Maison de l`aviculture : cas de prise en charge des

Transcription

Maison de l`aviculture : cas de prise en charge des
Quel bilan ?
Maison de l’aviculture :
cas de prise en charge
des services par les éleveurs
eux-mêmes
Par Vincent Royer et Hélène Vidon
La Maison de l’aviculture est une association professionnelle du secteur de l’aviculture moderne au
Burkina Faso. En moins de trois ans, elle a atteint un auto-financement de plus de 90 % pour son fonctionnement, en combinant activités de service et d’approvisionnement. Ce degré exceptionnel d’autonomie la rend
exemplaire, même si ses acquis demeurent fragiles, notamment du fait de sa jeunesse.
L’élevage joue un rôle central dans l’économie burkinabé, car il
représente 10 % du PIB et 16 % des exportations en valeur. Il est
caractérisé par un mode de production extensif et un faible niveau
d’organisation. Néanmoins, on assiste depuis plusieurs années à
l’émergence de filières « modernes » en zones périurbaines. Il s’agit
principalement de la filière avicole et de la filière porcine. Le développement de ces productions intensives permet de faire face à plusieurs enjeux nés du contexte d’urbanisation croissante : le
développement d’une activité pouvant créer des emplois et la
contribution à la sécurité alimentaire des populations urbaines.
L’élevage moderne de volailles
1
Toutefois, ses activité et ses moyens étaient et sont encore limités
(il ne bénéficie d’aucun appui extérieur depuis 1997).
Dans ce contexte, où la maîtrise des coûts et des techniques
représente un enjeu majeur de la production, les producteurs ont
été amenés à se regrouper avec l’appui d’un projet du Fonds d’aide
à la coopération (projet d’appui sectoriel à l’élevage, PASE).
L’objectif était de fournir aux aviculteurs un environnement favorable, aussi bien à la maîtrise technique de la production au niveau
des exploitations qu’au développement général de la filière.
Une offre de services
et d’approvisionnements
Concentré autour des principales agglomérations, l’élevage
La Maison de l’aviculture, organisation professionnelle de l’amoderne de volailles est surtout orienté vers la production d’œufs à
viculture moderne au Burkina Faso, est une association reconnue
destination de la population urbaine (200 000 poules et plus de 40
officiellement en avril 1998. Elle comptait, au 1er juillet 2001,
millions d’œufs produits par an), même s’il existe un petit marché
204 membres totalisant environ 90 % des effectifs de volaille
d’environ 40 000 poulets de chair par an, vendus en distribution
moderne. Son assemblée générale est constituée de trois collèges
moderne. Son chiffre d’affaire global est d’environ 2,5 milliards de
d’aviculteurs, répartis selon leurs effectifs de volailles : 1er colF CFA pour 200 producteurs dont les effectifs de volailles varient de
lège entre 1 et 1 000 poules (84 % des membres), 2ème collège
quelques dizaines à 30 000 poules.
entre 1 001 et 4 000 (11 %), 3ème collège plus de 4 000 (5 %).
Cette production est fortement consommatrice en intrants,
Elle comprend deux cellules techniques basées à
importés en quasi totalité (poussins, produits vétérinaires, prémix).
Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, mises en place en décembre
Avant la mise en place de la Maison de l'aviculture, en amont de la
1998, et employant cinq personnes dont un vétérinaire, un ingéproduction les acteurs étaient relativement dispersés et peu infornieur et un technicien. Ces employés travaillent sous l’autorité
més sur le marché, d’où l’absence d’écod’un conseil d’administration entièrenomies d’échelle, des coûts d’approche
ment composé d’éleveurs issus des
et des charges fixes élevés, et un approtrois collèges.
Pour plus d’informations
visionnement irrégulier. Pour faire face
Ses activités portent principaleCoordonnées des auteurs
aux problèmes engendrés par cette
ment sur des services et les approvisituation, les éleveurs étaient souvent
sionnements. Au niveau des services
Projet d’appui au secteur élevage,
Burkina Faso
contraints de recourir à des importations
on trouve : des services techniques
« illégales » d’intrants alimentaires et de
(visites d’élevages, débecquage élecVincent Royer, assistant technique
produits vétérinaires, dont la qualité
trique, thermonébulisation, autopsies,
Mél : [email protected]
était sujette à caution.
formulation des aliments), l’informaHélène Vidon, assistante technique
Le programme de développement des
tion (documentation, journal de l’asMél : [email protected]
animaux villageois (PDAV), dépendant
sociation,
édition
d’un
guide
du ministère des Ressources animales,
sanitaire), la formation (formation des
bien que privilégiant l’appui au petit élevage en zone rurale,
basse-courriers, accueil de stagiaires, rencontres avec des spéappuyait également l’élevage périurbain (importation de poussins,
cialistes de la filière…). L’approvisionnement concerne les
vente de produits vétérinaires et d’aliments, conseil technique).
intrants alimentaires (achat en gros auprès des agro-industries),
agridoc - revue thématique
les intrants vétérinaires (vaccins, antibiotiques, antiparasitaires…), du matériel (alvéoles et mangeoires produites localement, matériel importé).
Par ailleurs, la Maison de l’aviculture a initié des activités de
promotion de la filière et assure le secrétariat d’une coordination
régionale des filières avicoles de l’UEMOA. Cette coordination a
obtenu en 1999 une recatégorisation de plusieurs intrants avicoles dans le cadre du tarif extérieur commun, et négocie en 2001
l’adoption de mesures de protection adaptées contre l’importation de découpes de volailles à bas prix et la mise en place d’une
fiscalité aménagée permettant le développement des activités.
Son chiffre d’affaire global s’élève à 106 millions de FCFA en
2000, contre 66 millions de FCFA en 1999. Des marges modérées
sont réalisées sur la vente des intrants, produits vétérinaires et
du matériel. Le produit des ventes (66 % proviennent de la vente
des intrants alimentaires), ainsi que les ressources issues du versement des cotisations permettent de couvrir les charges liées
au fonctionnement courant de l’association (salaire des techniciens, frais d’occupation des locaux des cellules techniques,
fournitures de bureau, frais de déplacement des administrateurs
et techniciens, renouvellement des stocks).
Après trois années d’existence, les recettes propres couvrent
93 % du fonctionnement hors investissements (ou amortissements) et hors activités spécifiques (promotion de la filière,
formation, actions régionales…). Le solde du fonctionnement
ainsi que les investissements sont assurés par des subventions
du projet PASE.
Un degré d’autonomie exceptionnel
Dans le cadre d’un marché étroit où l’offre en intrants était
dispersée, la Maison de l’aviculture a permis, en regroupant et
sécurisant l’offre, d’une part de faire baisser les prix (commande
de containers qui divise les coûts de transport au départ de
France par 10 par rapport aux premières commandes, de une
tonne environ) et de sécuriser l’approvisionnement (cas notamment des intrants alimentaires). Elle cherche actuellement à
obtenir la reconnaissance d’utilité publique, qui lui permettrait
d’obtenir certains avantages fiscaux (exonération de TVA notamment) et de diminuer encore les prix tout en augmentant ses
marges, en vue d’atteindre une autonomie financière totale.
Ce faisant, l’association a également fait la preuve de sa
capacité à atteindre en moins de trois ans un auto-financement
de plus de 90 % pour son fonctionnement, en combinant des
activités de service et d’approvisionnement et par une gestion
rigoureuse (vente au comptant).
Un tel degré d’autonomie est exceptionnel au Burkina Faso,
où la plupart des organisations professionnelles du secteur
rural ne survivent que grâce à d’importantes subventions. A ce
titre, elle est souvent citée en exemple. Il faut cependant noter
que l’essentiel des recettes de la Maison de l'aviculture provient des activités commerciales liées à l’approvisionnement.
Or de nombreuses organisations professionnelles se montent au
départ uniquement autour d’activités de service (notamment
quand elles sont appuyées par des bailleurs de fonds), moins
rémunératrices, et moins attractives dans un premier temps
pour leurs membres.
Des acquis à consolider
Toutefois, ses acquis demeurent fragiles, notamment du fait
de sa jeunesse :
- l’association est fortement dépendante des sept membres
du troisième collège qui représentent 47 % de son activité de
commercialisation et ont les moyens de faire cavaliers seuls ;
- son statut d’association lui interdit de mener une activité
commerciale apportant des bénéfices et de diversifier ses
débouchés ;
- au niveau du conseil aux éleveurs, elle est concurrencée par
la présence de techniciens spécialisés du secteur public ;
- à la clôture du projet PASE, en mars 2002, prendront fin les
subventions de ce projet, qui représentaient 7 % du fonctionnement courant en 2000, et l’association devra ajuster ses activités ou trouver d’autres appuis. De plus ses ressources actuelles
ne lui permettent pas de réaliser des investissements ou d’élargir le champ de ses activités.
Par ailleurs, si la Maison des éleveurs a pu faire baisser le
coût des intrants, la maîtrise des techniques et des coûts de production par les éleveurs n’est pas assurée. Si les éleveurs suivent
en général l’évolution de la ponte, très peu enregistrent de façon
systématique leurs dépenses et leurs recettes. Ne connaissant
pas leurs coûts de production, ils ne peuvent pas avoir de vision
réellement entreprenariale de leur activité, et il leur est impossible de s’adapter aux évolutions du marché. Ainsi, l’étude de
certains cas concrets a montré que cette non-maîtrise des paramètres économiques entraînait des éleveurs à entretenir des
bandes de pondeuses à perte. La mise en place d’un système de
suivi technico-économique des élevages sera donc nécessaire,
même si la Maison de l'aviculture ne dispose pas actuellement de
ressources humaines suffisantes pour faire face à la situation. ■
Evolution des activités de la Maison de l’aviculture
Evolution des activités
1998
1999
2000
Débecquages (nb)
0
40 000
50 000
Thermonébulations (nb)
0
3
26
Autopsies (nb)
0
Non comptabilisé
450
Prémix/acides aminés/minéraux (t)
2
31,2
45,0
Doses de vaccins (x 1000)
0
1 078
1 769
agridoc - revue thématique
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