Sara Alexander - les 39 marches
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Sara Alexander - les 39 marches
Sara Alexander & les enfants d’Ismaël Film documentaire de 52 minutes Écrit et réalisé par Jean Dupré et Alain Baggi Production : Les 39 MARCHES Alain Baggi / Cyril Monteil Tél. :0675015714 / [email protected] / [email protected] site : les39marches.org 1 Note de présentation En plus de 50 ans de conflit, malgré l’intensité de la violence, des blessures et des rancœurs, rien n’a jamais pu briser totalement les liens ténus du dialogue et de la reconnaissance mutuelle tissés par quelques pionniers israéliens et palestiniens. Obstinés, peut-être inconscients des obstacles, pour la plupart artistes ou intellectuels, ces « belles âmes », ainsi que croient les insulter leurs détracteurs, n’ont cessé de témoigner et d’agir pour empêcher la déshumanisation totale de l’autre sans laquelle il est si difficile de tuer, d’éliminer, de supprimer. Parmi ces « belles âmes », l’unes des toutes premières artistes israéliennes à s’être engagée pour la reconnaissance des droits des Palestiniens, Sara Alexander, a trouvé en France, depuis le début des années 1970, une terre d’élection, pour porter, par-delà les frontières comme sur sa terre d’accueil, son message de fraternité et d’espoir. Fille d’immigrants juifs de Roumanie et de Turquie, elle naît au cœur de Jérusalem, peu avant la création de l’État d’Israël, non loin ce qui deviendra plus tard la ligne verte, séparant les villes juive et arabe. De ses premières années d’enfance dans ce quartier pauvre où cohabitaient encore les deux population, de souvenir de vacances à la Mer Morte avec son père et ses collègues arabes, elle garde la mémoire de l’inexpugnable humanité de l’Autre. Cet autre qui deviendra bientôt l’Ennemi, mais dont elle ne pourra oublier qu’il souffre des mêmes souffrances, rêve des mêmes rêves, aime du même amour, saigne du même sang et meurt de la même mort. Après un bref passage dans un quartier arabe de Jaffa, fuyant les combats avec sa mère lorsque débute la guerre de 1947, elle grandit d’une enfance aux pieds nus dans un kibboutz en Galilée, non loin de Haïfa. C’est le temps une vie simple, sans propriété privée, pleine des valeurs socialistes d’égalité, de justice, de solidarité… mais sans Arabes… Car, comme la terre et l’État, le travail doit être juif. Il en va de la révolution sioniste qui doit faire des Juifs persécutés, auxquels l’Europe a interdit la terre pendant des siècles, des hommes et des femmes fiers, tout à la fois combattants, paysans et intellectuels. De l’Arabe, on dit alors : « respectez-le et méfiez-vous de lui ». D’escarmouches en guerres, de menaces de destruction en attentats, l’Arabe, réel et imaginaire, du tout jeune État hébreu, peuple ses cauchemars, armé de son sabre et de ses grandes moustaches. Lorsque, promue accordéoniste du kibboutz, on l’emmène animer d’autres collectifs, elle s’étonne de ne jamais jouer dans les villages arabes voisins, elle s’entend répondre « T’occupe. Tu n’as pas besoin d’eux et ils n’ont pas besoin de toi ». Condamnée au nettoyage du poulailler pour avoir malgré tout fait une escapade dans l’un de ces villages, elle qui ne sait rien d’autre du monde et du pays, que ce qu’on lui en a appris, sent monter en elle une révolte encore inarticulée. Vient l’aventure du service militaire. Elle a de la chance, elle sera musicienne d’une unité d’élite, au sein d’une troupe artistique qui est alors la référence culturelle du pays. Elle qui bien que de racines orientales par sa mère, n’a d’autre éducation que celle très occidentale et idéologique du kibboutz, découvre les inégalités, entre sépharades et ashkénazes, citadins et kibboutzniks. Le temps du conservatoire et des premiers pas comme professionnelle sur les planches, et c’est de nouveau la guerre. 1967. La guerre des Six Jours. 2 À la jeune artiste qui a représenté Israël à Auschwitz, les cohortes de réfugiés palestiniens et les accents triomphalistes des religieux qui sonnent les trompes rituelles pour célébrer le miracle de la victoire sont insupportables. A la faveur d’une rencontre amoureuse avec un jeune photographe danois, elle quitte Israël, pour quelques semaines pense-t-elle. Le temps de prendre du recul. Elle ne le sait pas encore, mais elle vient de devenir une exilée. Exilée de sa terre mais fidèle à l’idéal qui lui a été transmis, elle comprend qu’Israël ne pourra plus jamais être son Israël sans que soient reconnus la souffrance et le droit de l’autre, à qui l’État hébreu dénie alors le nom même de Palestinien. Quelques années à Paris dans l’effervescence de 1968, un bref passage par la Scandinavie, et elle part avec son compagnon vers l’Amérique du Sud rencontrer ces poètes qui font alors la révolution : Victor Jara, Pablo Neruda… Ils ont pour seul bagage : une guitare, un appareil photo, un minibus et un enfant en bas âge… Mais la révolution s’achève dans un bain de sang et les poètes sont assassinés. De retour en France, le jeune couple s’installe en Provence. Sara écrit et compose sans relâche, soutien les Israéliens qui, comme Abe Nathan, tente de s’opposer à la logique guerrière en vigueur au Proche-Orient. Elle rencontre Palestiniens, Algériens, Tunisiens, Égyptiens… tous ceux qui dans le « monde arabe » cherchent une autre voie que l’affrontement : Mahmoud Darwish, Hedi Guella, Kamal Boulata… Petit à petit dans ce monde discret des pionniers du rapprochement Israélo-Arabe, elle devient une égérie. Elle tremble pour Israël en 1973, participe à la campagne électorale du seul parti bicéphale judéo-arabe d’Israël. La victoire du Likoud en 1977 marque l’avènement d’un Israël populiste et agressif qui n’est pas le sien. Lorsqu’en 1979 elle arrive à Tel-Aviv avec son premier disque personnel. C’est la douche froide. Trop de politique, pas assez de tube. Le titre phare s’appelle « mon frère (Palestinien) et moi », le disque « Shalom-Salam ». Malgré tous les amis qu’elle a dans les médias, le disque ne sera ni promu ni diffusé en Israël. Profondément blessée par le rejet de ce pays qu’elle aime tant, elle comprend alors douloureusement qu’elle ne sera pas prophète en son pays. En France, en Europe, aux USA, elle est de tous les festivals pour la paix, de tous les rassemblements pour les droits de l’homme, des femmes, des minorités, des immigrés… Entre 1993 et 1998, l’extraordinaire espoir soulevé par les accords d’Oslo la ramène en Israël pour de nouvelles actions dans les territoires occupés. À Gaza, Jenine, Jérusalem, Hébron, c’est temps de la fraternisation. Mais le fanatisme et la peur, à la faveur des attentats islamistes et des injustices quotidiennement infligées aux Palestiniens, brisent une nouvelle fois le rêve Sara Alexander n’abandonne pas. Chaque jour, chaque rencontre est le prétexte à des gestes de paix intimes avec tous les exilés auxquels elle ouvre sa table à Paris : Palestiniens bien sûr, mais aussi roumains, turcs, grecs, kurdes, algériens, marocains, iraniens… Patiemment, avec une extraordinaire intensité d’amour, elle construit, dans sa vie comme dans sa musique, un monde idéal, au sein duquel la différence est une richesse et la rencontre une célébration. Le film « Sara Alexander et les Enfants d’Ismaël » est son portrait, ainsi que le récit de son action militante et de son travail artistique, au travers duquel se lisent en creux le rêve des pionniers d’Israël, l’inévitable désillusion qui suivra et la résistance obstinée d’une enfant têtue devenue femme, qui refuse de renoncer. Derrière le portrait se profile la question des appartenances, de l’altérité et de l’identité, et des racines même de la haine. 3