MEMOIRE_Permaculture releve d`experiences et

Transcription

MEMOIRE_Permaculture releve d`experiences et
Permaculture : relevé d’expériences et
applications possibles dans le Cantal.
" La permaculture : une ouverture
pour l’agriculture aux hydrocarbures"
Université d’Auvergne.
Institut Universitaire de Technologie de Clermont-Ferrand.
Site d’Aurillac, département Génie Biologique.
ADORNO Jérémy, LAFON Maxime, MINELLI Sarah, ROBERT Alain.
Licence professionnelle : "Expertise agro-environnementale et conduite de projet".
Projet tuteuré, encadré par M. Vincent VIGIER - Chambre d’Agriculture du Cantal.
Promotion 2011-2012.
« La chaîne agroalimentaire industrielle contemporaine dépense 10 kilo-calories pour fournir
1 kilo-calorie alimentaire dans l'assiette des consommateurs. La haute productivité et le
déficit énergétique de l'agriculture industrielle sont entièrement dus à la disponibilité bon
marché des hydrocarbures, ce cadeau provisoire du passé géologique de la Terre.»
Günther FOLKE. Fossil Energy and Food Security, 2000.
« Il existe un lien direct entre la pauvreté et la perte de la biodiversité. Dans beaucoup de
régions du monde, la pauvreté devient endémique au fur et à mesure que les écosystèmes, les
ressources en eau et en sol sont de plus en plus surexploitées et dégradées. »
Hamdallah ZEDAN, Secrétaire exécutif Convention sur la Diversité Biologique 2005.
« C’est la forêt qui joue le rôle principal dans la formation des sols fertiles. La majorité des
terres les plus fertiles vouées à l’agriculture sont d’origine forestière. Pourquoi ne pas nous
référer au modèle forestier qui nous a donné des sols agricoles fertiles ? »
Gilles LEMIEUX. Enseignant-Chercheur Université de Laval, Québec (Canada).
Inventeur du terme BFR. Le bois raméal fragmenté. 2001.
« La forêt précède les peuples civilisés, le désert les suit. »
François-René De CHATEAUBRIAND. Ecrivain (1768-1848).
« Une poignée d’abeille vaut mieux qu’un sac de mouches. »
Proverbe arabe.
« Étudie les livres et observe la nature. Si les deux ne sont pas en accord, jette le livre. »
William A. ALBRECHT. (1888-1974).
Président du Département des sols à l'Université du Missouri (USA) 1958.
Remerciements
Nous tenons à exprimer nos sincères remerciements à Vincent Vigier, (chargé de
mission Agriculture Biologique à la Chambre d’Agriculture du Cantal) qui, avec un
enthousiasme communicatif, s’est toujours rendu disponible pour nous appuyer dans notre
travail. Nous remercions Esméralda Ribeiro (centre de documentation ABioDoc de
VétAgroSup - Clermont-Ferrand) pour sa disponibilité et son accueil lors de nos recherches
bibliographiques. Merci à tous ceux et celles qui nous ont parlé avec passions en évoquant
leurs pratiques : Philippe, Pierre, Sylvain, Sylvie, Véronique et Stéphane,… . Ainsi qu’à ceux
et celles qui nous ont écouté, lu et apporté leur point de vue : Bérénice, Malika, Marine,
Adrien, … . Enfin nous souhaitons remercier Sébastien Debande (auteur-diplômé en
permaculture) pour son soutien, ses apports techniques et ses encouragements.
Résumé
L’agriculture intensive basée sur la surconsommation d’hydrocarbures n’est pas un
modèle durable. Il détruit les sols, pollue les eaux et l’atmosphère, participe activement à la
baisse de la biodiversité, à la disparition d’espèces et à la fragilisation des écosystèmes. De
plus ce modèle consomme énormément d’énergies fossiles pour ses intrants (carburants,
engrais, pesticides) et ne sera pas capable de faire face à la prochaine crise énergétique.
Au-delà de ce constat, ce type d’agriculture détruit le tissu social rural, favorise les
pays et les agriculteurs les plus riches et ne répond pas à la problématique mondiale urgente :
nourrir sept milliards d’individus.
La permaculture est une des solutions à envisager pour tendre vers une agriculture
durable, équitable et pérenne d’un point de vue social, économique et environnemental. Par
des pratiques agricoles simples et économes, elle peut renouer les liens symbiotiques qui
unissaient, il n’y a encore pas si longtemps, l’agriculteur et sa terre.
Le département du Cantal présente de nombreuses prédispositions aux pratiques de la
permaculture et porté par sa chambre d’agriculture, il peut devenir un pionnier dans ce
domaine et un exemple à suivre.
Abstract
Intensive agriculture based on overconsumption of oil is not a sustainable model. It
destroys soils, pollutes water and the atmosphere and participates actively in the decline of
biodiversity, in the disappearance of species and in the fragilisation of ecosystems. Moreover
this model hugely consumes fossil energies for its inputs (fuels, fertilizers, pesticides) and
will not be able to face up to the next energy crisis.
Beyond this observation, this type of agriculture destroys the structure of rural
society, benefits the richest countries and farmers and does not respond to the urgent global
problematic : to feed seven billion people.
“Permaculture” is one of the solutions to consider to move towards a sustainable
agriculture, fair and lasting in an environment, from a social and economic point of view. By
simple and efficient agricultural practices, it can reestablish the symbiotic links which united,
not so long ago, farmer and his land.
The department of Cantal presents a lot of predispositions to “permaculture” practices
and promoted by its chamber of agriculture, can become a pioneer in this domain and an
example to follow.
Sommaire
LIVRE I.
Remerciements
Résumé
Abstract
Introduction
Page 1.
1.
Page 2.
2.
3.
4.
La permaculture, un nouveau concept agricole ?
1.1. État des lieux de l’agriculture mondiale
Page 2.
1.2. Historique de la permaculture
Page 4.
1.3. Concepts permaculturaux
Page 6.
Relevé d’expériences des pratiques de la permaculture
Page 8.
2.1. A travers le monde
Page 8.
2.2. En France
Page 11.
Nos Relevés et visites dans le Cantal et territoires limitrophes
Page 13.
3.1. Un héritier du sage Fukuoka
Page 13.
3.2. Un élevage en plein air, un élevage Couderc
Page 15.
3.3. La diversification ou l’exemple Caumon
Page 17.
Applications possibles dans le Cantal
Page 19.
4.1. L’agriculture conventionnelle et biologique dans le Cantal
Page 19.
4.2. Applications pour les exploitations cantaliennes
Page 21.
4.3. Diagnostic de deux exploitations innovantes
Page 23.
Conclusion
Bibliographie
Glossaire
Méthodologie
LIVRE II.
Annexes
Page 25.
Introduction
Janvier 2012, le constat énergétique, social, environnemental ou encore agricole, de la
planète est inquiétant. Cette affirmation n’est pas issue d’un scénario catastrophe mais bien de
preuves scientifiques avérées. Les problèmes ne viennent pas systématiquement de la
surpopulation, mais plutôt des pratiques au quotidien de chacun, amplifiées par le nombre. En
agriculture par exemple, il est évoqué, depuis déjà de nombreuses années, que le système
agricole "conventionnel" mondial cause plus de problèmes qu’il n’en résout. Aujourd’hui,
tout l’écosystème Terre en subit les conséquences.
Pour répondre à ces problématiques, certains sociologues, scientifiques, philosophes et
bien-sur agriculteurs échangent et élaborent des stratégies. L’une d’elles se nomme
"permaculture" : agriculture s’inspirant des écosystèmes naturels. Issue des savoir-faire
empiriques de nombreuses civilisations, ses connaissances agronomiques sont aujourd’hui
comprises scientifiquement. Ses concepts sont réfléchis, adaptables et multifonctionnels.
Désormais facilement diffusables, des petites graines de permaculture se sont ensemencées à
travers le monde. Certaines ont germé, sont devenues productives et ensemencent à leur tour
d’autres régions. Cette synergie planétaire apporte une grande "diversité génétique" à la
permaculture.
Pour mieux appréhender ce nouvel organisme vivant, nous l’avons observé dans son
milieu naturel. Nos rencontres et nos recherches, nous ont apporté la certitude qu’une graine
de permaculture a déjà germé dans le Cantal. Ensemble, c’est à nous d’en prendre soins et
d’utiliser les "bons outils" pour l’aider à croître et la protéger des ravageurs. Lorsque ce plant
sera autonome et mature, il pourra se reproduire et deviendra la souche d’une sous-espèce
productive de permaculture, adaptée à l’agriculture cantalienne.
1
1.
La permaculture, un nouveau concept agricole ?
1.1.
État des lieux de l’agriculture mondiale
L’agriculture dite "moderne", ultra-mécanisée et dépendante des hydrocarbures pour
ses intrants (carburants, fertilisants et produits phytosanitaires) est censée répondre à la
demande alimentaire d’une population toujours plus nombreuse. Or ce n’est pas le manque de
nourriture qui prive plus d’un milliard de personnes d’une alimentation de base mais bien les
inégalités sociales, la mauvaise répartition des ressources et la pauvreté. Le modèle
"conventionnel" actuel est, à terme, voué à l’échec. Les réserves d’énergies fossiles et de
terres arables ne sont pas inépuisables. L’augmentation de la surface agricole mondiale au
détriment de biotopes naturels n’est pas une solution pérenne. Ne serait-il pas plus intéressant
d’augmenter la production sur de petites surfaces diversifiées tout en développant une
viabilité environnementale, économique et sociale ? Les changements climatiques et les
pollutions (eau-air-sol) sont pourtant des signaux d’alarme forts, dont nous ne semblons pas
presser de tenir compte. Nos modèles de civilisations sur-consommatrices sont-ils voués à
l’effondrement avec la disparition des hydrocarbures, ou saurons-nous trouver une parade
pour franchir cet obstacle ?
Le constat de l’agriculture des soixante dernières années est alarmant partout dans le
monde. "Notre terre nourricière" devient stérile et accomplie sa fonction de production
agricole sous perfusion d’engrais. Le labour profond, la monoculture intensive, ou la
déforestation, qui s'est accélérée sur la planète depuis l'an 2000, sont responsables de la
disparition des sols dans des proportions qui dépassent l’entendement. L’érosion hydrique et
éolienne représente, à l’échelle de la planète, une perte de sol estimée à 76 milliards de tonnes
chaque année. Ramené à l’hectare, nous perdons 12 millions d’hectares par an soit la moitié
de la surface agricole française. Si l’on transpose cette perte de sol à la production
alimentaire, alors chaque tonne de nourriture produite, engendre une perte irrémédiable
de 6 à 18 tonnes de sol (Guillet, 2007).
Au-delà de cette désertification galopante qui a des conséquences humaines terribles
(exode rural massif, pauvreté, famine) il y a la perte des microorganismes du sol.
L’utilisation abusive d’engrais et de pesticides couplée aux pratiquent agricoles
monoculturales (terres nues une partie de l’année, labour profond, absence de matière
2
organique qui nourrit les microorganismes) ont provoqué la destruction de toute vie
organique dans près de 90% des terres cultivables européennes (Bourguignon, 2006). Or
le sol est une entité vivante qui concentre 80% des êtres vivants de la planète et constitue la
base de nombreuses chaînes trophiques* terrestres. L’impact sur les écosystèmes et la
biodiversité est terrible et se traduit par un effondrement de près de 90% des populations de
batraciens, reptiles et oiseaux.
L’utilisation intensive d’engrais et de pesticides provoque d’énormes dégâts. 98% des
pollutions ammoniacales* et 85% des émissions de protoxyde d’azote* (N2O) sont issues des
activités agricoles (SNIEPA*, 2010). L’eutrophisation* des rivières ne cesse de croître, 40%
des eaux de surface sont touchées en Europe (Report COM47*, 2010). Bien que les quantités
de pesticides produites diminuent, leurs utilisations restent intensives. Leur pouvoir actif a été
considérablement augmenté, ce qui réduit les quantités de produits mais accroît leur capacité
de destruction. Il en résulte une augmentation des contaminations des milieux, des produits
alimentaires et une disparition croissante de la biodiversité. En France, 91% des eaux de
surface et 56% des eaux souterraines sont contaminées par plus de 200 molécules actives
ou métabolites* (IFEN*, 2008). Certains insectes cibles développent des résistances à ces
toxines impactant ainsi toute la chaîne trophique par le phénomène de bioaccumulation*.
A ce constat alarmant vient s’ajouter les problématiques de l’eau et de l’énergie.
L’agriculture "moderne" consomme près de 90% de l’eau douce de la planète (Guillet,
2007). Bien que la communauté internationale privilégie toujours l’agriculture des pays riches
par rapport à la condition humaine mondiale, l'enjeu des prochaines décennies sera de
développer une agriculture moins gourmande en eau afin de rééquilibrer la répartition des
ressources hydriques mondiales. Cette réalité sur l’eau est d’autant plus vraie pour les
semences et les produits phytosanitaires car les quelques multinationales qui ont le monopole
de ces marchés sont les mêmes ! La commercialisation de ces produits (semences, OGM,
engrais et pesticides) par les mêmes firmes ne fait qu’accroître leur pouvoir au détriment de
tous les êtres vivants de la planète, y compris l’espèce humaine. Quant au problème
énergétique, il devient d’autant plus pressant que les réserves d’énergies fossiles s’épuisent.
Actuellement, deux tonnes de pétrole sont nécessaires à la production d’une tonne de
pesticide ou d'engrais chimique. Aux Etats-Unis, 79% de la consommation énergétique pour
l'agriculture se décompose ainsi : 31% pour la fabrication d'engrais non organique, 19% pour
les engins agricoles, 16% pour le transport et 13% pour l'irrigation. (Pimentel, 1994).
3
La destruction des sols et la perte de la biodiversité entraîne une demande toujours
plus importante en engrais et pesticides. L’agriculture "moderne" est obligée d’augmenter sa
consommation énergétique pour maintenir sa production actuelle. Le système de production
se transforme en un serpent qui se mord la queue et à ce rythme de surconsommation
énergétique et de dégradation des milieux il n’aura bientôt plus rien à mordre ! Nous devons
repenser nos modes de production et la place accordée à notre agriculture. La permaculture est
une des solutions qui peut redonner ses lettres de noblesses à "l'art de nourrir les populations".
1.2.
Historique de la permaculture
Bien qu’elle soit encore peu connue, la permaculture se développe de plus en plus à
travers le monde depuis quelques décennies. Le terme "permaculture" apparait en 1978 dans
le livre écrit par deux agronomes australiens Bill Mollison et David Holmgren "Permaculture.
Une agriculture pérenne pour l’autosuffisance et les exploitations de toutes tailles". Il provient
de la contraction de l’expression "permanent agriculture" (en anglais), utilisée pour la
première fois en 1910 par l’agronome américain Cyril G Hopkins dans son livre "Soil Fertility
and Permanent Agriculture". Dans les années 80, "l’agriculture permanente" s’étend à "la
culture permanente" tant il était évident que les aspects sociaux faisaient partie intégrante
d’un véritable système durable. En 1991, le professeur anglais de permaculture Patrick
Whitefield, suggère l’existence de deux mouvements :

la permaculture originelle qui tente de reproduire la nature en développant des
écosystèmes comestibles qui se rapprochent de leurs équivalents naturels ;

la permaculture de design qui considère les connexions fonctionnelles en service
dans un écosystème ainsi que son fonctionnement, pour développer des principes d’efficacité
énergétiques applicables à tous les types de systèmes humains (transport, construction
d’habitation, vie en société, agriculture...).
Seule la partie agronomique de la permaculture sera évoqué ici, l’aspect design ou
construction d’un "éco-village" n’étant pas intégré dans ce sujet.
Une des innovations de la permaculture est d’apprécier l’efficacité et la productivité
des écosystèmes naturels par l’observation et d’en utiliser des principes directeurs applicables
par tous. Ainsi en fonction du "perma-lieu" défini, chaque permaculteur peut développer son
propre système de principes basé sur le respect de l’éthique principale résumé par ces trois
critères : prendre soin de la Terre ; prendre soin des Hommes ; distribuer équitablement.
4
Mais, ce n’est pas parce que le terme "permaculture" apparait en 1978 que ce type de
production n’existait pas avant. Il ne serait pas correct d’éluder les travaux et les
expérimentations de Masanobu Fukuoka ou de Sepp Holzer (Cf. annexes M.F et S.H), ainsi
que les pratiques des anciens qui, dans toutes les cultures, sont sources d’inspiration.
Masanobu Fukuoka (1913-2008), a consacré cinquante années de sa vie à démontrer
qu’il était possible de développer une agriculture indépendante de tout intrant chimique. Son
"agriculture naturelle" tend à l’unification spirituelle entre l’Homme et la Nature. Par ces
pratiques souvent raillées, Fukuoka a prouvé que le rendement de sa production de riz était
meilleur qu'en "agriculture classique". Cet agriculteur, sage et érudit, est l’auteur de deux
ouvrages fondamentaux (Cf. bibliographie) pour l’approche philosophique du sujet.
Sepp Holzer, expérimente ses techniques, depuis une quarantaine d’années sur un
versant de 75 hectares, dans la vallée du Krameterhof, en Autriche. C'est aujourd'hui le plus
grand perma-lieu d'Europe. Son expérience nous intéresse car elle fait face à des conditions
climatiques (froid, vent, altitude entre 1 000 et 1 500 m) et géologiques (pente forte, sol
rocailleux et peu profond) difficiles. Voire plus extrêmes que dans les monts cantaliens.
Bien que Masanobu Fukuoka ait débuté ses essais dans les années 40, l’agriculture de
nos arrières grands-parents (avant la mécanisation et l’utilisation de la chimie) se rapprochait
beaucoup des principes permaculturiens d’aujourd’hui : petites exploitations très diversifiées,
associations de plantes, importance de la place des arbres autant en élevage qu’en viticulture
par exemple. Au cours de l’histoire de l’humanité, de nombreuses civilisations ont prospéré
grâce à ce type d’agriculture respectueux de la Terre.
Une civilisation précolombienne d’Amazonie dont les origines remonteraient autours
de 800 ans avant J-C s’est développée par son agriculture forestière et une technique bien
particulière. Ces hommes ont crée la "Terra preta" : une terre noire, riche et très fertile. Pour
palier à la pauvreté des sols en forêts tropicales, ils ont recyclé leurs déchets et amendé la
terre avec ce compost particulier. Ce sol très fertile d’origine anthropique fait toujours le
bonheur des paysans brésiliens (Cf. annexe1.2.a).
Nous pourrions aussi évoquer la technique des "Trois-Sœurs" des amérindiens qui a
fait ses preuves durant des siècles (Cf. annexe 1.2.b). Mais nous ne pouvons pas continuer à
voyager à travers les continents et le temps à la recherche de l’origine, issue du brassage
génétique de tant d’espèces d’arbres, de cette "petite fleur de vie".
Toutes ces civilisations ont prospéré grâce à une agriculture extensive, raisonnée et
s’adaptant aux conditions rencontrées. Cette adaptabilité fût possible par la diversité, la
5
volonté de durabilité et la constante analyse des agriculteurs basée sur un immense savoir
empirique. Le terme "permaculture" permet de rassembler toutes ces pratiques. Il véhicule la
philosophie de ce savoir empirique et peut aujourd’hui, répertorier, étudier scientifiquement
les expérimentations et en diffuser les résultats à travers le monde.
Mais elle peut bien porter le nom qu’elle veut tant que sa philosophie et ses concepts
perdurent et participent à améliorer la condition humaine. « … Lorsqu'on produit soit même
sa propre nourriture on ne gaspille plus, le tout est de pouvoir le faire bien et en quantité
suffisante. C'est, entre autre, ce que prétendent permettre l'agroécologie* et sa fille sauvage,
la permaculture. » (Debande, 2010).
1.3
Concepts permaculturaux
Partant de l’éthique principale : prendre soin de la Terre, prendre soin des Hommes et
distribuer équitablement, on pourrait pratiquement s’arrêter là pour définir ce chapitre. Après,
ce n’est qu’une question d’appréciation et d’interprétation de chacun, pour savoir jusqu’où on
veut développer et appliquer ces concepts. Les perma-lieux sont si différents, conçus et
entretenus par des permaculteurs, des agriculteurs AB*, des exploitants plus classiques, ou
encore de simples jardiniers. Chacun a sa place et doit pouvoir retirer les principes et les
applications qu’il juge "expérimentables" sur sa parcelle. Par définition, le permaculteur
applique des concepts adaptés à son milieu, la liste pourrait donc être longue !
Nous avons choisi de présenter les grandes lignes directives de quelques-uns afin
d’éviter trop d’énumérations et de définitions. Les concepts de Fukuoka, Holzer, Mollison,
Holmgren, etc., seront donc rapidement évoqués mais feront l’objet d’un travail plus complet
(Cf. annexes M.F, S.H, B.M et D.H).
Fukuoka "le sage", s’appuyait sur quatre concepts de base : pas de labour, pas de
fertilisant, pas de désherbage et pas de dépendance envers les produits chimiques. Des
cultures paillées, d’une intervention minimale et d’une réflexion permanente est née
"l’agriculture naturelle".
Holzer "le montagnard", en présente huit, résumés ainsi : Interaction et
Multifonctionnalité des éléments du système, Utilisation de l’énergie, des ressources
naturelles, des phases et des cycles du système et Exploitation de ces interfaces. Par une
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connaissance exceptionnelle de son agroécosystème*, il réussit, dans un milieu difficile, à
produire une diversité exubérante.
Mollison "le professeur", a développé un ensemble de neuf principes : Efficacité et
Circulation énergétique, Emplacement, Effet de bordure, Interaction et Multifonctionnalité
des éléments, Travailler avec la nature, Petit effort pour le plus grand changement et Le
problème est la solution. Son concept permet d'envisager un design* efficace, dans lequel on
associe à la production agricole, une importante dimension sociale et culturelle.
Holmgren "l’élève", complétera les principes de Mollison par : "Appliquer
l’autorégulation et accepter les rétroactions" et "Utiliser et répondre au changement".
Nous pourrions continuer à énumérer les nombreux permaculteurs des années 90, puis
2000 mais les bases sont maintenant bien en place. Ces différents concepts font désormais
clairement apparaître un zonage spatial du perma-lieu, autant dans la dimension horizontale
que verticale : de la canopée au sol et de l’habitation à l’espace sauvage. Ce zonage permet
d’identifier et de profiter des synergies* présentes entre tous les composants de
l’agroécosystème et laisse les cycles naturels s’accomplir.
Tous ces concepts doivent permettre au novice comme au permaculteur chevronné de
bien structurer et utiliser son espace. Leur évolution à travers le temps et les avancées
technologiques et scientifiques tendent à améliorer ses systèmes autonomes, vierges de
pollution et productifs. Issus d’un savoir empirique, ces concepts permettent une adaptation à
tous les milieux et à toutes les contraintes rencontrées tout en vulgarisant des techniques
simples et efficaces. « La conception permaculturelle est la connexion entre des choses. Ce
n’est pas l’eau, la poule ou l’arbre. C’est la manière dont l’eau, la poule et l’arbre sont
connectés. C’est à l’opposé de ce qu’on nous a enseigné à l’école. L’éducation prend chaque
chose, la pousse à part, et ne fait aucune connexion. La permaculture créé les connexions,
car dès que vous avez créé une connexion, vous pouvez nourrir la poule avec l’arbre. »
(Mollison, 1978).
7
2.
Relevé d’expériences des pratiques de permaculture
En milieux désertiques, tropicaux, tempérés ou montagnards, à fortes contraintes
énergétiques ou facilement desservis, la permaculture par son principe initial basé sur
l’observation, offre de telles possibilités de pratiques et d'adaptation qu'elle peut s’implanter
sur tous les continents. De nombreux agriculteurs se tournent vers ces techniques en créant
des lieux de rencontre et d'expérimentation capables de répondre aux problématiques de
l’agriculture moderne. En voici quelques exemples sélectionnés pour leur ingéniosité, leur
performance, leur capacité à nourrir une population ou leurs techniques agronomiques
innovantes, durables et viables.
2.1.
A travers le monde
Nous aurions pu évoquer quantité d’exemples australiens canadiens, américains,
asiatiques, africains ou encore européens, mais nous avons préféré en détailler deux très
représentatifs de la capacité d’adaptation et de la réussite de la permaculture.
La Havane, Cuba, 1995.
Après l’éclatement du bloc soviétique par le traité de Minsk en décembre 1991, l’exURSS n’alimente plus Cuba en hydrocarbures alors que l’île subit toujours le blocus
énergétique américain. Cuba perd 50% de ses importations pétrolières. Coup dur pour ce petit
pays où l'agriculture fortement mécanisée, consommait énormément d’hydrocarbures pour ses
intrants (carburants, fertilisants chimiques et pesticides). La production a chuté de manière
brutale entraînant une pénurie alimentaire catastrophique pour la population. Malgré le
développement de l’agriculture biologique n’utilisant que des fertilisants organiques, la
production restait insuffisante. C'est dans ce contexte que le projet « Urban Permaculture
Project in Havana » a vu le jour en 1995. Réalisé par l'ACF (Australian Conservation
Foundation) en partenariat avec un groupement d’associations locales et le ministère de
l'agriculture cubain, ce projet a élaboré un programme d'éducation au jardinage. Son
objectif principal étant de redonner aux 2,5 millions d'habitants de la capitale cubaine, leur
autonomie alimentaire. Le défi d’une agriculture urbaine était de taille. La forte densité de
population, l’importante production de déchets et le manque d’espace cultivable
représentaient des problématiques difficilement contournables. Mais la permaculture par sa
8
philosophie
adaptable
et
multifonctionnelle
(aspects
économiques,
sociaux
et
environnementaux) et ses techniques agronomiques de valorisation des déchets (compost) et
de forte densité de production (utilisant les associations de plantes pour un maximum de
production sur un minimum de surface) a su relever ce défi. Petit à petit des collectifs
agricoles, appuyés par le gouvernement, se sont constitués et des jardins se sont développés
sur les parkings et les toits des immeubles. L’orientation vers les énergies renouvelables et le
retour à la traction animale dans les champs ont également amélioré la situation. En 2006, soit
après à peine dix ans de permaculture, 50% des besoins alimentaires de la Havane sont
produits intramuros. D’autres villes et villages produisent jusqu'à 100% de leurs besoins et le
pays consomme 21 fois moins de pesticide.
Tout cela a été réalisable grâce à :

une subvention de départ de 26 000 $ accordée par le gouvernement cubain,

20 000 petits jardins,

70 "agents de vulgarisation" qui offrent des conseils et prêtent du matériels,

8 "maisons des semences" qui distribuent les semences nécessaires,

la mise à disposition de terres par le gouvernement.
Au-delà de cette nouvelle sécurité alimentaire, de la qualité des produits consommés
et de la faible consommation énergétique, ce projet a réussi à recréer un tissu social
d’entraide entre les habitants, notamment par la publication d’un mensuel et la valorisation
d’un système économique local à l’échelle des quartiers. La Havane est ainsi devenue un
modèle pour la sécurité alimentaire des citadins du monde.
Vallée du Jourdain, Jordanie, 1998.
Le projet "Jordan Valley Permaculture" a été lancé en 1998 à l'initiative de l'Institut de
Recherche en Permaculture d'Australie, en partenariat avec des organisations jordaniennes.
L’objectif principal est de montrer les possibilités de production avec peu de moyens et sans
haute technologie, pour que ces techniques soient reproduites par les populations pauvres des
régions désertiques. Il passe par la réhabilitation de quatre hectares d’un terrain soumis à de
fortes sécheresses et présentant un taux de salinité important. Une centaine d’habitants sont
impliquée dans le projet et les bénéficiaires indirects sont estimés à 30 000 personnes. La
faible pluviométrie (inférieure à 150 mm/an), un sol très pauvre en matières organiques,
l’absence de couvert végétal et une forte érosion éolienne sont les principales contraintes qui
définissent les deux enjeux majeurs des régions arides :
9

la pénurie d’eau potable tant en quantité qu’en qualité (salinité – pollutions),

une baisse quantitative et qualitative des productions agricoles.
Après la phase d’observation et l’étude de terrain (topographie, sol, vent dominant,…)
le site s'est organisé autour d’un important réseau de canaux destiné à récupérer un
maximum d’eau de pluie utilisable pour l’irrigation des cultures plantées sur les pentes des
fossés. Les cultures profitent alors d'un sol amélioré par les fines particules de terre et la
matière organique transportées par l'eau ruisselante. Organisé en fonction des courbes de
niveau du terrain, ces canaux d’irrigation sont reliés entre eux. Ainsi les plus bas sont
automatiquement alimentés par l’excédent d’eau qui s’écoule des canaux les plus hauts. L’eau
termine sa course dans un barrage de stockage voué à l’irrigation et à la pisciculture. Une
pompe et une unité de filtration permettront également l’alimentation en eau potable des
habitants depuis le barrage. Les parties supérieures des canaux sont plantées d’arbres (genre
Casuarina, Prosopis, acacia, …). Ces derniers fournissent une grande quantité de matière
organique, contribuent à la diminution de l'évaporation de l'eau d'irrigation et du sol, limitent
l’érosion éolienne et fixent l’azote excédentaire. Les arbres fruitiers (oliviers, palmiers
dattiers, agrumes, …) sont plantés sur les parties inférieures des fossés, mieux protégées et
plus humides. La technique ancestrale de la culture oasienne en strate (arbres hauts
protégeant les agrumes qui protègent à leurs tours les cultures céréalières et potagères) est ici
améliorée par les nombreuses associations de plantes et la mise en place d’un mulch* au sol
et sur les canaux d’irrigation (couvert par des feuilles sèches de bananiers). Cette pratique
permet de conserver au mieux l’humidité du sol et d’améliorer ses propriétés biologiques et
physico-chimiques en assurant la mise en place du complexe argilo-humique*. La
consommation d'eau d’irrigation a ainsi été réduite de près de 40 %.
Pour plus de complémentarité et d'autonomie, la ferme du site s’est diversifiée dans
l’élevage de volailles et de lapins. Les animaux profitent du "jardin-forêt" (fraîcheur et
nourriture) et lui apportent un complément en matières organiques (déjections), tout en
déparasitant les cultures.
Les résultats ont été concluants. Après deux ans de conduite en permaculture les arbres
fruitiers ont eu de bons rendements. Le pourcentage de réussite dépasse les 90 %. Une des
fiertés du site est la réussite des grenadiers et figuiers malgré la salinité qui a inhibé la pousse
de ces arbres dans les fermes voisines. Les légumes implantés sous les arbres fruitiers ont eux
aussi obtenus de meilleurs rendements que ceux qui ont été cultivés hors "forêt". Les
pratiques permaculturales ont amélioré les conditions de production et la biodiversité locale.
10
La ferme est depuis 2003 un centre de formation à la permaculture et un modèle pour la
gestion des ressources naturelles et agricoles en milieux arides.
2.2.
En France
Bouriège, Aude, Languedoc-Roussillon, Emilia HAZELIP.
Dans les années 90, Emilia Hazelip (1937-2003) s’est installée sur un demi-hectare
dans le sud de la France. Elle y pratiquait le maraîchage sans labour et développa la culture
en buttes sur mulch, irriguée au goutte à goutte enterré, qu’elle nomma la “culture
synergétique*”. Elle s’est inspirée des techniques de Fukuoka. Ces pratiques sont bien
adaptées aux contraintes climatiques de cette région (faibles précipitations estivales et vent
séchant). Ici, l'importance accordée à la vie du sol est primordiale. Pour cela, Emilia couvrait
l'ensemble de ses cultures de mulch, de Bois Raméal Fragmenté* (BRF) et de paille. Cette
technique conserve l'humidité des sols (moins d'évaporation et d’assèchement par le vent),
limite la pousse des adventices* et réalise un apport en matières organiques carbonatées. Le
micro-climat ainsi créé et la nourriture apportée par le mulch favorisent le développement de
la pédofaune* qui joue un rôle déterminant pour l’amélioration de la qualité du sol.
Les buttes ne dépassent pas 1,5 m de large, ainsi on peut récolter les légumes depuis
les allées qui les entourent sans marcher sur les buttes. Cette pratique évite le tassement du
sol, augmente la surface d’échange (air/sol) et facilite son aération par les racines et les vers
de terre. De plus, une partie de la butte profite d’une meilleure exposition aux rayons du soleil
(pente à 45°), le sol se réchauffe donc plus vite. La hauteur des buttes, supérieure à cinquante
centimètres, permet aussi d'éviter l’asphyxie des racines en cas d’inondation.
Emilia organisait son espace cultural pour favoriser la synergie entre les plantes et
lutter contre les parasites, tout en respectant les cycles naturels des plantes. Par exemple elle
laissait les légumes non récoltés aller à maturité pour ramasser les graines où les laisser se
ressemer. Ces légumes meurent, se décomposent et retournent au sol sous forme de matière
organique. Ainsi le cycle est complet.
Elle appliquait également d’autres principes pour prendre soin du sol :

ne pas arracher les racines des légumes récoltés (sauf pour les légumes-racines),

ne jamais laisser le sol sans racines, ne pas le tasser, ni le retourner,

repiquer des plantes même à l’automne pour qu'il y ait toujours un couvert végétal,
11

laisser la plante se décomposer là où elle a grandi sans l’enterrer.
Le maraîchage sur buttes irriguées, sans intrants chimiques, a permis grâce aux pratiques
synergétiques et à la protection du sol, d’obtenir de très bons rendements.
Ferme du Bec Hellouin, Seine-Maritime, Hte-Normandie, Charles HERVE-GRUYER.
Ce projet de permaculture a été initié en 2004 par Charles et Perrine Hervé-Gruyer. Le
Bec Hellouin est également un lieu d'accueil, de rencontre et de formation (gîte, salle de
conférence, formation en permaculture, agriculture naturelle et traction animale). La ferme
biologique implantée sur seize hectares (dont douze de bois) est répartie sur deux sites
proches, où sont cultivés prés de 800 espèces végétales (fruits, légumes, plantes aromatiques
et médicinales). Une colline accueille les jardins thématiques : plantes médicinales,
aromatiques, légumes oubliés, fleurs comestibles et le verger conservatoire avec 400 variétés
fruitières. La ferme proprement dite, lieu d'accueil et de production se trouve en fond de
vallée. Les potagers y côtoient les plantes médicinales, les fleurs comestibles, les vergers et
l’élevage (abeilles, animaux de trait, volailles, porcs, lapins, ânes, moutons et poneys). La
ferme compte également plusieurs mares. La principale contrainte de l’exploitation se situe au
niveau du sol. Refusé de tout temps par l'agriculture, il est vraiment peu profond avec
seulement quinze centimètres de terre arable.
La place des animaux et de l'eau est capitale. Les jardins cultivés en buttes sur mulch
sont installés à proximité de mares pour que s’établisse une chaîne trophique profitant aux
deux écosystèmes (reptiles et amphibiens sont d’excellents auxiliaires). Les plans d'eau
équilibrent les différences de températures sur les pentes adjacentes par la réflexion et le
rayonnement, qui stimule aussi la photosynthèse. Ils augmentent l'humidité dans les cultures
et créent des zones favorables de microclimats par condensation. Les milieux intermédiaires
ou écotones* ainsi créés accueillent une grande diversité d'espèces.
Les animaux sont utilisés pour les travaux de la terre, aussi bien les chevaux de trait
que les poneys. Les volailles, lapins et porcs recyclent les restes des cultures, fournissent du
fumier et aussi de bons produits alimentaires.
A leur troisième année d’exploitation, les résultats très encourageants les incitèrent à
créer un nouveau jardin spécifique aux légumes d'hiver. La ferme produit aujourd'hui 80
paniers hebdomadaires pour une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture
Paysanne) cultivés sur une surface de 1 500 m². Les légumes supplémentaires alimentent deux
boutiques biologiques, un restaurant et leur famille de six personnes. Les techniques utilisées
12
sur le premier jardin sont nombreuses et variées. Cultures en buttes sur mulch et BRF, semidense, avec une grande diversité d’espèces. Les associations de plantes permettent de limiter
les attaques de parasites et alimentent le sol en matière organique afin de le faire gagner en
profondeur. Les racines fixant et aérant le sol, la préférence pour les plantes pérennes permet
également une meilleure structuration du sol. Les jardins utilisent la dimension verticale
(forêt-jardin, île-jardin). Ceci accentue l’apport de matière organique issue des arbres à
feuilles caduques et des roseaux. Le compost réalisé avec le fumier des animaux constitue
également un apport important de fertilisants organiques. L’absence de tout intrant chimique
et d’énergie fossile confère une autonomie totale. Ces pratiquent ont permis de recréer un sol
riche, profond et très productif qui atteint désormais un taux de matière organique de 16%.
Ces expériences concluantes montrent tout l’intérêt qu’on peut apporter à ce type de
production agricole et nous incitent à poursuivre nos investigations en nous rapprochant de
l’Auvergne et du département du Cantal.
3.
Nos Relevés et visites dans le Cantal et territoires limitrophes
3.1
Un héritier du sage Fukuoka
Fontenille, région d’Issoire, Puy de Dôme, Philippe BOUDIAS, 2011.
Philippe est un permaculteur autodidacte qui progresse en expérimentant des
techniques, issues de ses réflexions et adaptables à son "perma-lieu" (Figure 1). La
permaculture n'étant pas immédiatement productive, il s’est lancé en maraîchage biologique
en 2007 afin d'avoir une rentrée d'argent directe. Les productions sont vendues sur les
marchés locaux, à l’AMAP et directement sur l’exploitation. Elles sont également troquées
contre un service ou un produit. Son exploitation est constituée d’une seule parcelle de cinq
hectares conduite en maraîchage, petits fruits et arbres fruitiers, sans arrosage. Un petit rucher
est également présent. La faible profondeur du sol limite ses possibilités de travail. Ce n'est
pas forcément pour cette raison, mais par soucis d'économie que Philippe effectue seulement
un passage de rotavator sur les parcelles de fraises et de légumes. Toutefois il tend à
abandonner complètement le travail du sol.
La question était donc de trouver une source de matière organique sur son terrain ne
nécessitant pas trop de travail et procurant une autonomie de fonctionnement. Philippe a
13
appliqué un des grands principes de la permaculture, il a pris le temps d'observer la nature sur
son site et s'en est inspiré. Les plus grands producteurs de matière organique étant les
végétaux et plus particulièrement les arbres, la solution était toute trouvée.
Planter des arbres pour augmenter le taux de matière organique du sol. Il apporte
toujours du BRF et plante ses propres arbres dont les branchages lui fourniront bientôt ses
propres copeaux. Il notera une baisse de croissance chez les arbres repiqués.
Planter des noyaux, des pépins et des graines plutôt que des plants. Philippe préconise le
semis direct pour tout. La taille est réduite au minimum pour éviter une surcharge de travail
et limiter la sensibilité aux maladies par les blessures d’élagage.
Favoriser la diversité. Élément essentiel aussi bien dans le choix des variétés que dans le
respect de la biodiversité présente. Elle permet de faire face aux dérèglements des biotopes*.
Plus il y aura d’espèces, moins la pression des maladies sera élevée : principe de résilience*.
Casser la pente. Deux grandes terrasses permettent deux types de biotope. Une zone au sol
profond plantée d’arbres et des plantes grimpantes sur pergolas. Une zone au sol peu profond
plus caillouteuse réservée aux plantes aromatiques qui profitent de la chaleur et de l'effet
drainant du microclimat rocailleux. (Figure 2).
Cultures sur buttes. La culture sur buttes d’Emilia Hazelip ne fut pas une réussite chez lui.
Absence d’arrosage et caractère séchant des buttes peu larges. Il va remblayer entre ses butes
et les élargir, afin de créer des petites terrasses de culture de légumes sous arbres. (Figure 3).
Éviter le désherbage. Philippe commercialise une production abondante de très bonne
qualité : une tonne de fraises sur quatre raies de 100 mètres chacune et 500 kg de framboises
sur deux raies de 100 mètres. Pour ne pas désherber entre les raies, il plante des arbres et
couvre de BRF (Figure 4).
Créer des tuteurs permanents pour les tomates. La taille représentait un travail important.
Il a cessé cette pratique et en a observé les conséquences : trop de travail de tuteurage. Il a
donc conçu un système de tuteurs permanents en bois (Figure 5).
Superposer les cultures, utiliser la dimension verticale. Considérer le jardin en volume
plutôt qu’en surface, par l’installation de pergolas et de supports d’où il fait grimper des
légumes au dessus des autres. (Figure 6).
Philippe a pour objectif d’abandonner petit à petit la production de petits fruits et de
légumes pour se consacrer uniquement aux arbres fruitiers, dès que ceux-ci seront en pleine
production. Déjà très autonome (pas d’intrants chimiques, utilisation sporadique du tracteur),
il le sera encore plus lorsqu’il produira son propre BRF. Ses observations, ses réflexions et ses
14
expérimentations permanentes lui permettent aujourd’hui de vivre de sa passion pour les
arbres tout en appliquant sa philosophie et ses concepts issus de la permaculture. Une
approche plus complète de notre visite chez Philippe est disponible (Cf. annexe P.B).
3.2
Un élevage en plein air, un élevage Couderc
Maurs, Cantal, Pierre COUDERC, 2011.
Éleveur bio de bovins Salers sur une quarantaine d’hectares dans le sud du Cantal,
Pierre Couderc assouvit sa passion en conduisant son troupeau de 65 têtes de manière
réfléchie et raisonnée. Il a mis en place et expérimente, plusieurs pratiques qui découlent de
l’adaptation de la permaculture à la production bovine cantalienne. Les principales, ciblées
sur l’espace, les cultures et l’élevage sont décrites ci-après :
- L’aménagement de l’espace
Points d’eau : sur l’ensemble des parcelles, Pierre a investi dans le captage et la création de
mares. Les animaux peuvent s’abreuver, même en périodes sèches prolongées. Il gagne ainsi
du temps et n’a pas de coût de transport pour apporter de l’eau à ses bêtes.
Plantation de haies et entretien des existantes : Pierre en a replanté plus de deux kilomètres
les haies maintiennent l’humidité du sol, limitent l’érosion, coupent le vent du nord et
améliorent le bien-être de son troupeau. Elles produisent également des fruits pour diversifier
sa production. Gestion de la châtaigneraie : il plante des châtaigniers et valorise le capital
existant. Il participe à la création d’une nouvelle coopérative bio locale qui maintient un tissu
social autour de "l’activité châtaigne".
Partage des terres : Pierre prête 5 000 m² de terrain à une maraîchère passionnée, une partie
d’un bâtiment à un artisan du bois et accueille les ruches d’un apiculteur bio local.
- Les cultures
Association de plantes : en cultures céréalières ou fourragères, il expérimente cette pratique,
pour combiner au mieux les qualités et aptitudes de chaque essence sur un même espace.
Engrais vert : lors de la préparation des terres pour les cultures céréalières, il sacrifie une
pâture afin d’enfouir le couvert végétal existant pour enrichir le sol.
Blé panifiable : cette année, il se lance dans la production de blé bio panifiable, pour se
diversifier et contribuer à la création d’une filière pain bio locale.
15
- L’élevage
Plein air intégral : la particularité de son élevage est bien celle-là. Les animaux sont toute
l’année dehors. Pas de coût spécifique aux bâtiments d’élevage, gain de temps (pas de travail
de raclage), bien-être animal (le cheptel est plus résistant aux maladies) et plus grande
souplesse dans la conduite du troupeau permettant des courtes périodes d’absence.
Connaissance du troupeau : Pierre passe beaucoup de temps à observer et à étudier les
comportements et les habitudes de ses bêtes. Ces périodes d’observation peuvent être
considérées comme une perte de temps par certains. Elles lui permettent d’assouvir sa passion
pour ses animaux, le bien-être de l’éleveur est aussi important que celui du cheptel. En effet,
Pierre "ne va pas voir ses bêtes, mais se considère comme un invité dans leurs parcelles ".
Cette pratique lui apporte une excellente maîtrise de la hiérarchisation du troupeau et lui en
facilite, à la fois la gestion et la détection de problème. Une maladie repérée dès les premiers
symptômes pourra être traitée par homéopathie. Ainsi le stress de l’animal malade est limité
et ne se propage pas aux autres, les coûts de traitement et de vétérinaire s’en voient réduits et
les animaux évitent un traitement lourd et contraignant.
Pâturage tournant : le système de plein air intégral, impose une gestion réfléchie des
rotations de pâtures. Pierre optimise le développement cyclique naturel des herbacées, pour
éviter le surpâturage (épuisement de la parcelle) et le sous-pâturage (fermeture du milieu par
les plantes ligneuses).
Ces pratiques s’imbriquent et se complètent harmonieusement, elles optimisent les
espaces tout en diversifiant les productions. Pour Pierre, le principal objectif est de travailler
au maximum avec la nature, de jouer sur les atouts de son système d’exploitation et d’en
réduire les contraintes tout en optimisant ses productions. Ce système largement réfléchi, en
perpétuelle évaluation et critiqué au quotidien par l’agriculteur lui-même est toujours en
évolution. Il considère son système non comme un aboutissement, mais comme une ouverture
en perpétuel mouvement. Ses réflexions et ses aménagements lui permettent d’améliorer,
d’optimiser, de diversifier, de valoriser ses productions et de participer au développement du
tissu social rural local. De plus il limite ses intrants et conserve une biodiversité riche.
En respectant les trois critères : prendre soin de la Terre, des Hommes et distribuer
équitablement, Pierre est devenu un exemple à suivre dans la conduite d’un troupeau de
salers. Il est la preuve que chacun peut travailler dans cette voie sans forcément connaître la
permaculture. La réflexion, la volonté et le bon sens suffisent !
16
3.3
La diversification ou l’exemple CAUMON
Leynhac, Cantal, Sylvain CAUMON, 2011.
Cette exploitation située en châtaigneraie cantalienne présente trois productions
certifiées biologiques : un troupeau allaitant composé de 50 mères de race Limousine, des
volailles (300 poulets de chair sur l’année) et un verger de 9 ans composé de 100 pommiers
en pleine production. De nombreuses applications de permaculture sont présentes.
La filière bois : copeaux, haies et verger. Sur les 80 hectares, dix-huit sont boisés. Cette
surface et l’important maillage de haies, ont permis de valoriser la ressource bois. Utilisée
sous forme de copeaux, elle permet de chauffer l’habitation et fait office de litière pour les
vaches. Un broyeur appartenant à une CUMA (Coopérative d’Utilisation de Matériel
Agricole) départementale est utilisé pour produire les copeaux. Le coût du broyage est de
180€/heure avec un rendement d’environ 40 m3/heure. Sur l’exploitation, le besoin en
copeaux pour la litière est d’environ 150 m3 par an, c’est-à-dire qu’une demi-journée de
broyage suffit à renouveler les stocks pour l’année. Le bois, broyé encore vert, sèche en
tas, à l’abri, par fermentation. Pour la litière, les copeaux sont issus de branches de bois blanc
(peu ou pas de tanin). Une sous-couche drainante de quinze centimètres d’épaisseur est mise
en place sur la partie aire paillée avant la rentrée des animaux, en début d’hiver et une fois en
février lors du curage du bâtiment. Une couche de paille est apportée tous les deux jours à
l’aide d’une pailleuse. De plus, une sous-couche de copeaux est également étalée au godet sur
la zone de raclage tous les deux jours (environ 1 m3).
Ces copeaux ont plusieurs atouts, notamment pour le bien être animal. Leur fort pouvoir
drainant (1 m3 de copeaux = 350 litres d’humidité pompée), permet l’absorption des jus, ce
qui créé une ambiance asséchante et une meilleure hygiène dans le bâtiment. Les animaux
sont moins sales, il y a moins de maladies et d’accidents (glissades), le milieu est plus sec
mais aussi un peu plus froid. Les veaux nécessitent un paillage plus important qui conservera
mieux la chaleur. Avec ce fort pouvoir de rétention des jus, pas d’effluent liquide (lisier ou
purin) donc pas besoin de fosse de stockage. Le fumier obtenu se composte aussi bien que le
fumier classique et peut être épandu de la même manière, avant un labour ou avant un semi
direct. Par contre il ne faut pas l’enfouir immédiatement pour laisser les copeaux restants se
décomposer en milieu aérobie*. L’épandage doit se prévoir bien en amont du travail du sol.
Les haies remplissent plusieurs fonctions. Brise-vent pour les parcelles exposées au vent d’est
séchant, elles protègent les cultures. La différence entre l’orge en plein vent et l’orge à l’abri
17
de la haie est flagrante. Les nouvelles haies serviront de corridor pour la faune sauvage
(hermine, renard, lieux d’affût pour les rapaces). Le BRF, utilisé au pied des plantations
nouvelles, présente malgré tous ses avantages un inconvénient de taille, il attire les ratstaupiers qui se délectent des jeunes racines dans un terrain meuble et sec. Les principales
essences locales utilisées dans ces haies sont : le châtaigner, le merisier, le tilleul, l’érable, le
chêne rouge, le noisetier et le houx.
Le verger de pommiers est irrigué par gravité à l’aide de rigoles qui, contrairement au
système de goutte à goutte, ne concentrent pas l’eau sur une petite surface. Les arbres sont
taillés en plateau, plutôt en sève montante pour faciliter la cicatrisation. Les volailles se
chargent du nettoyage du verger et de sa fertilisation. Les pommes sont transformées sur
l’exploitation en jus et cidre.
Le poulailler est également très bien réfléchi et conçu pour une fonctionnalité maximale.
Construit dans le prolongement de l’étable, mais à un niveau inférieur (limite le transfert de
maladie), les volailles profitent du refus des vaches et de leur chaleur. Il donne directement
sur le verger. Les perchoirs dominent une aire paillée qui donnera un bon fumier. L’utilisation
des copeaux en litière n’est ici pas conseillée car les poules les mangent et leurs déjections
plus sèches ne nécessitent pas une telle litière.
La terre devenue tellement dépendante aux engrais chimiques azotés a besoin de
quelques années (trois à cinq) pour retrouver un cycle naturel et une production compétitive.
L’épandage du compost de copeaux aide le sol à mieux passer cette phase de "sevrage
chimique". Sylvain a retrouvé en quelques années, un taux de matière organique de 4%.
Ici aussi la réflexion et l’expérimentation permanente rejoignent les concepts de la
permaculture. Pas d’intrants chimiques. Valorisation des déchets (compostage des fumiers,
refus des vaches dirigé vers le poulailler, utilisation des plumes dans le compost, …).
Diversification : transformation (jus de pomme, cidre, …), atelier d’abattage pour les
volailles, "filière châtaignes" locale, vente directe, gîtes. Valorisation du capital bois.
Réflexion paysagère : aménagement d’un maillage bocager, protection de la biodiversité,
corridors biologiques. Utilisation d’auxiliaires (volailles dans le verger). Qualité des produits
(cheptel bovin, volailles, fruits, …). Distribution locale et maintien du tissu social.
Par l’efficacité de ses applications liées à la permaculture, Sylvain nous a démontré la
viabilité agro-écologique, économique et sociale de son exploitation. Encore un exemple
innovant à mettre en avant.
18
Après une production végétale chez Philippe, un élevage Salers chez Pierre et une
diversification polyculture-élevage chez Sylvain, nous aurions pu évoquer Christophe et ses
expérimentations sur l’élevage et la sève de bouleau (Cf. annexe C.V). Mais ce dernier ayant
une "double casquette" (enseignent et agriculteur), nous avons privilégié les exploitants qui
vivent exclusivement de leurs activités agricoles.
4.
Applications possibles dans le Cantal
Après avoir retiré la "substantifique moelle" de nos recherches et de nos rencontres, il
nous faut maintenant, observer et déceler les "interactions fonctionnelles" de notre "permalieu", le département du Cantal. Ainsi nous pourrons, nous aussi, tenter l’expérimentation en
proposant quelques "graines" d’applications qui pourraient germer et se développer sur les
terres cantaliennes et peut être coloniser d’autres territoires.
4.1.
L’agriculture conventionnelle et biologique dans le Cantal
L’agriculture cantalienne est évidemment touchée par les différentes problématiques
mondiales. L’intensification cause des modifications environnementales : destruction
d’espaces naturels remarquables (zones humides) et pollutions (eau, sol, air). Le système
agricole actuel pousse à l’intensification, à l’agrandissement des grosses exploitations au
dépend des petites fermes. Seules les plus grosses exploitations survivent en phagocytant les
plus petites (Figure. 1). D’où la diminution du nombre d’exploitations (Figure. 2) et d’actifs
agricoles et finalement la détérioration du tissu social rural. Le nombre d’exploitations
cantaliennes a été divisé par trois en cinquante ans (Figure. 3). Parallèlement, la surface
agricole utile (SAU) moyenne a été multipliée par 2,3 (Figure. 4). La disparition
d’exploitations s’additionne aux contraintes financières (augmentation du prix de l’hectare et
des capitaux) ce qui créé un frein à la reprise et à l’installation de nouveaux actifs.
Le territoire du Cantal, milieu de moyenne montagne, a suivi le modèle intensif.
L’agriculture s’est axée sur quelques productions (production allaitante et laitière) tout en
délaissant certaines jugées moins rentables. Aujourd’hui 95 % de la SAU du département est
herbagère, le reste représente principalement des cultures de céréales et de maïs fourrager.
Ces aliments nourrissent plus de 460 000 bovins, soit 84 % de la production agricole. Un
19
agriculteur produit en moyenne 15 fois plus qu’il y a 100 ans. Cette productivité accrue, due
essentiellement à la mécanisation, a pour conséquence directe l’effondrement du nombre
d’actifs vivant de l’agriculture. En effet il y a 100 ans, 91% de la population cantalienne
vivait de l’agriculture, contre seulement 20% aujourd’hui. Dans le même laps de temps le
département a perdu 90 000 habitants.
Le modèle intensif n’est pas cautionné par l’ensemble des exploitants. Une minorité
n’adhère pas à ce système et s’oriente vers l’agriculture biologique* ou encore vers
l’agriculture paysanne*. Ils limitent leurs dépendances, leurs impacts sur l’environnement et
favorisent le développement social et économique local. Cependant, si l’agriculture paysanne
reste un état d’esprit, une philosophie, l’agriculture biologique s’organise autour d’un cahier
des charges précis, qui permet de recenser les agriculteurs engagés. Ils sont encore trop
minoritaires (Figure. 5) pour changer significativement les choses. Mais une réelle phase de
transition est aujourd’hui visible aussi bien dans les pratiques quotidiennes que dans les
mœurs. Ces exploitants, généralement installés sur de petites structures, tendent vers une
agriculture durable, raisonnée et diversifiée. Le plus souvent ils transforment leurs produits et
les commercialisent directement à la ferme ou en circuits courts et locaux. On recense une
centaine de producteurs biologiques répartis sur les 6 633 hectares engagés en AB : un peu
moins de 2% de la SAU cantalienne. Ils sont engagés sur des productions très diverses telles
que : le maraîchage, l’élevage caprin, ovin et bovin, en viande, lait ou fromage, l’élevage
porcin, l’héliciculture, la viticulture ou encore la production de bière.
Largement minoritaires en nombre et en surfaces exploitées, ces producteurs par leur
diversification, leur investissement minimum en intrants et la valeur ajoutée de leurs produits
transformés arrivent à vivre correctement sur de petites exploitations. Pour exemple, un
éleveur bovin viande (race salers) peut bénéficier d’une plus-value bio de 15 à 30 % par
rapport à un éleveur conventionnel. Bien que l’effectif des producteurs bio ne soit pas très
important on note une progression significative ces dernières années : plus 25% entre 2007 et
2009 (Vigier, 2011).
Le territoire du Cantal présente de bonnes prédispositions pour certaines applications
permaculturales. La topographie de moyenne montagne, caractérisée par des paysages
vallonnés à accidentés, limite la taille des exploitations, accentue le morcellement des
parcelles et permet la présence de zones boisées. Le climat cantalien subocéanique frais*
offre une pluviométrie intéressante pour l’agriculture même si les périodes de sécheresse
20
relative reviennent plus régulièrement. Les types de sols permettent une bonne rétention d’eau
sur socle volcanique basaltique et sont généralement composés d’une forte proportion de
matières organiques. On parle d’un sol riche au-delà de 4% de matières organiques. Dans le
Cantal la moyenne dépasse les 6% et peut atteindre les 20% sur des prairies permanentes
d’estive. Le type d’agriculture essentiellement basé sur l’élevage bovin permet une
souplesse d’adaptation plus importante qu’une production monoculturale céréalière.
Enfin, un atout déterminant du territoire pour un soutien et une expérimentation aux
pratiques de la permaculture, le dynamisme et l’implication de la chambre d’agriculture du
Cantal qui s’investit dans une agriculture durable, raisonnée et respectueuse de
l’environnement.
4.2.
Applications pour les exploitations cantaliennes
Nous avons choisi de présenter plusieurs applications adaptables à de nombreux type de
productions sous forme de tableau. Ainsi chaque agriculteur, en fonction de ses objectifs de
production et de sa localisation pourra choisir parmi les applications qui lui correspondent.
Issues de nos réflexions et du bon sens permacultural, ses applications doivent permettre à
l’agriculteur de tendre vers une production raisonnée. La réduction des intrants, la recherche
de la qualité des produits, la diversification, la valorisation des productions en circuit court et
la protection de l’environnement sont les objectifs principaux que nous avons essayé de
mettre en avant par ses applications. Afin d’en faciliter la lecture et la compréhension, les
modalités technico-économiques de ces propositions n’apparaitront pas dans les tableaux.
Pour une approche plus approfondie en fonction des applications choisies, se référer aux
annexes correspondantes dans le livre II.
Aménagement
Avantages
Inconvénients
Applications
Exemple
Point d'eau.
Humidité relative, biodiversité, gain de temps, économie de carburant et d’eau.
Parasites (douve en élevage). Eau stagnante en cas de sécheresse.
Élevage, maraîchage, grandes cultures, arboriculture, apiculture.
Les points d'eau de Pierre lui évitent de déplacer une tonne à eau.
Aménagement
Semi-direct. Annexes P.B (p. 26) et conduite de troupeau (p. 64).
Bien adapté au climat et au sol. Limite le travail du sol et l’érosion.
Gain de temps et d'argent. Pas de stress de repiquage (maraîchage).
Pratique relativement lente à porter ses fruits.
Élevage, maraîchage, grandes cultures, arboriculture.
Philippe sème ses salades et plante ses arbres à partir de noyaux.
Avantages
Inconvénient
Application
Exemple
21
Aménagement
Avantages
Inconvénients
Applications
Exemple
Aménagement
Avantages
Inconvénient
Application
Exemple
Aménagement
Avantages
Inconvénient
Application
Exemple
Aménagement
Avantages
Inconvénients
Exemple
Aménagement
Avantages
Inconvénient
Application
Exemple
Aménagement
Avantages
Inconvénients
Application
Exemple
Aménagement
Avantages
Inconvénients
Application
Haies. Annexes haie bocagère (p. 41) et BRF (p. 53).
Production bois (chauffage, œuvre, BRF, …). Production fruits (transformation,
valorisation). Biodiversité (auxiliaire de culture).
Protection des cultures, du cheptel, des sols et des ressources en eau.
Possibilité d'échec à la plantation (rats-taupiers, stress hydrique, thermique).
Effet non immédiat : plusieurs années (brise-vent). Entretien annuel.
Élevage, maraîchage, grandes cultures, arboriculture, apiculture.
Sylvain exploite sa haie pour la production de coupeaux (litière, chauffage).
Associations de plantes. Annexes c.d.t (p. 64) et cultures inter. (p.71).
Complémentarité de production, d’utilisation de l’espace, d'apport et de
prélèvement dans le sol. Production plus homogène sur l'année.
Protection contre les ravageurs (accessibilité des plantes ciblées).
Préparation des mélanges de semences contraignante.
Élevage, maraîchage, grandes cultures, arboriculture, apiculture.
Exemple des trois-sœurs (annexe 1.2.b, p. 4).
Favoriser la biodiversité. Annexe Biodiversité (p. 37).
Accueil des auxiliaires de culture. Lutte biologique : gain de temps et d'argent.
Réactivité des parcelles face aux ravageurs : les prédateurs sont déjà présents.
Participation à la protection de la biodiversité patrimoniale.
Nécessite le temps d'installation des prédateurs.
Élevage, maraîchage, grandes cultures, arboriculture, apiculture.
Bandes enherbées, mares, arbres morts, muret, tas de pierres, bordures,…
Élevage holistique. Annexe élevage holistique (p. 58).
Augmentation de la qualité et de la production des prairies. Ameublissement du
sol par le piétinement. Reconstitution d'un réseau trophique associé.
Manipulation fréquente du troupeau, demande du temps.
Système de rotation de Pierre, 3 à 4 jours par paddocks.
Cultures intercalaires. Annexe cultures intercalaires (p. 71).
Accueil des auxiliaires de culture. Protection du sol. Plus de production sur une
même parcelle. Couvert végétal permanent.
Matériel adapté pour le semi.
Élevage, maraîchage, grandes cultures, arboriculture.
Pierre expérimente les mélanges de semences pour ses prairies.
Cultures sur buttes. Annexe S.H (p. 13).
Réchauffement de la terre plus rapide. Évite le tassement du sol. Facilite les
associations de plantes sur une surface réduite. Favorise les échanges air/sol.
Plus de surface de contact avec le vent, assèchement.
Maraîchage, arboriculture.
Ferme du Bec Hellouin, Emilia Hazelip, Sepp Holzer.
Diversification des productions.
Résilience du système agricole et de l'économie face aux aléas. Répartition des
productions entre les différents agriculteurs d'une même région.
Demande plus de connaissances techniques et nécessite une valorisation.
Toutes les filières.
22
4.3
Diagnostic de deux exploitations innovantes
Pour se faire une idée plus précise, voici un résumé de l’évaluation de deux
exploitations. Réalisé annuellement par la Chambre d’Agriculture, le diagnostic économique
(logiciel Diapason de l’institut de l’élevage) permet de suivre l’évolution des exploitations
des réseaux d’élevage. Nos deux producteurs Bio qui s’appuient sur certaines techniques
exposées précédemment, présentaient globalement, en 2010, une bonne viabilité économique.
L’analyse des données Diapason nous permet de visualiser les points forts et les faiblesses de
chacun (Cf. Tableau Diagnostic).
L'élevage en plein air intégral rapproche Pierre Couderc de la permaculture. Il lui
procure plus d'autonomie et de temps libre qu’un élevage conventionnel et replace l'animal
dans son environnement originel. Pierre a rencontré quelques difficultés en 2010 (sécheresse,
absences répétées) qui ne lui ont pas permis de conduire son troupeau de manière optimale.
Ces difficultés expliquent en partie, la faible productivité de ses bêtes. Pierre pourrait essayer
de mieux valoriser sa production de viande Bio mais les débouchés locaux ne lui permettront
pas forcément d’améliorer ses marges brutes. Il compense sa faible valeur ajouté par des
charges opérationnelles très basses. Cette gestion lui permet d'avoir plus de souplesse et de
temps pour s'investir localement, dans des actions culturelles et sociales.
Pour Sylvain Caumon c’est plutôt l’aspect diversification / valorisation de ses
produits qui le rapproche de la permaculture. La transformation et la vente directe lui
permettent d’écouler ses productions en circuit court et d’en tirer une plus-value conséquente.
Toutefois, il reste très dépendant de certains intrants, notamment les concentrés alimentaires
pour ses limousines. Mais il ne cherche pas forcément à tendre vers une autonomie totale. Il
faut d’ailleurs replacer cette dépendance aux concentrés dans son contexte. L’année 2010 fut
difficile et les aménagements du bâtiment principal ne lui ont pas permis de se consacrer
entièrement à ses productions. Le système diversifié de Sylvain réclame une attention
quotidienne et ne procure pas une souplesse de gestion comparable à celle de Pierre. Il est
d’ailleurs sur le point d’embaucher un salarié.
Ces deux exploitants utilisent, sans forcement le savoir, des techniques liées aux
principes de la permaculture. L’ouverture d’esprit, la réflexion, la motivation et la bonne
23
connaissance de leurs agroécosytèmes ont permis à ces agriculteurs d’adapter des pratiques en
fonctions de leurs attentes respectives. Ces pratiques, rattachées à la permaculture, leur
procurent une meilleure autonomie, une production de qualité, un système stable et durable et
une viabilité économique. Mais pour être optimales, elles demandent une diversification des
productions et des pratiques engagées. En effet, il faut s’attendre à une diminution des
rendements les premières années, avant de retrouver un niveau correct de production. Les
rendements moins importants mais plus réguliers, peuvent cependant être compensés par la
qualité des productions et leur valorisation. Sans cesse il faut se remettre en question et
expérimenter pour tendre vers la durabilité et l’autonomie du système. Tout en favorisant et
respectant la nature et l’homme, ces agriculteurs participent activement au développement
économique, social et environnemental du territoire.
Mais pour atteindre ses objectifs, la réflexion et le cheminement doivent se faire étape
par étape. Dans les pratiques proposées, certaines ne demandent que peu de moyens et ne
remettent pas en cause le fonctionnement global de l’agroécosystème. Un premier pas peut,
par exemple, être la prise de conscience sur le rôle prépondérant joué par les haies et la
biodiversité. Les applications qui en découlent sont faciles à intégrer et peu coûteuses. Elles
permettront de se faire un premier avis sur l'efficacité des services rendus par la nature et les
interconnexions entre les différents éléments du système. L’observation et l'analyse devront
alors apporter des réponses aux besoins en utilisant les ressources produites par
l'agroécosystème. Certes, cette démarche demande du temps et de l’investissement personnel.
Les résultats ne seront pas visibles en quelques mois, mais le Cantal reste un territoire où la
nature sauvage est encore bien présente et préservée. La biodiversité naturelle sera d’autant
plus réactive aux aménagements si ces derniers sont en sa faveur.
La diversification demande également un engagement total. En plus des connaissances
techniques variées, il faut faire preuve d’innovation et avoir une volonté à toute épreuve pour
faire face aux jugements extérieurs trop hâtifs. C'est l'une des clés de la réussite pour atteindre
un système durable et autonome. Encore une fois, le Cantal est tout prédisposé à la
diversification de part sa très forte spécialisation actuelle.
La Chambre d’Agriculture cantalienne sera un bon support technique et humain pour
les agriculteurs qui souhaiteraient expérimenter les propositions permaculturales que nous
venons de présenter.
24
Conclusion
février 2012, le constat énergétique, social, environnemental ou encore agricole, de la
planète ne s’est pas amélioré. Pourtant à travers nos recherches, nos rencontres et nos
réflexions, beaucoup de choses ont changé. Nous sentons qu’avec cet outil appelé
permaculture, une des solutions qui permettrait un rééquilibre de la situation est réellement à
porter de main. Des applications simples et peu coûteuses qui auront leur importance dans
le contexte global, peuvent facilement être adoptées par une grande partie d’agriculteurs
(conventionnels, biologiques et paysans) et de jardiniers. Toutefois nous sommes conscients
qu'il existera toujours des freins techniques, sociologiques ou philosophiques aux
changements.
Cependant, Après l’observation et l’analyse des présentations non exhaustives des
permaculteurs, des perma-lieux et des applications, la réflexion pour l’étape suivante devrait
commencer à germer. Telle notre petite graine, qui aura besoin d’un agroécosystème stable
pour bien se développer, l’utilisation des applications devra être bien réfléchie afin d’apporter
le maximum d’interactions possibles entre les éléments présents.
L’expérimentation, la réflexion permanente et l’échange avec autrui sont les bases
de la réussite de toutes modifications d’un système de production. Face à l'évolution future de
l'agriculture, les agriculteurs se doivent d'être en éveil et curieux pour accomplir la tache
complexe qui leur incombe : nourrir les populations. Cette dernière ne pourra se faire qu’avec
un maximum d'autonomie et de résilience dans un système durable. C’est pourquoi l’apport
technique et les conseils de la chambre d’agriculture seront déterminants pour l’application,
sur le terrain, des quelques propositions que nous avons choisi de présenter.
25
Bibliographie
Livres
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ALBOUY Vincent.
Jardinez avec les insectes.
Éditions de Terran. 2009. 360 pages. ISBN ° : 978-2-913288-96-6.
FUKUOKA Masanobu.
La révolution d’un seul brin de paille : Une introduction à l’agriculture sauvage.
3e édition. Editeur Guy TREDANIEL. 2005. 202 pages. ISBN : 978-2-84445-624-3.
Édition originale : "Shizen noho wara ippon no Kakumei" 1975 Tokyo (Japon).
FUKUOKA Masanobu.
L’agriculture naturelle : théorie et pratique pour une philosophie verte.
Éditions de la Maisnie. 2010. 326 pages. ISBN : 978-2-84445-550-5.
Japan Publications. 1985.
HOLZER Sepp.
La permaculture de Sepp HOLZER.
Guide pratique pour jardins et productions agricoles diversifiées.
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Édition originale : "Sepp Holzers permakultur".
Éditions Leopold Stocker. 2008. Graz (Autriche).
MOLLISON Bill & HOLMGREN David.
Permaculture 1.
Une agriculture pérenne pour l’autosuffisance et les exploitations de toutes tailles.
Éditions DEBARD. 1986. 180 pages. ISBN : 2-86733-030-0.
Édition originale 1978 Stanley, Tasmanie (Australie).
MOLLISON Bill.
Permaculture 2.
Aménagements pratiques à la campagne et en ville.
2e édition. Éditions Equilibres. 1993. 180 pages. ISBN : 2-87724-009-6.
Édition originale 1979 Stanley, Tasmanie (Australie).
RUTSCH Margit.
Jardiner autrement.
La permaculture conseils et principes de base.
Éditions Ouest-France. 2011. 94 pages. ISBN : 978-2-7373-5358-1.
Édition originale : "Permakulturelemente im Hausgarten".
Éditions Oekobuch. 2010. Dornbirn (Autriche).
WAGNER Hans.
Le Poireau préfère les fraises.
Les meilleures associations de plantes.
Éditions Terre Vivante. 2004. 111 pages. ISBN : 2-904082-88-3.
Édition originale : "Karotte liebt Tomate". Éditions W. Ludwig Buchverlag. 2000.
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WHITEFIELD Patrick.
Graines de permaculture.
Editions Passerelle Eco. 2009. 96 pages. ISBN : 978-2-9533448-1-3.
Édition originale : "Permaculture in a Nutshell". Éditions Permanent Publications.
East Meon, Hampshire (Royaume-Uni).
WHITEFIELD Patrick.
Créer un jardin-forêt.
Une forêt comestible de fruits, légumes, aromatiques et champignons au jardin.
Éditions Imagine un Colibri. Mars 2011. 188 pages. ISBN : 978-2-9537344-0-9.
Édition originale : "How to make a forest garden". Éditions Permanent Publications. 1996.
East Meon, Hampshire (Royaume-Uni).
Articles
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Permaculture Research Institute of Australia. 2008. 8 pages.
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Revue : CQFD mensuel indépendant de critique sociale : www.cequilfautdetruire.org
Propos recueillis par LUDD Jonathan. Article publié dans le n° 31 de CQFD. Février 2006.
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Cours
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Écosystème bocager. Intervention/sortie terrain (promotion 2011-2012).
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SARTHOU Véronique.
Biodiversité dans les agroécosystèmes. Intervention (promotion 2011-2012).
SYRPHYS.
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L’Agriculture Biologique dans le Cantal / Agriculture et Paysage.
Intervention/sortie terrain (promotion 2011-2012).
Chargé de mission sur l’Agriculture Biologique à la Chambre d’Agriculture du Cantal.
Vidéo
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Culture de la terre en synergie :
L'agriculture synergétique profondément respectueuse du sol vivant expliquée pas à
pas.
1995. DVD vidéo : 30 min. Éditions : LAS ENCANTADAS.
Voir aussi
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Maraîchage : de la bonne gestion des mauvaises herbes.
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Alliance de la permaculture avec l’AB pour un système productif et écologique.
Revue : Alter Agri n°108. 7-8/2011. 3 pages (p. 29-31).
Pour en savoir plus : www.fermedubec.com
Edu Tranfer Design Associates and Haywire Creative.
La forêt comestible et la polyculture de verger.
Revue : Technologie et innovation. 13/06/2011. 3 pages.
Édition : Conseil Canadien de la gestion d’Entreprise Agricole (CCGEA).
http://www.farmcentre.com/Francais/Features/ScienceInnovation/Article.aspx?id=f4c3665c03ce-450f-8b8c-734ba711134f
EL HADI Bouabdellah.
Le concept de durabilité à travers une relecture de l'histoire agricole romaine.
Revue : El Watan. 10/08/2009. 4 pages.
Groupe conseils agricoles de l'Abitibi, Québec. (Canada).
GOMEZ Christelle.
Agronomie - Fiche n° 7 : L’enherbement permanent en agriculture biologique.
Fiche RMT DévAB. Chambre d’Agriculture 82. 2009. 4 pages.
Éditions : Réseau Mixte Technologique "Développement de l’Agriculture Biologique"
http://www.devab.org rubrique publication.
IBN AL-AWWAM.
"Kitab al Filaha" le livre de l’agriculture. XIIe siècle.
Traduit de l’arabe par J-J. CLÉMENT-MULLET de la Société Impériale d’Horticulture.
Édition originale: Librairie A. Franck – Paris. 1866. Tome II. 460 pages
Ouvrage couronné par la société impériale d’agriculture de Paris.
LAKER Laura.
La permaculture : Jardiner comme la nature.
Revue : L’écologiste n°31. 20/03/2010. 2 pages (p. 64-65).
ROY Réjean.
Le jardin auto-fertile (JAF) : le chicot : un allié important.
Revue : BIO-BULLE n°30. 01/04/2001. 2 pages (p. 16-17).
STIEGMANN M.
Un jardin collectif en permaculture.
Revue : Les 4 saisons du jardinage n°131. 01/11/2001. 5 pages (p. 19-23).
Glossaire
A.
Adventice : nom féminin - (adventices).
L'adventice désigne la « mauvaise herbe » (terme peu à peu délaissé à cause de la mauvaise
image qu'il véhicule). Pour les botanistes, elle correspond à une espèce étrangère au milieu
dans le quel elle a été introduite.
Agriculture biologique : locution nominale - féminin – sigle AB.
L’agriculture biologique est une méthode de production basée sur le respect du vivant et des
cycles naturels, qui gère de façon globale la production en favorisant l’agroécosystème mais
aussi la biodiversité, les activités biologiques des sols et les cycles biologiques. Pour atteindre
ces objectifs, les agriculteurs biologiques doivent respecter des cahiers des charges et des
règlements qui excluent notamment l'usage d’engrais chimiques de synthèse et de pesticides
de synthèse, ainsi que d'organismes génétiquement modifiés.
Agriculture paysanne : locution nominale - féminin.
L'agriculture paysanne s'inscrit dans les critères de durabilité, de respect de l'environnement et
de conservation du tissu social. Cette vision n'a pas qu'un rôle de production, mais aussi un
rôle social, environnemental et de maintien de la qualité des produits. Il s'agit d'une démarche
de progression, ce n'est pas un label comme le bio, il n'y a donc pas de règles ou de cahiers
des charges à suivre pour obtenir cette mention. Elle s'appuie sur une charte de dix principes :

répartir les volumes de production afin de permettre au plus grand nombre d'accéder
au métier et d'en vivre,

être solidaire des paysans du monde,

respecter la nature,

valoriser les ressources abondantes et économiser les ressources rares,

rechercher la transparence dans les actes d'achat, de production, de transformation et
de vente des produits agricoles,

assurer la bonne qualité gustative et sanitaire des produits,

viser le maximum d'autonomie dans le fonctionnement des exploitations,

rechercher les partenariats avec d'autres acteurs du monde rural,

maintenir la diversité des populations animales élevées et des variétés végétales
cultivées,

raisonner à long terme et de manière globale.
Agroécologie : Nom féminin - (agroécologies).
Regroupe les relations et interactions entre les activités agricoles et l'écologie. Elle est à la
base d’un système global de gestion d’une agriculture multifonctionnelle et durable, qui
valorise les agroécosystèmes, optimise la production et minimise les intrants. Elle joue tant
sur les stratégies écologiques que sociologiques. Les trois principes de base :

s'appuyer sur les savoirs traditionnels fermiers, et sur un ensemble de techniques
adaptées aux conditions et aux ressources locales,

promouvoir la diversité écologique et économique dans le but de répartir et diluer les
risques, conserver voir même enrichir les ressources naturelles, et accroitre la
souplesse du système agricole,

permettre son accessibilité et sa maitrise par les moins riches, en diminuant les couts
liés aux investissements matériels, et en accroissant l'indépendance énergétique.
Cette approche incorpore une analyse et une compréhension scientifique des principes
biologiques et des écosystèmes qui régissent une ferme à un endroit donné (Debande, 2010).
Agroécosystème : nom masculin - (agroécosystèmes).
Écosystème modifié par l'homme afin d'exploiter une part de la matière organique produite.
Objet d'étude de l'agroécologie : « ensemble agricole fonctionnellement et spatialement
cohérent, incluant ses composantes vivantes et non-vivantes ainsi que leurs interactions. »
(University of Guelph, 1996)
Aérobie : adjectif invariant en genre - (aérobies).
Qualifie les organismes vivants ou microorganismes ayant besoin d'air, d'oxygène, pour vivre
ou pour dégrader la matière organique.
Allélopathiques : adjectif - féminin - (allélopathique).
Définit l'ensemble de plusieurs interactions biochimiques directes ou indirectes, positives ou
négatives, d’une plante sur une autre (micro-organismes inclus). Ces échanges se font au
moyen de composés allélochimiques qui jouent un rôle important dans :
- la compétition aux ressources environnementales (eau, lumière et substances nutritives),
- l’armement chimique de défense des plantes contre leurs prédateurs,
- la coopération intra- et interspécifique.
B.
Bioaccumulation : nom féminin - (bioaccumulations).
Désigne la somme des absorptions d'un polluant par voie directe et alimentaire par les espèces
animales aquatiques ou terrestres. En écologie le phénomène de bioaccumulation renvoie à
l'augmentation de la concentration en éléments chimiques à chaque niveau supérieur de la
chaîne trophique.
Biofilm : nom masculin - (biofilms).
Communauté de microorganismes multicellulaires plus ou moins complexes vivant en
symbiose.
Biome : nom masculin - (biomes).
Entité biogéographique définie par ces paramètres physiques, climatiques et par les sociétés
végétales présentes.
Biotope : nom masculin - (biotopes).
Ensemble de facteurs biotiques (interactions du vivant sur le vivant dans un écosystème) et
abiotiques (facteurs physico-chimiques d'un écosystème) formant un milieu stable et
homogène pour une biocénose (espèce) type.
B.R.F. ou Bois Raméal Fragmenté : locution nominale - masculin.
Coupeaux de jeunes rameaux de feuillus issus de taille de haies ou d’élagage. Epandus en
mulch ces copeaux constituent une véritable révolution agronomique. En effet, l'extrémité des
branches concentre 80% des nutriments des arbres. Ils sont pour la plus part facilement
dégradable sauf la lignine (matériau carbonaté constituant la rigidité du bois). La lignine
dégradée par les champignons est à l'origine d'une forte production d'humus et stimule
considérablement la vie du sol. L’apport d'humus couplé à un fort réseau de champignons
améliore le sol qui retient mieux l'eau et les éléments nutritifs. Le BRF est également utilisé
comme litière pour les animaux, support de plantation, compost, chauffage, etc.
C.
C.A.H. ou Complexe Argilo-Humique : locution nominale - masculin.
Processus naturel d'attraction des éléments chimiques (Cations : Ca²+,Mg²+, K+,...) autour des
éléments minéraux et organiques du sol (minéraux argileux et humus). Ces cations
s'échangent avec les solutions du sol et les plantes. Ce complexe absorbant, crée par les
microorganismes vivants, fixe les nutriments essentiels à la fertilité des sols.
Chaîne trophique : locution nominale - féminin - (chaînes trophiques).
Ensemble des relations qui s’établissent entre des organismes en fonction de la façon dont
ceux-ci se nourrissent. Comprend des producteurs (algues, par exemple), des consommateurs
primaires (herbivores), des consommateurs secondaires (carnivores) et des décomposeurs (ou
détritivores). Les polluants qui ne se dégradent pas ou peu (métaux lourds) vont se concentrer
au sommet de la chaîne trophique, chez les prédateurs. On parle aussi de chaîne alimentaire.
Condition pédoclimatique : locution nominale - féminin - (Conditions pédoclimatiques).
Ensemble des facteurs se rapportant au type de sol influençant la végétation. Mériaux (1979)
puis Girard et Dufaure (1988) présentent un "bilan pédoclimatique". Aux bilans climatiques
classiques (précipitations, évapotranspiration potentielle, ruissellement superficiel, drainage
en profondeur), ils rajoutent, au niveau de chaque unité de sol, les remontées capillaires et les
variations du stock d’eau. Un tel bilan permet de définir le déficit hydrique réel. Dans ce cas,
il s’agit bien d’une combinaison de données climatiques et de données pédologiques.
Culture synergétique : locution nominale - féminin - (cultures synergétique).
Pratique agricole issus des recherches du micro-biologiste Japonnais Masanobu Fukuoka. La
culture synergétique se base sur la création et la valorisation des échanges entre chaque
élément de la culture : le sol, la faune et microfaune, la flore spontanée,... Ainsi le sol s'autofertilise et se travail de lui même par l'action combinée de chacun des éléments de
l'agroécosystème.
E.
Écotone : nom masculin - (écotones).
Limite entre deux écosystèmes ou zones de transition s'étendant sur plusieurs centaines de
mètres ou centaines de kilomètres. Cette limite offre une diversité de biotopes due aux
variations des paramètres thermiques, hydriques ou pédologiques. La grande diversité des
écotones est aussi due à l'interpénétration de la faune et de la flore provenant des biomes
contigus. Les écotones, impactés par les activités humaines ou par les variations thermiques,
hydriques ou pédologiques, vont se déplacer par translation vers le biome le plus en équilibre.
« Les marges des biomes forestiers ont été fortement affectées par les activités agricoles et
pastorales qui ont réduit l’extension des formations végétales boisées au profit des prairies,
des plantations, des champs ou des espaces urbanisés. » (Hugonie, 2004).
Eutrophisation : nom féminin - (eutrophisations).
Du grec "trophi" : aliment/nutriment et "eu" : excessif.
Enrichissement excessif d'une eau en matières nutritives (sels minéraux) provoquant la
perturbation de l'équilibre biologique des eaux par désoxygénation des eaux profondes.

Effet direct : forte biomasse de phytoplancton et d’algues dans les couches supérieures des
eaux qui empêche la pénétration de la lumière.

Effets indirects : dans les couches inférieures, les animaux et les microorganismes
Consomment l’oxygène jusqu’à sa disparition et meurent. Les plantes n’ont plus accès à la
lumière, elles n’assurent plus leur activité photosynthétique et meurent.
I.
IFEN : sigle acronymique français.
Institut Français de l’ENvironnement. Ancien service à compétence nationale du ministère de
l’Ecologie crée en 1990. Il a été dissous par un décret publié au journal officiel le 29
novembre 2008 et ses missions redistribuées au Commissariat général au développement
durable et au service de l'observation et des statistiques du ministère, sous tutelle de l’état.
L'IFEN collectait des données environnementales ou d'intérêt environnemental.
M.
Métabolite : nom masculin - (métabolites).
Un métabolite est un composé organique intermédiaire issu de la dégradation d’une molécule
active. Ici on parle de métabolites pour les molécules issues de la dégradation des pesticides.
Certains métabolites sont bien plus toxiques et peuvent avoir une durée de vie bien plus
longue que la molécule active initiale. Exemple : l’atrazine-déséthyl est un des métabolites de
l’atrazine, herbicide de la famille des triazines.
Météorisation : nom féminin - (météorisations).
Augmentation du volume de l'abdomen des ruminants par accumulation de gaz dans le tube
digestif. Ce phénomène est fréquent chez les ruminants, notamment les bovins. Les gaz de
fermentation des aliments, notamment le méthane, peuvent s'accumuler dans la panse. Elle
peut être provoquée par un arrêt de la rumination (en cas de frayeur, ou d’obstruction de
l'œsophage par un corps étranger) ou par l'ingestion de certaines plantes (légumineuses). La
météorisation peut entraîner la mort rapide de l'animal par asphyxie.
Mulch : nom masculin (d’origine anglaise).
Couche de matériaux organiques couvrant et protégeant le sol aussi appelé paillis. Le paillage
joue un rôle important dans tout système de jardinage sans bêchage ou de culture sans labour.
Les objectifs du mulch :

protéger le sol des variations thermiques et le garder meuble en améliorant sa
structure,

ralentir l'évaporation de l'eau induite par le vent et le soleil,

améliorer la texture du sol et l’enrichir par l'apport de matières organiques carbonatées
et de nutriments issus des matériaux du paillage (N, P, K),

limiter la pousse des adventices par interception des rayons lumineux nécessaires à la
germination,

abriter une pédofaune utile.
N.
Niche écologique : locution nominale - féminin - (niches écologiques).
Un des concepts théoriques de l’écologie qui traduit à la fois : la position occupée par un
organisme, une population ou plus généralement une espèce dans un écosystème et la somme
des conditions nécessaires à une population viable de cet organisme. La niche écologique
représente en quelque sorte l'adresse et la fonction de l'espèce au sein de l'écosystème.
P.
Pédofaune : nom féminin - (pédofaunes).
Du grec pedon « sol ». Faune du sol : c’est l'ensemble de la faune effectuant tout ou une partie
de son cycle de vie dans le sol. En fonction de la taille des espèces, on la divise en
macrofaune, mésofaune ou microfaune.
Pollution ammoniacale : locution nominale - féminin - (pollutions ammoniacales).
Pollution par les composés à base d’azote (N). Responsable de l'eutrophisation. Origine : à
98% agricole, lors de l'épandage de composés azotes (déjections animales, engrais), une partie
est rapidement volatilisée sous forme ammoniacale (NH3) et sous forme d'oxyde d’azote
(NOx). Emissions en France en 2008 : 746 kt dont 731kt pour l’agriculture (SNIEPA, 2010).
Protoxyde d’azote : nom masculin - (protoxydes).
Composé chimique gazeux de formule N2O soit deux atomes d’azote pour un d’oxygène. Il
est classé comme polluant par le protocole de Kyoto. C'est le quatrième plus important gaz à
effet de serre. Origine : à 85% agricole, lors de l'épandage de composés azotés (déjections
animales, engrais), une partie est volatilisée tardivement sous forme N 2O. Emissions en
France en 2008 : 214 kt dont 178 kt pour l’agriculture (SNIEPA, 2010).
R.
Report COM47 (2010) : abréviation.
Rapport européen sur l’eutrophisation de l’année 2010. Tous les états membres ont transposé
la directive nitrate dans leur législation et mis en place un réseau de contrôle établissant un
code de bonnes pratiques et désignant des zones vulnérables.
Résilience : nom féminin - (résiliences).
En écologie, la résilience est la capacité d'un écosystème ou d'une espèce à récupérer un
fonctionnement ou un développement normal après avoir subi un traumatisme. Plus les bases du
système sont diversifiées et structurées, plus la capacité de récupération sera importante. Ce terme était
au départ utilisé pour définir la résistance des matériaux aux chocs. Puis en psychologie pour décrire
un phénomène d'adaptation d'un individu aux chocs traumatiques.
Ripisylve : nom féminin - (ripisylves).
Étymologiquement du latin ripa, "rive" et sylva, "forêt". Elle représente l'ensemble des
formations boisées, buissonnantes et herbacées présentes sur les rives d'un cours d’eau. Les
ripisyles sont généralement des formations linéaires.
S.
SNIEPA : sigle acronymique français.
Système National d'Inventaire des Emissions de Polluants dans l'Atmosphère.
Mis en place par le ministère du Développement durable en 2006, il permet à la France
d’estimer les émissions des principaux polluants atmosphériques par les différents secteurs
d’activité. La couverture géographique est la France métropolitaine.
Subocéanique : adjectif singulier - (climat subocéanique frais).
Climat intermédiaire entre le climat océanique et le climat continental caractérisant
notamment les versants du Massif Central orientés à l’ouest. Il se décline en deux sous
ensembles : subocéanique frais (ouest Massif Central de moyenne montagne) et subocéanique
humide et froid (ouest Massif Central au dessus de 1 000 mètres d’altitude). Ce type de climat
caractérise la majeure partie du Cantal. Des précipitations élevées de 1 200 à plus de 2 000
mm de pluie par an, provenant de l’influence océanique, mais le niveau d'ensoleillement est
assez élevé avec une moyenne de 2 080 heures/an à Aurillac.
Synergie : nom féminin - (synergies).
Mise en commun de moyens qui se renforcent entre eux pour aboutir à un même but.
T.
Tanin : nom masculin - (tanins).
Substance organique très abondante dans les écorces de certains arbres. Les tanins jouent le
rôle d'armes chimiques défensives contre certains parasites. Certains tanins auraient des
propriétés antioxydantes. Capables de former des complexes avec les macromolécules et
particulièrement avec les protéines ils sont utilisés en pharmacologie, tannage (protection du
cuir), clarification des vins, …
Technique de BONFILS :
Marc BONFILS, a été un des premier avec Emilia HAZELIP a adapté les techniques de
culture de FUKUOKA en climats tempérés. Exemple : Culture de céréales d’hiver
(particulièrement le blé d’hiver) : le sol n’est jamais travaillé. Couvert végétal permanent
(trèfle blanc). Semis du blé en faible densité (60 cm entre chaque grain toute direction) afin de
favoriser la formation des tiges parallèles et la pénétration du soleil. Semis pré-récolte en
début d’été afin de laisser le temps à la céréale de se constituer un bon système racinaire.
Tous les résidus de culture (paille) sont laissés en surface, servant de paillis, d’apport en
matière organique et de nourriture pour les microorganismes.
Peu de biblio, un petit livret présentant la méthode Fukuoka telle que développée et adaptée
en France par Marc BONFILS. http://www.permaculturefrance.org.
Terpène : nom masculin - (terpènes).
Nom générique d'hydrocarbures végétaux produits par de nombreuses plantes en particulier
les conifères. Ce sont des composants majeurs de la résine et de l’essence de térébenthine. Les
terpènes ont deux propriétés fondamentales. Odoriférantes (le géranium par exemple), et du
fait de l'alternance de simples et doubles liaisons qui caractérise cette molécule, ils
interagissent avec la lumière.

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