Feuille de Route N o 15
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Feuille de Route N o 15
En français, s’il vous plaît ! Feuille de route No 15 « Ma patrie, c’est la langue française. » (Albert Camus) Juin 2011 ASSOCIATION DÉFENSE DU FRANÇAIS Edito Le rôle principal de l’Association Défense du français est de veiller au respect de la langue française dans les secteurs privé et public, qu’il s’agisse des médias, de la publicité ou des actes législatifs ou administratifs. C’est pourquoi nous sommes très attentifs à ce qui se passe dans la Berne fédérale, où nous luttons contre la prolifération des anglicismes. La tâche est ardue, car des dégâts considérables ont déjà été commis ces dernières années. Toutefois, sous l’impulsion de la nouvelle chancelière de la Confédération, Corina Casanova, très attachée au plurilinguisme de notre pays, et grâce à de nombreuses interventions émanant de parlementaires latins, dont je suis, le mouvement est en train de s’inverser. La Chancellerie fédérale a pris un certain nombre de mesures pour rendre les textes officiels destinés au public compréhensibles, un souci démocratique bien légitime qui va dans le sens du respect des langues officielles. En premier lieu, un glossaire*, que l’on trouve sur le site de la Chancellerie, propose les équivalents français, allemands et italiens des termes anglais habituels. Ainsi, mailing sera avantageusement remplacé par publipostage et un hacker est un fouineur. Un groupe de travail a été créé afin d’encourager un meilleur usage de la langue. Il se focalise sur les emprunts aux langues étrangères, principalement l’anglais, et publie des recommandations de traduction. Ces actions vont dans la bonne direction. Cependant, malgré une nouvelle législation sur les langues qui montre l’intérêt du parlement et du gouvernement pour le respect du plurilinguisme, des efforts importants doivent encore être consentis. La prochaine étape sera de remplacer les noms anglais de certains offices fédéraux par des appellations qui tiennent mieux compte de nos langues officielles. Exit alors Fedpol, Swisstopo ou Swissmint ? Nous y veillerons. Didier Berberat * www.bk.admin.ch/dienstleistungen/db/04813 /index.html?lang=fr Le sursaut allemand Paradoxalement, la réunification de 1990 n’a pas renforcé la langue allemande à l’intérieur de ses terres, pour la bonne raison que le « rachat » de la moribonde RDA alla de pair avec une privatisation effrénée, symbole d’un capitalisme triomphant et de la généralisation de l’idéologie « globish ». C’était comme si l’Allemagne s’excusait d’avoir gagné en puissance et voulait dédouaner sa mauvaise conscience en s’internationalisant, c’est-à-dire en «s’étatsunifiant». en chef est le talentueux Thomas Paulwitz (Erlangen). Elle est l’organe du « Verein für Sprachpflege » (www.Sprachpflege.info) qui fut fondé en décembre 2000. Cependant, la maladroite réforme de l’orthographe de 1996 fit réfléchir les Allemands à la valeur de leur langue, attaquée de toutes parts. Ainsi naquirent, de 1997 à 2007, pas moins de 13 associations dans le monde germanophone, dont une autrichienne en 1998 (« Interessengemeinschaft Muttersprache », Graz, www.pfannhauser.at/ muttersprache) et une suisse en 2006 (« Schweizer Orthographische Konferenz», www.sok.ch). Plus modeste et plus récente, la NFG travaille main dans la main avec l’équipe de la «Deutsche Sprachwelt», ce que l’on ne peut malheureusement pas dire du grand « Verein Deutsche Sprache», lequel éprouve certaines difficultés à collaborer avec ces deux dernières... Cette même association a participé à la création de la «Neue Fruchtbringende Gesellschaft » en janvier 2007 à Köthen/Sachsen-Anhalt (www.fruchtbringendegesellschaft.de), laquelle rallumait le flambeau de son auguste aînée de 1607. Ayant déjà présenté le « Verein Deutsche Sprache » (Feuille de route N° 12, décembre 2009), je préciserai juste que celui-ci reste le plus imposant avec ses quelque 35000 membres répartis dans 110 pays. Cette décentralisation impressionnante se retrouve en RFA elle-même, puisqu’il existe 9 sections régionales, actives dans tous les domaines et présentes sur tous les échiquiers de la société (www.vdsev.de). De plus, cette énergique association publie 4 fois par an une revue de très bonne tenue: Sprachnachrichten. Et puis en Suisse, nous avons le « Sprachkreis Deutsch » (sprachkreisdeutsch.ch), héritier de la «BubenbergGesellschaft Bern », qui tente de vaincre l’indifférence linguistique des Confédérés d’aujourd’hui, de soigner langue littéraire et dialectes, tout en veillant à un enseignement sérieux des langues nationales. Dans cet esprit d’ouverture, il prône le respect de la diversité linguistique de l’Europe et s’oppose de ce fait à l’invasion de l’anglo-américain. C’est pourquoi le « Sprachkreis Deutsch » cosigne, en compagnie du VDS, le magnifique « Anglizismen-Index » – actualisé chaque année et consultable en ligne: www.anglizismenindex.de – dont la dernière édition regroupe 7309 «mots douteux». L’autre revue qui retiendra notre attention est Deutsche Sprachwelt (www.deutsche-sprachwelt.de), tirée à 25000 exemplaires et paraissant également 4 fois par an, dont le rédacteur Reste désormais à comprendre que seule l’union fait la force, surtout quand l’ennemi commun est surpuissant! Erich Weider 1 Café francophone de Delémont La chasse aux anglicismes : une lutte au quotidien « La dégradation du français est-elle inéluctable ? » Tel était le thème du 5e Café francophone qui avait pour décor le Restaurant de la Croix-Blanche, à Delémont. Ce rendez-vous organisé par l’Association Défense du français, dans le cadre de la Semaine de la francophonie, a obtenu un franc succès. Plus de septante personnes ont assisté à cette réunion. Si l’on comptait dans le public une majorité de Jurassiens du nord et du sud, des participants venus des cantons de Vaud, de Genève et de Soleure complétaient l’assistance. Jurassiens précurseurs Daniel Favre, qui dirigeait les débats, a rappelé que son association, qui regroupe un millier de membres, a pour objectif de sensibiliser les gens au danger que représente le raz de marée des anglo-américanismes. Cette lutte que chaque membre doit mener au quotidien par ses propres observations et réactions sert en définitive à affirmer la présence de nos langues nationales, en particulier celle du français, et à œuvrer pour leur usage correct. La ministre jurassienne Elisabeth Baume-Schneider, cheffe du Département de la formation, de la culture et des sports, a précisé que la loi jurassienne sur la langue française était certes sous toit, mais que sa mise en œuvre était encore en chantier. D’où la création par le gou- vernement, dans le courant du printemps, du Conseil de la langue française. Ce cénacle, composé d’une dizaine de personnalités du Jura et de l’extérieur, aura pour mission d’analyser la situation de la promotion de la langue française sur le territoire cantonal. Il interviendra non pas de manière coercitive, mais par des propositions basées sur une stratégie faisant appel au dialogue et à la recherche commune de solutions. Cette loi jurassienne est souvent citée en exemple. N’est-elle pas prise comme base de travail par les constituants genevois ? Une motion y faisant référence est à aussi à l’étude au Grand Conseil vaudois. Péril pour l’identité de la Romandie Président de l’Association Défense du français, le conseiller aux Etats Didier Berberat a admis qu’il y avait nécessité de chasser les anglicismes de la publicité, « un snobisme, un effet de mode qu’il faut dénoncer surtout lorsque l’équivalence en français existe », a-t-il martelé. Mais selon lui, il y a politiquement des menaces plus graves encore : « Il y a péril pour l’identité de la Suisse romande avec l’arrivée de l’anglais comme langue d’enseignement dans les universités et les hautes écoles et même parfois comme langue de communication au niveau fédéral. » Et de citer des exemples de rapports de certains départements qui, sous la Coupole, parviennent aux parlementaires en anglais et en allemand, avec un minirésumé en français… et aucune traduction en italien. Mobilisation justifiée Rémy Chételat, rédacteur en chef du Quotidien Jurassien, a rappelé que la presse demeurait un outil de formation pour les lecteurs. Pour éviter les anglicismes et les chausse-trapes de la langue française, le QJ a édité une brochure à l’intention de ses collaborateurs. Représentant de la radio Fréquence Jura, Sébastien Jubin a justement démontré qu’en matière de musique, les radios étaient esclaves de la langue anglaise. « Il faut laisser vivre la langue, qui doit aussi évoluer », a-t-il plaidé. Directeur de l’entreprise horlogère Rudis Sylva, Jacky Epitaux s’est luimême présenté comme le « canard noir » de la séance : « Pour vendre des montres à travers la planète, la langue internationale est l’anglais. Je m’efforce en revanche d’apporter une touche francophone au produit par la mise en valeur du patrimoine jurassien. » Conclusion : La mobilisation pour dénoncer l’envahissement de notre quotidien par l’anglais se justifie. Le français doit rester une langue de scolarisation, celle de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche. D’où la responsabilité conférée à l’Etat de préserver ces valeurs. Jean-Pierre Molliet L’EPFL amuse les pays francophones Photo Molliet La ministre Elisabeth Baume-Schneider entourée du président de l’Association Défense du français, Didier Berberat (à droite), et du représentant du monde économique Jacky Epitaux (à gauche). 2 Lors du Sommet de Montreux, l’EPFL a lancé un nouveau réseau d’excellence francophone regroupant de grandes écoles d’ingénieurs du Canada, de France et de Belgique, ainsi que des universités d’Afrique, du Liban et du Vietnam. Luc Recordon, conseiller aux Etats vaudois, s’est adressé en mars au Conseil fédéral, car il s’avère que la langue principale d’enseignement prévue au niveau du mastère et de la recherche est… l’anglais ! La presse de Montréal a immédiatement réagi. D. F. Chronique de Jacques Bron Un code menacé La langue est un code. Nul n’a le droit de le modifier à sa guise (avis aux féministes !). Imagine-t-on de trafiquer le braille ou le morse, d’autoriser les infractions au code de la route ? Les codes sont nets et précis. Ils ne prêtent pas à confusion. Ils exigent de la rigueur et ne tolèrent pas les fantaisies individuelles. Si chacun pratique son code personnel, comment s’entendre sans équivoque ? Pourquoi mépriset-on trop souvent celui qui nous est le plus naturel et le plus indispensable, notre langue ? En matière de langage, il existe en réalité plusieurs codes. Le premier est le lexique, qui fixe le sens des mots. Vient ensuite la grammaire, qui régit leurs relations. Actuellement, on constate une perte de la notion d’accord en genre et en nombre. On lit et on entend par exemple : « une loi sur lequel on a discuté longtemps, la situation auquel il faut faire face, trois points qui pourraient être fondamental, un des leaders mondial, la plupart de nos livres se vend bien. » On se gargarise de termes pompeux et inutiles, comme instrumentaliser (pour utiliser) ou finaliser (pour conclure). On vous parle d’un homme précieux car il a une riche expertise, alors qu’il a de l’expérience. On alourdit la construction : « J’ai demandé à ce que la loi soit révisée… On ne sait pas qu’est-ce que les autorités vont faire… » Nos vieilles locutions, aussi respectables que nos aïeules, sont si mal comprises qu’on les défigure. Que de fois des parlementaires ou des journalistes ont « soulevé un lièvre », comme s’il s’agissait d’un haltère (nom masculin, faut-il le rappeler ?), alors qu’à la chasse le chien lève le lièvre ou la perdrix, les débusque, les fait sortir du gîte où ils se dissimulaient. L’image est jolie, parlante. Mais elle devient grotesque quand on remplace lever par soulever. Autre code langagier : la prononciation. Il est moins contraignant, car les accents locaux, les usages varient. Mais prononcer gageure comme beurre est condamnable, s’enivrer ne doit pas sonner comme s’énerver, pas plus que devancer ne doit ressembler à dénoncer. Quant aux liaisons… La présentatrice d’une émission radiophonique dite culturelle remercie ses « quatre z’invités » sans se reprendre, à l’instar de tous ceux qui ont dépensé « cent z’euros » ou emploient « deux mille z’employés. » Toutes ces distorsions rendent la langue hybride, entachée d’approximations, farcie d’impropriétés, fâcheusement menacée par l’emphase creuse et les néologismes prétentieux. Notre belle Une ardoise très française La très parisienne Commission générale de terminologie et de néologie a fait connaître il y a quelques jours « le vocabulaire adapté » pour parler des tablettes numériques. Finis les termes anglophones comme pad ou tablet. Désormais, il faudra privilégier leurs équivalents français : tablette ou ardoise. Dans la définition inscrite au Journal officiel, rien de moins, la Commission générale explique qu’une ardoise est « un ordinateur portable et ultraplat, qui se présente comme un écran tactile et qui permet notamment d’accéder à des contenus multimédias. Les noms de marque tels qu’iPad ou iSlate ne doivent pas être utilisés pour désigner de façon générale ces ordinateurs. Depuis plusieurs années, la commission lutte pour franciser les termes anglophones utilisés en informatique. Elle a ainsi proposé « diffusion pour baladeur » à la place de podcasting, « œuvre en usage partagé » pour open source. Si certaines adaptations ne posent a priori aucun problème parti- culier, comme tablette, d’autres ont plus de mal à entrer dans l’usage courant. C’est par exemple le cas du serveur mandataire (proxy) ou de l’addiciel (extension de jeu vidéo). langue lisse, souple, chatoyante, devient rocailleuse, pesante, tourne au jargon atypique, souvent obscur quand il n’est pas tout simplement ridicule. Un code, cela s’apprend, se mémorise, s’applique avec rigueur. Il est urgent d’inculquer le respect de celui qui conditionne notre pensée : la langue. Jacques Bron Un patron de l’EPFL anglophile La renommée de l’EPFL ne cesse de croître : c’est tout à l’honneur de son président, Patrick Aebischer. Le Learning Center de l’EPFL a remporté, en 2010, le Prix Pritzler, l’une des plus prestigieuses distinctions en matière d’architecture, un prix considéré comme le Nobel du domaine. Chacun se réjouit de ce succès. Il signe la renommée largement internationale de l’EPFL – elle est classée 101e université mondiale. Qu’on nous permette cependant de regretter l’identité quasi anglo-saxonne prise par cette institution. Plusieurs démarches ont été entreprises par des membres du comité de Défense du français. Elles visaient à franciser l’appellation « Rolex Learning Center », mais il n’est pas dans les vues de M. Aebischer d’entrer en matière sur cette question. Détail : le groupe horloger Rolex a versé le montant « misérable » de 33 millions de francs pour baptiser à son nom le bâtiment étendard de l’EPFL. On poursuit dans le genre anglomanie aiguë : un nouvel édifice se construit sur le site de l’EPFL. Son nom ? « Teaching Bridge ». Pour finir, on relèvera que des équipes techniques de l’EPFL pilotent actuellement la numérisation de l’ensemble des vidéos des concerts du Montreux Jazz Festival, cela depuis son démarrage en 1967. Un projet passionnant. Mais fallait-il obligatoirement baptiser « Metamedia Center » le pôle de compétences créé dans ce domaine ? Et l’imagination estelle en si douloureux déficit qu’aucune expression en français ne puisse être trouvée au « Montreux Sounds Digital Project » qui qualifie ce programme ? Au-delà des préférences de l’excellent Montaigne, est-il si déraisonnablement ambitieux d’espérer des têtes bien pleines, certes, mais bien faites aussi ? Odile Jaeger Lanore 3 Brèves Un service cantonal vaudois très English-tendance. A la sottise… Le Service vaudois de l’éducation physique et des sports frappe fort. Si fort que l’on peut craindre, à le lire, que les coups n’affectent ce qui se passe à l’intérieur de la tête. En effet, ce valeureux service met au concours un poste de « délégué cantonal cool and clean » qui aura pour mission de rendre le monde sportif tout aussi «cool and clean» en incitant les clubs sportifs vaudois à promouvoir, notamment, le fair-play. On peut suggérer ici aux responsables de l’administration vaudoise l’embauche d’un délégué cantonal dont la mission serait de combattre la paresse intellectuelle et l’inculture. On lui souhaite bon courage : le chantier est vaste… Odile Jaeger Lanore pagne, celui-ci se fend d’un discours où il sort un magnifique : « Je suis prêt comme jamais je ne l’ai zété. » Si même les présidents de la République s’y mettent, où va-t-on? Il est vrai que ce président-là n’est pas non plus la référence idéale quant au niveau de langue. O. B. Perle présidentielle Les mots ravageurs Un jour, un destin sur France 2 l’autre soir, sur l’accession de Nicolas Sarkozy à la présidence. En pleine cam- international ? », a rétorqué François Longchamp, président du conseil d’administration de l’AIG (le nom juridique demeure). Alors que la Suisse romande démarche les entreprises internationales sous la bannière du Greater Geneva Berne Area (GGBA), le choix de la langue française est par ailleurs « assumé et mûrement réfléchi ». Avec d’autant plus de facilité que le vocable francophone est aisément compréhensible pour les anglophones. « La mode des noms aux consonances anglosaxonnes est passée », a poursuivi le conseiller d’Etat genevois. Dans la foulée, Geneva Palexpo pourrait d’ailleurs aussi changer de dénomination. (…) Enseignée dès l’école, véhiculée par les ondes, matraquée à grands coups de publicité, la langue dominante sécrète l’ambiguïté. Par effet de contamination, elle détourne de leur sens véritable initier, générer ou dédier. Elle bouscule l’orthographe : connexion, dance, hazard, language, traffic se répandent. Même les noms propres en prennent un coup : Saïgon et Hanoï deviennent Saigon et Hanoi, des lycéens écrivent « Chapelle Sixteen ». Elle affole aussi la syntaxe : initier quelque chose, influencé par to initiate ; « dû à », calque de due to, positive attitude ; bof generation : « génération bof » ; sept heures passées de sept minutes, calque de seven past seven ; votre attention, s’il vous plaît ! (de Your attention please). Elle perturbe même la prononciation de vieux mots français : [suspeinn’ce], [tcha-leundje], [manad’j’meun’tt], [otanne] au lieu d’[otan], acronyme français, ou encore Paul Klee [klé], qui était suisse, prononcé [kli] ! Alfred Gilder Extrait d’un article de Philippe Gumy paru dans Le Temps du 19 avril 2011. Extraits des Actes du 50e anniversaire du Fichier français de Berne. Djiniva Palexpo (la suite) Vous êtes plusieurs à constater que les panneaux et les annonces n’ont pas changé, alors que la raison sociale est devenue « Palexpo, Genève ». La réponse : des changements seraient en vue. Pour l’heure, la direction a renoncé, dans sa communication, à « Geneva Palexpo ». En revanche, elle ne peut rien imposer à ses clients, organisateurs de manifestations nationales ou internationales. Notre espoir: que d’ici là, à Lausanne, «Beaulieu» ne devienne pas «Niceplace». … et Le Temps nous conforte dans nos espoirs : En plein essor, l’aéroport de Genève change de logo La nouvelle identité visuelle se veut plus sobre et sérieuse. La société devrait battre cette année les records atteints en 2010. «Sobriété, élégance, sérieux, crédibilité», les responsables de l’Aéroport international de Genève (AIG) ont aligné les qualificatifs habituellement associés au monde du luxe pour définir le nouveau logo de l’entreprise en mains du canton. Cointrin sera désormais «vendu» sous l’identité visuelle «Genève AÉROPORT», en majuscules noires, avec un accent grave bleu symbolisant un avion qui atterrit, ou décolle. Quid de la vocation internationale ? « Quel aéroport de notre taille n’est pas 4 Des fleurs et des orties Dans les fossés, les haies, les jardins et les prés, s’épanouissent sous nos yeux des plantes familières. Telles les orties… et les fleurs. Vous n’aviez peutêtre jamais songé à les savourer ? Souvent les unes et les autres apportent de riches satisfactions. En milieu commercial et dans le domaine de la publicité, la soupe aux orties anglosaxonnes reste toutefois par trop urticante. Voici une dégustation qui ne manque pas de charme ou de piquant. Les six mois écoulés n’ont guère permis d’offrir des fleurs. Il convient cependant de féliciter : La maison OBI, qui a publié un catalogue de 8 pages au format A3, en échappant à des anglicismes pourtant à la mode. Seule une « offre hit » a terni notre plaisir. La maison KÄRCHER, dont le catalogue conçu en un français de bon aloi s’intitule – hélas ! – « Hits ». Rien n’est parfait. La maison AFFLELOU, dont les lunettes n’ont pas frayé avec leurs cousines anglaises. L’entreprise DOSENBACH et ses speaker tendance, official Club Collection, chaussures de football indoor, sa publicité for girls et for boys ou sa Cindy Crawford Collection by 5th Avenue. La maison CONFORAMA avec laquelle il a été possible de parcourir un catalogue offrant de vivre « 20 jours fous » en usant essentiellement de la langue de Voltaire. The Linde Group PANGAS qui fait la promotion de son Ballon-Pack, de ses marchés Gaz & More, de sa Sear-Station, de sa Black Line électrique, de son Outdoorchef et de sa Koenig Crown. Les plates-bandes et autres parterres d’orties ont foisonné. Certaines maisons devraient effectuer un strict binage langagier de leurs publications ! Peut-être serait-il judicieux de tancer les entreprises suivantes : LIFT CONFERENCE, qui a réussi l’exploit de publier uniquement en anglais son informa- Les entreprises CHARLES VÖGELE, OCHSNER SPORT et McOPTIC et leurs affiches Sale, pour annoncer le temps des soldes. LA POSTE et ses postshop, WebStamp, SwissCaution, tapis « Walk of Fame », Swisscom Natel liberty, Easy BeFree et autres PrePay… tion pour une rencontre tenue en février à Genève, pardon Geneva. « Bon pour la tête » dit le slogan de l’Hebdo, qui en a accueilli la publicité ! Navré : « good for the head » ! Les magasins MANOR qui persistent à appeler Manor Food leur secteur alimentaire. Une gerbière d’orties La maison ATHLETICUM SPORT MARKETS mérite un bouquet d’orties particulièrement fourni. Voici un florilège des expressions et termes en anglais découverts dans un petit prospectus de 8 pages A5 : more sport for your money, online shop, ebike, e-Racer Comfort /Cruiser, display Led, V-Brake, Lady S, Man M, Disc-Brake, 24 speed, grey/black, intelligent mobility, powered by… Page concoctée par François Berger 5 Grand Prix des mille Z’erreurs Lauréate 2010 : la Radio-Télévision suisse Une délégation de l’Association pour la Défense du français, formée de Didier Berberat, président, Daniel Favre, viceprésident, et François Berger, délégué aux médias, s’est rendue à Genève le 6 mai, pour remettre à la RadioTélévision suisse (TSR, RSR) le Prix des Mille Z’erreurs 2010, qui lui a été décerné lors du Sommet de la francophonie. Cette distinction se propose de placer sous les projecteurs une offense faite à la langue de Voltaire, qu’elle ait trait à la syntaxe, à l’orthographe ou aux insuffisances langagières que l’on relève au quotidien dans les médias (presse écrite, radio, TV), les textes officiels et les publicités. C’est ainsi que MM. Gilles Marchand, directeur de la RTS, et Pascal Crittin, directeur des « Affaires générales », ont reçu un dessin humoristique d’André Paul, spécialement créé pour l’occasion. Photos : François Berger Pascal Crittin et Gilles Marchand. Gilles Marchand, qui tient le dessin d’André Paul, et Didier Berberat. La pêche continue, plus que jamais Presse écrite, télévision, radio : nos oreilles sont agressées au quotidien par les offenses faites au français. En réaction à ce calamiteux état de fait, l’Association Défense du français a décerné, en 2010, le premier Grand Prix des Mille Z’erreurs à la RTS, Radio Télévision Suisse, en témoignage du zèle constant déployé par cette institution dans ses actions de persécution de la langue de Voltaire. Cela s’est passé à Montreux, lors du Sommet de la francophonie, qui aura ainsi eu « son » Champignac. Cette distinction a pris la forme d’un magnifique dessin d’André 6 Paul. Nous avons relayé l’événement dans notre dernier bulletin. Pour l’édition 2011 de notre prix, qui sera attribué cet automne, les lauréats potentiels ne sont de toute évidence pas moins nombreux que l’an passé. Alors je compte sur vous pour participer à notre pêche dans les eaux poissonneuses des fautes, des insuffisances, des expressions emphatiques, obscures sinon carrément stupides, des anglicismes qui se veulent dans le coup. Faites-moi part des offenses les plus consternantes que vous aurez lues ou entendues dans le monde des médias, des communicants, des publicitaires ; dans celui des politiques, des institutions, des administrations. Bref, dans le monde des gens supposés savoir. N’oubliez pas de préciser le journal, la rubrique, l’émission, la date et l’heure de l’offense qui vous apparaît mériter la distinction du Grand Prix des Mille Z’erreurs 2011. Vite, à vos plumes et à votre courriel ! Merci de vos valeureuses contributions. Odile Jaeger Lanore [email protected] Courrier Extraits du courrier des lecteurs et de lettres ou copies qui nous ont été adressées. M. Antonio Sangiorgio, de Penthalaz, nous cite la liste de tous les termes en anglais qu’il a lus ou entendus. Cela va du rating aux guest stars, en passant par les deal, zooming, etc. Le TCS, « qui n’a jamais produit une poire ou un haricot, signe ses circulaires avec le titre de product manager » ! « Pour combattre ce snobisme, je propose de réagir par la dérision en utilisant des humoristes. Dans le passé, on colonisait avec les armes. De nos jours, on colonise insidieusement par les médias… répondons par les mêmes moyens »… Mme Marielle Sonderegger, de Cheseaux, s’en prend au mot « Sale » utilisé par la Migros, à qui elle a écrit. « Pensez-vous que les jeunes ne sont plus capables de comprendre un mot français ? Votre dessein : substituer à plus ou moins longue échéance une langue étrangère à la nôtre ? J’ai l’intention d’acheter un nouveau téléviseur, mais n’irai pas me « salir » dans l’un de vos magasins. » Mme Mireille Grosjean, des Brenets, trouve inacceptable que les échanges scolaires soient regroupés sur le site www.ch-go.ch. « En choisissant cette adresse, la Fondation ch se met à l’anglais, ce qui est contraire à sa vocation. De plus, elle le fait avec le soutien financier des cantons, donc de l’argent public. Il faut remarquer que la Confédération a donné le ton en introduisant le concept de swissness. » Mme Christiane Yvelin, de Genève, a été surprise de recevoir, à l’Autogrill de Bavois, une quittance portant au dos le charabia suivant : « PartiZipez au sondage sur notre qualité sur www.feelgood-autogrill.com et tentez à gagner des prix fantastiques : Un FIAT PANDA… plus loin, dans la liste des produits consommés : 1 œuf cuitS » ! En mars dernier, deux professeurs de l’Université de Fribourg signaient l’invitation à participer au «clusters as drivers of regional competitiveness: strategic and policy issues, organized by the center for competitiveness of the University of Fribourg and the scientific and technological center of Fribourg». L’une des participantes venait de Paris pour exposer «the French Experience…». Rassurezvous: une traduction simultanée en français était offerte! Mme Danielle Nobs, à ChêneBougerie, devient « enragée » à la récep- tion du charabia de nos anciennes régies fédérales. Pour l’achat de timbres-poste par internet, il faut s’adresser à SwissPost Solutions AG, EBusiness Solutions. Quant aux CFF, ils envoient une « newsletter annonçant les New Features, WhiteoutTV, Paysafecard »… Dans 24 heures, M. Abraham Ratano, de Mathod, répond à l’ancien rédacteur en chef de La télé, candidat aux élections fédérales, et à son plaidoyer pour une droite sexy. En quoi la droite estelle sexy ?... cool, mégagéniale… est-il nécessaire que les journalistes, qui devraient être les gardiens de notre langue, véhiculent un langage aussi désolant ? Arrêtez de nous abreuver de slogans réducteurs et stupides. Donneznous de bonnes raisons de vous faire confiance !... M. Vincent Grandjean, chancelier de l’Etat de Vaud, a plaidé, dans une chronique du quotidien vaudois, pour l’importance du vrai poids des mots. Par des exemples, il a montré « qu’à la différence des monnaies, les mots ne peuvent flotter… et pourtant le sens des mots se perd, en premier lieu dans les débats et les écrits publics… A la fadeur des plats, le palais préfère les mets salés et épicés : on le flatte donc en forçant sur l’assaisonnement des articles. Il faut s’en préoccuper… la répétition de dérapages, d’approximations, d’insinuations, d’écarts ou de marques d’irrespect est bel et bien dommageable… elle dégrade l’image de la société. » Le Temps du 17 mars définit les nouveaux mots du web social : • Twunch. Déjeuner organisé sur Twitter • Godcast. Office religieux converti en MP3 • Folksonomy. Système de classification par mots clés • Geek. Personne qui passe un temps considérable sur son ordinateur • Snapparazzi. Nouveaux journalistes amateurs utilisant la téléphonie mobile Où va-t-on ? Quand Nestlé ne gamberge pas avec les canneberges Depuis plus de deux ans, la société Nestlé, qui a racheté la maison Hirz, fabricant de yoghourts, refuse de modifier une étiquette malgré la demande de l’un de nos membres. Dans la variété d’arômes proposés dits «de saison», le consommateur trouve toujours « Grenade-Cranberry». Quel manque d’imagination! Pourquoi utiliser l’anglais sur des emballages pour la Suisse, alors que les dénominations en français et en allemand existent? Ces jolies baies rouges et rondes, largement cultivées au Québec, s’appellent simplement «canneberges», et «Moosbeeren» dans la langue de Goethe. La multinationale qui engrange des millions de bénéfice pourrait s’offrir une étiquette trilingue, car en italien ce sont des « mirtilli rossi ». Ou bien Nestlé veut-elle simplement crâner avec son appellation Cranberry ? Xavier Koeb Vitrine remarquée à Vevey L’Association Défense du français et l’Association suisse des journalistes francophones se sont unies pour présenter une vitrine de leurs activités durant une dizaine de jours, début mars, dans le Centre commercial Saint-Antoine, à Vevey (photo). Cette démarche s’est située dans le cadre d’une exposition retraçant l’histoire du scrabble francophone. L’occasion pour les bénévoles de nos associations de nouer de nombreux contacts. Et de faire connaître les buts et objectifs poursuivis à des visiteurs qui n’ont pas caché leur agacement face aux publicités polluées par les anglicismes. L’environnement ne pouvait que favoriser (malheureusement) ces virulentes critiques… qui justifiaient notre action. Jean-Pierre Molliet 7 Les traducteurs ne font pas dans la dentelle ! Contrainte de faire appel au soustitrage pour comprendre les émissions télévisuelles, une malentendante s’offusque des fautes calamiteuses des traducteurs. « Je souffre déjà de mon handicap, mais il me faut encore supporter ces atteintes continuelles à la langue de Voltaire. Il faut parfois faire preuve d’une grande perspicacité pour deviner les propos tenus par les journalistes. C’est à croire qu’ils n’ont jamais été à l’école », nous dit-elle. Quelques exemples éloquents. 17 janvier 2010 TJ 19.30 En parlant de la commission PUK : Cette commission est exceptionnelle et lancée pour des affaires sérieuses comme l’affaire Coop (pour Kopp) 27 mai TJ 19.30 Elle découvre son fils ampleur. 18 janvier TJ 19.30 Accident de télécabine à Rougemont. La vide-manette est fermée (pour Videmanette) 31 janvier TJ 19.30 Bonsoir, nous sommes le 31 oct… Février 2010 19.30 L’argent caché en Suisse par les Allemands, ce sont des hommes importantes. 29 mars TJ 19.30 La ligue nationale fera peur aux parties de Silvio Berlusconi. 29 août TJ 19.30 On accepte de se faire regresser la pâte (graisser la patte) Nouvelle constitution genevoise Notre association a été consultée officiellement, l’occasion de soutenir avec vigueur l’article 5 : « La langue officielle est le français. L’Etat promeut l’usage de la langue française et en assure la défense. » Dans notre réponse, nous avons répété notre argumentation : « Un constat objectif montre que l’informatique et internet ont bousculé l’usage des langues. La prolifération des anglicismes s’est accélérée. Le français est menacé par la globalisation linguistique touchant de nombreux domaines jusqu’à l’enseignement supérieur et la recherche. Or la langue permet d’exprimer et d’affirmer l’identité des Genevois. Elle est l’élément fondamental du patrimoine, autant que de sa cohésion socioculturelle. Ces réflexions ressortent du rapport attaché à la loi concernant l’usage de la langue française acceptée par le Parlement jurassien. Ce document est très intéressant. Il ne crée pas une « police », mais fixe un cadre. Nous constatons avec une grande satisfaction que vous vous en êtes inspirés dans l’art 5. C’est au nom de l’Association Défense du français, présidée par M. Didier Berberat, conseiller aux Etats, que nous nous adressons à vous. Nos objectifs consistent notamment : • à suivre l’avancée de l’anglais tendant à devenir langue unique, en particulier à Genève et dans les organisations internationales, • à combattre les anglicismes dont les équivalents existent en français, • à promouvoir nos langues nationales. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir pris en compte la défense de notre langue, support de notre culture et notre identité. » Que deviendra ce projet ? Il devrait déboucher sur une votation populaire. Pour l’heure la somme des critiques tous azimuts ne garantit pas une décision positive. A suivre… Daniel Favre 30 nov. TJ 19.30 Il y a le froid qui revende de la Méditerranée. 5 déc. Mise au point Avec un responsable des CFF au sujet des pannes : On s’en une certaine grogne des clients. Incroyable, mais vrai. N.d.l.r : A leur décharge, ce ne sont pas les journalistes du TJ qui rédigent des sous-titres, généralement élaborés en direct par la branche genevoise de SwissTXT. Il peut en résulter quelques bavures, mais certes pas toutes. Du nouveau Notre comité s’est réorganisé en fonction du départ de Josiane Borioli. Secrétariat de l’Association Défense du français (réception et transmission du courrier, accueil des nouveaux membres, mise à jour du fichier) : Gisèle Bottarelli, [email protected]. Case postale 68, 1001 Lausanne. Trésorier : Jean-Pierre Monnerat, [email protected]. www.voxinox.ch Trois émissions consacrées à notre association peuvent être écoutées sur le site de Voxinox, « la radio des jeunes seniors ». Dernière mise en ligne le 14 avril 2011. Le comité Gisèle BOTTARELLI, Morges, secrétaire Didier BERBERAT, La Chaux-de-Fonds, président Jean-Pierre MONNERAT, Renens, trésorier Christine HAEMMERLI, Ecublens, archiviste Daniel FAVRE, Epalinges, vice-président, secrétaire général Odile JAEGER LANORE, Lausanne, et représentant de la fondation relations avec les officiels François BERGER, Blonay, relations publiques, médias 8 Erich WEIDER, Champéry, représentant de la fondation Olivier BLOESCH, Grandson Daniel DUBRAY, Saint-Légier Xavier KOEB, Maracon Animations, manifestations Association Défense du français case postale 68 1001 Lausanne www.defensedufrancais.ch CP 10-247547-8 Adhérez à Défense du français! Il vous suffit de visiter le site defensedufrancais.ch Dans la colonne de droite, Association, cliquez sur « S’inscrire à l’Association », puis sur « J’adhère ». Vous obtenez un formulaire en ligne. Bienvenue ! Ont collaboré à ce numéro : – Didier Berberat – François Berger – Olivier Bloesch – Jacques Bron – Daniel Favre – Odile Jaeger Lanore – Jean-Pierre Molliet – Xavier Koeb – Erich Weider