RACINES201 - Nov09
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RACINES201 - Nov09
Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Par Catherine Baty ? e d tu li o s r la e is r b t n e m m o C Quand les enfants sont loin, la vie active de côté, la santé parfois vacillante, la solitude s'installe et devient pesante. Comment rompre cet isolement ? Quelques pistes de réponses. riser la solitude des personnes âgées et plus largement des retraités est une des préoccupations quotidiennes des acteurs du Clic Entour'âge à La Roche-sur-Yon. Richard-Pierre Willamson, son directeur et Céline Cornélis, sa coordinatrice prévention-animation, rencontrent régulièrement des personnes isolées. B Quel est le profil de ces personnes seules ? Dans notre métier, nous rencontrons des personnes en demande de contacts ou qui ont besoin d'être aidées (pour gérer une sortie d'hôpital, une entrée en établissement par exemple…). Parmi eux, le profil type de la personne âgée fragilisée est une femme de plus de 80 ans qui, dans les trois quarts des cas, vit seule (elle est veuve, les enfants sont absents car ils sont trop occupés par ailleurs ou très éloignés géographiquement, ou encore parce qu'il y a des conflits dans la famille). Mais il n'y a pas que les personnes très âgées qui sont isolées. On voit également des jeunes seniors qui nous disent se sentir seuls car ils s'ennuient, ont du mal à trouver des occupations motivantes où à rencontrer du monde. Ils veulent des amis ! Le problème est parfois complexe, car si certains se plaignent de leur solitude, ils sont aussi très exigeants dans leurs critères, demandent beaucoup de disponibilité des autres, mais ne veulent pas être accaparés… On peut aussi se demander si ceux qui n'ont pas d'amis ne sont pas ceux qui n'ont jamais réussi à fidéliser ce lien toute leur vie. RACINES 18 novembre 2009 Il y a aussi le cas de personnes qui ont finalement beaucoup d'occupations, mais qui restent face à ellesmêmes le soir, le dimanche ou pendant les grandes vacances. Enfin, un aidant peut lui aussi se sentir très seul face à la situation d'un proche. Il n'en peut plus d'avoir la charge de ses parents, de ses beaux-parents, ou du conjoint. Là aussi nous avons une réponse à lui apporter (groupe de parole, rencontre avec la psychologue du Clic, formation…) Vous expliquez aussi que l'on peut-être en couple… mais seul ! On peut vivre un conflit conjugal qui rompt les liens avec l'autre et les autres (on ne s'entend plus, le mari veut entrer en maison de retraite, La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Quelles réponses donnezvous à toutes ces personnes ? À tous les niveaux de nos interventions, nous nous questionnons sur le l'isolement de la personne. Quand nous accueillons quelqu'un, nous devons systématiquement identifier s'il a un problème de solitude (réelle ou ressentie), car cela conditionne beaucoup d'éléments. Le bienêtre passe aussi par cette question. Nous pouvons proposer des activités diverses pour créer du lien : intégrer un club, un atelier collectif … Plus on est seul, plus l'on s'isole ? Il y a beaucoup de possibilités d’activités dans une ville comme à La Roche-sur-Yon, mais ça ne suffit pas à rompre la solitude des gens. D'abord parce qu'il faudrait presque du surmesure pour convaincre chacun, et parce qu'il est difficile de sortir de chez soi. Il faut franchir le pas, aller seul dans un groupe qui a déjà ses repères et qui n'est pas toujours très ouvert aux autres. Souvent, on s'excuse au dernier moment de ne pas pouvoir venir : on n’a plus envie, et quand on vieillit, le cercle “Il est difficile de sortir de chez soi. de ses relations se rétrécit. Il faut franchir le pas, aller seul dans un groupe Sortir de chez soi devient qui a déjà ses repères…” inimaginable et pesant. Sur tout simplement, mais avec l'idée de le secteur rural, même si la solidarité et la proximité existent, l’évolution des les “convaincre” de venir au Clic. Certaines nous répondent alors que modes de vie fragilise ces liens. Et “ça va et qu'elles n'ont besoin de rien”. l’isolement est, là aussi, une vraie Et il n'est pas rare que quelques question. C'est donc progressivement que semaines plus tard, finalement ce nous proposons des activités pour sorsoient elles qui nous rappellent. tir d’un “univers étroit”, créer du lien. Nous avons aussi une approche individuelle. Nous pratiquons notamment “les appels de courtoisie”. Il s'agit de contacter régulièrement des personnes isolées, de discuter avec elles (Photo : Clic entour’âge) l'épouse non..). Notre rôle est d’accompagner cette situation fragile. D’autres sont deux, mais se sentent seuls. C'est notamment le cas des “expatriés”, des retraités venus s'installer en Vendée, à La Roche-sur-Yon par exemple, pour y trouver des services. Soit les enfants sont loin, soit ils n'ont pas le temps de s'occuper en continu de leurs parents. Ce n'est d'ailleurs pas parce qu'on se rapproche de ses enfants géographiquement qu'ils seront réellement plus présents. À cela s'ajoute parfois la perte d'autonomie qui complique la vie sociale. TÉMOIGNAGES “Rompre sa solitude et… celle des autres” idée nous vint au cours d’une partie de Scrabble. Nous étions deux femmes seules qui trouvions, l’une et l’autre, le temps bien long le dimanche aprèsmidi… Mais sans doute n’étions-nous pas les seules. Alors pourquoi ne pas essayer de nous rassembler ? Il fallait trouver un lieu indépendant, ouvert à tous pour que l’on s’y sente à l’aise. Dès le lundi, la démarche fut faite auprès de Monsieur le Maire qui, enthousiasmé par notre initiative, nous proposa d’occuper gracieusement la salle du Foyer Soleil dès le L’ dimanche suivant. Ce qui fut dit fut fait : douze personnes se retrouvèrent pour jouer à la belote, au scrabble, ou à tout autre jeu ; ajoutons à cela quelques visiteurs venus prendre le café et discuter un peu. Par la suite, des couples âgés sont venus nous rejoindre, ne sachant pas quoi faire le dimanche. Quelquefois nous nous sommes retrouvés jusqu’à dix-sept personnes, car nos rencontres sont ouvertes à tous. Notre doyenne a 92 ans et est très assidue. Voilà un an que ces rencontres ont lieu et je me dis que nous avons RACINES 19 été bien inspirées ce jour là. “Génial !”, diraient les jeunes. Quoi de plus triste qu’une soirée de dimanche où l’on attend une visite qui ne viendra pas ? Nous connaissons la présence attentive des enfants, mais ils ont eux-mêmes leur vie et leur propre famille, et nous ne pouvons pas les solliciter sans cesse. D’autres n’ont pas d’enfants ou ils habitent trop loin pour rendre de fréquentes visites. Alors organisonsnous, regardons autour et osons aller vers les autres pour rompre cette solitude. Roseline (Sud-Vendée) novembre 2009 La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous Une vie de village retrouvée u départ de tout ça, il y avait le constat de voir nos grands aînés partir vivre ailleurs, faute de structure d'accueil sur la commune. C'est important de pouvoir garder auprès de soi ceux que l'on aime”. Daniel Thomas est membre du CCAS de La Genétouze et ancien adjoint de la commune. Il a connu les premières étapes d'une réflexion autour du “Bien vieillir ” à La Genétouze. Devant l'impossibilité d'implanter une maison de retraite, c'est une initiative originale qui voit le jour : “le Village de la Vallée verte”. Dix petites maisons au cœur de l'activité du bourg, qui accueillent depuis deux ans des personnes âgées venues se rapprocher des enfants ou trouver des services de proximité. “J'ai vécu 53 ans à Antigny, près de La Châtaigneraie. Une de mes filles habite La Genétouze, l'autre à Thorigny à quelques kilomètres de là. Quand j'ai appris ce projet de petites maisons pour retraités, je me suis dit que c'était une bonne idée de déménager !”, raconte Madeleine, 90 ans. Un déracinement difficile ? “Oh ! vous savez j'ai été suffisamment enracinée ! Et puis toutes mes copines sont parties, et si mes voisins étaient toujours prêts à me rendre service, je ne voulais pas sans cesse les déranger”, confie l'alerte nonagénaire qui sentait l'iso- “A Madeleine Clopeau, est devenue locataire du village de la Vallée Verte à La Genétouze. Une façon de ne pas rester isolée. lement s'installer. Ses nouveaux voisins sont donc tous des retraités comme elle, un peu plus jeunes, quatre sont en couples. Presque naturellement, une émulation est née entre eux. Il y a toujours une occasion pour venir sonner à la porte, discuter, s'entraider et finalement se soutenir. Une vie de village retrouvée. Devant les petites maisons, la bibliothèque, le foyer rural donnent une animation régulière au quartier. Les écoles sont à deux pas. Pour la rentrée, les mamies ont confectionné les serviettes de table des enfants de la cantine. Des ateliers pour se rencontrer Daniel Thomas et Françoise Roy portent les projets du CCAS, comme celui du village Vallée Verte où vit Madeleine. RACINES Au centre du village, “l'Espace Pré vert” a été conçu dans l'esprit de rassembler les Genétouziens de plus de 60 ans. Une fois par mois, les locataires de la Vallée verte disposent des clefs de la salle pour programmer une animation entre eux. Le CCAS y a aussi lancé toute une panoplie d'ateliers 20 novembre 2009 répondant tous aux trois axes essentiels du “Bien vieillir pour retarder l'entrée en dépendance” : entretenir son corps, ses fonctions intellectuelles, et le lien social. “En ne restant pas seul, les gens agissent pour leur "bien vieillir" car la vie sociale est une base fondamentale”, commente Françoise Roy, adjointe au maire en charge du CCAS. Depuis janvier, les activités sont mises en place : ateliers mémoire, gym douce, jeux de société, informatique… Ils sont une cinquantaine à y participer. “Il est évident qu'il y a des personnes, plus dépendantes, qui ne sortent pas… À nous, d'améliorer cette approche. Le premier pari était d'abord de donner envie de venir à ces ateliers”, explique Daniel Thomas encore actif au CCAS. “Les gens ont appris à mieux se connaître. Nous avons le cas d'une dame qu'on peut qualifier d'assez associable… Depuis qu'elle participe aux ateliers, son comportement a changé. Petit à petit, des relations se sont établies. Elle était très émue de voir qu'enfin elle pouvait avoir des amis. Cela montre bien à quel point le lien social contribue au bien-être”, souligne Françoise Roy. La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous La colocation, pourquoi pas ? oncept largement partagé par les étudiants, la colocation investit progressivement le monde des seniors. Certes, les expériences sont encore très minoritaires, pas toujours faciles et plutôt urbaines. Il y a deux ans, Christiane Baumelle lançait l'association Cocon3S, “la colocation solidaire et conviviale par des seniors solos, sur toute la France”. “Les médias se sont emparé du sujet”, s'étonne presque la psychosociologue de 69 ans avant d'ironiser “c'est normal, les journalistes ont l'âge de nos enfants, alors ils trouvent que la colocation est une solution formidable et sympa pour se libérer de la charge de leurs parents !” Des initiatives de colocation pour retraités existaient déjà, mais Christiane Baumelle remarque que les seniors sont un peu perdus dans cette approche originale de la vie à la retraite. Et “il y a aussi des arnaques”, quand le profit est le premier moteur avant celui de la convivialité. Le principe du dispositif Cocon3S doit assurer une certaine sécurité. “Celui qui a un projet de colocation organise des réunions, des rencontres, des sorties afin que ceux qui aimeraient y adhérer (et donc partager le même logement) apprennent à se connaître, vérifient qu'ils peuvent vivre ensemble, s'habituent les uns aux autres. Il y a alors cooptation”, explique Christiane Baumelle. En cas de conflits dans le “Cocon”, de difficultés, l'association intervient pour aider à les gérer et les résoudre. Tous ceux qui entament cette démarche de vie en petite communauté sont en recherche de compagnie. La grande majorité sont des femmes. Le divorce, le veuvage créent un certain vide. “On n'a plus envie de vivre seule toutes ces années devant nous”, insiste Christiane Baumelle, “il y a aussi l'angoisse de n'avoir personne autour de soi en cas de chute, ou avec un problème la nuit, par exemple…”. Le faible niveau de certaines retraites pousse aussi à chercher une alterna- C tive à un loyer trop lourd. Aujourd'hui, quatre cocons sont créés, et un peu partout d'autres groupes se rencontrent lors de réunions, avec le projet en tête. “Vous savez, on me dit souvent : " j'y pensais"… Il fallait simplement les aider et les accompagner sérieusement. Dans le fond, quand on est seul, on aimerait tous vivre avec des amis.” La colocation avec un étudiant ou un jeune travailleur est une autre possibilité, plus répandue mais dans notre région encore limitée aux grandes villes comme Nantes et Angers. Le réseau Cosi rassemble les associations de cohabitation solidaire internégérationnelle (dont Nantes'renoue à Nantes). Il s'agit tout simplement d'un échange de bons procédés. D'un côté, des jeunes en recherche de logement, de l'autre, des aînés en quête d'une compagnie amicale ou d'une petite aide aux tâches du quotidien. Ici, c'est l'intergénération qui devient le remède à la solitude ! Colocation seniors Cocon3S : Christiane Baumelle. Tél. 02 97 62 80 45. 06 87 54 90 98. www.cocon3s.fr (forum : www.cocon3s.com). Colocation avec un jeune : À Nantes : Nantes’renoue, 02 40 69 84 24 ; 06 28 05 36 68 ou sur [email protected]. ww.nantesrenoue. Le temps pour toi : tél. 02 40 29 14 82 ou sur [email protected]. et www.letempspourtoit.fr. À Angers : Toit et moi solidaires au 06 68 48 44 87 ou sur [email protected] et www.toitetmoi.solidaires.fr. Pour se rencontrer Les Petits frères des pauvres : depuis 63 ans, les Petits frères des pauvres vont à la rencontre de personnes âgées adultes isolées et leur proposent des sorties, des visites au domicile, des vacances. Lire l’article dans notre édition n° 178 de décembre 2007. Accueil téléphonique national Solitud'écoute au 0810 47 474 88 (numéro vert). En Vendée : Tél. 02 51 66 93 12 (Les Herbiers) ; 02 51 65 13 21 (Mortagnesur-Sèvre). En Maine-et-Loire (Angers) : 02 41 87 89 25 ; 02 41 58 66 29 (Cholet). En Loire-Atlantique (Nantes) Tél : 02 40 68 96 96. Certaines sections locales de la Croix-Rouge ou de Saint-Vincent-de-Paul ont mis en place des groupes de visiteurs à domicile ou RACINES 21 novembre 2009 auprès des résidents de maison de retraite. L'internet devient aussi un outil pour entrer en contact et parfois sortir réellement de chez soi. Le site “On va sortir !” a convaincu de nombreux adeptes, allant du jeune travailleur sans réseau local, au retraité en quête de sorties amicales, en passant par le célibataire jusque là trop accaparé par son boulot. Le principe : on s'inscrit en ligne et l'on participe (ou non) aux sorties proposées et organisées par les autres antennes sur La Roche-sur-Yon, Cholet, Saint-Nazaire, Niort, La Rochelle… Et surtout, on se fait des amis. www.onvasortir.com. La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine