La vulnérabilité du héros dans Confession d`un

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La vulnérabilité du héros dans Confession d`un
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Title
La vulnérabilité du héros dans Confession d'un masque et Alexis (IVe
Partie)
Author(s)
Tonomura, Isabelle
Citation
Isabelle Tonomura: 外国文学研究(奈良女子大学文学部外国文学研究
会), 第30号, pp.55-82
Issue Date
2011-12-30
Description
URL
http://hdl.handle.net/10935/2948
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La vulnérabilité du héros dans Confession
d'un masque et Alexis
(Ne Partie)
Isabelle
Tonomura
Cette vie familiale malsaine dépeinte dans Confession d'un masque et
Alexis ou le Traité du Vain Combat et que nous avions analysée dans un
précédent article'' se réfracte sur le caractère des héros qui, dans les deux
romans, manifestent un certain nombre de traits communs, physiques ou
moraux, tout à fait significatifs.
I- Le caractère du héros
A- La fragilité physique et la métaphore de la maladie
Le héros de Mishima et Yourcenar est un être fragile, corporellement
et narcissiquement. Cette fragilité semble constitutive de l'enfant-narrateur,
une sorte de prédisposition qui se manifeste dès ses premières années. Le
protagoniste de Confession d'un masque le notifie dès le premier chapitre:
Le matin du Nouvel An qui précéda mon quatrième anniversaire,
je vomis une matière couleur de café (...)
Cette maladie - une auto-intoxication - devint chronique. Elle
me frappait environ une fois par mois, tantôt légèrement, tantôt
gravement. Je subis ainsi de nombreuses crises. D'après le bruit des
pas de la maladie tandis qu'elle s'approchait, j'en vins à être capable
de pressentir si la crise allait ou non être voisine de la mort!)
Kochan, en raison de son état maladif est entouré de soins vigilants
qui, loin de le fortifier, accentuent au contraire sa fragilité de naissance.
La maladie est également un état latent chez le personnage de
Yourcenar qui confie ainsi dans sa lettre :
J'ai été élevé par les femmes. J'étais le dernier fils d'une famille
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très nombreuse ; j'étais d'une nature maladive ; ma mère et mes
soeurs n'étaient pas très heureuses ; voilà bien des raisons pour que
je fusse aimé.3)
Choyé et bénéficiant de la sollicitude maternante des femmes de la
maisonnée, l'Alexis du Traité va souffrir de cette fragilité physiologique
jusqu'à sa rupture avec sa femme. Il nous semble donc important de nous
interroger sur le sens que revêt cette maladie dans les deux romans.
Il apparaît, selon nous, que Mishima et Yourcenar ont fait de cette
maladie le mode d'expression des conflits internes de leur héros. De
plus, cette fragilité physiologique s'inscrit de façon similaire dans leur
parcours: latente pendant l'enfance, elle s'exacerbe à l'adolescence. La
crise maladive la plus aiguë survient au même moment dans les deux
récits, c'est-à-dire lors de l'entrée au collège.
Dans Confession d'un masque, la crise de Kochan est annoncée par
les allusions fréquentes à son état de santé et les nombreuses scènes de
visites médicales. C'est pendant l'une d'entre elles, qui a lieu pendant ses
années de collège, que lui sont signifiés le nom de son malaise et sa
cause:
Pendant ma quatrième année à l'école secondaire, je fus atteint
d'anémie. Je devins plus pâle encore que de coutume, si bien que
mes mains avaient pris la couleur de l'herbe sèche. Quand je montais
un escalier raide, je devais m'accroupir et me reposer une fois arrivé
en haut. J'avais l'impression qu'une trombe de brouillard blanc était
descendue en tourbillonnant sur ma nuque, y creusant un trou et
m'amenant presque à m'évanouir.
Mes parents m'emmenèrent chez le médecin qui déclara que
mes malaises étaient dus à l'anémie (...)
A cet endroit le livre citait une autre cause de l'anémie, mais le
docteur n'en donna pas lecture à haute voix. Au contraire, il sauta la
phrase et marmonna le reste du passage entre ses dents en refermant
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d'unmasqueet Alexis
le livre. Mais j'avais vu l'expression qu'il avait omise. C'était
1"onanisme'.
Je sentais mon coeur battre violemment de honte. Le docteur
avait découvert mon secret.4)
Dans le cas d'Alexis, sa maladie est annoncée au lecteur par le
sentiment d'indisposition physique et morale qui l'étreint lors de son
entrée au collège:
Ce fut donc une époque pénible. Lorsque je me tourne vers elle,
je revois un grand mur grisâtre, le morne alignement des lits, le
réveil matinal dans la froideur du petit jour, où la chair se sent
misérable, l'existence régulière, insipide et décourageante, comme
une nourriture qu'on prend à contrecoeur. 5)
Au dégoût succède la maladie proprement dite qui, contrairement à
l'oeuvre japonaise reste inconnue et innommée:
Ce ne fut pas une maladie bien grave. Ce fut ma maladie, celle
que je devais connaître à plusieurs reprises et que j'avais déjà connue;
car chacun de nous a sa maladie particulière comme son hygiène et
sa santé, et qu'il est difficile de déterminer tout à fait. Ce fut une
maladie assez longue; elle dura plusieurs semaines; comme il arrive
toujours, elle me rendit un peu de calme. Les images qui m'avaient
obsédé durant la fièvre s'en allaient avec elle; il ne m'en restait plus
qu'une honte confuse, pareille à ce mauvais goût que laisse derrière
lui, l'accès, et le souvenir se brouilla dans ma mémoire obscurcie. 6)
Cette crise maladive qui affecte nos héros les incite à s'interroger sur
leur nature profonde et les amène à constater deux faits liés entre eux et
représentés, dans les deux récits, au moyen du même genre de scènes.
c'est d'abord la prise de conscience de leur différence. Le narrateur,
dans le récit de Mishima, la décrit de la façon suivante:
Bref, je ne savais absolument rien des autres garçons. Je ne
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savais pas que chaque nuit tous les garçons sauf moi faisaient des
rêves où les femmes - des femmes entr'aperçues la veille à un coin
de rue - étaient dépouillées de leurs vêtements et appelées l'une après
l'autre à défiler sous les yeux du dormeur. 7)
Alexis de Géra, déjà péniblement affecté par la vie collective
qu'induit sa scolarité à Presbourg, avoue:
Beaucoup de mes condisciples vivaient dans une sorte d'obsession
de la femme, peut-être moins blâmable que je n'imaginais, mais qui
s'exprimait bassement. De pitoyables créatures aperçues au cours des
sorties préoccupaient les plus âgés de mes compagnons, mais elles
me causaient une répugnance extraordinaire. J'étais habitué à
envelopper les femmes de tous les préjugés du respect; je les haissais
dès qu'elles n'en étaient plus dignes. 8)
C'est aussi la prise de conscience de leur «délicatesse», basée sur une
sensibilité esthétique très vive, et qui les distingue radicalement de leurs
camarades. Et effectivement, leur amour du Beau, qui a déjà trouvé à
s'exprimer créativement dans la musique pour l'un et l'écriture pour l'autre
est invoqué par eux-mêmes ou par d'autres pour expliquer leur
«différence».
Ainsi, Kochan relate l'épisode suivant:
La différence principale résidait dans le fait que les autres
garçons semblaient trouver un sujet d'excitation extraordinaire dans
le simple mot 'femme'. Ils rougissaient toujours dès que ce mot leur
passait par l'esprit. Pour moi, au contraire, le mot 'femme', n'évoquait
pas plus une impression sensuelle que 'crayon', 'automobile' ou 'balai'
(...) Mes amis résolvaient cette énigme à leur satisfaction en me
considérant comme un poète; j'avais entendu dire que les membres
de la race d'homme appelés poètes étaient invariablement rejetés par
les femmes. 9)
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Alexis a bien conscience,lui aussi, de l'étendue de ses délicatesses
qui le mettent à part au sein du groupe scolaire:
•• •il me semble que je n'étais pas comme les autres, et même
que je valais un peu mieux. D'abord, parce que j'avais des scrupules,
et que ceux dont je vous parle n'en avaient certainement pas. Ensuite,
parce que j'aimais la beauté, que je l'aimais exclusivement, et qu'elle
eût limité mon choix ce qui n'était pas leur cas. Enfin, parce que
j'étais plus difficile, ou si l'on veut, plus raffiné. 1°)
Comment interpréter cet état maladif permanent des héros et
manifesté au lecteur par les mêmes motifs romanesques?
Doit-on voir dans cette maladie latente une métaphore de leur
homosexualité? Il est vrai que pendant longtemps, l'homosexualité
masculine fut perçue comme une maladie dont il fallait guérir. Il nous
semble que Yourcenar et Mishima apportent une réponse plus nuancée.
C'est Yourcenar qui s'étend le plus sur cette question au tout début de la
lettre de son héros à sa femme et elle ne dénonce moins ce rapprochement
que la conclusion qui en émane et qui enferme l'être dans une définition
de lui-même qui ne lui correspond pas.") En fait, la romancière française
comme l'écrivain japonais usent de cette métaphore pour mieux la
détourner et apportent finalement une réponse moins systématique et plus
vraisemblable: si à l'homosexualité de leur héros est apposée cette image
de la maladie, c'est tout simplement parce qu'elle est mal vécue! D'ailleurs,
toute particularité humaine perçue névrotiquement peut emprunter cette
métaphore.
Surtout, cette espèce de fragilité congénitale qui caractérise leur
héros paraît créditée d'un autre sens par nos deux romanciers. La maladie
fonctionne comme une «pause» dans la vie conflictuelle des personnages.
C'est une solution temporaire aux tensions qu'ils se créent et continueront
de se créer même après la crise de l'adolescence. Car la maladie apparaît
comme une détente à l'abstinence forcenée et inhumaine qu'ils s'imposent.
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Le refoulement concerne d'abord des instincts sexuels non ou mal
satisfaits. Kochan s'épanche sur ses habitudes masturbatoires et son
impure virginité:
Pourquoi est-ce mal pour moi de demeurer exactement tel que
je suis maintenant? J'étais dégoûté de moi-même et en dépit de ma
chasteté, je détruisais mon corps. J'avais pensé qu'avec 'du sérieux'
(quelle touchante pensée!) je pourrais échapper à mon état infantile.
On eût dit que je n'avais pas encore compris que ce qui me
remplissait maintenant de dégoût était évidemment une part de ma
véritable vie; on eût dit que je croyais au contraire que ç'avaient été
là des années de rêverie, après quoi je me tournerais désormais vers
la 'véritable vie'. '2)
La fuite de ses pulsions pour Alexis passe par une obsession maladive
de la pureté:
J'étais un garçon scrupuleux, plein de ce que l'on appelle les
meilleurs sentiments; j'attachais une importance presque maladive à
la pureté physique, probablement parce que, sans le savoir, j'attachais
aussi beaucoup d'importance à la chair...13)
Il est intéressant de noter qu'après la détente offerte par la maladie à
la crise aiguë de l'adolescence, l'un et l'autre héros reprendront ce
refrènement délirant de leurs instincts qui n'ira pas sans chutes. Alexis
s'en explique:
• ••il me fallait donc choisir entre mes penchants, que je jugeais
criminels, et une renonciation complète qui n'est peut-être pas
humaine. Je choisis. Je me condamnai, à vingt ans, à l'absolue
solitude des sens et du coeur. Ainsi commencèrent plusieurs années
de luttes, d'obsessions, de sévérité. 14)
D'ailleurs, la satisfaction de ses penchants est appelée «crise», ce qui
révèle bien la perception symptômatique qu'il a de sa sexualité. La
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manière dont il gère ses crises - épuisantes car vécues de façon
culpabilisante - entraîne l'état de faiblesse constant qui le caractérise:
J'essayai d'espacer les crises; j'en vins à un calcul maniaque des
mois, des semaines, des jours. Sans l'avouer, pendant ces périodes
d'excessive discipline, je vivais soutenu par l'attente du moment où
je me permettrais de faillir. Je finissais par céder à la première
tentation venue, uniquement parce que, depuis trop longtemps, je
m'interdisais de le faire.15)
Le refoulement sexuel tout aussi important chez le héros de Mishima,
prend cependant une autre tournure. Contrairement à Alexis, Kochan ne
satisfait à aucun moment ses instincts homosexuels. Il demeure vierge.
A cet inassouvissement vient s'ajouter une contrefaçon comportementale
et sociale, cause d'une fatigue permanente chez le héros. Kochan s'oblige
à s'intéresser à une femme et l'énergie investie pour rester dans la tension
de cet intérêt artificiel, entraîne un notable affaiblissement psychique:
Ces efforts artificiels ne servaient qu'à m'emplir l'esprit d'une
lassitude étrange, d'un engourdissement. Ce qu'il y avait en moi de
réaliste sentait le caractère artificiel des éternelles protestations par
lesquelles je me persuadais d'être amoureux d'elle et luttait contre
cette fatigue pernicieuse. Il semblait y avoir quelque terrible poison
dans cet épuisement mental. 16)
Mais ce refoulement qui explique en partie leur fragilité corporelle
ne concerne pas seulement leurs instincts sexuels. Les héros de Mishima
et Yourcenar ne satisfont pas non plus leurs instincts sociaux. Bien sûr,
Kochan et Alexis manifestent un penchant naturel pour la solitude. Leurs
instincts sociaux sont certes peu développés par rapport à d'autres. Mais
ils existent cependant.
Or, ce besoin de l'autre, même très limité, a été puissamment réfréné
par leur entourage. «A cause de ma mauvaise santé et de la sollicitude
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ridicule dont j'étais l'objet depuis ma petite enfance, j'avais toujours été si
timide que je n'osais même pas regarder les gens droit dans les yeux» 17)
déplore Kochan au chapitre II. C'est même cette constitution maladive
qui est alléguée par ses parents pour restreindre encore sa vie sociale,
déjà réduite à une peau de chagrin:
Mes parents, toujours prudents, avaient allégué ma santé
médiocre pour obtenir en ma faveur une exception à la règle
exigeant que chaque élève vive en dortoir pendant un an ou deux
durant son séjour à l'école secondaire. Une fois de plus la raison
majeure n'était autre que de m'empêcher d'apprendre 'de vilaines
choses'. 18)
Ce même décalage d'avec ses camarades affecte la vie scolaire du
petit Géra:
Je fus mis au collège de Presbourg. Ma santé n'était pas très
bonne; des troubles nerveux s'étaient manifestés; tout cela avait
retardé mon départ. '9)
Cette solitude que la révélation progressive de leurs penchants
accentue n'est jamais positive. Dans le cas du héros du Traité du Vain
Combat, la solitude exprime son refus douloureux d'un monde perçu
comme hostile car n'acceptant pas sa différence. «La première
conséquence de penchants interdits est de nous murer en nous-mêmes» 20)
note Alexis après sa première expérience charnelle. Et il s'enfonce
effectivement, pendant tout son séjour viennois dans une solitude qui est
déréliction. Alexis se confine dans une tentative d'autosuffisance morale
et émotionnelle: il multiplie les aventures par «crises» mais refuse de
s'attacher. «J'étais absolument seul»21)avoue cet être déchiré qui veut
séparer à tous crins, sensualité et sentiments. La solitude a fait de lui cet
homme froid qui conclut ainsi: «(c)'est assez d'être le prisonnier d'un
instinct, sans l'être aussi d'une passion; et je crois sincèrement n'avoir
jamais aimé». 22)
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Dans le cas de Kochan, la solitude que son goût pour l'introspection
favorise, rend un autre son. C'est pendant ses moments de solitude que le
protagoniste de Mishima échafaude un plan qui équivaut à une sorte
d'anéantissement de sa nature profonde. «J'avais décidé que je pouvais
aimer une jeune fille sans éprouver le moindre désir. C'était là sans doute
l'entreprise la plus téméraire qu'on eût vue depuis le début de l'histoire de
l'humanité»23'dit-il avant d'entamer sa relation avec Sonoko. Les liens
emprunts de remords et d'artificialité qu'il noue avec la jeune fille lui
procurent cependant une petite joie: celle de se comporter d'une manière
sociale conventionnelle, fait ô combien important pour cet être en déficit
de normalité. Mais l'aliénation guette ce personnage qui, dès qu'il est
seul, s'admoneste sur ce dédoublement entre ses sentiments et ses désirs.
Cependant la culpabilité n'empêche pas l'insensibilité. La solitude a aussi
fait de Kochan un être froid, peu enclin à partager les souffrances d'autrui.
Il est tout à fait intéressant de noter que cette froideur produite par le
refoulement de leurs instincts est mise en relief par le même fait
romanesque: la mort, non d'un ami, d'un cousin ou d'une quelconque
relation mais d'une soeur et qui survient au même moment dans le récit, à
savoir à l'issue de leurs années de collège. Le deuil qui surprend le
narrateur de Confession d'un masque, est inspiré de la propre vie de
Mishima, qui perdit sa soeur de 17 ans, Mitsuko, peu après la reddition
du gouvernement japonais, en octobre 1945.
Celui qui survient dans Le Traité du Vain Combat est fictif, inventé
par Yourcenar pour les besoins de son récit. Ceci démontre encore une
fois, selon nous, la juste propension de l'écrivain français à apprécier la
valeur symbolique d'un événement et sa portée sur la vie psychique d'un
individu. Car Yourcenar, sans avoir jamais eu et perdu de soeur et bien
avant Mishima, déduit le rôle de ce deuil dans la profonde inadéquation
du héros au monde.
La mort de la soeur entérine l'insensibilité du personnage. «Je
trouvais une certaine paix de l'âme, d'ailleurs superficielle, en découvrant
que même moi, j'étais capable de verser des larmes» 24)remarque Kochan
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au début du chapitre III. Le même sentiment mesuré prévaut dans la
confession d'Alexis: «(j)e ne prétends pas que sa mort m'affligea outre
mesure; j'étais trop tourmenté pour être très ému».25)
La fragilité physique innée des héros que leur entourage va sceller
dans leur destin par une sollicitude étouffante et mortifère se double d'un
refoulement sexuel et social tragique. Leur solitude les a conduit à une
incommunicabilité effrayante que leur goût du Beau aggrave. En effet,
cette sensibilité esthétique, si elle se révélera féconde et régénérante plus
tard, ne les aide pas en revanche pendant cette période charnière de
l'adolescence. En effet, ce raffinement qui les isole, génère une autre
fragilité en rapport avec l'image qu'ils ont de leur corps.
B- Le miroir brisé: la fragilité narcissique du héros
La grande vulnérabilité narcissique des héros est fréquemment notifiée
dans les deux récits. Mishima et Yourcenar ont effectivement conféré à
leur personnage le même paradoxe: Kochan et Alexis qui ont si
instinctivement le goût du Beau, ont le sentiment de ne pas l'être! L'image
fort médiocre que les protagonistes se font de leur corps, naît d'une
comparaison obsédante avec celui, plus séduisant de certains de leurs
camarades. La perception mitigée de leur apparence qui en résulte n'est
exempte cependant, ni de masochisme ni d'orgueil.
Examinons tout d'abord le récit qu'Alexis fait à sa femme de ses
années d'enfance:
Il ne faut pas que vous m'imaginiez plus solitaire que je n'étais.
J'avais parfois des compagnons, je veux dire aussi jeunes que moi (...)
(Certains) vous tourmentaient sans même qu'on protestât, parce qu'ils
étaient beaux ou que leur voix sonnait bien. Je vous ai dit que j'étais
un enfant très sensible à la beauté. Je pressentais déjà que la beauté,
et les plaisirs qu'elle nous procure, valent tous les sacrifices et même
toutes les humiliations (...) Il m'était très doux d'être moins beau que
mes amis; j'étais heureux de les voir; je n'imaginais rien d'autre.26)
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Lavulnérabilité
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Kochan, dès avant son entrée au collège a une piètre image de son
corps, due à sa fragile constitution et ses incessants problèmes de santé.
Sa scolarisation va renforcer son sentiment de faiblesse et d'imperfection
corporelle. A l'école des Pairs, il tombe amoureux d'Omi, un jeune
garçon athlétique dont la perfection physique reflète, a contrario, son
aspect pitoyable. Une autre scène de visite médicale en témoigne:
... je me rappelai soudain mon désir perpétuel, farouche, de voir
le corps nu d'Omi: je compris combien j'avais été stupide de ne pas
prévoir quelle admirable occasion de réaliser ce désir m'aurait fournie
l'examen médical de la veille. (....)
Je pâlis. La blême chair de poule qui couvrit soudain mon
corps était l'expression d'une forme de regret pareille à un froid
pénétrant. Je regardais devant moi d'un air vague, grattant les
vilaines marques de vaccin imprimées sur mes bras minces.27)
Cette fragilité narcissique à l'aide de laquelle nos deux auteurs
façonnent l'univers mental de leur personnage apparaît rare, complexe et
n'appelle pas tout à fait les mêmes remarques.
Si l'on considère Le Traité du Vain Combat en termes de genre (récit
rétrospectif focalisé sur le monde intérieur du héros et à connotations
autobiographiques), les allusions d'Alexis à son corps apparaissant
inusitées. En effet, dans la tradition occidentale du genre biographique, le
portrait physique - quand il est esquissé - est bien plutôt le fait des
femmes que des hommes. Comment interpréter dès lors, l'attention du
héros de Yourcenar à son corps?
Certains s'empresseraient de voir dans ce trait de caractère d'Alexis
une «erreur» de Yourcenar, l'échappée involontaire d'une conscience
irréductiblement féminine en dépit de ses projections dans des voix
narratives mâles.
Nous y voyons, nous, une suggestion sur la nature homosexuelle de
son héros. Si Yourcenar attribue à Alexis une attention au corps qui est
ordinairement féminine, c'est qu'elle cherche à décrire un homosexuel qui
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se sent femme. D'ailleurs, Alexis avoue cet aspect de sa personnalité au
début de sa lettre à sa femme: «ce dont je différais le plus, ce n'était pas
des femmes».28)
C'est là, la grande difference qui sépare le personnage du Traité, de
Kochan que Mishima représente comme un homosexuel qui se sent
homme.
Par conséquent, le comportement du héros japonais face au désir que
suscite le Beau, diffère et mérite étude d'autant plus que Mishima décrit,
avec un luxe de détails inouï pour son temps, la mécanique sexuelle mise
en branle par sa sensibilité esthétique.
Tout lecteur de Confession d'un masque est effectivement frappé par
l'investissement sexuel immédiat du narrateur dans le Beau. La séduction
de l'image est telle que Kochan-Mishima succombe sans résistance au
pouvoir visuel de la beauté. Et «il y sacrifie son regard et son coeur»29)
d'être humain car cet engouement sans réserve pour le Beau génère une
attitude qui met en péril l'identité de l'autre ou la sienne et que l'on peut
retracer en trois phases distinctes.
La première phase a trait au corps de l'être qui le séduit. Le
protagoniste est tellement envoûté sensuellement par cet autre beau qu'il
n'arrive plus à envisager le corps du séducteur dans son entier, dans sa
globalité. Il le morcelle donc, s'obsédant sur certaines de ses parties qu'il
fétichise. C'est d'abord le vidangeur aperçu dans sa petite enfance qui fait
les frais de cette coupe sensuelle:
Je me souviens nettement que mon désir était concentré sur (...)
son 'cuissard' bleu foncé (...) Le pantalon collant dessinait avec
précision la partie inférieure de son corps, qui se mouvait avec
souplesse et semblait se diriger tout droit vers moi. Une adoration
inexprimable pour ce pantalon était née en moi. Je ne comprenais
pas pourquoi.30)
Ce morcellement pathologique du corps de l'autre est bientôt réservé
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La vulnérabilité
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à Omi, le jeune homme dont, au collège, il s'est épris sexuellement.
Kochan focalise son regard sur une partie bien précise du corps de son
condisciple: ses dessous de bras et l'abondante toison qui les recouvre.
Omi n'existe bientôt plus que par ses aisselles envoûtantes. Comme
souvent chez Mishima, l'émotion sexuelle se traduit par une montée en
puissance du style que le lecteur étranger parvient à ressentir en dépit du
tamis de la traduction:
C'etait sans doute la première fois que nous voyions une telle
opulence de poils; cela semblait presque de la prodigalité, comme
une exubérante croissance d'encombrantes herbes d'été. Et de même
que ces herbes, non contentes d'avoir complètement envahi un jardin,
vont même jusqu'à recouvrir un escalier de pierre, les poils
débordaient des creux profonds des aisselles et s'allongeaient en
touffes épaisses vers sa poitrine. Ces deux fourrés noirs et lustrés
luisaient, baignés de soleil, et l'étonnante blancheur de sa peau était
pareille à du sable blanc qu'on eût aperçu à travers.31)
Cette sensualité visuelle, impliquée, qui atteint l'autre dans sa
corporéité même, n'affecte pas que les hommes. Les femmes aussi, quand
elles ne sont pas aimées mais superficiellement désirées subissent un
identique fractionnement corporel. Ainsi la soeur aînée de son ami
Nukada, dont Kochan va s'éprendre très fugitivement, sera suscitée dans
son esprit que sous la forme de ses lèvres qui exercent une force
d'attraction fétichiste sur lui. «(J)e dessinais d'innombrables images de
ses lèvres»32'notera t-il conscient de cette division physique qu'il inflige à
l'autre. En revanche, Sonoko qui sera aimée sans jamais être désirée ne
sera pas profanée visuellement. Respectée - et le respect est, chez
Mishima, la preuve d'une absence de désir - la jeune fille bénéficiera
d'une description qui la restitue dans son intégralité physique:
Sonoko était grande et forte, elle m'arrivait à hauteur du front.
Elle avait un corps d'une grâce remarquable, bien proportionné et des
jambes superbes.
Son visage rond, enfantin, qu'elle ne chargeait
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La vulnérabilité
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d'unmasqueet Alexis
d'aucun maquillage, semblait le reflet d'une âme immaculée et sans
détour. Ses lèvres étaient légèrement gercées et n'en paraissaient que
plus rouges.33)
On constate donc que la sensibilité esthético-sexuelle du narrateur
provoque en lui un comportement antinomique. Si l'autre fait naître
l'amour, il échappe au risque de désintégration corporelle que Kochan fait
courir à toute personne qui le menace de sa séduction. Par contre, si
l'autre provoque le désir, il est déchu de son statut d'être humain,
impitoyablement fragmenté en éléments fétiches dont on se demande
quelles fêlures narcissiques secrètes ils recouvrent chez notre narrateur.
L'examen de la phase II de son fonctionnement sexuel nous apporte
quelques éclaircissements. On sait que la construction narcissique varie
selon les individus. Certains aiment ce qu'ils sont; d'autres ce qu'ils ont
été. Enfin, il existe une troisième catégorie dans laquelle nous rangeons
le narrateur qui aime ce qu'il voudrait être. C'est le cas précisément de
Kochan qui veut devenir l'être qu'il désire.
On trouve trace à deux reprises de ce processus identificatoire qui
survient pendant l'enfance du héros. C'est d'abord le vidangeur dont nous
avons déjà parlé et qui provoque l'aveu suivant:
J'eus alors le pressentiment qu'il existe en ce monde une sorte
de désir pareil à une douleur aiguë. Levant les yeux vers ce jeune
homme sale, je me sentis suffoqué par le désir en pensant: 'Je veux
me changer en lui, je veux être lui'.")
Plus tard, Tenkatsu dont les tours de magie découverts dans un
théâtre de Shinjuku l'ont émerveillé, va l'inciter à pousser encore plus loin
le processus identificatoire puisqu'il va vouloir s'habiller en Tenkatsu. Le
travestissement marque alors l'aboutissement identificatoire du personnage
qui, vêtu d'un kimono somptueux (d'apparât) surgit dans le salon de sa
grand-mère en hurlant: «'(j)e suis Tenkatsu! Moi, je suis Tenkatsu!'»35'
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La vulnérabilité
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d'unmasqueet Alexis
Ce narcissisme complexe entraîne parfois un comportement
violemment destructeur que Mishima détaille en certains endroits de sa
confession et que nous distinguons comme la phase III de sa mécanique
sexuelle. La perfection esthétique est symbolisée par la figure du Prince.
«Je n'aimais que les princes. Surtout les princes assassinés ou voués à la
mort. J'étais absolument amoureux de tous les jeunes hommes qui
venaient à être tués»36)note t-il dans l'évocation de sa petite enfance
confessant déjà son désir de destruction de l'être désiré.
Cette imagerie virile du chevalier de conte de fées va s'élargir en
grandissant. Kochan intégrera dans ses fantasmes d'autres catégories de
métiers ou états, nobles ou non et de plus en plus anti-intellectuels.3'1)
«(D)es soldats grecs, nombre d'esclaves blancs en Arabie, de princes de
tribus sauvages, de garçons d'ascenseurs... de serveurs de restaurants, de
jeunes apaches, d'officiers de l'armée, de garçons de piste dans les
cirques»38)seront convoqués en rangs serrés pour participer à l'étonnant
rituel sadique qu'il a mis en place:
Autant que possible, je choisissais des armes primitives et
sauvages - flèches, poignards, lances. Et, pour prolonger la torture,
c'était au ventre qu'il fallait viser. La victime offerte en sacrifice
devait lancer de longs cris, lugubres et pathétiques, afin que ceux qui
les entendaient vinssent à sentir l'inexprimable solitude de l'existence.
Alors ma joie de vivre (....) poussait finalement une clameur de joie
triomphante, répondant cri pour cri à la victime.39)
Le Beau que ces jeunes gens incarnent fantasmatiquement donne des
envies de meutre. Le crime contre le Beau, que Mishima avait exposé en
projet dans sa lettre à Kawabata est effectivement commis dans les pages
de Confession d'un masque. L'écoulement de sang provoque l'excitation
sexuelle; l'orgasme naît de la destruction physique de l'être qui séduit et
parfois de sa dévoration même puisque Kochan rêve à un moment qu'il
mange littéralement cet autre désiré.40)
—69—
La vulnérabilité
du hérosdansConfession
d'unmasqueet Alexis
Les différentes étapes de la sensibilité esthético-sexuelle du narrateur
appellent plusieurs remarques. Tout d'abord, ces trois phases sont liées
entre elles ou non.
Ainsi le vidangeur, point de départ originel de tous ses autres
fantasmes, subit les phases I et II : il essuie une désagrégation corporelle
par le motif fétichiste du cuissard mais il entraîne également un processus
d'identification. En revanche, d'autres personnages qui ont pourtant
suscité un profond émoi chez le narrateur, restent comme bloqués dans
une phase unique. Ainsi, la soeur de Nukada et le jeune «dur» dans la
magnifique scène finale du bal demeurent dans la phase I de morcellement
corporel dominé par trois fétiches fixes: les touffes de poils des aisselles,
les lèvres, le tatouage. Tenkatsu, quant à elle, séjourne définitivement
dans la phase II sans jamais susciter de désir de fragmentation ou de
destruction. Enfin, les jeunes gens de ses fantasmes sanglants ne quittent
jamais la phase III de destruction.
Comme on peut le constater, dans l'oeuvre de Mishima,
l'investissement sexuel que procure la contemplation esthétique n'est pas
la même selon les individus. Surtout, il tranche radicalement de la
sensualité rêveuse, presque abstraite de l'Alexis de Yourcenar et nous
incite à conclure sur les particularités respectives des deux personnages
dans les deux récits.
Nous avons d'abord insisté, dans ce développement sur le caractère
des héros, sur leurs similitudes, nombreuses et troublantes: une grande
vulnérabilité narcissique que leur insatisfaction permanente envers leur
propre corps et l'influence inhibante du Beau ont renforcé. Leur volonté
implacable de séparer le désir sexuel de l'amour sentimental les apparente
également. Mais nous ne devons pas oublier que, dans le cadre général
de cette étude, nous avions précisé que nous ne minimiserions pas non
plus leurs différences.
Or, il y en a une, essentielle, qui jaillit déjà de leur dissociation
apparemment commune de la sensualité et des sentiments. Alexis a
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La vulnérabilité
du hérosdansConfession
d'unmasqueet Alexis
désiré des hommes mais n'a jamais aimé personne. Kochan a désiré des
hommes et a aimé Sonoko....Mal, avec beaucoup de perversité sans doute
mais il l'a aimée. Cette différence en est suivie d'autres qui apparaissent
au fil de la lecture.
En effet, la nature sexuelle profonde des protagonistes diffère
sensiblement puisque Yourcenar a dépeint un homosexuel féminin,
contrairement à Mishima qui trace le portrait d'un homosexuel très
virilement incarné. Plus profondément, les développements consacrés au
fonctionnement psycho-sexuel de leur héros varie selon leur auteur.
Yourcenar ne prise pas l'aveu direct. Par conséquent, les paragraphes
sur les émois esthético-sensuels d'Alexis sont succincts et euphémiques.
Mishima, au contraire, concède une place très importante à l'expression
de ses fantasmes. Des pages entières sont consacrées à la description
circonstanciée de ses rêveries sexuelles et les phrases s'y chamarrent pour
le plus grand bonheur des lecteurs.
Dans Alexis ou le Traité du Vain Combat, la perception que le héros
a de sa sexualité est indirecte et très peu visuelle. Ce fait découle du
projet romanesque même de l'auteur. Yourcenar n'a pas décrit sa
sexualité mais la sexualité qu'elle suppose à un homosexuel. Par
conséquent, son héros reste à distance de l'objet de son désir et
développe une sensualité aux antipodes de celle du narrateur japonais. En
revanche, Mishima évoque, dans Confession d'un masque, SA sexualité.
Il met en scène ses fantasmes au moyen d'images contrastées, fulugurantes
et pousse l'investissement sensuel jusqu'à vouloir prendre la place de
l'autre.
Il n'est donc pas étonnant que les personnages aient privilégié un art
qui coïncide avec l'expression de leur sexualité. La musique pour l'allusif
Alexis à qui les sons évanescents conviennent mieux; la peinture pour
Kochan dont la sexualité va avec des représentations immédiates.
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La vulnérabilité
duhérosdansConfession
d'unmasqueet Alexis
II- Une vie en rapport avec l'art
Deux arts, la musique et la peinture, se partagent les faveurs des
héros, qu'un troisième art, l'écriture, prolonge de manière plus ou moins
importante. Cependant chacun des protagonistes n'accorde pas la même
considération à ces trois formes d'expression artistique. Et c'est
précisément dans cette différence de traitement de l'oeuvre d'art - plastique,
musicale ou littéraire - que se fait jour la part d'originalité irréductible de
nos romanciers, leur conscience artistique en somme et dont l'examen va
nous apporter quelques précisions significatives.
C'est dans Alexis que le thème de l'art musical est le plus exploité,
Marguerite Yourcenar ayant de réelles affinités avec cette forme
d'expression artistique. Mais Mishima, dont la réputation de grand visuel
est certes justifiée, ne dédaigne pas entièrement le motif musical. Il ne
lui accorde pas la même place dans l'économie de sa confession et ne le
traite pas sémantiquement de la même façon que la romancière française
mais ils se rejoignent das l'intérêt qu'ils portent à un thème en lien étroit
avec la musique: le silence.
Le silence est l'un des éléments les plus notables de leurs premières
années de vie. L'état anormalement calme de Woroïno est constamment
mentionné dans le récit d'Alexis. Dans Confession d'un masque, l'absence
de bruit exigée par sa grand-mère que des névralgies torturent, est aussi
constitutive de l'enfance de Kochan. Mais le silence ne rend pas le même
«son» dans les deux récits. Chez Mishima, le silence est imposé au
personnage; chez Yourcenar, il est intégré par lui. Cette différence
initiale explique l'importance capitale que va revêtir la musique dans la
vie d'Alexis et son exploitation beaucoup plus riche dans le récit français
que dans le roman japonais.
Car le silence, ce nécessaire pendant de la musique, bénéficie d'un
statut singulier dans Le Traité du Vain Combat: c'est le temps musical
initial, non-exprimé certes mais premier, d'avant toutes choses. Il précède
le son, va lui donner sa véritable amplitude, sa pleine possibilité tonale ou
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La vulnérabilité
du hérosdansConfession
d'unmasqueet Alexis
harmonique. Yourcenar semble faire siennes les conceptions antiques sur
l'art musical où l'on «inaugurait l'écoute des sons par un grand fracas d'où
le silence naissait comme le premier son d'après le chaos»(P210). Et
précisément, Alexis revendique le silence comme l'élément qui a déterminé
sa vocation de musicien. C'est le silence qui a nourri sa disponibilité à
l'écoute du monde, lui a donne l'envie de mettre en sons les non-dits de
son enfance:
Lorsque le silence s'est établi dans une maison, l'en faire sortir
est difficile; plus une chose est importante, plus il semble qu'on
veuille la taire. On dirait qu'il s'agit d'une matière congelée, de plus
en plus dure et massive: la vie continue sous elle; seulement, on ne
l'entend pas. Woroïno était plein d'un silence qui paraissait toujours
plus grand, et tout silence n'est fait que de paroles qu'on n'a pas dites.
C'est pour cela peut-être que je devins un musicien. Il fallait
quelqu'un pour exprimer ce silence, lui faire rendre tout ce qu'il cont
enait de tristesse, pour ainsi dire le faire chanter.41)
Très vite, le personnage de Yourcenar s'essaie à la pratique musicale,
puis à la composition et décide assez jeune de faire de la musique, qu'il
aime de manière élective, son métier. Des deux héros, c'est Alexis qui
est le plus investi humainement dans l'art puisqu'il a choisi d'en vivre.
Cette particularité le distingue de Kochan dont on ne sait, si l'on s'en tient
strictement aux bornes narratives que Mishima a apposées au récit s'il vit,
ne serait-ce que partiellement, de cet art littéraire qu'il semble préférer
entre tous.
En fait, Mishima est ambigu sur cet aspect de la vie de son héros.
Le lecteur apprend que Kochan occupe un emploi dans un ministère à
l'issue de l'université, c'est-à-dire qu'il n'a pas choisi, dans un premier
temps, l'écriture comme profession. Le narrateur précise aussi lors de sa
dernière conversation avec Sonoko, qu'il vient de quitter ce poste
administratif. A la question de la jeune femme, «Qu'allez-vous faire
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La vulnérabilité
duhérosdansConfession
d'unmasqueet Alexis
maintenant?»') ; il répond: «Oh, qui vivra verra». 43' L'affirmation est
vague et ne permet au lecteur que des suppositions. Si l'on juge le
parcours du protagoniste à l'aune de la vie de Mishima, on peut
raisonnablement conjecturer qu'il s'apprête, au moment où il achève sa
confession, à embrasser professionnellement la littérature. Mais cette
différence de statut entre d'un côté, un héros présenté comme un être
créatif en devenir artistique et de l'autre, un personnage rapidement adoubé
par Yourcenar en artiste professionnel joue considérablement dans le
traitement réservé à l'art.
C'est encore Yourcenar qui, au travers de la musique, propose le
faisceau de sens le plus large. La siginfication la plus capitale donnée à
l'art musical dans Alexis a trait à ses possibilités expressives. La musique
est effectivement l'art qui rend le mieux compte des mouvements de l'âme.
Diffus, toujours en recherche d'accords ou de nouvelles compositions
harmoniques, l'art musical épouse plus parfaitement l'émotion, par essence
mobile, que l'écriture risquerait de figer. Car à la difference de Kochan,
Alexis est un héros qui n'aime pas les mots et qui est pris au piège de son
entreprise épistolaire. Ainsi, il commence son aveu à Monique par une
accusation lancée à l'encontre de l'écriture jugée inférieure à la musique
seule capable d'exprimer les sentiments:
Cette lettre, mon amie, sera très longue. Je n'aime pas beaucoup
écrire. J'ai lu souvent que les paroles trahissent la pensée mais il me
semble que les paroles écrites la trahissent encore davantage. Vous
savez ce qui reste d'un texte après deux traductions successives. Et
puis, je ne sais pas m'y prendre. Ecrire est un choix perpétuel entre
mille expressions, dont aucune ne me satisfait sans les autres. Je
devrais pourtant savoir que la musique seule permet les
enchaînements d'accords.')
Cette conviction de la suprématie sans égale de la musique est
martelée de bout en bout du récit. Lorsque le héros, à la fin de la lettre,
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La vulnérabilité
duhérosdansConfession
d'unmasqueet Alexis
signifie à sa femme tout à la fois, l'irréductibilité de sa nature profonde et
sa décision de la quitter, il le fait musicalement tant il juge la musique
susceptible d'établir une connivence entre les êtres, tant il lui prête un
pouvoir d'évocation supérieur aux mots. «Je pensais, avec une sorte de
cruel plaisir, que de votre chambre vous m'entendiez jouer; je me disais
que cela suffisait comme aveu et comme explication».45) Bien sûr,
l'entente émotionnelle que la musique lui permet d'établir avec Monique
est ici négative, empreinte de perversité puisqu'Alexis jouit de la
souffrance qu'il inflige à sa femme mais l'aveu a le mérite de présenter la
place attribuée à l'écrit dans le récit: les mots dans Le Traité du Vain
Combat ne sont là que pour seconder la musique, art jugé supérieur non
seulement en raison de son expressivité mais aussi parce qu'il perfectionne
en général celui qui le pratique. Ce mysticisme rédempteur attribué à l'art
musical ainsi que la dépréciation de l'écrit, ou du moins sa place
secondaire dans l'échelle des valeurs d'Alexis sont inconnus du héros
japonais qui inverse exactement la hiérarchie des arts proposée par
Yourcenar: dans Confession d'un masque, la musique hérite de la portion
congrue tandis que l'art littéraire occupe une place majeure et incontestable.
L'art musical que Marguerite Yourcenar explore si richement dans ce
premier roman est bientôt gratifié d'une autre signification: la musique
devient une métaphore de la sexualité. Quand Alexis connaît sa première
expérience homosexuelle dans une sorte d'éblouissement édenique; son art
s'en ressent immédiatement et il joue de manière beaucoup plus créative:
Pendant quelques semaines, je vécus les yeux fermés. Je n'avais
pas abandonné la musique; je sentais au contraire une grande facilité
à me mouvoir en elle; vous connaissez cette légèreté que l'on éprouve
au fond des rêves. Il semblait que les minutes matinales me
libérassent de mon corps pour le reste du jour. Mes impressions
d'alors, si diverses qu'elles fussent, sont une dans ma mémoire: l'on
eût dit que ma sensibilité, n'étant plus bornée à moi seul, se fût
dilatée dans les choses. L'émotion du matin se prolongeait dans les
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La vulnérabilité
du hérosdansConfession
d'unmasqueet Alexis
phrases musicales du soir; - telle nuance des saisons, telle odeur, telle
ancienne mélodie dont je m'épris alors sont demeurées pour moi
d'éternelles tentatrices, parce qu'elles me parlent d'un autre.46)
Mais dès qu'il s'avise de combattre sa nature sexuelle en s'imposant
une inhumaine abstinence que ses «crises» viennent rompre de manière
culpabilisante, il joue en sourdine.
Et lorsqu'il contracte cette union, contre-nature pour lui, avec
Monique, qui doit se consommer dans la chambre conjugale, ses facultés
musicales tarrissent. «J'avais complètement abandonné la musique»') note
t-il sobrement donnant une nouvelle fois, si besoin est, la preuve de cette
perception musicale de la sexualité.
Mais, et cela peut paraître plus inattendu, Mishima aussi a proposé
une interprétation sexualisée de la musique. Dans Confession d'un
masque, la découverte du Saint Sébastien de Guido Reni et par là-même
de sa nature sexuelle inspire également et immédiatement à Kochan un
acte créatif qui prend la forme d'un poème en prose. Ce premier écrit
reprend un motif essentiel du tableau de Reni, l'arbre auquel est attaché le
saint supplicié et appelle les commentaires suivants:
Il était là, cet arbre, parfait, admirablement construit, mais sans
rien perdre de la grâce et de la simplicité de la Nature, gardant un
silence serein, comme s'il était lui-même son propre créateur. Et
pourtant, c'était assurément une chose créée. Peut-être une
composition musicale. Un morceau de musique de chambre, écrite
par un maître allemand. Une musique procurant un plaisir si
religieux, si tranquille, qu'il ne pouvait être appelé que sacré, plein
de la solennité et du désir qu'on trouve dans les motifs des
majestueuses tapisseries murales...
Ainsi l'affinité entre la forme de l'arbre et les sons musicaux
prenait un sens à mes yeux. Il n'y a donc guère lieu de s'étonner si,
au moment où je fus saisi par ces deux impressions à la fois,
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La vulnérabilité
du hérosdansConfession
d'unmasqueetAlexis
rendues plus fortes encore par leur alliance, mon émotion
indescriptible, mystérieuse, put être assimilée non pas au lyrisme,
mais à cet enivrement inquiétant que procure la conjonction de la
religion et de la musique.48)
La perception très sexualisée de l'oeuvre et sa perfection esthétique
sont liées ici autour du motif musical. On peut même interpréter ce poème
en prose enchâssé dans Confession d'un masque, comme le germe d'une
idée que Mishima exploitera plus tard, en 1965, avec une oeuvre intitulée
justement La Musique. Dans ce roman jubilatoire, l'héroine Reiko lance à
son psychanalyste, cette mémorable réplique: «Docteur, comment expliquer
cela? Je n'entends pas la musique»49' pour évoquer sa frigidité, prouvant
la volonté de son créateur d'explorer ce lien entre musique et sexualité.
Certes, l'assertion selon laquelle l'art musical est l'expression de la
sexualité n'est pas que le fait de nos deux auteurs. Elle a été et sera
encore développée par d'autres écrivains. Mais il est frappant de
remarquer combien Mishima et Yourcenar associent puissamment la
musique à la reconnaissance de leur homosexualité par leur héros dans
des lettres-confessions globalement de même facture en dépit de petites
divergences formelles que nous avons étudiées dans nos précédente
études. 50)
Mais nous ne voudrions pas terminer cette étude, qui s'est étalée sur
plusieurs années, sans évoquer un souvenir personnel qui résume bien
l'intérêt éprouvé pour nos deux auteurs et leur oeuvre de jeunesse. Enfant,
J'avais lu un roman d'Agatha Christie qui m'avait durablement marquée.51)
Dans ce roman, l'inspecteur était longtemps égaré par le récit d'un témoin
qui affirmait avoir vu, dans l'entrebâillement d'une porte, le reflet d'une
femme - la meurtrière présumée - portant sur le revers de sa veste, une
broche aux initiales A.C.. En fait, le témoin n'avait pas menti mais
l'inspecteur avait oublié, lui, que dans la pièce où avait été aperçue cette
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La vulnérabilité
du hérosdansConfession
d'unmasqueetAlexis
femme, se trouvaient différents miroirs provoquant des reflets complexes
et qu'il fallait inverser ces initiales A.C. pour que, devenues C.A., elles
livrent l'identité de la véritable coupable.
Est-ce à dire que nos héros sont des assassins? Il est vrai qu'Alexis
manifeste parfois la froideur et l'insensibilité d'un criminel-né. Il est
notable également que Kochan tente d'assassiner en lui, la seule chose qui
importe vraiment, son homosexualité. Mais l'allusion au roman d'Agatha
Christie concerne plus leurs créateurs, Marguerite Yourcenar et Yukio
Mishima eux-mêmes. A considérer seules les initiales de leur nom de
plume et à les faire se refléter dans un miroir, M.Y. devient Y.M., constat
qui conclut symboliquement notre hypothèse de départ.
Nous avons toujours supposé qu'il existait un lien fort, non seulement
littéraire mais aussi ontologique entre les deux écrivains et que bien, que
nés en des lieux et à des époques differentes, ils avaient pris conscience
peu à peu des similitudes étranges de leur oeuvre entre elles. Et cette prise
de conscience les avait emmenés au-delà du «reflet», nous semble t-il. Il
y avait eu véritablement une traversée du miroir, de la part de Yourcenar
seulement'' puisque Mishima avait choisi de mettre fin à ses jours de la
manière spectaculaire que l'on sait.
Mais est-il si fou de supposer que si Mishima avait vécu, il aurait
entrepris la même démarche envers la romancière française? Après tout,
Mishima n'était pas qu'un ambitieux, brûlant de se faire reconnaître
internationalement. Il était aussi un admirateur des Mémoires d'Hadrien
et surtout il était habité par la même problématique de vie qu'il traduisait
sensiblement de la même façon dans ses livres.
Cette ressemblance entre ces deux êtres que tout aurait dû séparer,
culture d'origine, âge et même tempérament, est fascinante car elle vient
nourrir une interrogation sur le processus littéraire même: pourquoi une
réflexion sur son identité sexuelle, à l'origine si intime, prend-elle les
mêmes voies littéraires pour se résoudre? Pourquoi choisir un type de
héros similaire, lui faire traverser les mêmes expériences qui seront
relatées au moyen de motifs romanesques pratiquement identiques?
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La vulnérabilité
duhérosdansConfession
d'unmasqueet Alexis
Yourcenar et Mishima semblent nous prouver que l'idée d'universalité a
encore quelque fondement. Car à partir de la problématique personnelle
qui leur avait été donnée à vivre dans un espace-temps différent, ils ont
apporté en tant que créateurs et intellectuels, une réponse identique. Peutêtre parce que, comme pour toutes les grandes questions existentielles, il
n'y en a qu'une, quelque soit le chemin ou l'être emprunté pour y parvenir.
Notes:
1)
I. TONOMURA, «L'enfance et ses conséquences dans Confession
d'un masque et Alexis (III)», in: Studies in Foreign Literature, Nara
Women's University, volume 28, 2009, ppl 13-123. Dans cette étude,
nous avions plus particulièrement analysé le lieu de vie du héros
pendant l'enfance en soulignant l'aspect inauthentique et vétuste de sa
demeure familiale, en rupture avec le sol qu'elle occupait. Nous nous
étions penchés aussi sur les figures paternelle et maternelle remarquant
que, dans les deux récits, le père était absent ou responsable de la
déliquescence financière de la famille et que la mère demeurait passive
ou silencieuse et n'apportait en aucun cas l'énergie roborative dont un
enfant a besoin pour se développer pleinement. Ces différentes
caractéristiques familiales expliquaient selon nous l'étrange fragilité des
deux héros sur laquelle nous allons nous arrêter plus longuement dans
l'étude présente.
2)
Y. MISHIMA, Confession d'un masque, Paris: Editions Gallimard,
2005, p.14.
3)
M. YOURCENAR, Alexis ou le Traité du Vain Combat, Paris:
Editions Gallimard, 1987, p.37.
4) Cf. Y. MISHIMA, op.cit...., pp.90-91-92.
5) Cf. M.YOURCENAR, op.cit...., p.44.
6) Ibid., p.47.
7) Cf. Y. MISHIMA, op.cit...., p.110.
8) Cf. M. YOURCENAR, op.cit...., p.44.
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d'unmasqueet Alexis
9)
Cf Y. MISHIMA, op.cit...., pp.108-109.
10) Cf M. YOURCENAR, op.cit...., p.46.
11) Marguerite Yourcenar use avec prudence de cette image de la
maladie comme métaphore de l'homosexualité. Elle manifeste même
d'évidentes réticences à son égard comme on peut le deviner au travers
de la confession du héros à Monique, son épouse: «Je sais qu'il y a des
noms pour toutes les maladies, et que ce dont je vous parle passe
pour être une maladie. Moi-même, je l'ai cru longtemps. Mais je ne
suis pas un médecin; je ne suis même plus sûr d'être un malade. La
vie, Monique, est beaucoup plus complexe que toutes les définitions
possibles; toute image simplifiée risque d'être grossière.», p.33.
12) Cf Y. MISHIMA, op.cit...., p.99.
13) Cf. M. YOURCENAR, op.cit...., p.45.
14) Ibid., p.66.
15) Ibid., p.75.
16) Cf Y. MISHIMA, op.cit...., pp.119-120.
17) Ibid., p.80
18) Ibid., pp.50-51.
19) Cf M. YOURCENAR, op.cit...., p.43.
20) Ibid., p.59.
21) Ibid., p.69.
22) Ibid., p.70.
23) Cf Y. MISHIMA, op.cit. ..., p.129.
24) Ibid., p.213.
25) Cf M. YOURCENAR, op.cit. ..., p.62.
26) Ibid., pp.35-36.
27) Cf Y. MISHIMA, op.cit. ..., p.74.
28) Cf M. YOURCENAR, op.cit. ..., p.39.
29) E. PESSINI, «L'artiste dans l'oeuvre de M. Yourcenar», in:
Marguerite Yourcenar et l'art L'art et Marguerite Yourcenar, Société
Internationale d'Etudes Yourcenariennes, Tours, 1990, p.6.
30) Cf. Y. MISHIMA, op.cit. ..., p.16.
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La vulnérabilité
du hérosdansConfession
d'unmasqueetAlexis
31) Ibid., p.78.
32) Ibid., p.119.
33) Ibid., p.142.
34) Ibid., p.16.
35) Ibid., p.25.
36) Ibid., p.27.
37) Mishima insistera beaucoup sur ce dernier aspect comme étant un
élément fondamental de séduction. Ainsi, se parlant à lui-même a la
fin de sa confession, il avouera: «Pendant le jour, tu marches dans la
rue sans voir personne d'autre que les marins et les soldats. Ce sont ces
jeunes gens-là qui te plaisent - exactement de l'âge que tu aimes, bien
bronzés par le soleil avec des lèvres ingénues et pas la moindre trace
de l'intellectuel en eux (c'est nous qui soulignons)», p.170. La
cérébralité fait obstacle à son imaginaire érotique. Ou plus exactement
dans les nombreux couples qu'il formera phantasmatiquement avec les
hommes qui le séduisent fugitivement ou plus durablement, ce sera
toujours lui le cérébral, l'autre séducteur étant essentiellement un corps.
38) Ibid., pp.92-93.
39) Ibid.
40) Le fantasme que Mishima dépeint dans son roman est tellement
représentatif de sa sexualité que nous voulons en citer les principales
séquences: «Le second cuisinier alla vers la table et se mit à s'occuper
du garçon avec des gestes précis; il le dépouilla de son polo, lui ôta son
bracelet-montre, lui retira son pantalon et le mit tout nu en un rien de
temps. Le jeune homme nu gisait là où il était tombé, les lèvres un
peu écartées. Je posai sur ces lèvres un baiser prolongé. 'Comment le
met-on? Sur le dos ou sur le ventre?' me demanda le cuisinier. - 'Sur
le dos, je suppose', répondis-je (....) L'autre cuisinier prit sur une étagère
un grand plat qui... était exactement de la taille nécessaire pour contenir
un corps humain.... 'Oh, Hisse!' dirent les deux cuisiniers à l'unisson,
soulevant le jeune homme, inconscient et le déposant sur le plat couché
sur le dos....Ils disposèrent avec art quelques grandes feuilles de salade
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autour du corps nu et posèrent sur le plat un couteau à découper et une
fourchette de dimension insolite. (...) Je plantai tout droit la fourchette
en plein coeur. Un jet de sang me frappa au visage. Tenant le couteau
de la main droite, je me mis à découper la chair de la poitrine,
doucement, d'abord par tranches minces....», pp.95-96
41) Cf. M. YOURCENAR, op.cit...., p.29.
42) Cf Y. MISHIMA, op.cit...., p.237.
43) Ibid.
44) Cf M. YOURCENAR, op.cit...., p.19
45) Ibid., p.120.
46) Ibid., p.55.
47) Ibid., p.107.
48) Cf Y. MISHIMA, op.cit...., p.47. Les caractères italiques de la
citation sont ceux de Mishima.
49) Y. MISHIMA, La Musique, Paris: Editions Gallimard, collection
«Du monde entier», 2000, p.22
50) I.TONOMURA, De la vie à l'écriture chez Mishima et Yourcenar:
étude comparée d'Alexis et de Confession d'un masque (II) in: Studies
in Foreign Literature - Japanese and Western culture (2), Nara Women's
University, volume 27, 2008, pp.13 l -147.
51) Je n'ai pu remettre la main sur ce roman d'Agatha Christie qui
m'avait tellement fascinée. Donc, de mémoire....mais n'étant sûre de
rien, je pense qu'il s'agit de Pension Vanilos.
52) Marguerite Yourcenar a intégré Mishima dans son oeuvre puisqu'elle
a traduit ses Cinq Nô modernes et publié un essai sur lui intitulé
Mishima ou La vision du vide.
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