anthologie de la poesie francaise du xvième au xxème siècle

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anthologie de la poesie francaise du xvième au xxème siècle
Benjamin
Rouaud
1ES2
ANTHOLOGIE DE LA POESIE FRANCAISE
DU XVIÈME AU XXÈME SIÈCLE
PRÉFACE
Georges Pompidou définit la poésie dans ses effets : « Lorsqu’un poème, ou
simplement un vers provoque chez le lecteur une sorte de choc, le tire hors de luimême, le jetant dans le rêve, ou au contraire le contraint à descendre en lui plus
profondément jusqu’à le confronter avec l’être et le destin à ces signes ont reconnaît
la réussite poétique ».
Je n’ai pas chercher à ressasser des poèmes connus et reconnus mais à en
trouver « des originaux » qui m’ont ému, qui m’on rappelait des périodes de mon
existence aussi bien dans le bonheur que dans des moment douloureux, j’ai aussi
cherché à montrer tous les styles de poésie avec évidemment les alexandrins, les
quatrains en contrerime avec Paul Jean Toulet, la prose avec Bertrand Aloysius ou
encor du théâtre organisé en vers… J’ai par conséquent cherché des petits poèmes
qui n’expriment forcément moins d’idées mais qui sont pour la plupart plus travaillés,
plus raffinés même s’il laisse généralement libre court à une grande émotion ou
ferveur.
L’abécédaire est aussi un exemple de ce j’ai cherché à montrer dans ses
poèmes sans renommés j’ai cherché à l’ouvrir autant que possible à de petits poètes
qui ne sont d’ailleurs pas que des poètes, mais aussi dramaturge, écrivain, critique…
Le poète est une fabrique d’images
Pierre Reverdy (1889-1960)
Un bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles
Malherbe (1555-1628)
Les poètes sont des hommes qui refusent d’utiliser le langage
Sartre (1905-1980)
Le poème dit une chose et en signifie une autre
M. Riffaterre (1924-2006)
LES COURANTS, LES POÈTES
ET LES POÈMES
XVIème siècle :
Deux courants sont particulièrement présents au XVIème siècle l’humanisme et
la Pléiade.
Même si l’humanisme est surtout laissé aux écrivains Louise LABE en est
quand même une adepte. Il consiste a placé l’être humain et les valeurs humaines
au centre de la pensée.
La pléiade est ici représenté par Du BELLAY et RONSARD, c’est un genre qui
tient a imiter les anciens au service de la langue neuve avec pour thèmes ; l’amour,
la mort, la fuite du temps et la nature. Ils imposent dans ce mouvement l’alexandrin,
l’ode et le sonnet.
Les poètes du XVIème siècle :
Louise LABE (1525-1566) :
- « Les sonnets »
- « Elégies »
Joachim Du BELLAY (1522-1560) :
- « L’olive »
- « Les louanges d’Anjou »
- « La complainte du désespéré »
- « Les antiquités de Rome »
- « Les regrets»
Clément MAROT (1496-1544) :
- « Oeuvres poétiques »
- « L’adolescence clémentine »
Pierre de RONSARD (1524-1585) :
- « Les amours »
- « Odes»
- « Les amours de Marie »
- « Les amours de Cassandre »
- « Elégies contre les bûcherons de la forêt de Gâtine »
Agrippa d’Aubigné (1552-1630) :
- « Les tragiques »
- « L’hiver »
Joachim Du Bellay (1522-1560), Les
Regrets (1558), sonnet XII
Vu le soin ménager dont travaillé je suis,
Vu l'importun souci qui sans fin me
tourmente,
Et vu tant de regrets desquels je me
lamente,
Tu t'ébahis souvent comment chanter je
puis.
Je ne chante, Magny, je pleure mes ennuis,
Ou, pour le dire mieux, en pleurant je les
chante;
Si bien qu'en les chantant, souvent je les
enchante :
Voilà pourquoi, Magny, je chante jours et
nuits.
Ainsi chante l'ouvrier en faisant son
ouvrage,
Ainsi le laboureur faisant son labourage,
Ainsi le pèlerin regrettant sa maison,
Ainsi l'aventurier en songeant à sa dame,
Ainsi le marinier en tirant à la rame,
Ainsi le prisonnier maudissant sa prison.
Louise Labé (v. 1524-1566), Sonnets,
VIII
Je vis, je meurs : je me brûle et me noie,
J’ai chaud extrême en endurant froidure ;
La vie m’est et trop molle et trop dure,
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout en un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure,
Mon bien s’en va, et à jamais il dure,
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être en haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Clément Marot (1496-1544),
« L’Adolescence clémentine » « L’Épître
des jartières blanches »
De mes couleurs, ma nouvelle Alliée,
Estre ne peult vostre jambe liée,
Car couleurs n’ay, et n’en porteray mye,
Jusques à tant, que j’auray une Amye,
Qui me taindra le seul blanc, que je porte,
En ses couleurs de quelcque belle sorte.
Pleust or à Dieu, pour mes douleurs
estaindre,
Que vous eussiez vouloir de les me taindre :
C’est qu’il vous pleust pour Amy me choisir
D’aussi bon cueur, que j’en ay bon desir :
Que dy je Amy ? Mais pour humble servant,
Quoy que ne soye ung tel bien desservant.
Mais quoy ? au fort, par loyaulment servir
Je tascheroye à bien le desservir.
Brief, pour le moins, tout le temps de ma vie
D’une autre aymer ne me prendroit envie.
Et par ainsi quand ferme je seroys,
Pour prendre noir, le blanc je laisseroys :
Car fermeté c’est le noir par droicture,
Pource que perdre il ne peult sa taincture.
Or porteray le blanc, ce temps pendant
Bonne fortune en amours attendant.
Si elle vient, elle sera receue
Par loyaulté dedans mon cueur conceue :
S’elle ne vient, de ma voulenté franche,
Je porteray tousjours livrée blanche.
C’est celle là, que j’ayme le plus fort
Pour le present : vous advisant au fort,
Si j’ayme bien les blanches ceinturettes,
J’ayme encor mieulx Dames, qui sont
brunettes.
Ronsard (1524-1585)Sonnets pour Hélène
(1578), II, 24 : « Quand vous serez bien
vieille... »
Quand vous serez bien vieille, au soir à la
chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous
émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais
belle. »
Lors vous n'aurez servante oyant telle
nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendrai mon
repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Théodore Agrippa d'Aubigné, "Les
Tragiques", "Les Misères" (Livre I)
Je veux peindre la France une mère affligée,
Qui est entre ses bras de deux enfants
chargée.
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux
bouts
Des tétins nourriciers, puis à force de
coups,
D'ongles, de poings, de pieds il brise le
partage
Dont nature donnoit à son besson l'usage ;
Ce voleur acharné, cet Esau malheureux
Faict degast du doux laict qui doit nourrir
les deux,
Si que, pour arracher à son frère la vie,
Il mesprise la sienne et n'en a plus d'envie.
Mais son Jacob, pressé d'avoir jeusné
meshui,
Ayant dompté longtemps en son coeur son
ennui,
A la fin se défend, et sa juste colère,
Rend à l'autre un combat dont le champ est
la mère.
Ni les souspirs ardents, les pitoyables cris,
Ni les pleurs réchauffez ne calment leurs
esprits ;
Mais leur rage les guide et leur poison les
trouble,
Si bien que leur courroux par leurs coups se
redouble.
Leur conflicts se r'allume, et fait si furieux,
Que d'un gauche malheur ils se crèvent les
yeux.
Cette femme esploree, en sa douleur plus
forte,
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte
;
Elle void les mutins tous deschirez, sanglans,
Qui, ainsi que du coeur, des mains se vont
cerchans.
Quand, pressant à son sein d'un' amour
maternelle,
Celui qui a le droit et la juste querelle,
Elle veut le sauver, l'autre qui n'est pas las
Viole en poursuivant l'asile de ses bras.
Adonc se perd le laict, le suc de sa poictrine
;
Puis, aux derniers abois de sa proche ruine,
Elle dit, "Vous avez, felons, ensanglanté,
Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ;
Or vivez de venin, sanglante géniture,
Je n'ai plus que du sang pour vostre
nourriture."
XVIIème siècle:
On retrouve encore deux importants courants au XVIIème siècle le baroque et le
classicisme.
Le baroque situé à la frontière du 16e et du 17e siècle cherche à renouveler la vision
de la réalité en mettant en scène les métamorphoses du monde et les illusions de l'âme
humaine. Il s’oppose à l’humanisme en particulier pendant les guerres de religions, C’est une
conception pessimiste de la vie humaine. On y retrouvera beaucoup d’émotions, de passions
ainsi qu’un mélange des genres et des classes sociales.
Le classicisme est la recherche de l'équilibre et de la mesure dans la représentation
de l'être humain ; il se préoccupe de définir son idéal esthétique à travers des règles
d'écritures. Très présent dans les cours des rois, il ne doit représenter que des choses
« vrais », pas de folie, pas de passion ni de démesure. Ce genre se doit de respecter les
anciens et est par ailleurs dans la poésie uniquement écrit sous la forme d’alexandrins.
Les auteurs du
XVIIème siècle:
Vincent VOITURE (1597-1648) :
- « La Belle Matineuse »
- « Épître à Monseigneur le Prince sur son retour
d'Allemagne »
Jean de la Fontaine (1621-1695) :
- « Recueil de poésies chrétiennes et diverses »
- « Ouvrages de prose et de poésie »
- nombreuses fables
Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711) :
- « Les épîtres »
- « Le lutrin »
- « A M. Racine, épître »
- « A mon jardinier, épître »
François MAYNARD (1582-1646) :
- « Le Philandre »
- « La belle vieille »
- « Mon âme, il faut partir »
François de MALHERBE (1555-1628) :
- « Madrigal »
- « Mes yeux »
- « Les larmes de St Pierre »
- « Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de ses
promesses »
Jean de la FONTAINE, « Aux Augustins,
sans alarmer la ville »
Aux Augustins, sans alarmer la ville,
On fut hier soir; mais le cas n'alla bien
L'huissier, voyant de cailloux une pile,
Crut qu'ils n'étaient mis là pour aucun bien.
Très sage fut; car, avec doux maintien,
Il dit : « Ouvrez; faut-il tant vous requerre?
Qu'est-ce ceci? Sommes-nous à la guerre?
Messieurs sont seuls, ouvrez et croyez-moi.
- Messieurs, dit l'autre, en ce lieu n'ont que
querre.
Les Augustins sont serviteurs du Roi.
Dea, répond l'un de Messieurs fort habile,
Conseiller clerc, et surtout bon chrétien,
Vous êtes troupe en ce monde inutile,
Le tronc vous perd depuis ne sais combien;
Vous vous battez, faisant un bruit de chien.
D'où vient cela? Parlez, qu'on ne vous serre.
Car, que soyez de Paris ou d'Auxerre,
Il faut subir cette commune loi;
Et, n'en déplaise aux suppôts de saint Pierre,
Les Augustins sont serviteurs du Roi. »
Lors un d'entre eux (que ce soit Pierre ou Gille,
Il ne m'en chaut, car le nom n'y fait rien)
« Vraiment, dit-il, voilà bel évangile!
C'est bien à vous de régler notre bien.
Que le tronc serve à l'autel de soutien,
Ou qu'on le vide afin d'emplir le verre,
Le Parlement n'a droit de s'en enquerre;
Et je maintiens comme ai ticle de foi
Qu'en débridant matines à grand'erre
Les Augustins sont serviteurs du Roi. »
ENVOI
Sage héros, ainsi dit frère Pierre.
La cour lui taille un beau pourpoint de pierre;
Et dedans peu me semble que je voi
Que, sur la mer ainsi que sur la terre,
Les Augustins sont serviteurs du Roi.
Vincent VOITURE, « La belle matineuse »
Des portes du matin l'Amante de Céphale
Ses roses épandait dans le milieu des airs
Et jetait sur les Cieux nouvellement ouverts
Ses traits d'or et d'azur qu'en naissant elle
étale
Quand la nymphe divine à mon repos fatale
Apparut, et brilla de tant d'attraits divers
Qu'il semblait qu'elle seule éclairait l'univers
Et remplissait de feux la rive orientale.
Le Soleil se hâtant pour la gloire des Cieux,
Vint opposer sa flammze à l'éclat de ses yeux
Et prit tous les rayons dont l'Olympe se dore.
L'onde, la terre, et l'air s'allumaient à
l'entour.
Mais auprès de Philis on le prit pour l'Aurore
Et l'on crut que Philis était l'astre du jour.
Francois de MALHERBE, « Au roi », sonnet
Qu'avec une valeur à nulle autre seconde,
Et qui seule est fatale à notre guérison,
Votre courage mûr en sa verte saison
Nous ait acquis la paix sur la terre et sur
l'onde :
Que l'hydre de la France en révoltes féconde,
Par vous soit du tout morte, ou n'ait plus de
poison,
Certes, c'est un bonheur dont la juste raison
Promet à votre front la couronne du monde.
Mais qu'en de si beaux faits vous m'ayez pour
témoin,
Connaissez-le mon roi, c'est le comble du soin
Que de vous obliger ont eu les destinées.
Tous vous savent louer, mais non également :
Les ouvrages communs vivent quelques années :
Ce que Malherbe écrit dure éternellement.
Nicolas BOILEAU, « Air »
Voici les lieux charmants où mon âme ravie
Passait à contempler Silvie
Les tranquilles moments si doucement perdus.
Que je l'aimais alors ! Que je la trouvais belle !
Mon coeur, vous soupirez au nom de l'Infidèle :
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ?
Comme un homme vulgaire est dans la sépulture
A la merci des vers !
C'est ici que souvent, errant dans les prairies,
Ma main, des fleurs les plus chéries
Lui faisait des présents si tendrement reçus.
Que je l'aimais alors ! Que je la trouvais belle !
Mon coeur, vous soupirez au nom de l'infidèle :
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus ?
Belle âme, beau patron des célestes ouvrages,
Qui fus de mon espoir l'infaillible recours,
Quelle nuit fut pareille aux funestes ombrages
Où tu laisses mes jours !
Francois MAYNARD, « Mon âme, il faut
partir… »
Mon âme, il faut partir. Ma vigueur est passée,
Mon dernier jour est dessus l'horizon.
Tu crains ta liberté. Quoi ! n'es-tu pas lassée
D'avoir souffert soixante ans de prison ?
Tes désordres sont grands ; tes vertus sont
petites ;
Parmi tes maux on trouve peu de bien ;
Mais si le bon Jésus te donne ses mérites,
Espère tout et n'appréhende rien.
Mon âme, repens-toi d'avoir aimé le monde,
Et de mes yeux fais la source d'une onde
Qui touche de pitié le monarque des rois.
Que tu serais courageuse et ravie
Si j'avais soupiré, durant toute ma vie,
Dans le désert, sous l'ombre de la Croix !
François de MALHERBE, « Vers funèbres
sur la mort de Henri le Grand »
Enfin l'ire du ciel et sa fatale envie,
Dont j'avais repoussé tant d'injustes efforts,
Ont détruit ma fortune, et, sans m'ôter la vie,
M'ont mis entre les morts.
Henri, ce grand Henri, que les soins de nature
Avaient fait un miracle aux yeux de l'univers
C'est bien à tout le monde une commune plaie,
Et le malheur que j'ai, chacun l'estime sien ;
Mais en quel autre coeur est la douleur si vraie
Comme elle est dans le mien ?...
Agrippa D’Aubigné, « L’hiver »
Mes volages humeurs, plus stériles que belles,
S'en vont, et je leur dis : " Vous sentez,
hirondelles,
S'éloigner la chaleur et le froid arriver.
Allez nicher ailleurs pour ne fâcher, impures,
Ma couche de babil et ma table d'ordures ;
Laissez dormir en paix la nuit de mon hiver.
(…)
Voici moins de plaisirs, mais voici moins de
peines !
Le rossignol se tait, se taisent les sirènes ;
Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les
fleurs
L'espérance n'est plus bien souvent
tromperesse,
L'hiver jouit de tout : bienheureuse vieillesse,
La saison de l'usage et non plus des labeurs.
Mais la mort n'est pas loin ; cette mort est
suivie
D'un vivre sans mourir, fin d'une fausse vie
Vie de notre vie et mort de notre mort.
Qui hait la sûreté pour aimer le naufrage ?
Qui a jamais été si friand du voyage
Que la longueur en soit plus douce que le port ?
XVIIIème siècle :
On ne retrouve étonnement dans le XVIIIème siècle qu’un seul mouvement ; le
mouvement des lumières il est née dans les salons intellectuels,et il s'appui sur les
découvertes scientifiques pour développer l'esprit critique et lutter contre toutes les formes de
préjugés « raison, tolérance, humanité ».
Si la forme versifiée est utilisée avec habileté par Voltaire elle ne se libère pas des
influences du classicisme et l’histoire littéraire on ne retiendra que quelques noms comme
ceux de Jacques Delille (1738-1813 ou Évariste Parny (1753-1814) qui préparent
modestement le romantisme en cultivant une certaine sensibilité à la nature et au temps qui
passe. Gilbert et Clinchamp ont laissé une image de poètes maudits, mais c’est
essentiellement André Chénier (1762-1794) qui réussit une poésie. On mentionnera aussi
Fabre d'Églantine pour ses chansons (Il pleut bergère) et sa participation « poétique » au
calendrier révolutionnaire.
Les auteurs du XVIIIème siècle :
Voltaire (1694-1778) :
-
« A Madame du Châtelet »
« A Madame Lullin »
« Les satyres »
Jacques Delille (1738-1813) :
-
« Les jardins»
« Les géorgiques »
« L’Énéide »
André Chénier (1762-1794) :
-
« Bucoliques »
« Elégies »
« Odes »
Voltaire, Les satyres, « La crépinade »
« Le diable un jour, se trouvant de loisir,
Dit: « Je voudrais former à mon plaisir
Quelque animal dont l’âme et la figure
Fût à tel point au rebours de nature,
Qu’en le voyant l’esprit le plus bouché
Y reconnût mon portrait tout craché. »
Il dit, et prend une argile ensoufrée,
Des eaux du Styx imbue et pénétrée;
Il en modèle un chef-d’oeuvre naissant,
Pétrit son homme, et rit en pétrissant.
D’abord il met sur une tête immonde
Certain poil roux que l’on sent à la ronde;
Ce crin de juif orne un cuir bourgeonné,
Un front d’airain, vrai casque de damné;
Un sourcil blanc cache un oeil sombre et
louche;
Sous un nez large il tord sa laide bouche.
Satan lui donne un ris sardonien
Qui fait frémir les pauvres gens de bien,
Cou de travers, omoplate en arcade,
Un dos cintré propre à la bastonnade;
Puis il lui souffle un esprit imposteur,
Traître et rampant, satirique et flatteur.
André Chénier, Bucoliques, «La jeune
Charentine »
Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons,
pleurez.
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine.
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine.
Là l'hymen, les chansons, les flûtes,
lentement,
Devaient la reconduire au seuil de son amant.
Une clef vigilante a pour cette journée
Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée
Et l'or dont au festin ses bras seraient parés
Et pour ses blonds cheveux les parfums
préparés.
Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les
Rien n’épargnait: il vous remplit la bête
De fiel au coeur, et de vent dans la tête.
Quand tout fut fait, Satan considéra
Ce beau garçon, le baisa, l’admira;
Endoctrina, gouverna son ouaille;
Puis dit à tous: « Il est temps qu’il rimaille.
Aussitôt fait, l’animal rimailla,
Monta sa vielle, et Rabelais pilla;
Il griffonna des Ceintures magiques,
Des Adonis, des Aïeux chimériques;
Dans les cafés il fit le bel esprit;
Il nous chanta Sodome et Jésus-Christ;
Il fut sifflé, battu pour son mérite,
Puis fut errant, puis se fit hypocrite;
Et, pour finir, à son père il alla.
Qu’il y demeure. Or je veux sur cela
Donner au diable un conseil salutaire:
« Monsieur Satan, lorsque vous voudrez faire
Quelque bon tour au chétif genre humain,
Prenez-vous-y par un autre chemin.
Ce n’est le tout d’envoyer son semblable
Pour nous tenter: Crépin, votre féal,
Vous servant trop, vous a servi fort mal:
Pour nous damner, rendez le vice aimable. »
voiles
L'enveloppe. Étonnée, et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des
flots.
Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine.
Son beau corps a roulé sous la vague marine.
Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un
rocher
Aux monstres dévorants eut soin de la
cacher.
Par ses ordres bientôt les belles Néréides
L'élèvent au-dessus des demeures humides,
Le portent au rivage, et dans ce monument
L'ont, au cap du Zéphir, déposé mollement.
Puis de loin à grands cris appelant leurs
compagnes,
Et les Nymphes des bois, des sources, des
montagnes,
Toutes frappant leur sein et traînant un long
deuil,
Répétèrent : « hélas ! » autour de son
cercueil.
Hélas ! chez ton amant tu n'es point ramenée.
Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée.
L'or autour de tes bras n'a point serré de
nœuds.
Les doux parfums n'ont point coulé sur tes
cheveux.
Jean-Baptiste Caouette, « Renouveau »
A M. Benjamin Sulte
Le doux printemps vient de paraître
Sous son manteau de velours vert,
Et déjà l'on voit disparaître
Tous les vestiges de l'hiver.
Son oeil à l'éclat de la braise:
A la chaleur de ses rayons
Naissent lilas, fleur, rose et fraise.
Abeilles d'or et papillons.
Les arbres engourdis naguère
Semblent dresser plus haut le front,
Car la nature, en bonne mère,
Verse la sève dans leur tronc.
Au plus épais de la ramure
Les oiseaux préparent leurs nids,
Sans s'occuper si la pâture
Ou le lin leur seront fournis.
Du sol jaillit plus d'une source
Que la froidure emprisonnait;
Et le ruisseau reprend sa course
A travers clos et jardinet.
Sur le bord de maintes rivières
L'on voit le castor vigilant
Transporter le bois et les pierres
Pour bâtir son gîte étonnant.
La brise, sylphide légère,
Fait la cour à toutes les fleurs,
Puis vole embaumer l'atmosphère
Des plus enivrantes senteurs.
De la cime de nos montagnes
Se précipite le torrent
Qui fertilise nos campagnes
Avec les eaux du Saint-Laurent.
A nos fenêtres, l'hirondelle
S'annonce par des cris joyeux;
Elle revient à tire-d'aile
Charmer les jeunes et les vieux.
Au palais comme à la chaumière,
La porte s'ouvre à deux battants:
Riche et pauvres ont soif de lumière
D'air pur, de parfums odorants.
Parfois l'on quitte sa demeure
Pour aller prendre un gai repas
Sur la pelouse où toute à l'heure,
Bébé fera ses premiers pas.
Plus loin les colons sur leur terre
Travaillent courageusement
A l'oeuvre utile et salutaire
Qu'on nomme le défrichement.
Les uns creusent, les autres sèment
Ou bien coupent les arbres morts;
Ces braves bûchent, chantent, s'aiment
Et dorment la nuit sans remords!
La fillette en robe de bure
Chante et cultive tout le jour;
Le soir venu, sa lèvre pure
Dira peut-être un mot d'amour!...
Oui, l'homme, les oiseaux, les plantes
Et l'onde aux bruits mystérieux
Mêlent leurs voix reconnaissantes
Pour célébrer le Roi des cieux.
Car tout ce qui vit et respire,
Tout ce qui chante, pleure ou croit,
Reconnaît qu'il est sous l'empire
D'un esprit souverain et droit!
Printemps, réveil de la nature,
Oh! sois le bienvenu toujours!
Quand tu parais, la créature
Espère encore des beaux jours!
C'est toi qui donnes à la plaine
Son riche et moelleux vêtement;
C'est toi qui fais germer la graine
D'où sortira notre aliment!
C'est toi qui rends au pulmonaire
La force et souvent la santé;
C'est toi que l'Indien vénère
En recouvrant la liberté!
O printemps, messager Celeste,
Admirable consolateur
Ton éclat seul manifeste
La puissance du Créateur!
Claude Joseh Dorat, les baisers,
« L'étincelle »
Donne-moi, ma belle maîtresse,
Donne-moi, disois-je, un baiser,
Doux, amoureux, plein de tendresse...
Tu n' osas me le refuser :
Mais que mon bonheur fut rapide !
Ta bouche à peine, souviens-t-en,
Eut effleuré ma bouche avide,
Elle s' en détache à l' instant.
Ainsi s' exhale une étincelle.
Oui, plus que Tantale agité,
Je vois, comme une onde infidèle,
Fuir le bien qui m' est présenté.
Ton baiser m' échappe, cruelle !
Le désir seul m' en est resté.
Jacques Delille, « Les géorgiques »
LIVRE 1
Je chante les moissons: je dirai sous quel
signe
Il faut ouvrir la terre et marier la vigne;
Les soins industrieux que l'on doit aux
troupeaux;
Et l'abeille économe, et ses sages travaux.
Astres qui, poursuivant votre course
ordonnée,
Conduisez dans les cieux la marche de
l'année;
Protecteur des raisins, déesse des moissons,
Si l'homme encor sauvage, instruit par vos
leçons,
Quitta le gland des bois pour les gerbes
fécondes,
Et d'un nectar vermeil rougit les froides
ondes;
Divinités des prés, des champs et des forêts,
Faunes aux pieds légers, vous, nymphes des
guérets,
Faunes, nymphes, venez; c'est pour vous que
je chante.
Et toi, dieu du trident, qui de ta main
puissante
De la terre frappas le sein obéissant,
Et soudain fis bondir un coursier frémissant;
Pallas, dont l'olivier enrichit nos rivages;
Vous, jeune dieu de Cée, ami des verts
bocages,
Pour qui trois cents taureaux, éclatans de
blancheur,
Paissent l'herbe nouvelle et l'aubépine en
fleur;
Pan, qui, sur le Lycée ou le riant Ménale,
Animes sous tes doigts la flûte pastorale;
Vieillard, qui dans ta main tiens un jeune
cyprès;
Enfant, qui le premier sillonnas les guérets;
Vous tous, dieux bienfaisans, déesses
protectrices,
Qui de nos fruits heureux nourrissez les
prémices,
XIXème siècle:
Le romantisme nourrit toute la première moitié du XIXe siècle et pour la poésie plus
précisément les années 1820- 1850 . Ce mouvement esthétique européen fait une place toute
particulière au lyrisme et à l’effusion du moi avec un goût marqué pour la mélancolie : les
poètes vont donc exprimer leur mal de vivre et leurs souffrances affectives en méditant sur la
mort, sur Dieu, sur l’amour et la fuite du temps, sur la nature et sur la gloire, et au delà de ces
thèmes lyriques traditionnels sur la fonction du poète (Hugo) et sur une perception plus
originale du fantastique avec Nerval.
Au delà des thèmes pas toujours novateurs, les poètes romantiques revendiqueront un
assouplissement de l’expression versifiée à la recherche d’une plus grande musicalité et de
quelques audaces dans les mots et dans les images, chez Victor Hugo en particulier.
Cette recherche de nouveauté se concrétisera aussi par l'« invention » du poème en prose par
Aloysius Bertrand qui nous fait entrer dans un monde onirique, et qui initie une forme que
reprendront plus tard Baudelaire et Rimbaud.
Poésie de la sensibilité et d’une certaine musicalité, la poésie romantique se plaît dans
des poèmes plutôt longs que la génération suivante trouvera pesante, oratoire, bavarde et
convenue (Rimbaud parlera de « la forme vieille »), avec des exceptions notoires comme
Nerval (1808-1855) et son recueil des Chimères (1854) ; certains poèmes de cette période
constituent cependant des pièces de référence qui touchent encore le lecteur d’aujourd’hui.
Les poètes du XIXème siècle:
Alphonse de Lamartine (1790-1869) :
-
« Méditation poétiques »
« Harmonies poétiques et religieuses »
Alfred de Vigny (1797-1863) :
-
« Moïse »
« Les destinées »
Victor Hugo (1802-1885) :
-
« Les feuilles d’automne »
« Les chants du crépuscule »
« Les rayons et les ombres »
« Les châtiments »
« Les Contemplations »
« La légende des siècles »
Gérard de Nerval (1808-1855) :
-
« Les chimères »
« Odelettes »
Alfred de Musset (1810-1857) :
-
« A quoi rêvent les jeunes filles »
« La nuit d’octobre »
« Derniers vers, l’hure de ma mort »
Charles Baudelaire (1821-1867) :
-
« Les fleurs du mal »
Bertrand, Aloysius (1807-1841)
-
« Gaspard de la nuit »
Paul Verlaine (1844-1896) :
-
« Poèmes saturniens »
« Les fêtes galantes »
« La bonne chanson »
« Sagesse »
« Bonheur »
Arthur Rimbaud (1854-1891) :
-
« Orphélie »
« Le bateau ivre »
« O saisons, ô chateaux »
Alphonse de Lamartine, Méditations
poétiques, « L’automne »
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu
? ...
La fleur tombe en livrant ses parfums au
zéphire ;
Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la
nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des
bois !
Oui, dans ces jours d'automne où la nature
expire,
A ses regards voilés, je trouve plus
d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier
sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais!
Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard
d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon
tombeau ;
L'air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d'un mourant le soleil est si
beau !
Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?
Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu
?
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle
expire,
S'exhale comme un son triste et mélodieux.
Philippe Fabre d'Eglantine, « Il pleut
bergère »
Il pleut, il pleut bergère
Presse tes blancs moutons
Allons sous ma chaumière
Bergère vite allons
J'entends sous le feuillage
L'eau qui tombe à grand bruit
Voici, venir l'orage,
voici l'éclair qui luit
Entends tu le tonnerre ?
Il roule en approchant
Prends un abri bergère,
à ma droite en marchant
Je vois notre cabane
Et tiens voici venir
Ma mère et ma soeur Anne
qui vont l'étable ouvrir
Bonsoir, bonsoir ma mère
Ma soeur Anne bonsoir
J'amène ma bergère
Près de nous pour ce soir
Va te sécher, ma mie
Auprès de nos tisons
Soeur, fais lui compagnie
Entrez petits moutons
Soignons bien, oh ma mère,
Son tant joli troupeau
Donnez plus de litière
A son petit agneau
C'est fait allons près d'elle
Eh bien donc te voilà
En corset qu'elle est belle
Ma mère voyez la
Soupons, prends cette chaise
Tu seras près de moi
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi
Goûte de ce laitage
Mais tu ne manges pas ?
Tu te sens de l'orage,
Il a lassé tes pas
Eh bien voilà ta couche,
Dors-y bien jusqu'au jour,
Laisse moi sur ta bouche
Prendre un baiser d'amour
Ne rougis pas bergère,
Ma mère et moi demain,
Nous irons chez ton père
Lui demander ta main
Victor Hugo, extrait de « Ce siècle avait
deux ans ».
Si parfois de mon sein s'envolent mes
pensées,
Mes chansons par le monde en lambeaux
dispersées ;
S'il me plaît de cacher l'amour et la douleur
Dans le coin d'un roman ironique et railleur ;
Si j'ébranle la scène avec ma fantaisie,
Si j'entre-choque aux yeux d'une foule
choisie
D'autres hommes comme eux, vivant tous à la
fois
De mon souffle et parlant au peuple avec ma
voix ;
Si ma tête, fournaise où mon esprit s'allume,
Jette le vers d'airain qui bouillonne et qui
fume
Dans le rythme profond, moule mystérieux
D'où sort la strophe ouvrant ses ailes dans
les cieux ;
C'est que l'amour, la tombe, et la gloire, et la
vie,
L'onde qui fuit, par l'onde incessamment
suivie,
Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal,
Fait reluire et vibrer mon âme de cristal,
Mon âme aux mille voix, que le Dieu que
j'adore
Mit au centre de tout comme un écho sonore !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal,
« Le guignon »
Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe , il faudrait ton courage !
Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage,
L'Art est long et le Temps est court.
Loin des sépultures célèbres,
Vers un cimetière isolé,
Mon cœur, comme un tambour voilé,
Va battant des marches funèbres.
– Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli,
Bien loin des pioches et des sondes ;
Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dans les solitudes profondes.
Alfred de Musset, « A quoi rêvent les
jeunes filles », Act 1, Scene 1.
((Elle s'assoupit. - On entend par la fenêtre
le bruit d'une
guitare et une voix.))
Ninon! Ninon! que fais-tu de la vie?
L'heure s'enfuit, le jour succède au jour;
Rose ce soir, demain flétrie,
Comment vis-tu, toi qui n'as pas d'amour?
Ninon, s'éveillant.:
[ [ Est-ce un rêve? J'ai cru qu'on chantait
dans la cour?]1
La Voix, au dehors:
Regarde-toi, la jeune fille,
Ton coeur bat et ton oeil pétille,]2
[Aujourd'hui le printemps, Ninon, demain
l'hiver!]3
Quoi! tu n'as pas d'étoile et tu vas sur la
mer,
Au combat sans musique, en voyage sans
livre;
Quoi! tu n'as pas d'amour et tu parles de
vivre!
Moi, pour un peu d'amour je donnerais mes
jours;
Et je tes donnerais pour rien sans les
amours.
Ninon:
[ Je ne me trompe pas; - singulière romance!
Comment ce chanteur-là peut-il savoir mon
nom?
Peut-être sa beauté s'appelle aussi Ninon.]1 2
brute.
Esprit vaincu, fourbu !
Pour toi, vieux maraudeur,
L'amour n'a plus de goût, non plus que la
dispute ;
Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la
flûte ! Plaisirs, ne tentez plus un coeur
sombre et boudeur !
Le Printemps adorable a perdu son odeur !
Et le Temps m'engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps pris de
roideur ; Je contemple d'en haut le globe en
sa rondeur Et je n'y cherche plus l'abri d'une
cahute.
Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute
?
La Voix:
Qu'importe que le jour finisse et
recommence
Quand d'une autre existence le coeur est
animé,
Ouvrez-vous, jeunes fleurs, si la mort vous
enlève,
La vie est un sommeil, l'amour en est le rêve,
Et vous aurez vécu, si vous avez aimé.
Charles Baudelaire , les fleurs du mal,
« Le goût du n
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur,
Ne veut plus t'enfourcher !
Couche-toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle
bute.
Résigne-toi, mon coeur ; dors ton sommeil de
Bertrand, Aloysius, « Gaspar de la nuit »
Ami, te souviens-tu qu'en route pour Cologne,
Un dimanche, à Dijon, au coeur de la Bourgogne,
Nous allions admirant clochers, portraits et tours,
Jean de la Fontaine, les Amours de
Psyché, « Éloge de l'Amour »
Tout l'Univers obéit à l'Amour ;
Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
Les autres dieux à ce dieu font la cour,
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Des jeunes coeurs c'est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
Sans cet Amour, tant d'objets ravissants,
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines,
N'ont point d'appâts qui ne soient
languissants,
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses
peines.
Des jeunes coeurs c'est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n'est rien.
Et les vieilles maisons dans les arrière-cours ?
SAINTE-BEUVE. - Les Consolations.
Gothique donjon
Et flèche gothique,
Dans un ciel d'optique,
Là-bas, c'est Dijon.
Ses joyeuses treilles
N'ont point leurs pareilles;
Ses clochers jadis
Se comptaient par dix.
Là, plus d'une pinte
Est sculptée ou peinte;
Là, plus d'un portail
S'ouvre en éventail.
Dijon, moult te tarde !
Et mon luth camard
Chante ta moutarde
Et ton Jacquemart !
J'aime Dijon comme l'enfant sa nourrice dont il a sucé le lait, comme le poète
la jouvencelle qui a initié son coeur. - Enfance et poésie ! Que l'une est éphémère, et
que l'autre est trompeuse ! L'enfance est un papillon qui se hâte de brûler ses blanches
ailes au flammes de la jeunesse, et la poésie est semblable à l'amandier: ses fleurs sont
parfumées et ses fruits sont amers. J'étais un jour assis à l'écart dans le jardin de l'Arquebuse, ainsi nommé de l'arme qui autrefois y signala si souvent l'adresse des chevaliers du Papeguay.
Immobile sur un banc, on eût peu me comparer à la statue du bastion Bazire. Ce chef-d’oeuvre
du figuriste Sévallée et du peintre Guillot représentait un abbé assis et lisant.
Rien ne manquait à son costume. De loin, on le prenait pour un personnage; de près,
on voyait que c'était un plâtre.
XXème siècle:
La poésie française de ce siècle est à la fois héritière et novatrice dans ses thèmes
comme dans sa forme avec une nette prédilection pour le vers libre, mais elle semble en
déclin ou du moins déplacée dans le domaine plus incertain de la chanson. Mais un nouveau
mouvement est présent le surréalisme. Il est à la recherche de nouveaux moyens d'écriture, il
veut aller au-delà du réel pour libérer les forces du rêve et de l'inconscient.
Paul-Jean Toulet (1867-1920) :
- « Contrerimes »
Paul Claudel (1868-1955) :
- « La cantate à trois voix »
- « Ténèbres »
- « Ballade »
Paul Valéry (1871-1945) :
- « La jeune parque »
- « Album de vers anciens »
- « Charmes »
Guillaume Apollianire (1880-1918) :
- « Alcools »
- « Calligrammes »
- « Poèmes à Lou »
Paul Eluard ( 1895-1952) :
- « Capital de la douleur »
- « L’amour de la poésie
- « Tout dire »
Celle qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés
Guillaume Apollinaire, « Le pont
Mirabeau »
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Paul Eluard, « Comprenne qui voudra »
Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
La malheureuse qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
À la robe déchirée
Au regard d’enfant perdue
Découronnée défigurée
Une fille faite pour un bouquet
Et couverte
Du noir crachat des ténèbres
Une fille galante
Comme une aurore de premier mai
La plus aimable bête
Souillée et qui n’a pas compris
Qu’elle est souillée
Une bête prise au piège
Des amateurs de beauté
Et ma mère la femme
Voudrait bien dorloter
Cette image idéale
De son malheur sur terre
Paul-Jean Toulet, Dixains XII « Puisque
tes jours ne t'ont laissé »
Puisque tes jours ne t’ont laissé
Qu’un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu’on ne tende la couche
Où ton cœur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys qu’y courbe un souffle amer,
et grave ces mot sur le sable :
le rêve de l’homme est semblable
aux illusions de la mer.
Paul Claudel, « ténèbres »
Je suis ici,l'autre est ailleurs , et le silence
est terrible :
nous sommes des malheureux et satan nous
vanne dans son crible,
je souffre,et l'autre souffre,et il n'y a point
de chemin
entre elle et moi,de l'autre a moi point de
parole ni de main.
rien que la nuit qui est commune et
incommuniable,
la nuit où l'on ne fait point d'oeuvre et
l'affreux amour impraticable,
je prête l'oreille,et je suis seul,et la terreur
m'envahit.
j'entends la ressemblance de sa voix et le
son d'un cri.
j'entends un faible vent et mes cheveux se
lèvent sur ma tête.
sauvez-la du danger de la mort et de la
gueule de la bête!
voici de nouveau le goût de la mort entre mes
dents,
la tranchée,l'envie de vomir et le
retournement.
j'ai été seul dans le pressoir,j'ai foulé le
raisin dans mon délire,
cette nuit où je marchais d'un mur à l'autre
en éclatant de rire.
celui qui fait les yeux,sans yeux est-ce qu'il
ne me verra pas?
celui qui a fait les oreilles,est-ce qu'il
m'entendra pas sans oreilles?
je sais que là où le péché abonde,là votre
miséricorde surabonde.
il faut prier,car c'est l'heure du prince du
monde.
paroles.
Il va neiger dans quelques jours. Je me
souviens
de l’an dernier. Je me souviens de mes
tristesses
au coin du feu. Si l’on m’avait demandé :
qu’est-ce ?
j’aurais dit : laissez-moi tranquille. Ce n’est
rien.
Francis Jammes, «Il va neiger »
J’ai bien réfléchi, l’année avant, dans ma
chambre,
pendant que la neige lourde tombait dehors.
J’ai réfléchi pour rien. À présent comme
alors
je fume une pipe en bois avec un bout
d’ambre.
Ma vieille commode en chêne sent toujours
bon.
Mais moi j’étais bête parce que tant de
choses
ne pouvaient pas changer et que c’est une
pose
de vouloir chasser les choses que nous savons.
Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous ?
c’est drôle ;
nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent
pas,
et cependant nous les comprenons, et les pas
d’un ami sont plus doux que de douces
On a baptisé les étoiles sans penser
qu’elles n’avaient pas besoin de nom, et les
nombres,
qui prouvent que les belles comètes dans
l’ombre
passeront, ne les forceront pas à passer.
Et maintenant même, où sont mes vieilles
tristesses
de l’an dernier ? À peine si je m’en souviens.
Je dirais : Laissez-moi tranquille, ce n’est
rien,
si dans ma chambre on venait me demander :
qu’est-ce ?
Paul Valéry, « Les pas »
Tes pas, enfants de mon silence,
Saintement, lentement placés,
Vers le lit de ma vigilance
Procèdent muets et glacés.
Personne pure, ombre divine,
Qu'ils sont doux, tes pas retenus !
Dieux !... tous les dons que je devine
Viennent à moi sur ces pieds nus !
Si, de tes lèvres avancées,
Tu prépares pour l'apaiser,
A l'habitant de mes pensées
La nourriture d'un baiser,
Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur d'être et de n'être pas,
Car j'ai vécu de vous attendre,
Et mon coeur n'était que vos pas
Jules Laforgue, « Je ne suis qu’un viveur
de lumière »
Je ne suis qu'un viveur lunaire
Qui fait des ronds dans les bassins,
Et cela, sans autre dessein
Que devenir un légendaire.
Retroussant d'un air de défi
Mes manches de mandarin pâle,
J'arrondis ma bouche et - j'exhale
Des conseils doux de Crucifix.
Ah ! oui, devenir légendaire,
Au seuil des siècles charlatans !
Mais où sont les Lunes d'antan ?
Et que Dieu n'est-il à refaire ?
Jules Supervielle, gravitation « Alarme »
Le regard de l'astronome
Emeut au fond de la nuit
Sous le feuillage des mondes
Une étoile dans son nid,
Une étoile découverte
Dont on voit passer la tête
Au bout de ce long regard
Ephémère d'un mortel
Et qui se met à chanter
La chanson des noirs espaces
Qui dévorent les lumières
Dans le gouffre solennel.
Fils d'argent, fils de platine,
Emmêlent tant l'infini
Que le rai de la rétine
Y suscite un faible bruit.
Tout ce qui mourut sur terre
Rôde humant de loin la vie,
Interrogeant les ténèbres
Où se développe l'oubli,
Et les aveugles étoiles
Dont l'orbite est dans l'espace
Fixe comme l'espérance
Et comme le désespoir.
Les poissons les violettes,
Les alouettes, les loups,
Gardent leur volonté prête
A redescendre vers nous ;
Des léopards, des pumas
Et des tigres qui se meuvent
Dans leur brousse intérieure
Tournent comme en une cage ;
D'autres bêtes fabuleuses,
L'âme pleine de périls,
Au monde des nébuleuses
Mêlent leurs tremblants désirs.
Sous la houle universelle
Qui le lève et le rabat,
Le zénith pointe et chancelle
Comme le sommet d'un mât ;
L'univers cache la Terre
Dans la force de son cœur
Où cesse toute rumeur
Des angoisses planétaires,
Mais la lune qui s'approche
Pour deviner nos pensées
Dévoilant sables et roches
Attire à soi nos marées.
ABÉCÉDAIRE
DES PETITS AUTEURS DE LA POÉSIE FRANÇAISE
Aubigné (d’) Agrippa (1551-1630)
est un écrivain et poète baroque français protestant. Il fut aussi l’un des favoris d’Henri
IV, du moins jusqu’à la conversion de celui-ci. Il s’est fait connaître avec « les tragiques »
Boileau Nicolas (1636-19711)
dit aussi Boileau-Despréaux, le « législateur du Parnasse », est un poète, écrivain et
critique français mais il ne déclare sa passion qu’assez tard. Il a écrit «l’art poétique » et « les
satires ».
Claudel Paul (1668-1955)
est un dramaturge, poète, essayiste et diplomate français. Il fut membre de l'Académie
française. Catholique il écrira « la cantate à trois voix », « ténèbre » ou encore « balades ».
Desportes Philippe (1546-1606)
est un poète baroque français. Surnommé le « Tibulle français » pour la douceur et la
facilité de ses vers, il fut abbé de Tiron, lecteur de la chambre du Roi et conseiller d'État. Il est
reconnu pour la Villanelle.
Eluard Paul (1895-1952)
était un poète français. Il choisit à l’âge de vingt et un ans, le nom de Paul Éluard. Il
adhéra au dadaïsme et fut l'un des piliers du surréalisme en ouvrant la voie à une action
artistique engagée. Il connaît la première guerre mondial ce qui se ressent dans ses écrit avec
« A peine défigurée », il écrit aussi « je te l’ai dit pour les nuages ».
Fort Paul (1872-1960)
est un poète et dramaturge français, il n’écrira en poésie que « les ballades française »
composé de quarante volumes.
Garnier Robert (1545-1590)
est un poète et dramaturge français, il n’écrira en tant que poète que « les juives,
chœur ».
Hermite (l’) Tristan (1601-1655)
est un poète et dramaturge français, il écrit entre autre « églogue maritime » et « les
amours de Tristan » mais il sera pas reconnu par ses contemporains.
Jammes Francis (1868-1938)
est un poète français, également romancier, dramaturge et critique. « De l'angélus de
l'aube à l'angélus du soir » est son premier recueil de poèmes généralement considéré
comme le meilleur.
Kling Tristan (1814-1966)
est un poète, musicien, peintre et critique d'art français. Il écrira plusieurs poèmes tels
« l’escarpolette » ou encore « humoresques ».
Laforgue Jules (1860-1887)
est un poète du mouvement décadent français. Il a écrit « les complaintes », « l’imitation
de Notre-Dame de la Lune » et « le concile féerique ».
Mallarmé Stéphane (1842-1898)
est un poète français qui écrira « le Guignon » et « apparitions ».
Péguy Charles (1873-1914)
est un écrivain, poète et essayiste français, il a écrit « La Tapisserie de Sainte
Geneviève et de Jeanne d'Arc », « La Tapisserie de Notre-Dame » et « Eve »
Queneau Raymond (1903-1976)
était un romancier, poète, dramaturge et mathématicien français, co-fondateur du
groupe littéraire l'« Oulipo ». Il écrira « cent mille milliard de poèmes » ou « le chien à la
mandoline ».
Régnier Mathurin (1573-1613)
est un poète satirique français, il a écrit de nombreuses satyres, des Epitres et des
élégies.
Supervielle Jules (1884-1960)
était un poète et un écrivain français né en Uruguay. Il écrira « les poèmes de l’humour
triste » et « l’escalier ».
Toulet Paul-Jean (1867-1920)
est un écrivain et poète français, célèbre par ses « Contrerimes, une forme poétique
qu'il avait créée
U Tam’si Tchicaya (1931-1988)
est un écrivain congolais. Il est le fils de Jean-Félix Tchicaya qui représenta l'Afrique
équatoriale au parlement français de la Libération à 1958. Il a écrit « le mauvais sang » et « le
pain ou la cendre ».
Valéry Paul (1871-1945)
est un écrivain, poète, philosophe et épistémologue français. Il écrit une série intitulée
« variété » mais aussi de nombreux autres ouvrages.
Youlantas Yannis (1970…)
est un poète, philosophe et écrivain franco grec contemporain. Il écrit en autre
« Poèmes insoumis suivi de De l’autre côté ».