N du rôle général

Transcription

N du rôle général
N° M61168 du rôle général
N° 5642 du rôle particulier
COMMISSION POUR L'AIDE FINANCIERE AUX VICTIMES D'ACTES
INTENTIONNELS DE VIOLENCE ET AUX SAUVETEURS OCCASIONNELS
-------------------------------------------------------Décision du 27 août 2009
2ème chambre, siégeant en langue française,
composée de Monsieur S. CHARLIER, vice-président.
Maître E. WESTERLINCK, membre effectif.
Madame J. HUSSON, membre suppléant.
et assistée de Monsieur P. ROBERT, secrétaire.
En cause de : Maycki X.,
Représenté par Maître Georges R., avocat au barreau de ..., agissant en sa
qualité de tuteur ad hoc de l’enfant mineur désigné par ordonnance du
Président de la Cour d’Assises prononcée en date du 17 janvier 2006,
né le ../../1999 à … .
Saisine de la Commission
Par requête adressée par pli ordinaire et parvenue au Secrétariat de la Commission en
date du 16 novembre 2006, le conseil du requérant expose que le papa de son client,
Monsieur Roger X., a été victime d’un acte intentionnel de violence, des suites duquel
il est décédé, et postule l’octroi d’une aide principale de 12.500 €.
Exposé des faits
En 1992, Roger X. rencontre Fabienne W. et ils se marient.
Ils ont deux enfants, Maycki et Sydney.
Après la naissance de Sidney, Roger X. revoit son frère Daniel, personne violente et
toxicomane.
À son contact, il s’adonne à la drogue et l’entente dans le couple se dégrade.
Fabienne W. quitte son mari en avril 2004 eu égard à ses fréquentations et son assuétude.
Roger X. bénéficie d’allocations de chômage tout en faisant la manche à l’occasion et est
un consommateur d’héroïne et de cocaïne.
En date du 5 août 2004, à ..., le dénommé Eric Z. vend pour 100 € une playstation à
Roger X.. Ce dernier lui en donne 50 € et propose de lui remettre le solde le 3 septembre.
Le lendemain, Eric Z. change d’avis et veut récupérer la playstation.
Roger X. lui propose de ramener l’objet le lendemain contre remboursement de la
somme de 50 €.
Le samedi, Roger X. ne vient pas au rendez-vous.
Plus tard dans la journée, Roger X. sonne à l’appartement d’Eric Z. et explique qu’il
veut bien rendre l’appareil contre la somme de 75 €.
Énervé, Eric Z. descend avec un couteau et s’en prend à Roger X..
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La bagarre dégénère, Eric Z. sort son couteau et lui plante la lame à hauteur du sternum
de Roger X.. La bagarre se poursuit mais Roger X. s’effondre sur le sol.
Suites judiciaires
Par arrêt rendu le 9 février 2006, coulé en force de chose jugée, la Cour d’Assises de la
province de ... condamne le dénommé Eric Z. à une peine de 20 ans de réclusion.
Par arrêt du 18 avril 2006, la Cour d’Assises condamne le dénommé Eric Z. à payer la
somme de 12.500 € à Maître Georges R. agissant en sa qualité de tuteur ad hoc de
Maycki X..
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Vu le dossier de la procédure,
Vu le rapport établi le 16 mars 2009,
Vu l’avis du Délégué du Ministre déposé en date du 3 avril 2009,
Vu les notifications aux parties des divers actes ;
Vu la feuille d’audience du 16 juillet 2009,
Entendu à cette audience :
Monsieur S. CHARLIER, vice-président, en son rapport,
Le conseil du requérant ayant, par courrier du 15 avril 2009, explicitement sollicité sa
convocation à l’audience conformément au prescrit de l’article 34ter de la loi du 1er août
1985, la partie requérante fut informée, par courrier envoyé par pli recommandé en date
du 8 juin 2009, de la date et heure de l’examen de la demande par la commission.
Le requérant, ni son conseil n’ont comparu à l’audience.
Le délégué du Ministre de la Justice était absent.
Recevabilité de la demande
Il résulte des éléments du dossier que les conditions de recevabilité pour une demande
d’aide principale sont remplies.
Fondement de la décision
Tenant compte d’une part,
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de ce que l’article 31, 2° de la loi du 1er août 1985 stipule que “la Commission peut
octroyer une aide financière aux proches d’une personne ou aux personnes qui
vivaient dans un rapport familial durable avec une personne dont le décès est la
suite directe d’un acte intentionnel de violence »;
de ce que l’article 32 §2 1°dispose que pour l'octroi d'une aide aux personnes visées
à l'article 31, 2°, la commission se fonde entre autres sur le dommage moral ;
de ce qu’il faut tenir compte du dommage moral lié au décès du père du requérant ;
de ce que la nature du rapport familial durable avec une personne dont le décès est
la suite directe d’un acte intentionnel de violence se détermine, entre autres, par la
cohabitation ou non du requérant avec la victime ;
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de ce que l’article 32 §2 3°dispose que pour l'octroi d'une aide aux personnes visées
à l'article 31, 2°, la commission se fonde entre autres sur la perte d'aliments pour
les personnes qui, au moment du décès de la victime, étaient à sa charge ;
de ce que l’article 32 §2 6°dispose que pour l'octroi d'une aide aux personnes visées
à l'article 31, 2°, la commission se fonde entre autres sur le dommage résultant de
la perte d'une ou de plusieurs années de scolarité ;
d’autre part
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de ce que la victime ne cohabitait pas avec le requérant ;
de ce que le requérant n’a pas subi de perte d’aliments car aucun document n’atteste
que la victime intervenait pour lui, cette dernière étant par ailleurs sans ressources
suffisantes et dépensant celles-ci, constituées des allocations de chômage et des
produits de sa mendicité, à sa consommation de drogue et à l’achat de jeux
électroniques;
de ce que la mère du requérant va bénéficier désormais des allocations familiales au
taux majoré qui compenseront l’éventuelle perte de contribution de la victime ;
de ce qu’en outre, le requérant est suivi et pris en charge par des institutions
dépendantes et financées dans le cadre de l’aide à la Jeunesse qui prennent donc en
charge les frais d’éducation du requérant ;
de ce qu’il est malaisé de lier les problèmes scolaires du requérant aux seules
conséquences des faits eu égard aux carences généralisées du milieu éducatif auquel il
a été nécessaire de suppléer par le placement des enfants ;
de ce que l’article 31 bis, 5° stipule que l’aide financière visée à l’article 31 est
octroyée si la réparation du préjudice ne peut pas être assurée de façon effective et
suffisante par l’auteur ou le civilement responsable, par un régime de sécurité
sociale ou par une assurance privée, ou de toute autre manière ;
de ce que l’auteur des faits ne paraît pas insolvable puisqu’il indemnise la mère du
requérant à raison de 30 €/mois ;
de ce que l’article 8 1° de la Convention européenne relative au dédommagement des
victimes d’infractions violentes, faite à Strasbourg le 24 novembre 1983 » prévoit que
« le dédommagement peut être réduit ou supprimé en raison du comportement de la
victime ou du requérant avant, pendant ou après l’infraction, ou en relation avec le
dommage causé. » ;
de ce que de la loi du 19 février 2004 « portant assentiment à la Convention
européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes, faite à
Strasbourg le 24 novembre 1983 » stipule que la convention sortira son plein et entier
effet ;
de ce qu’en vertu de cette disposition, il appartient à la commission d’examiner les
faits entourant l’acte intentionnel de violence et d’apprécier si le comportement de
la victime a contribué directement, partiellement ou entièrement, à la réalisation du
dommage, et cela d’une manière autonome par rapport au pouvoir judiciaire ;
de ce que les faits se sont produits dans le cadre d’une transaction dont les
composantes –drogues, transactions non déclarées – traduisent une situation
susceptible d’être à la base ou en relation avec le dommage causé ;
de ce que l’aide financière octroyée par la commission, qui consiste en un geste de
solidarité sociale, relève d’un souci d’équité et a un caractère subsidiaire tant par
rapport à l’indemnisation par le ou les auteurs des faits que par rapport à l’intervention
d’un régime d’assurance ;
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de ce que le montant de l’aide est fixé en équité et ne correspond pas nécessairement à
la réparation intégrale du préjudice subi ;
de ce que la commission n’est pas tenue par l’autorité de la chose jugée d’une
décision judiciaire ayant statué précédemment sur les intérêts civils du requérant,
de ce que l’article 29 § 2 de l’arrêté royal du 18 décembre 1986 relatif à la
commission pour l'aide financière aux victimes d'actes intentionnels de violence et
aux sauveteurs occasionnels stipule que « Sauf remise pour motif légitime, la
commission statue même si une partie ne comparaît pas »,
que la partie requérante n’a pas produit de motif légitime justifiant la remise sine
die de l’examen de la demande,
la Commission statuant ex aequo et bono, estime devoir accorder au requérant une aide
principale de 3.750€ qui sera bloquée sur un compte ou un livret d’épargne ouvert au nom
de l’enfant et frappée d’indisponibilité jusqu’à sa majorité ou émancipation, sauf
autorisation à donner par le magistrat compétent.
PAR CES MOTIFS :
Vu les articles 30 à 41 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres
modifiée par les lois des 26 mars, 22 avril 2003 et 27 décembre 2004, les articles 28 à 32
de l'arrêté royal du 18 décembre 1986 relatif à la Commission pour l'aide aux victimes
d'actes intentionnels de violence, les articles 39 à 42 des lois coordonnées du 18 juillet
1966 sur l'emploi des langues en matière administrative,
La Commission, statuant sur pièces, et par défaut à l’égard du requérant et du
délégué du Ministre, en audience publique,
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déclare la demande recevable et partiellement fondée ;
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alloue au requérant une aide principale de 3.750€ qui sera bloquée sur un
compte ou un livret d’épargne ouvert au nom de l’enfant et frappée
d’indisponibilité jusqu’à sa majorité ou émancipation, sauf autorisation à
donner par le magistrat compétent.
Ainsi fait, en langue française, le 27 août 2009.
Le secrétaire,
Le vice-président,
P. ROBERT
S. CHARLIER,