1834. 3. L’aqueduc Toustain Pendant la guerre de cent ans, sous l’occupation anglaise, un projet d’adduction d’eau douce, resté sans suite, est déjà envisagé à Dieppe (1434), à la demande des manants, bourgeois et habitants de la cité. Il s’agissait de détourner une partie de la Varenne, et de conduire l’eau jusqu’à la ville par le biais d’un canal à ciel ouvert, prenant naissance près le “Pont aux Vacques” à Arques-la-Bataille. Fondamental pour l’épanouissement de la ville, ce projet est repris dès 1454 par le roi Charles VII, mais abandonné, la région étant exsangue. Ce n’est qu’au début des années 1530, alors que la ville ne cesse de s’étendre et de prospérer, qu’un nouveau projet d’adduction d’eau voit le jour. Le 15 janvier 1532, l’amiral Chabot accorde aux dieppois le droit de capter une source située à Saint-Aubin-sur-Scie. Il importe que ces travaux ne retardent pas les ouvrages et réparations en cours au château et dans la ville et que les propriétaires des terrains soient correctement dédommagés. En avril la commune achète la source et les terrains nécessaires pour 200 livres tournois ; deux ans plus tard, le 11 novembre 1535, elle engage le fontainier Pierre Toustain pour réaliser l’aqueduc gravitaire chargé de transporter l’eau douce dans la ville. Bourgeois de Rouen, Pierre Toustain a travaillé dans sa ville à la réalisation de la fontaine de l’archevêché. À Dieppe, il s’attèle à une entreprise colossale : l’eau doit être acheminée grâce à deux conduites enterrées depuis Saint-Aubinsur-Scie (situé à 6 kms), en passant sous la rivière de La Scie, puis sous la montaigne, entre Petit-Appeville et Dieppe. Secondé par deux hommes qualifiés, il obtient de la Ville matières et ouvriers qu’il conviendra à faire ledict ouvraige. Difficultés et retards s’accumulent, et quand enfin, en mai 1553, l’eau douce arrive dans le fossé de la ville, le débit est jugé insuffisant, et le fontainier est traîné en justice puis emprisonné. L’ouvrage est finalement achevé en 1558 par les Le Mestre père et fils, fontainiers du Roi, le père Pierre ayant œuvré au Havre mais aussi au château d’Anet et à Fontainebleau. En 1553 ils avaient obtenu la libération de Pierre Toustain en confirmant la justesse des calculs de pente effectués par leur confrère... malgré quelques erreurs. Vue cavalière de la ville, estampe extraite de la Cosmographie de François Belleforest, 1575. Marché entre Pierre Toustain et la Ville pour la construction de l’aqueduc, 11 novembre 1535. (Médiathèque de Dieppe). Canalisations en terre cuite de l’aqueduc, d’un diamètre de 6 ou 19 cm, enrobées dans un lit de ciment dit romain. Cl. B. Billiotte. 4. L’aqueduc Toustain L’aqueduc Toustain consiste en deux conduites de terre cuite enterrées, enrobées dans un lit de ciment romain, abritées par une galerie souterraine à partir du Petit-Appeville. Il comporte des évents pour l’évacuation de l’air, dix-neuf puits d’extraction, des “regards” pour faciliter l’entretien, deux cuves “coupées” pour le dépôt des boues, et plusieurs salles. La salle dite “de la Duchesse de Berry” est remarquable ; elle présente une table semi-circulaire autrefois pourvue de jets d’eau, un banc en pierre et une paroi très originale, ornée de coraux et de coquillages, bien dans l’esprit des grottes rustiques à mécanismes et effets d’eau appréciées dans les années 1570-1630. À l’origine, l’eau arrivait dans un réservoir (château d’eau) servant de fontaine (place la Barre actuelle), puis aboutissait à la fontaine du Puits Salé. Un branchement secondaire alimentait la place du Port d’Ouest (place C. Saint Saëns), puis la rue de la Halle au Blé ; un autre longeait la rue d’Ecosse. Outre les puits et fontaines en place en 1558, cet ouvrage pourvoyait en eau nombre de fontaines publiques et privées, élevées au cours des âges. Ce réseau sera régulièrement restauré, rallongé et remanié, les besoins et les branchements privés croissant au rythme de la démographie. En 1785, la ville se trouve être l’une de celles du royaume qui ait de l’eau douce et légère en la plus grande abondance, puisqu’outre un grand nombre de fontaines publiques (…) il n’y a point dans Dieppe de maison particulière d’une grandeur passable qui n’ait sa fontaine. Mais cette densité exceptionnelle du réseau d’eau cache une réalité moins idyllique : l’aqueduc Toustain, surtout aux 18e et 19e siècles, est régulièrement bouché et altéré par l’infiltration de racines d’arbres. D’importantes fuites d’eau sont constatées, au point d’inonder certaines caves, avec pour conséquence de fréquentes et parfois longues interruptions de distribution. Après la guerre de 18701871, le constat est alarmant : les conduites présentent des portions réparées de façon inégale, avec des matériaux différents, et le réseau fonctionne mal. La réfection totale de l’adduction d’eau devient une nécessité absolue, d’autant qu’émergent de nouveaux quartiers : ce sera chose faite en 1882, à partir de la même source. Accès d’origine de la galerie, au Petit-Appeville. Puits d’extraction permettant le déblaiement de la terre et des pierres lors du creusement de la galerie, et le renouvellement de l’air. Un évent est un tuyau vertical branché sur une conduite enterrée afin d’évacuer l’air accumulé, protégé par une enveloppe en pierre (16e siècle) ou en ciment romain (vers 1793). Cl. de droite B. Billiotte. Salle dite “de la duchesse de Berry” ou “de la Source”, état en 1991. 5. Puits et fontaines Face à l’accroissement des besoins en eau potable, les autorités doivent mettre à la disposition de la population des fontaines publiques toujours plus nombreuses, plus performantes, mais aussi plus belles. Parce que leur usage quotidien en fait naturellement des lieux de convivialité et d’échanges, les villes manifestent souvent leur prestige à travers le nombre et la richesse ornementale et iconographique de leurs fontaines. Techniquement, leurs eaux jaillissent de puits artésiens, ou, en vertu du principe des vases communicants, de conduites souterraines en provenance de sources captées en des lieux plus élevés, souvent situés en dehors de la ville. Les canalisations, en bois, terre cuite, maçonnerie, plomb, cuivre, fer puis en fonte à partir du milieu du 19e siècle, mènent l’eau des sources jusqu’à des réservoirs situés sous les fontaines grâce au seul dénivelé, avant l’apparition de pompes élévatrices. L’édification de ces aqueducs gravitaires exigent alors des travaux considérables et un entretien régulier facilité par la présence de “regards”. La clarté de l’eau est également maintenue par des cuves de décantation (cuve “coupée”) où les boues se déposent. Si aux 15e et 16e siècles l’obtention par des particuliers (communautés religieuses ou édiles) d’un branchement privé est un véritable privilège, d’un coût élevé, la distribution de l’eau se démocratisera par la suite et deviendra individuelle. Puits de l’hôtel de M. de Sauqueville, daté 1631, 77 Grande Rue. Fontaines près de l’église Saint Jacques, édifiées en 1568, refaites en 1678. Lithographie par Benoit, figures par Gaildrau, dans La Normandie Illustrée, 1857. Fontaine de la Bourse (1736), sur le quai, gravure par Rouargue frères. (Médiathèque de Dieppe). Fontaine de la Barre, dessin, plume et lavis par anonyme anglais, 1862. (Collection Musée de Dieppe). Fontaine de l’immeuble Frosmont, élevée en 1881 par Louis Lorrain, architecte, à la demande d’Eugène Frosmont, fabricant de statues en fonte. L’édifice est une banque depuis le début du siècle. (Médiathèque de Dieppe). Fontaine de La Barre, dessin aquarellé par William Callow, 19e siècle. (Collection Musée de Dieppe). 6. Puits et fontaines À Dieppe, au moins quatre puits d’eau potable sont recensés au 14e siècle, mais l’eau douce se mêle parfois aux infiltrations d’eau de mer. L’aqueduc Toustain, en faisant bénéficier les dieppois d’une eau abondante et d’excellente qualité dès 1558 constitue donc une étape très importante dans l’histoire de l’adduction d’eau de la ville. Aux fontaines déjà en place (du Port d’Ouest, de la Halle au Blé, de l’Ancienne Poissonnerie, du Puits Salé), s’ajoutent pour le plus grand confort des habitants les fontaines de La Barre (réservoir d’arrivée de l’aqueduc), du Marché (place Nationale) en 1563, ornée de nymphes et figurines ciselées dans la pierre, de la Vase, de la Vicomté, du Trou Moisson et de la place du Moulin à vent, de la rue d’Ecosse (1575), de la Porte du Pont (1579), et quatre autres autour du cimetière de l’église Saint-Jacques (1568)... Les “fontaines” particulières ou branchements privés se multiplient : 167 en 1730, 292 en 1788 en comptant les fontaines publiques, ce qui est tout à fait remarquable. En 1813, il y a à Dieppe 98 fontaines publiques, et 280 fontaines particulières ; en 1874, 47 fontaines publiques, 31 fontaines d’établissements communaux et 433 concessions privées. La demande en points d’eau potable allant croissant, la ville implante de nombreuses bornes-fontaines qui, munies de clapets, évitent le gaspillage. Hormis la fontaine privée de M. de Sauqueville (1631) et celle du Puits Salée (1930) qui n’est plus reliée au réseau, aucune fontaine ne subsiste de nos jours. Carte postale vers 1910. (Collection particulière). Le puits installé en 1930 place du Puits Salé par l’architecte Fernand Miellot, remplace la fontaine la plus célèbre de Dieppe, devant l’ancien Hôtel de Ville. C’est là qu’en 1558 jaillit pour la première fois l’eau de l’aqueduc Toustain, lors d’une fastueuse cérémonie. Elle changea régulièrement d’aspect, notamment au 19e siècle : une statue vers 1850, une urne en 1862, puis une pyramide et enfin vers 1880 un curieux candélabre à gaz servant également de fontaine. Lithographie d’A. Féret vers 1850. (Médiathèque de Dieppe). Borne-fontaine modèle “Bayard”. Dessin par anonyme anglais en 1862. (Collection Musée de Dieppe). Puits installé en 1930, par l’architecte Fernand Miellot. Lithographie d’A. Féret. (Médiathèque de Dieppe). 7. Deux fontaines disparues LA FONTAINE DU PORT D’OUEST Au port de ouest ou Porduet, il existe une fontaine à cuve en forme de tombeau et pavée de plusieurs pierres (Asseline, 1682). Vraisemblablement construite en 1563, soit cinq ans après celle du Puits Salé, cette fontaine a été redécouverte en 2001, lors de fouilles archéologiques effectuées place Camille Saint-Saëns. L’ouvrage hydraulique comporte deux parties distinctes. Un caveau cubique en calcaire et grès de 2m sur 1m70 de haut, accessible par un escalier de cinq à sept degrés (nord-ouest), est couvert par deux dalles d’autel, et pavé par des dalles calcaires (deux au moins sont des pierres tombales, sans doute de l’ancien cimetière Saint Rémy). Le second élément est un puisard circulaire de 90cm de diamètre relié à la salle par un étroit passage. Ces vestiges correspondent à une ancienne description citant deux tampons, l’un pour laisser s’écouler l’eau pour la conduite qui va à l’abreuvoir, et l’autre pour faire sortir l’eau des tuyaux et la faire couler dans le puisard ou perte qui est à côté, ce qui se pratique quand on travaille à toutes les fontaines (Médiathèque de Dieppe). On peut également les rapprocher de deux projets des années 1795, dus au fontainier Dupont. LA FONTAINE D’ISAAC DE C AUS En l’honneur de l’entrée royale de Louis XIII à Dieppe en 1617, la Ville organisa de fastueux divertissements, dont le spectacle d’une étonnante fontaine, créée par Isaac de Caus, à l’emplacement de l’actuelle place Nationale. Les descriptions qui nous sont seules parvenues en font la brillante illustration d’un art mécanique très prisé à l’époque, art dont le célèbre ingénieur dieppois Salomon de Caus (1576-1626), père d’Isaac, était l’un des plus illustres spécialistes. Son ouvrage Les raisons des forces mouvantes (1615) propose une série de modèles de fontaines animées par des automates et des machines hydrauliques, véritables curiosités, parfois musicales, mêlant esthétisme et ingéniosité, égayant jardins et grottes. Ces techniques hydrauliques sophistiquées, avec oiseaux artificiels chantants, flûtistes mécaniques, nymphes, dragons et satyres animés prolongent en fait les jeux d’eaux des jardins et grottes créés à la Renaissance en Italie ou en France (grotte rustique du Jardin des Tuileries (vers 1567), grottes ornées de Saint Germainen-Laye (1598)…). Le puisard lors de sa découverte. La voûte a malheureusement été éventrée. Cl. Ph. Fajon. Intérieur du “caveau” avec arrivée d’une canalisation postérieure au 17e siècle, dotée d’un siphon anti-refoulement. Cl. Ph. Fajon. Projet A43. Projet A42. Deux projets de travaux concernant la fontaine du Port d’Ouest, avec plans et profils. Le premier (1er mai 1795, signé Dupont) présente un puisard et une conduite vers l’abreuvoir, et le second un édifice de surface cubique, éléments relativement proches des vestiges retrouvées. (Médiathèque de Dieppe). Projet A43. Projet A42. ...Un rocher devant l’Hôtel de Ville estoit des plus beaux que l’on puisse s’imaginer, estant composé d’une quantité de rares pourcelaines, de très précieux vignots et d’un très grand nombre de rocailles très bien choisies et très bien appliquées. Un mémoire porte qu’il enfermoit une fonteine artificielle que le sieur Isaac de Caux, Dieppois et ingénieur, avoit si bien inventée, que l’eau qui couloit d’une cuve placée au haut de la Maison de Ville, et tomboit, par certains canaux, dans le corps de plusieurs oyseaux de terre, non seulement leur faisoit chanter un ramage tout à fait surprenant, mais même que par le moyen d’un autre tuyau, elle eslevoit admirablement une pomme et une couronne en l’air jusqu’à ce que venant à manModèles de fontaines proches de la fontaine d’Isaac de Caus, extraits de l’ouvrage de Salomon de Caus Les raisons des forces mouvantes, 1615. Clichés du Conservatoire national des arts et métiers, Conservatoire numérique http://cnum.cnam.fr. quer, l’une et l’autre qui avoient esté suspenduë descendoient alors au lieu d’où elles avoient été transportées... Extrait de Les Antiquitez et chroniques de la ville de Dieppe, par David Asseline, 1682, réédition 1874. 8. L’eau pour tous ? Certains gros utilisateurs d’eau situés dans la ville intra-muros profitent largement des ressources de l’aqueduc Toustain : c’est le cas de l’hospice, exempté du paiement du “droit de fontaine” à la Ville, mais aussi des auberges et des industries (Manufacture des Tabacs, brasseries, nombreuses au 17e siècle…). Quelques sites sont pourtant relativement écartés de la distribution. Ainsi, en raison de la situation dominante de la forteresse, la garnison stationnée au château (avec les chevaux) et le gouverneur ne peuvent profiter des bienfaits de l’aqueduc. Ils se contentent d’un puits profond et de réservoirs situés sous la cour basse. En 1618 et 1619, la découverte de deux sources d’eau claire, l’une à Caude-Côte, l’autre (la Source Bleue) située dans la salle dite “de la duchesse de Berry” de la galerie de Pierre Toustain, procurent de l’eau pure aux habitants du château et du faubourg de la Barre. Les travaux d’adduction sont réalisés par le fontainier Moyse Planquais (1619). Le village de pêcheurs du Pollet ne dispose que de l’eau de citerne et de puits, presque partout saumâtre. Seuls les couvents des Capucins (en 1620) et des Sœurs de la Visitation de Sainte Marie (en 1653) bénéficient du réseau d’eau de la ville grâce à une canalisation souterraine en plomb (privée) qui traverse la rivière. Après plusieurs projets avortés (fontaine publique en 1733, puits artésien en 1829), trois fontaines publiques, inaugurées en 1834, puis deux autres, ravitaillent enfin en eau potable ce faubourg à la population défavorisée. Le puits du château de Dieppe. La rue des trois Marmots, photographie par J. Contadzian, 1884. (Médiathèque de Dieppe). Grande rue du Pollet, angle de la rue des Matelots, photographie attribuée à A. Marais vers 1880. (Médiathèque de Dieppe). Le Pollet : la place Bourdin en 1884 avec son point d’eau, avant sa destruction, photographie par J. Contadzian. (Médiathèque de Dieppe). 9. L’aqueduc du Gouffre (1882) Au 19e siècle, le mauvais état des canalisations de l’aqueduc Toustain, l’extension de la ville et l’implantation d’industries exigent une distribution plus performante de l’eau. En 1875 l’ingénieur des Ponts et Chaussées Edouard Lavoinne propose un nouveau projet de réseau urbain des eaux avec mise en place de pompes élévatrices ; les nouveaux quartiers qui se développent sur les hauteurs (Caude-Côte, Janval, La Barre) seront ainsi alimentés. L’eau, captée à la source dite “du Gouffre” - d’où par tait également l’aqueduc Toustain - arrive dans un réservoir souterrain rue Chanzy par le biais d’un aqueduc gravitaire de forme ovoïde, réalisé en briques. Une quinzaine d’accès ou “regards”, régulièrement disposés, facilitent la surveillance et l’entretien de la conduite principale. Un siphon placé dans la vallée de la Scie accélère le débit. Une usine des eaux distribue ensuite l’eau vers le réseau bas (ville basse) par des tuyaux en fonte, ou vers deux réservoirs hauts grâce à deux machines à vapeur “Windsor” avec pompes élévatoires. Chacun de ces réservoirs dessert une partie de la cité en fonction de son altitude. Leur présence en divers endroits et hauteurs de la ville améliore nettement la distribution en régulant le débit, et en diffusant plus équitablement l’eau dans tous les quartiers. La source du Gouffre, déjà utilisée par Pierre Toustain au 16e siècle, délivre une eau abondante et pure qui, à partir de 1882, s’écoule dans un nouvel aqueduc en briques, d’une hauteur de 1,40m. Le “regard” du Petit-Appeville. Départ et arrivée de l’aqueduc. Réservoir d’arrivée (rue Chanzy), d’une capacité de 1440 m3. Le petit édifice en terrasse abrite l’arrivée de l’aqueduc. Plan et coupes du réservoir d’arrivée (rue de Chanzy) prévu par E. Lavoinne, le 15 octobre 1875. (Médiathèque de Dieppe). 10. Le réseau urbain des eaux aux 19e et 20e siècles Les travaux de l’aqueduc du Gouffre ne seront finalement achevés qu’en 1882, après deux ans d’efforts. Sous la conduite de Paul Alexandre, successeur d’Edouard Lavoinne, l’entreprise Tessier et Gauguier (Société métallurgique du Périgord) édifie l’aqueduc lui-même, mais aussi les réservoirs et le bâtiment prévu pour abriter les pompes élévatrices. En 1883, les ingénieurs anglais Edwin Nicolas Windsor et son fils Edwin Wells installent les machines à vapeur élévatrices, soit deux ans après Rouen ; le rendement, très satisfaisant, est de 13 litres 88 par seconde. Parallèlement les bornes-fontaines sont renouvelées et presque doublées ; 64 assurent à tous un point d’eau potable de proximité. De nos jours, une vingtaine (modèle Bayard) sont encore en fonction. Au début du siècle suivant quelques travaux optimisent encore la distribution d’eau : débit renforcé grâce au doublement du siphon (1913), réédification en 1934 de l’usine des eaux (désormais électrifiée) par l’ingénieur Marcel Caseau, construction de deux nouveaux réservoirs, ajout de chlore garant d’une parfaite qualité d’eau. Dans les années 1970 les châteaux d’eaux du Belvédère (1971, dit “Vasarely”) et d’Euro-Channel ainsi qu’un forage à Etran (Martin-Eglise) élargiront encore la zone d’action du réseau d’eau dieppois. L’excellente qualité de l’eau de la source du Gouffre et son abondance justifient aujourd’hui son utilisation, sans station de filtrage, pour répondre à la plus grande partie des besoins en eau de la ville. L’usine des eaux de Dieppe en 1890, avec la cheminée nécessaire pour les machines à vapeur Windsor. (Médiathèque de Dieppe). Usine des eaux de la Jatte à Rouen, salle des machines à vapeur, 1881,Windsor et fils (les chaudières sont détruites). Ces pompes élévatrices à vapeur sont semblables à celles qui existaient à Dieppe. Château d’eau de Caude-Côte, élevé en 1935. Les deux cuves sont portées par une ossature ouverte, en poutres de béton armé, caractéristique des années 1930. Château d’eau du Belvédère, édifié en 1971 par l’architecte Herbelin. Le décor géométrique aux couleurs vives est dû au peintre Vasarely. Salle des machines de l’usine des eaux (rue Chanzy). Cette usine utilise depuis 1934 des pompes électrifiées qui refoulent une partie de l’eau vers les réservoirs de la Caserne (réseau moyen) et du Belvédère (réseau haut). 11. L’eau ailleurs... Un regard non exhaustif sur d’autres réseaux normands nous apporte un éclairage diversifié sur cette grave question d’utilité publique. La ville du Havre, créée en 1517 selon les désirs de François 1er, a dès l’origine une fontaine publique, dont l’eau provient de la source de Vitanval. L’aqueduc qui dessert aussi deux autres fontaines ressemble à l’aqueduc Toustain : doubles tuyaux en terre cuite noyés dans une maçonnerie de ciment recouverte d’une enveloppe de pierre. L’eau est conservée dans deux réservoirs, l’un d’eux qualifié de château d’eau et lavoir. En 1542 deux nouvelles sources captées par Pierre Le Mestre augmentent les ressources en eau et alimentent deux autres fontaines. Au cours des 17e et 18e siècles le réseau s’étend, d’autres sources sont exploitées, les fontaines publiques et privées se multiplient, des citernes sont mises en place. D’importants travaux sont ainsi effectués en 1745 par l’ingénieur dieppois Le Cloustier, complétés en 1780 et 1793. En 1854 et 1881 un nouveau réseau est établi : aménagement des sources de SaintLaurent-de-Brévedent, station du Câtillon regroupant les eaux captées, usine-relais aux Hallattes disposant de deux machines élévatoires... Enfin trois châteaux d’eau sont bâtis entre 1919 et 1939, avant la destruction du Havre lors de la Seconde Guerre mondiale. Dès le 16e siècle, la ville d’Harfleur bénéficie elle-aussi d’une distribution d’eau ; si un aqueduc est finalement édifié en 1546 par Michel et Pierre Vigor, les sources d’archives attestent de contacts entre les échevins et Pierre Toustain. L’aménagement d’un réseau à l’échelle de la ville ne sera effectif que bien plus tard, en 1909, avec notamment l’édification de pompes-fontaines et de bornes-fontaines (15 en 1911). Après l’incendie de Bolbec en 1765, l’adduction d’eau est réalisée par le biais d’une canalisation en terre cuite reliant le vivier de Fontaine à une fontaine publique. En 1794 fonctionne un nouveau réseau dû à l’ingénieur havrais Fréminville, avec château-d’eau, conduite en bois de hêtre, trois fontaines publiques, quatre “regards”, des cuvettes en plomb et des robinets en cuivre. En 1886-1887 la distribution d’eau est renouvelée : canalisations, pompes élévatrices à vapeur et trois réservoirs fournissent en eau les fontaines monumentales, douze bornes-fontaines et soixante-cinq bouches d’arrosage. Le Havre. Fontaine de l’ancienne place des Pilotes, érigée en 1684, avec une statue de Louis XIV, et les représentations des Vertus. Dessin de Dolimar, dans Lemale, Le Havre Autrefois, 1883. Le Havre. L’une des fontaines autrefois situées rue Masurier, élevées en 1780 à l’initiative de J. B. Oursel, subdélégué de l’intendant, lorsqu’il fait édifier son hôtel particulier et remplacée par une borne-fontaine au 19e siècle. Harfleur en 1857, quai de la douane, dessin par Benoist, lithographie par Cicéri et Benoist, dans La Normandie illustrée. Station de captage de la ville du Havre ; station des Grandes Sources à Saint-Laurent-de-Brevedent : bassin d’arrivée. Bolbec. Borne-fontaine mise en place en 1885 par la compagnie parisienne Dubuc, chargée de moderniser le réseau urbain des eaux. Vernon, borne-fontaine rue de la Marne. Le Livre des Fontaines, 1524-1525, par Jacques Le Lieur, publié par Victor Sanson en 1911. (Bibliothèque Municipale de Rouen). 12. L’eau potable à Rouen Quelques éléments de l’alimentation en eau de la ville avant le 15e siècle sont connus : vestiges archéologiques d’une majestueuse et rare fontaine publique Gallo-romaine, mentions dès 1257 d’un aqueduc depuis la source Gaalor, d’une source Saint-Nicaise citée au 13e siècle, d’un aqueduc par tant de la source Notre-Dame, utilisé au 14e siècle comme égout souterrain, et de sept fontaines au 15e siècle. La distribution de l’eau potable à Rouen s’intensifie sensiblement à la Renaissance sous l’impulsion du Cardinal Georges d’Amboise, et sous la conduite du fameux maître-d’œuvre Rouland Leroux. Rouen devient l’une des villes du royaume les mieux pourvues dans ce domaine, et se couvre d’un réseau de superbes fontaines dont certaines reflètent très tôt l’influence italienne. Trois sources approvisionnent plus de vingt-cinq fontaines soigneusement ornées, les conduites souterraines sont mieux dimensionnées et désormais pourvues de “regards”... L’adduction d’eau en 1525 est connue grâce à un document technique exceptionnel offert à la Ville par le Conseiller Jacques Le Lieur : le Livre des fontaines nous révèle l’histoire de la captation des trois principales sources (Gaalor, Darnétal et Yonville), la représentation détaillée des trois aqueducs au sein de la cité, de leurs fontaines, leurs cuves de décantation, leurs évents, leurs branchements... Jusqu’au milieu du 19e siècle, le réseau est modernisé et repris ; tuyaux en plomb, création et utilisation de ventouses destinées à évacuer l’air des canalisations (18e siècle), réfection de certaines fontaines. En 1860 Rouen compte 118 fontaines, dont plus de la moitié sont privées. De profondes modifications vont alors, jusqu’à la fin du siècle, transformer l’ensemble du réseau pour en faire un outil de distribution moderne et cohérent, de grande ampleur, tourné vers une diffusion individuelle de l’eau. Les ressources en eau sont augmentées et regroupées, distribuées par des conduites en fonte (1864), de nouveaux réservoirs sont mis en place. En 1871-73 un aqueduc gravitaire achemine les eaux du Robec captées à Fontaine-sous-Préaux et dessert quatre réservoirs (1872-1884). En 1881, deux pompes élévatrices à vapeur de marque Windsor sont installées dans l’usine des eaux de la Jatte. Aujourd’hui, l’électricité a remplacé les machines à vapeur, et une station de filtration améliore la qualité des eaux. L’aménagement de fontaines publiques ne répond plus aux besoins de la vie quotidienne, mais participe à l’embellissement de la ville, et chaque logement dispose désormais de l’eau courante. La fontaine de l’archevêché (détruite) était destinée à l’ornement du jardin du palais épiscopal. Elle illustre par sa structure en vasques superposées l’influence italienne introduite à Gaillon par Georges d’Amboise. Pierre Toustain participe à son édification. La fontaine Sainte-Croix (détruite, rue des Boucheries Saint Ouen) est conçue selon un modèle gothique, à l’image des fontaines Massacre et de la Croix de Pierre. Fontaine à lanternon dite de la “Pucelle”, édifiée vers 1530. Lithographie de T. de Jolimont, dans Monumens de la Normandie, 1822. Fontaine de la Croix de Pierre (1500), dessin par Villeneuve, 1824, lithographie par G. Engelmann, dans Taylor et Nodier, Voyages pittoresques et romantiques de l’ancienne France. Cette fontaine gothique, timbrée aux armes de France, de Normandie et de Rouen, a été reconstruite en 1870. Réservoir souterrain de la fontaine Sainte Marie achevée en 1874, d’une contenance de 6000 m3. Usine des eaux de la Jatte à Rouen, machines à vapeur (pompes élévatrices), 1881, de marque Windsor, qui permettaient de conduire et d’élever l’eau de la source de Forges-les-Eaux jusqu’aux sept réservoirs situés sur les hauteurs de Rouen.