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REX 100 "CCM UE-Turquie" Bruxelles, le 21 mai 2002 13ème réunion du Comité consultatif mixte UE-Turquie Erzurum, les 11 et 12 juillet 2002 DOCUMENT DE TRAVAIL (pour le CES) Les conséquences de la crise économique en Turquie Préparé par M. Kenneth WALKER Membre du Comité économique et social Groupe des employeurs DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr -11. 1.1 Introduction L'économie turque traverse une crise qui menace la stabilité à long terme du pays. Les effets de cette crise ont touché très sévèrement le secteur bancaire, mais ils ont été ressentis dans pratiquement tous les secteurs de l'activité économique. Elle a entraîné d'importantes conséquences sociales; le chômage a connu une brusque augmentation, le niveau de vie s'est trouvé diminué et le manque de confiance est aussi présent chez les responsables économiques que chez les consommateurs. 1.2 Le pays est soutenu par des prêts du Fonds monétaire international (FMI), mais cette assistance dont il a désespérément besoin est soumise à la mise en œuvre par les autorités turques de mesures de réformes fondamentales. Dans la perspective actuelle, il est permis de se demander s'il existe une volonté politique d'imposer ces mesures. 1.3 L'économie turque est en train de faire l'expérience du phénomène économique appelé "stagflation", c'est-à-dire une inflation croissante associée à une économique statique ou en récession en termes de PIB. Ceci est, pour un gouvernement, le pire scénario qui puisse se présenter, attendu que le remède admis pour régler le premier problème – une augmentation des taux d'intérêt – affaiblirait encore les perspectives de croissance économique. 1.4 La Turquie a, comme la plupart des autres pays, souffert de l'impact négatif des attentats du 11 septembre, ce qui a aggravé sa situation, mais les racines du problème sont plus intérieures qu'extérieures. 2. 2.1 Historique Ces dernières années, l'économie turque a présenté un modèle "en dents de scie". Après une sévère récession en 1999, l'an 2000 a vu une tendance économique beaucoup plus saine, jusqu'à ce que la crise bancaire du mois de novembre de cette même année mène le pays au bord de la faillite économique. Cette catastrophe a été évitée grâce à un prêt de 7,5 milliards de dollars du FMI, et l'année 2001 a commencé sur une note positive avec la mise en œuvre du programme de désinflation convenu avec le FMI, qui a abouti à des mouvements de baisse modestes, mais encourageants, à la fois de l'inflation et des taux d'intérêt. DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… -2- 2.2 Cette amélioration de la situation a été anéantie par une nouvelle crise du secteur financier en février 2001, lorsque les marchés ont mal réagi à des évolutions politiques qui semblaient menacer la stabilité du gouvernement et la poursuite du programme d'assainissement. Des retraits massifs de fonds ont eu lieu, d'un montant supérieur à 7 milliards de dollars en deux jours (5 milliards de dollars dans la seule journée du 19 février), les taux d'intérêt au jour le jour ont atteint des niveaux sans précédents, jusqu'à 4.000 %, tandis que le revenu moyen annualisé des bons du Trésor turcs à un mois atteignait 144 %. La Banque centrale a été contrainte d'abandonner la défense de la lire turque (TL), qui a brusquement chuté de 40 %. La politique des taux de change, clé de voûte du programme de désinflation, a dû être abandonnée. 2.3 L'instabilité inhérente de la situation économique se reflète dans la volatilité de la bourse turque. Entre 1999 et le début 2000, l'augmentation du principal indice du marché a atteint un taux phénoménal de 650 %, ce qui relevait plus du sentiment que d'une appréciation réaliste des données sous-jacentes. Le marché escomptait une réduction substantielle des niveaux excessifs de l'inflation, des déficits budgétaires et des taux d'intérêt, mais ces attentes ne se sont pas matérialisées. Comme il fallait s'y attendre, la crise financière de février 2001 a provoqué une vive réaction : en deux jours, l'indice d'Istanbul chutait de 63 % par rapport à son plafond historique. 2.4 La crise financière s'est rapidement propagée au reste de l'économie, plongeant le pays dans une récession profonde. Selon les témoignages recueillis sur le terrain, le chômage a augmenté en flèche, quoiqu'il soit difficile de disposer de données officielles fiables quant à son niveau. Une série de banques étaient menacées d'une fermeture imminente; le programme de privatisation s'enraya en raison de la méfiance des investisseurs; la croissance économique se transforma en déclin économique; le pays était au bord de la banqueroute. 2.5 En mai, le nouveau ministre de l'économie, M. DERVIS, a introduit un plan pour un "Programme de transition vers une économie forte", avec le soutien d'un nouveau programme d'aide du FMI d'un montant de 15,7 milliards de dollars. Ce plan englobait de vastes réformes, en particulier du secteur bancaire, et une discipline financiè re rigoureuse visant à dégager des surplus budgétaires primaires (c'est-à-dire avant paiement des intérêts sur la dette nationale) de 5,5 % en 2001 et de 6,5 % en 2002. Sur la base de ce programme, le FMI a approuvé le 15 mai 2001 une augmentation de DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… -3l'accord préventif de décembre 1999 qui a porté le montant total des crédits à près de 19 milliards de dollars. 3. 3.1 Perspectives A de nombreux égards, le programme lancé par M. DERVIS a bien fonctionné et de nombreux observateurs font preuve d'un optimisme prudent quant aux perspectives à court terme. Les taux d'intérêt sont retombés en deçà de 75 % et les comptes nationaux pour le troisième trimestre de 2001 ont mis en évidence un déclin du PIB de 7 % en termes annuels, par rapport à 8,9 % au deuxième trimestre. Les estimations des taux de croissance annuels pour 2001 sont de -6,4 % pour le PIB et de -8,3 % pour le PNB. Le marché boursier s'est considérablement repris et la monnaie nationale semble s'être stabilisée autour de 50 % de sa valeur d'avant-crise. Toutefois, le fait que ces chiffres suscitent l'optimisme donne une idée de l'ampleur du problème. Dans presque tout autre contexte, on considérerait que l'économie a désormais touché le fond, mais les tensions inhérentes à la situation socio-politique de la Turquie rendent de telles prévisions hasardeuses. 3.2 La poursuite du soutien du FMI restera nécessaire pendant l'année en cours et pendant une bonne partie de l'année prochaine. Ce soutien sera subordonné à la mise en œuvre de réformes structurelles, mais nombre de celles-ci sont politiquement sensibles. La plupart des 15 lois contenues dans le Plan Dervis ont été adoptées et les réformes envisagées sont mises en œuvre. Cependant, il est peu probable que les objectifs précis du FMI puissent être atteints. 3.3 La dévaluation de la monnaie, la forte augmentation des taux d'intérêt, les mesures d'austérité budgétaire contenues dans le Plan Dervis et la hausse du chômage ont eu pour effet d'éroder le pouvoir d'achat du consommateur moyen. En outre, la multiplication des faillites d'entreprises a très sensiblement diminué la capacité productive du pays. L'impact initial des mesures supplémentaires de réforme qui sont nécessaires et qui ont été annoncées entraînera des difficultés supplémentaires pour l'économie réelle. L'inflation, nourrie par le déclin de la monnaie, a grimpé jusqu'à près de 70 %. L'économie parallèle est énorme, quoique difficilement quantifiable. 3.3.1 La dynamique de la dette reste problématique et la question se pose de savoir si elle est viable, la déflation de la monnaie augmentant à la fois le montant de la dette extérieure et celui des paiements d'intérêt. Sur la base des statistiques officielles les plus récentes, le stock de la dette DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… -4publique à la fin de l'année dernière dépassait 130 milliards de dollars, soit 90 % du PIB, ce qui signifie que ledit stock a presque doublé depuis 2000. Un facteur majeur de cet accroissement est la nette augmentation de l'endettement intérieur provoquée pour l'essentiel par les opérations de renflouement des banques. L'endettement intérieur représentait près de deux tiers du total. Une majorité d'observateurs s'attendent à une augmentation du stock total de la dette publique pendant cette année, les prévisions pour la fin de l'année oscillant entre 93 et 115 % du PIB. 3.3.2 Les estimations actuelles indiquent un déficit de financement extérieur pour 2002 d'environ 13 milliards de dollars, soit 7,7 % du PIB. Ces estimations partent toutefois de l'hypothèse que le secteur privé sera en mesure de refinancer au moins 70 % de sa dette extérieure tout en appliquant le même taux à sa dette de remplacement à court terme. La crise de confiance que les événements des 12 derniers mois ont suscitée auprès des investisseurs étrangers rend ce scénario peu probable. Même en supposant que cette hypothèse soit valable, et qu'un financement officiel du FMI de l'ordre de 10 milliards de dollars soit disponible, il manquerait quelque 3 milliards de dollars, qui devraient être levés sur les marchés internationaux des capitaux via de nouvelles émissions d'euroobligations. On peut cependant se demander si ces émissions pourraient se faire à des conditions acceptables. 3.3.3 L'objectif d'atteindre un excédent budgétaire primaire de 6,5 % en 2002 semble extrêmement ambitieux. Il se fonde sur une croissance en termes réels de 2 % pour le PIB et de 2,5 % pour le PNB, par rapport à 6,4 % et 8,3 % respectivement en 2001. Un renversement de cette ampleur, même s'il n'est pas impossible, constitue un réel défi. Même si cet objectif était atteint, il resterait toutefois un déficit budgétaire d'environ 9 milliards de dollars, soit 5 % du PNB. En admettant que le gouvernement arrive à lever 3 milliards de dollars sur le marché des euro-obligations, cela signifierait qu'environ 6 milliards du nouveau prêt accordé par le FMI devraient être consacrés au budget afin de combler le déficit budgétaire. L'ampleur de la dette pourrait être réduite au moyen d'opérations de restructuration de la dette sur les obligations d'État détenues par les banques publiques et celle s relevant du SDIF, mais la situation toujours difficile du secteur bancaire ferait de cette possibilité une stratégie à haut risque. 3.4 Sur la base de ces calculs, le soutien supplémentaire du FMI prévu pour l'année en cours serait suffisant pour combler les déficits financiers de financement annoncés par la Turquie, en DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… -5admettant que le pays dispose d'un accès à des conditions raisonnables aux marchés financiers internationaux, mais la marge d'erreur est faible et les objectifs fixés semblent difficiles à atteindre. 3.5 Si l'économie turque entend maintenir le cap cette année, le gouvernement devra faire preuve d'une ferme détermination à poursuivre le programme de réforme structurelle qu'il a engagé; il se peut toutefois que cela soit malgré tout insuffisant. L'économie turque est dans une situation délicate et la reprise amorcée pourrait fort bien être entravée par tout choc extérieur ou intérieur. Cette reprise dépendra, entre autres, de la capacité à éviter le retour de la crise dans le secteur bancaire, de l'absence de tendances négatives dans l'économie mondiale, du maintien de la stabilité politique et du rétablissement de la confiance des investisseurs tant dans le pays qu'à l'étranger. 3.6 Il est risqué de prédire l'évolution d'une économie plus de douze mois à l'avance. C'est une entreprise particulièrement difficile dans le cas de l'économie turque, en raison des nombreux facteurs qui l'influencent. Le budget de cette année repose sur un scénario optimiste, qui omet plusieurs éléments essentiels préoccupants. Plus on essaie de voir loin, plus les risques liés à la précarité de l'équilibre actuel deviennent manifestes. 4. 4.1 La question de la corruption La crise financière actuelle a été déclenchée principalement par la révélation d'importants détournements de fonds dans le secteur bancaire. Nombre de banques ont été contraintes de prévoir dans leurs bilans des provisions pour les prêts irrécouvrables et de reconnaître l'existence d'un passif éventuel substantiel pour une proportion encore plus large de leurs créances comptables. Pour tenter de restaurer la stabilité du secteur bancaire, le gouvernement a été obligé d'injecter de grandes quantités de bons du Trésor dans les banques d'État, afin de consolider leur bilan. Comme indiqué précédemment, c'est la principale raison de la forte augmentation de l'endettement intérieur. 4.2 Ces prêts s'imposaient surtout à cause d'une crise de liquidités dans les banques concernées. Cette crise était quant à elle due au fait que les banques avaient consenti d'importants prêts non garantis à des sociétés et à des particuliers, sans tenir compte des critères normalement en vigueur dans le secteur. Lorsque les débiteurs ont failli à leurs obligations de paiement des intérêts et de remboursement du capital, les banques n'ont eu aucun recours, car les débiteurs ne possédaient aucun actif saisissable. Dans de nombreux cas, la mesure dans laquelle ces prêts avaient été octroyés DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… -6sans faire preuve de la moindre prudence commerciale s'apparentait à une négligence coupable. Il n'a pas été possible de quantifier avec précision l'étendue du problème, mais des estimations prudentes chiffrent l'encours total de ces prêts à plus d'1,5 milliard de dollars. DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… -74.3 Il est difficile de ne pas conclure, dans de nombreux cas, que ces activités relèvent de l'escroquerie. L'on peut aussi difficilement ne pas suspecter dans certains cas une collusion du personnel des banques. Malheureusement, en dépit des nombreuses conjectures à cet égard, rares ont été les poursuites engagées contre les individus concernés. Le gouvernement a pris des mesures louables pour résoudre les problèmes de liquidité dus à ces opérations, mais s'est montré moins déterminé à s'attaquer aux faiblesses structurelles mises au jour et à traduire en justice les auteurs de ces méfaits. 4.4 Pour promouvoir la croissance économique, un pays doit développer une culture d'entreprise, mais une entreprise ne peut prospérer en l'absence d'intégrité. L'inaptitude du gouvernement à poursuivre les responsables de la crise bancaire sape sa crédibilité et met en doute sa capacité à mettre de l'ordre dans le pays, voire sa volonté de le faire. Dans ce contexte, sa stratégie en vue d'une reprise économique durable est menacée. Le succès de cette stratégie nécessitera un soutien continu du FMI, une augmentation sensible des investissements étrangers directs (IED) et la restauration de la confiance des investisseurs et des consommateurs dans le pays. Toutes ces conditions essentielles sont compromises par ce que l'on considère comme une réponse inappropriée à la corruption en haut lieu. 5. 5.1 Analyse de la situation A certains égards, la crise actuelle pourrait être considérée comme artificielle. De même que la hausse spectaculaire des marchés boursiers en 1999-2000 n'était pas véritablement justifiée, la chute vertigineuse du cours des actions et la fuite des capitaux en février 2001, causes immédiates de la crise, peuvent être considérées comme une réaction d'affolement. Les fondamentaux de l'économie n'étaient ni particulièrement bons en 1999 et 2000 ni partic ulièrement mauvais en 2001, comme pourrait le laisser penser le marché. Cela illustre bien le fait que les marchés boursiers sont parfois plus sensibles aux sentiments qu'à la logique. En admettant qu'elle pouvait s'expliquer par l'actualité, la réponse du marché semble avoir été déclenchée par une crise de confiance chez les investisseurs, suite aux révélations sur la nature et l'ampleur des problèmes du secteur bancaire. DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… -85.1.1 De ce point de vue, la situation actuelle a de quoi inquiéter. Les marchés boursie rs ont enregistré des gains substantiels, ce qui ne s'explique ni par la situation actuelle du secteur bancaire ni par les fondamentaux de l'économie réelle. Il semblerait qu'une fois de plus le marché compte sur la réalisation de programmes qui sont encore loin d'être achevés et dont la réussite dépend de la résolution de nombreuses questions empreintes d'incertitude. Le marché n'est donc pas à l'abri des chocs et la moindre impression d'échec du gouvernement dans la réalisation de ses objectifs intermédiaires pourrait entraîner un nouvel exode des capitaux. Les répercussions sur l'économie réelle et la crédibilité du gouvernement seraient extrêmement préjudiciables. La volatilité potentielle des marchés boursiers est quant à elle un facteur négatif qui vie nt s'ajouter aux autres problèmes actuels. 5.2 La solution définitive aux problèmes économiques que connaît la Turquie réside dans la mise en place de facteurs de croissance économique durable, mais la croissance durable ne saurait être obtenue par l'injection de capitaux du FMI. Ces derniers ne sont en effet destinés qu'à apporter un nouveau souffle au pays durant la période de mise en place des conditions du développement durable. Leur apport ne peut se limiter qu'à cela. C'est toute une gamme de réformes structurelles qui s'imposent pour redonner à l'économie turque la maîtrise de son sort. 5.3 La plus importante de ces réformes est la résolution définitive des problèmes du secteur bancaire. La réponse initiale du gouvernement à cette situation a consisté en une titrisation bancaire des établissements concernés par l'injection d'obligations d'État destinée à renforcer leur bilan. L'étape suivante a été le rachat de plusieurs banques par le SDIF, qui s'est engagé à les privatiser ou à les liquider avant la fin 2001. Ce délai est venu à terme et les progrès accomplis ont été limités. Les négociations concernant la vente de Demirbank à HSBC ont été couronnées de succès mais les événements du 11 septembre et les inquiétudes actuelles quant à la corruption freinent l'enthousiasme des banques étrangères pour d'autres rachats. 5.3.1 La situation financière des banques privées est également inquiétante. La part des prêts défaillants a doublé entre août et octobre derniers pour atteindre 12 % et ce chiffre continue d'augmenter. Le gouvernement a mis au point une stratégie, dénommée "approche d'Istanbul", pour faciliter la coopération entre les banques et les entreprises afin de restructurer les prêts défaillants mais, dans le même temps, les banques ont adopté une attitude d'aversion aux risques s'agissant des prêts aux entreprises et se sont naturellement montrées peu enclines à accroître leur exposition aux DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… -9risques de change, étant donné la volatilité des taux. De telles attitudes, bien que louables du point de vue de la stabilité du secteur bancaire, ne font rien pour aider à la reprise économique. 5.3.2 Le gouvernement est conscient du problème que pose le secteur bancaire et a pris des mesures sérieuses en faveur de la restructuration, mais l'inquiétude persiste. Le risque est réel que davantage de banques aient besoin d'être recapitalisées et qu'une plus forte intervention de l'État soit nécessaire. Le gouvernement a entrepris la révision de la législation bancaire, ce qui devrait constituer un pas de plus dans la bonne direction, mais les mécanismes de mise en oeuvre de cette législation ne sont pas encore en place et il y a encore beaucoup de progrès à faire en matière de renforcement des procédures de contrôle et de gouvernement d'entreprise. 5.4 Comme nous l'avons déjà signalé, le plan Dervis a produit des résultats encourageants : les taux d'intérêt ont baissé, le déclin de la croissance économique a été enrayé et les fluctuations du taux de change ont été maîtrisées. Il s'agit là de facteurs positifs mais d'importants problèmes subsistent dans l'économie réelle. La confiance des consommateurs n'est pas encore revenue et leur attitude a peu de chances de s'améliorer réellement tant que le chômage restera à son niveau actuel. Les réformes nécessaires, et notamment le durcissement de la politique fiscale, entraîneront au départ une contraction de l'économie. Elles auront également un coût social. Reste à voir si la coalition gouvernementale pourra survivre suffisamment longtemps aux tensions internes ainsi créées pour que les mesures puissent démontrer leur effet bénéfique sur l'économie. 5.5 Un autre point négatif est le préjudice d'ores et déjà causé à la capacité de production de l'économie. D'après les chiffres les plus récents, la capacité est utilisée à 65 %, contre 70 % six mois auparavant, et la tendance est à la baisse. Les prêts bancaires aux entreprises étant pratiquement au point mort, il est essentiel pour la reconstruction de la capacité de production que l'investissement étranger direct augmente de manière significative, mais les problèmes de corruption non résolus associés au risque de change dû à la faiblesse de la monnaie découragent les investisseurs étrangers. Malgré les efforts du gouvernement, il n'a pas été possible de trouver des acheteurs étrangers pour Turk Telecom ou Turkish Airlines. Étant donné les exigences des secteurs dans lesquels évoluent ces entreprises en matière d'investissement et de technologie, une solution interne ne serait pas viable. Dans le même temps, les prêts des banques privées étrangères sont assortis d'une prime de risque très élevée. DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… - 10 - DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… - 11 6. 6.1 Conclusions La mise en place des conditions d'un développement durable suppose un cadre politique qui favorise une stratégie de développement fondée sur : • l'augmentation de la capacité productive du pays, • une intégration plus poussée à l'économie mondiale, • la mise en œuvre du programme de privatisation, • la stabilisation du secteur bancaire, • l'élimination de la corruption dans tous les aspects de la vie publique et du fonctionnement des entreprises, • la restructuration du secteur public, • la réforme du cadre juridique, • le rétablissement de la confiance des investisseurs et des consommateurs. 6.2 Le gouvernement turc reconnaît tout à fait cette nécessité et a agi avec une rapidité et une détermination louables en ce qui concerne la mise en place des premiers volets de cette stratégie. Malheureusement, on relève un certain nombre de facteurs de risque qu'il faut prendre en compte. Le premier d'entre eux concerne la viabilité de la dette publique, étant donné son niveau très élevé et le risque de refinancement lié à la très courte durée moyenne de la dette intérieure; le deuxième facteur de risque est lié à la question de savoir si le gouvernement peut s'attaquer efficacement au problème de la corruption; enfin, le troisième facteur concerne la possibilité ou non de maintenir la stabilité politique face aux pressions que le processus de redressement va inévitablement provoquer. Tous ces facteurs se répercuteront sur la disponibilité de financements extérieurs, tant sous forme d'IED que de prêts commerciaux ou de concours du FMI. Toutes ces possibilités essentielles de financement sont menacées à moins que la confiance dans l'avenir de l'économie turque puisse être restaurée. Comme cela a déjà été précisé, le développement durable ne peut être atteint par le biais du seul financement extérieur mais la disponibilité de ce dernier est fondamentale pour amorcer le processus. 6.3 Le programme turc de redressement repose sur des bases saines et a apporté au début quelques timides améliorations. Toutefois, les objectifs fixés et le calendrier prévu pour les atteindre semblent on ne peut plus ambitieux. Par ailleurs, leur réalisation dépendra de plusieurs DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr …/… - 12 facteurs sur lesquels le gouvernement turc n'a aucune prise. Le plus grand danger sur la voie du développement durable est peut-être la réaction qu'une réalisation incomplète de ces objectifs pourrait provoquer sur le marché boursier turc, parmi les consommateurs turcs et sur les marchés étrangers de capitaux. 6.4 Pour que le programme de redressement réussisse, il convient de s'assurer le franc soutien de la population turque. Dans le cas contraire, les tensions sociales créées par les mesures requises en vue de stabiliser l'économie risquent de s'avérer intenables. La partic ipation active des partenaires sociaux contribuerait grandement à garantir le consensus social nécessaire. DI CES 42/2002 rév. EN-MLJ/CH/nr