Dunkerque_Napoléon-et-l-Impératrice-Marie-Louise-à

Transcription

Dunkerque_Napoléon-et-l-Impératrice-Marie-Louise-à
Napoléon et l’Impératrice Marie-Louise
A Dunkerque en mai 1810
Par Henri Durin, Union Faulconnier Tome VII
Tanscrit, illustré et mis en page par Jean-Marie Muyls
Déjà au mois d'avril 1810 la ville de Dunkerque avait célébré par une fête le mariage de l'Empereur
avec Marie-Louise ; des jeux populaires avaient été installés pour l'amusement de la foule comme l'indique
le programme suivant que fit paraître la municipalité :
Musée de Versailles
Le mariage de Napoléon et Marie Louise d’Autriche dans le Salon carré du Louvre
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Programme de la fête du 22 avril 1810, à l'occasion da mariage de Leurs Majestés Impériales et Royales.
1° La fête du 22 avril sera annoncée en cette ville le 21, à huit heures du soir, par le son de toutes les
cloches en volée. Cette sonnerie durera une demi heure ; elle sera répétée le 22, à six heures du matin, à
midi et à huit heures du soir, pendant le même espace de temps ;
2° La cérémonie du mariage de dix militaires, dotés par la commune, aura lieu en présence de tous
les fonctionnaires civils, judiciaires et militaires, dimanche prochain, à onze heures du matin ;
3° Après le mariage civil, les nouveaux époux se rendront en cortège, avec les autorités publiques, à
la paroisse de Saint-Éloi, pour la cérémonie religieuse;
4° Il sera dressé un mât de cocagne sur la place Impériale; il sera garni d e 16 prix, dont le détail suit
1. Une cuiller à ragoût d'argent ; 2. Une cuiller à ragoût d'argent; 3. Un service d'argent; 4. Un
service d'argent ; 5. Une montre d'argent ; 6. Une bourse contenant 4 écus de 6 francs ; 7. 6 cuillers à café
en argent; 8. Une paire de boucles en argent (pour souliers) ; 9. Une pipe en argent ; 10. Un gobelet
d'argent; 11. Une bague en or ; 12. Un bonnet de velours garni en astrakan ; 13. Une paire de boucles
d'argent (pour jarretières) ; 14. Un mouchoir en soie ; 15. Un mouchoir en batiste ; 16. Un mouchoir de
poche.
5° Le jeu du mât de cocagne s'ouvrira à 2 heures précises ;
6° Les amateurs pourront se faire inscrire au bureau qui sera établi près dudit mât.. Ils ne seront
admis dans l'enceinte que sur la représentation d'une carte qui leur aura été délivrée à ce bureau ;
7° Des danses s'ouvriront près du mât de cocagne;
8° Un corps de musique exécutera, pendant les jeux, des airs analogues à la fête (1).
Fait à la mairie de Dunkerque, le 18 avril 1810.
(Signé) : J. Kenny, maire.
Mais on apprit bientôt que notre ville allait avoir l'honneur de recevoir Leurs Majestés en personne et le
procès-verbal suivant nous donne tous les détails de cette réception :
Procès verbal de la réception de Leurs Majestés Impériales et Royales
à Dunkerque, lors de leur voyage
dans les départements du Nord et de la ci-devant Belgique, en 1810.
Le 3 mai 1810, M. le Sous-Préfet prévint le Maire que l'Empereur et l'Impératrice, accompagnés
d'une suite nombreuse de personnes de haute distinction, arriveraient à Dunkerque vers le 9 de ce mois.
Cette grande nouvelle fût aussitôt communiquée aux habitants par une proclamation conçue en ces termes :
Le Maire de la ville de Dunkerque à ses concitoyens, Dunkerquois,
Leurs Majestés l'Empereur et l'Impératrice arriveront en cette ville du 8 au 9 de ce mois : cette
grande nouvelle excitera sans doute votre allégresse, et dans cette circonstance si importante vous ferez
éclater votre amour pour vos augustes souverains: que chacun de vous orne sa maison de verdure, de fleurs
et de pavillons, et prépare une illumination proportionnée à ses facultés. C'est surtout aux habitants des
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rues Royale, place Napoléon, rue Impériale, place Impériale, rues de l'Eglise, du Moulin et de la SousPréfecture, passage présumé de l'entrée et de la sortie de Leurs Majestés. que je recommande de décorer
leurs demeures ; je les seconderai autant qu'il me sera possible. Redoublez d'efforts pour que la réception
de Leurs Majestés soit digne de celle-que vous avez faite au Premier Consul et méritez par votre
dévouement la protection d'un monarque qui régie les destinées du monde, et à qui vous devrez des jours
plus prospères.
A la publication de cet avis, l'allégresse fut générale et les habitants s'occupèrent de suite de toutes
les dispositions nécessaires pour l'ornement de leurs maisons.
Le Maire prescrivit, de son côté, tous les travaux que nécessitait l'arrivée de Leurs Majestés. La
confection de trois arcs de triomphe, l'un au pont tournant un autre en avant de la barrière de l'estran et un
troisième à l'entrée de la rue Royale, fut ordonnée. L'hôtel de la sous-préfecture étant destiné au logement
de l'Empereur et de l'Impératrice, on s'occupa de suite de son ameublement, ainsi que de celui des autres
maisons désignées pour le logement du Roi et de la Reine de Westphalie et des principaux dignitaires.
Source Internet
Jérôme Bonaparte et Catherine de Wurtemberg, Roi et Reine de Westphalie
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Le Conseil municipal fut assemblé le même jour et le Maire lui donna connaissance des dispositions
qu'il avait ordonnées. Le Conseil vota un crédit illimité pour faire face à la dépense que la circonstance
nécessitait.
Source Internet
Dans l'après-dîner, on créa une garde d'honneur à pied et à cheval. MM. Sané, officier de la Légion
d'honneur, fut nommé commandant de la première, et Vandevelde, lieutenant. Le commandement de la
garde à cheval fut confié à M. Tavernier, inspecteur de l'Enregistrement, M. Hennequin en fut le lieutenant.
M. le général Frédérich vint prendre le commandement de l'arrondissement militaire de Dunkerque.
Il entra aussi, le même jour, dans la ville, trois calèches et trente chevaux pour le service de la maison
impériale.
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M, le baron Belmas, évêque de Cambrai, se rendit à Dunkerque le 7 pour y attendre Leurs Majestés.
Source Internet
M. le baron Louis Belmas, évêque de Cambrai
Leurs Majestés Impériales et Royales sont attendues en nos murs à chaque instant, lisons-nous dans
les Annonces du 9 mai. Tout est déjà préparé pour solenniser l'entrée de nos augustes souverains. Des arcs
de triomphe sont placés et des réjouissances s'apprêtent. Les jeunes gens de cette ville se sont de suite
réorganisés en gardes d'honneur, tant à pied qu'à cheval, et n'attendent que le signal qui les conduira au
devant de Leurs Majestés; tous se montrent jaloux de faire le service près d'elles. Les autorités ont redoublé
de soins pour fêter comme il convient une aussi belle journée, et chaque citoyen y concourra en ornant sa
demeure de festons, de verdure et de guirlandes de fleurs. Le bonheur de posséder parmi nous notre
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Empereur est vivement senti : les souvenirs que Sa Majesté a laissés en cette ville, augmentant l'admiration
des habitants pour sa personne sacrée. Tout enfin se ressent ici de l'allégresse qu'inspire l’arrivée
prochaine du héros de la France avec son illustre compagne.
Nous possédons depuis dimanche dernier M. Belmas, évêque de ce département, beaucoup de grands
personnages qui précèdent Leurs Majestés sont attendus d'un moment à l'autre et plusieurs généraux sont
déjà ici. Hier, est arrivé le 24e régiment de chasseurs à cheval et ce matin un détachement de grenadiers à
cheval de la Garde - impériale (2).
Source Internet
Sabre de Grenadier à cheval de la Garde Impériale
Le même jour, 9 mai 1810, parut une nouvelle proclamation de la municipalité:
Dunkerque, le 9 mai.
Le Maire de la ville de Dunkerque, vu sa proclamation du 3 de ce mois et les ordres qui lui ont été
transmis depuis par l'autorité supérieure,
Arrête ce qui suit :
1°-Aussitôt l'arrivée de Leurs Majestés Impériales et Royales. tous travaux sur la voie publique
cesseront. ;
2°-Aucun étal de comestibles et d'autres objets ne pourra également avoir lieu sur les rues et places
de cette ville, pendant le séjour de leurs Majestés ;
3°-La circulation de chariots, de tombereaux et autres voitures de cette espèce est dûment interdite ;
4°-L’illumination des façades des maisons sera générale. Chaque habitant illuminera à huit heures
précises du soir ;
5°-Des danses s'ouvriront sur la place Impériale à la même heure, le jour de l'arrivée de nos augustes
souverains;
6°-Une demi-heure après l'ouverture des divertissements, des préposés distribueront des boissons et des pains
fourrés de viande ;
7°-Les Commissaire, Inspecteur et agents de police veilleront au bon ordre et à la tranquillité publique.
Fait à la mairie, ce 7 mai 1810.
(Signé) : J. Kenny, maire.
Le 12, la garde d'honneur, réunie au Champ de Mars, reçut, des mains du Maire, un drapeau.
Cette cérémonie eut lieu afin de calmer sans doute la population surexcitée par une attente prolongée.
Les journaux, en effet, ne pouvaient encore donner aucun renseignement certain sur la date de la
réception.
L'arrivée en cette ville de Leurs Majestés Impériales et Royales est différée. Leur départ d'Anvers pour
Bréda éloigne de quelques jours leur présence ici. Nos autorités supérieures ne sont point encore informées de
la date précise de l'entrée en nos murs de nos bienaimés souverains, à qui tous nos cœurs brûlent de témoigner
et leur amour et leur admiration (3).
Il n'y a pas encore de certitude sur le jour de l'arrivée de Leurs Majestés Impériales et Royales.
écrivait-on quelques jours après. Il parait cependant que cette heureuse époque pour notre ville n'est pas bien
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éloignée. On continue toujours les préparatifs avec la plus grande activité, pour recevoir dignement leurs
Majestés (4).
Le 18, M. le général de division, baron de l'Empire, Préfet du Nord, et M. le général comte Vandamme,
commandant la 16e division militaire, firent leur entrée. Le Maire leur rendit de suite sa visite.
Vers le soir, M. de Canouville, maréchal des logis du palais, et M. le comte d'Arberg, chambellan,
arrivèrent à Dunkerque ; ils annoncèrent que Leurs Majestés seraient probablement ici le 21 au matin.
Le lendemain, 19 mai, M. le Maire fit connaître cette nouvelle par la proclamation suivante :
Le Maire de la ville de Dunkerque à ses concitoyens,
Dunkerquois,
Je viens d'être informé que Leurs Majestés Impériales et Royales, nos augustes souverains,
devaient arriver à Bruges hier soir. Tous les renseignements que j'ai reçus me portent à croire que nous
ne tarderons pas à jouir du bonheur après lequel nous aspirons tous. Le moment d 'orner vos demeures est
arrivé ; que chacun rivalise de zèle, pour fêter une aussi grande époque; je sais que je n'ai besoin, dans cette
importante circonstance, que de donner le signal à votre allégresse et à votre enthousiasme.
Le 21, le sémaphore a annoncé le départ de Leurs Majestés d'Ostende, et M. le général comte
Vandamme, a eu l'attention de faire dire au Maire qu'elles arriveraient par le chemin du canal de
Furnes.
Source Internet
Général Comte Dominique Joseph René Vandamme
Cette nouvelle ayant été aussitôt répandue en ville, la population presque entière s'est portée
sur la route.
A dix heures du matin, MM. le Préfet et le Sous-Préfet, avec la garde d'honneur et de la
gendarmerie, sont partis de la ville pour se rendre à la limite du département et de
l'arrondissement, pour recevoir et complimenter nos augustes souverains.
Le Maire accompagné de ses adjoints, du Conseil municipal, d'un détachement de la garde
nationale, et précédés d'un corps de musique, se rendit au même instant dans une tente spacieuse et
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élégamment ornée, établie à côté de l'arc de triomphe au pont tournant ; le général comte
Vandamme, commandant la division, à la tête du 24e régiment de chasseurs à cheval et des
détachements de grenadiers, chasseurs et lanciers polonais de la garde, était allé au devant de
Leurs Majestés ; la garnison bordait la haie, depuis la porte des canaux jusqu 'au palais
impérial.
A une heure et demie, des courriers, qui se succédaient rapidement, annoncèrent que
Leurs Majestés approchaient, et aussitôt qu'on aperçut leur voiture, des salves d'artillerie et le
son des cloches à toute volée signalèrent leur arrivée.
Parvenus en face de la tente, les augustes souverains firent arrêter leur voiture ; aussitôt
les habitants et les étrangers, que la circonstance avait réunis en foule sur ce point, firent
retentir l 'air des cris mille fois répétés de Vive l'Empereur ! Vive l'Impératrice ! et ce ne fut
qu'avec beaucoup de peine qu'on put contenir les expressions de la joie publique, pour donner
au Maire la facilité de faire la présentation des clefs de la ville. Ce magistrat s'approcha
respectueusement de la voiture et adressa à Leurs Majestés le discours dont la transcription suit
:
Sire,
Les transports d'allégresse que votre présence fait naitre sont, inexprimables.
Les Dunkerquois seront comptés parmi les plus heureux Français, puisqu'ils ont l'avantage de
posséder Votre Majesté aux plus illustres époques de ce siècle de gloire; tous jouissent du bonheur de leur
Monarque chéri : ce bonheur, Madame, qui est votre ouvrage, vous assure l'éternelle reconnaissance de
vos peuples; mais déjà les vertus qui vous ont placée si haut dans la pensée du plus grand des héros, vous
font aimer pour vous-même.
Sire, daignez recevoir les clefs d'une ville qui, plusieurs fois, ont été confiées à la fidélité de ses
habitants, et récemment encore, lorsque, malgré la présence des nombreuses flottes ennemies qui
menaçaient ce rivage, l'élite de nos citoyens est allée combattre sur l'Escaut, pour défendre les frontières
de votre empire.
Agréez, Sire, l'hommage du profond respect, de l'amour et du dévouement des Dunkerquois.
L Empereur a répondu en ces termes :
Monsieur le Maire, je vous rends ces clefs, elles ne peuvent être mieux qu'entre les mains de
l'autorité municipale.
Ensuite, un groupe de poissardes, costumées suivant l'ancien usage, s'est approché de la
voiture et l'une d'elles a présenté à l'Impératrice une adresse de félicitations et un poisson
d'argent renfermé dans un filet en or. Sa Majesté a recueilli cet hommage avec bonté.
Le Maire monta ensuite à cheval, se plaça à la portière de droite de la voiture de Leurs
Majestés et le cortège s'achemina vers la ville, précédé par la garde d'honneur à cheval ; les
lanciers polonais, les chasseurs et grenadiers à cheval suivaient la voiture dans laquelle étaient
l'Empereur et l'Impératrice ; puis les autres voitures, dans lesquelles se trouvaient le Roi et la
Reine de Westphalie, le prince de Neufchâtel et autres grands dignitaires. Le 24e régiment de
chasseurs à cheval fermait la marche.
M. le Général commandant d'armes se trouva avec son état-major à la barrière des
Canaux. Les autorités suivaient derrière la garde.
Partout, sur leur passage, les augustes souverains ont recueilli les témoignages de
l'amour et de l'attachement des Dunkerquois.
En face de la porte du palais impérial se trouvait la garde d'honneur à pied et un piquet
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de cavalerie.
Colle c tio n Geo rge s Da mman
Leurs Majestés étaient accompagnées du Roi et de la Reine de Westphalie, du prince de
Neufchâtel et de Wagram, du duc d ' Istrie, du duc de Bassano, Ministre Secrétaire d'Etat, des
Ministres de l'Intérieur et de la Marine, du premier écuyer, du comte de Lauriston, aide de
camp, des comtes d'Arberg et Ghilini, chambellans, du baron de Canouville, maréchal des logis
du palais, du comte d'Hérisy, du baron Canisy et de M. Montaran, écuyers ; de M m e la
duchesse de Montebello, première dame d'honneur de l'Impératrice, des comtesses de Châtel,
Bouillé et Poro, dames du palais; du comte de Beauharnais, chevalier d'honneur, du prince
Aldobrandini, premier écuyer de l'Impératrice, des comtes Bondi et Béarn, chambellans, des
barons d'Audenarde et de Saint-Aignan, écuyers, de MM. de l'Epinay, Talhunet et de la
Bourdonnaye, officiers d'ordonnance, de deux fourriers du palais, d'un médecin, d'un
chirurgien et d'un pharmacien.
Nos augustes souverains ont fait leur entrée en ville par la porte des Canaux et se sont
rendus au palais impérial, en passant par la belle porte triomphale posée à l ' extrémité de la rue
Royale, la place Napoléon, la rue et la place Impériales, les rues de l'Eglise, du Moulin et de
la Sous-Préfecture.
Toutes les rues et places du passage étaient sablées et décorées avec goût et élégance ;
des couronnes et guirlandes de fleurs, des pavillons, des draperies et verdures leur donnaient
l'aspect d'un berceau varié de mille couleurs ; des inscriptions allégoriques placées sur les
principaux édifices rappelaient le but de la fête.
Peu de temps après leur arrivée au palais impérial, Leurs Majestés sont sorties en
calèche, suivies de plusieurs grands personnages, pour aller visiter les établissements
maritimes; elles se sont ensuite embarquées dans un canot décoré et ont été visiter la nouvelle
estacade. Un autre canot portait les grands dignitaires de la suite. Leurs Majestés étant
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descend u es à terre sur l'est ran, sont remontées en calèche et ont été visiter les travaux de la
Canette et les nouvelles écl u ses.
Louis Berthier
Prince de Neufchâtel
Jean Baptiste Bessière
Duc d’Istrie
Hugues Bernard Maret
Duc de Bassano
Jacques Alexandre Bernard
Law Comte de Lauriston
Louise Antoinette Scholastique
Guéheneuc Duchesse de
Montebello
Comte Eugène de
Beauharnais
Quelques personnalités accompagnant le couple impérial à Dunkerque
Partout la foule les su i va i t et les acclamations universel les attestaient la joie publique.
Vers les six h e u r e s du soir, Elles sont rentrées au p a l a i s et Sa Majesté l'Empereur a
immédiatement admis à s o n audience les autorités publiques dans l'ordre prescrit par le décret
sur les préséances.
M. le Maire, accompagné de ses adjoints et du Conseil municipal, introduit près de Sa
Majesté, a prononcé le discours su i va n t :
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Sire,
Les habitants de Dunkerque, honorés plusieurs fois de la présence auguste de Votre Majesté
Impériale, n'osaient aspirer au bonheur dont ils jouissent en ce moment : le Nord de ce vaste empire
n'enviera plus au midi les douceurs d ' un climat fortuné. C'est le Nord qui a supporté depuis 18 ans
les efforts des plus puissants ennemis de la France ; c’est au Nord que Votre Majesté a accordé
l'indicible honneur de se défendre lui-même et qui a répondu dignement à cet appel ; c'est le Nord,
enfin, qui pourra s'enorgueillir de l ' avantage de contempler d ' abord l ' alliance illustre qui vient de
lier le bonheur personnel de Votre Majesté au repos du monde et à la stabilité de l'Empire créé par
votre génie.
Nous voyons avec transport, Sire, le premier des guerriers, le meilleur des princes, s'associer
une souveraine qui, par ses vertus, ses grâces et sa bonté, ne s'occupera sur le trône impérial qu'à
répandre des bienfaits sur vos peuples. Déjà, à son aspect, toutes les espérances renaissent, tous
les cœurs éprouvent an charme inconnu que ma faible voix ne peut exprimer : que serait-ce si les
vœux de tous les Français étaient exaucés en voyant se perpétuer la race du plus grand des Césars ?
Daignez accepter, Sire, les vins d'honneur que j ' ai l ' avantage de vous offrir au nom de vos
fidèles Dunkerquois.
La Chambre de commerce ayant ensuite été admise à l'audience de l'Empereur, M. le Maire,
en sa qualité de président de cette Chambre, a prononcé un discours dont la teneur suit :
Sire,
Les Membres de la Chambre de commerce de cet arrondissement viennent déposer aux
pieds de Votre Majesté Impériale et Royale le tribut de leur respect, de leur amour et de leur
reconnaissance.
Votre Majesté, par une alliance qui comble les vœux de tous les Français, a consolidé la
paix du continent: la paix maritime sera désormais l'objet de vos méditations. C'est en vain que
le gouvernement anglais voudrait prolonger nos maux ; l'Angleterre, comme toutes les contrées
de l'Europe, doit reconnaître l'irrésistible ascendant de votre génie. Placés en face de cette
nation ennemie, les Dunkerquois seconderont les vues de Votre Majesté avec un dévouement sans
bornes : tout leur présage que leur cité, si célèbre par les exploits de ses marins et ses malheurs
politiques, va reprendre sa splendeur et sa renommée. Elle possède l ' avantage d'être le centre
de la seule rade qui existe dans la Manche et où aboutissent avec son port ceux de Gravelines,
de Mardyck et de Nieuport. Ce bienfait de la nature, que l'art ne peut remplacer, doit la rendre
célèbre par la guerre ou par la paix : cette dernière seule cependant peut cicatriser ses plaies.
Nos frontières envahies, nos citoyens dans les fers, notre industrie paralysée, sont les fruits de
cette guerre impie dont Votre Majesté s'occupe d ' adoucir les rigueurs. Déjà, vos décrets
commerciaux ont procuré à notre agriculture des débouchés devenus nécessaires, alimenté nos
fabriques de matières premières: ils ont utilisé des propriétés maritimes qui allaient s'anéantir
par leur inactivité ; nos ouvriers, nos marins ont retrouvé des moyens d'existence ; mais l'avide
Angleterre veut arrêter ce commencement de prospérité, et cette navigation languit ou va cesser
par les obstacles qu'elle y oppose.
Quel que soit notre sort, Sire, vous trouverez toujours le commerce de Dunkerque dévoué
à l'intérêt national, ne chercher à réparer ses pertes que par des moyens honorables et avoués
par le gouvernement, et en attendant qu'il puisse librement employer son industrie, il consacre
le reste de ses capitaux à se venger par la course sur le commerce de l'ennemi.
Agréez, Sire,
arrondissement.
l'hommage du
respectueux attachement
des commerçants de cet
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A chaque présentation, l’Empereur s’est entretenu avec les membres des diverses
autorités ; il leur a parlé avec beaucoup de bonté sur les objets qui avaient rapport à leurs
services respectifs. Tous admirèrent son aménité et ses grandes connaissances.
Le Maire, ayant été invité à dîner par l'Empereur, se rendit à sept heures au palais
impérial. Sa Majesté lui fit le plus grand accueil, et pendant le repas Elle eut la bonté de
s'entretenir avec lui de tout ce qui pouvait intéresser la ville et contribuer à sa prospérité. Il y
avait à table l'Empereur et l'Impératrice, le Roi de Westphalie, le prince de Neufchâtel et de
Wagram, la duchesse de Montebello, le duc de Bassano, Ministre Secrétaire d'État, le comte
Montalinet; Ministre de l'Intérieur, M. le Préfet du département du Nord et le Maire, qui se
trouvait placé entre S. M. le Roi de Westphalie et M me la duchesse de Montebello. Pendant le
repas, qui a duré plus d'une heure, l'Empereur a témoigné au Maire sa satisfaction de la
manière dont il avait été reçu à Dunkerque et de l'attachement que lui témoignaient les
habitants. Leurs Majestés se sont rendues, à dix heures, à la salle de spectacle pour assister à
la fête qu'Elles avaient bien voulu agréer.
Le Maire, une députation du Conseil municipal et dix dames désignées à cet effet, ont été
recevoir Leurs Majestés à la porte de la salle et les ont conduites au trône que
l'Administration leur avait fait préparer et orner de riches draperies. La réunion était de plus
de 600 personnes et la brillante parure de 300 femmes donnait à cette fête un éclat digne de son
auguste objet. Dans le fond de la salle, vis-à-vis la loge impériale, était un temple de l'hymen,
aussi décoré très richement.
Aussitôt que Leurs Majestés sont descendues de voiture, les plus vives acclamations se
sont manifestées et les ont accompagnées jusqu'au moment où, parvenues dans le salon qui
précédait leur trône, un groupe de vingt demoiselles, choisies parmi les familles les plus notables
de la ville, s'est approché ; deux d'entre elles (M lle s de Colnet et de Guizelin) ont complimenté
Sa Majesté l'Impératrice : la première a déposé à ses pieds une corbeille de fleurs, et la seconde a
offert, au nom du commerce, une petite frégate faite dans la dernière perfection. Sa Majesté a
daigné agréer cet hommage avec une bonté toute particulière et elle a fait remettre à chacune
des demoiselles de Colnet, Deschodt l’ainée et Deschodt cadette une petite montre à collier en
or, comme un témoignage de sa satisfaction. Aussitôt l'entrée de Leurs Majestés dans la loge
impériale, les plus vives acclamations se mêlèrent à une fanfare militaire. Alors, le chambellan
de service ayant transmis les ordres de Sa Majesté au Maire, placé à cet effet près du trône, une
cantate fut exécutée par un orchestre nombreux. Aussitôt après, le Maire donna le signal de
commencer le bal. La première contre-danse achevée, Leurs Majestés ont salué gracieusement
l'assemblée et ont été reconduites à leur voiture avec les mêmes cérémonies observées à leur
arrivée au bal. Pendant leur marche, les cris de Vive l'Empereur ! Vive l'Impératrice! se
faisaient entendre par une foule innombrable, rassemblée près de la salle de spectacle, pour
jouir du plaisir de voir de nouveau Leurs Majestés. Au moment de monter en voiture, Sa Majesté
l'Empereur, qui conduisait l'Impératrice par la main, s ' arrêta près du Maire et lui dit :
Monsieur le Maire, je vous remercie; vous nous avez donné une très belle fête.
Le soir, divers bals particuliers ont été ouverts au public. Le Maire avait fait disposer,
sur la place Impériale, une estrade et un orchestre, et pendant le divertissement il y a fait
distribuer des boissons et des pains fourrés de viande.
L'illumination des édifices et maisons de la ville était générale et brillante. Un grand
nombre d'inscriptions rappelaient la circonstance d'une aussi heureuse époque pour cette ville.
Les divertissements et la promenade se sont prolongés presque toute la nuit ; de l'ordre, une
police active, tout ajoutait à l'éclat de la fête.
Le 22, à neuf heures du matin, le Maire se r e n d i t au lever de l'Empereur. Sa Majesté,
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satisfaite de ses services, lui fit remettre une tabatière en or avec son chiffre en brillants.
S o u rc e In te rne t
Tabatière de l’époque napoléonienne
Sa Majesté signala sa bienfaisance et sa générosité envers les pauvres, en donnant
8.000 francs aux hospices et en accordant une gratification de 4.000 fr. aux marins qui ont
conduit les canots avec lesquels Leurs Majestés ont été voir la nouvelle estacade à l'extrémité
du chenal.
A onze heures et demie, Leurs Majestés partirent pour Lille et le cortège se mit en route
dans l'ordre suivi pour l'arrivée ; la garde d'honneur à pied et à cheval et les troupes
occupèrent toutes les mêmes places que lors de la réception. Le Maire, ses adjoints et le
Conseil municipal s'étaient rendus à 500 pas au dehors de la barrière du Pont-Rouge pour
rendre leurs hommages à nos augustes souverains. A leur passage, Leurs Majestés ont daigné
saluer le corps municipal.
Depuis la sortie du palais impérial jusqu'au moment où la rapidité de la marche des
voitures n'a plus permis de suivre Leurs Majestés, l'air a retenti d'acclamations universelles ;
la garde d'honneur à cheval, qui accompagnait M. le baron Préfet et M. le Sous-Préfet, a pu
seule suivre les augustes voyageurs, et elle ne les a quittés qu'à une lieue au-delà de Bergues.
Fait, clos et arrêté, à Dunkerque, ce 22 mai 1810.
Kenny, maire.
Quelques jours après, le 2 juin, la presse dunkerquoise recevait la communication
suivante :
Dunkerque, le 1 e r juin 1810.
A MM. V ve Drouillard et fils, imprimeurs de la Feuille de Dunkerque,
Je vous prie. Messieurs, d'insérer dans le plus prochain numéro de vos Annonces, que Sa
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Majesté vient d'accorder une somme de 4.000 francs, pour être répartie, à titre de gratification,
entre les femmes de marins à Dunkerque, en commençant, en première ligne, par les femmes des
prisonniers de guerre, et ensuite celles des marins qui éprouvent le plus de besoins, tant par
rapport à leur situation personnelle, qu'au nombre des enfants dont elles sont chargées.
Je vous salue très parfaitement.
Le Commissaire de Marine en chef
Ch. Fourcroy
Et le journal d'ajouter :
Les marins de Dunkerque et tous ceux de l'Empire français doivent trouver, dans les
dispositions bienfaisantes de Sa Majesté, un nouvel aliment à leur zèle et à leur dévouement (5) .
Henri Durin
1904
Lexique :
(1) Journal d’annonces du 18 avril 1810.
(2) Journal d'annonces du 9 mai 1810.
(3)Journal d'annonces du 12 mai 1810.
(4)Journal d'annonces du 16 mai 1810.
(5)Journal d'annonces du 2 juin 1810.
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