Cas clinique n° 1
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Cas clinique n° 1
ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex moteur Cortex sensitif Tronc Cérébral relais motoneuronaux Afférences respiratoires SOIF D’AIR Commande motrice Voies aériennes supérieures Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 1 www.splf.org mars Vol 8 2016 1 n° 08/03/2016 13:21:47 Attention ceci est un compte-rendu et/ou résumé des communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et doivent donc ne pas être mises en pratique. Le contenu a été réalisé sous la seule responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité. Les laboratoires AstraZeneca ne sont pas intervenus dans le choix et la rédaction des articles. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 2 08/03/2016 13:21:47 Revue des x. Maladies Respiratoires Actualités .com Directeur de la Rédaction et Président de la Société de Pneumologie de Langue Française F.Rédacteur Chabot (Nancy)en Chef N. Roche (Paris) Rédacteur en chef A.Rédacteur Cuvelier (Rouen) en Chef Associé ies Respiratoires Actualités est vue des Maladies Respiratoires. à Elsevier Masson SAS, mille-Desmoulins . Paiement par chèque, Eurocard ou Visa : n de la carte, r virement : 242223774 20. Rédacteur en chef associé A. Cuvelier F.-X. Blanc (Nantes) (Rouen) Rédacteur en Chef Consultant Rédacteurs adjoints J.C. Meurice (Poitiers) T. Berghmans (Bruxelles, Belgique), A. Bourdin (Montpellier), P.-R. Burgel (Paris), A. Chambellan (Nantes), D.-A. Charpin (Marseille), C.Rédacteurs Chouaid (Créteil), J.-C. Dalphin (Besançon), G. Deslée (Reims), M. Duruisseaux (Grenoble), R. Epaud (Créteil), C. Fuhrman (Saint Maurice), Adjoints C. Girault (Rouen), C. Godet (Poitiers), J.-P. Janssens (Genève, Suisse), A. Khalil (Paris), F. Le Pimpec-Barthes (Paris), J. Mazières (Toulouse), F. Barlési (Marseille), A. Bergeron F.X. Blanc (Paris), P.R. Burgel (Paris), (Toulouse), O. Sanchez (Paris), D. Montani (Le Kremlin-Bicêtre), H. Nunes (Bobigny),(Paris), C. Raherison-Semjen (Bordeaux), I. Rouquette M. Underner (Poitiers), Wallaert (Lille)C. Delacourt (Créteil), M.P. D’Ortho (Créteil), P. CarréB.(Carcassonne), J.P. Janssens (Genève, Suisse), E. Marchand (Louvain, Belgique), H. Assistant de rédaction J.-L. Pradel C. Raherison (Bordeaux), O. Sanchez (Paris), A. Scherpereel (Lille), Traducteurs N.Consultant Hopkinson, A.-W.pour Matthews l’impact ionnels 72 € 1 16 55 99. umologie de Langue ns préférentielles rès de la SPLF. adies Respiratoires n en ligne de la revue (pour les abonnés -consulte.com vice dans un délai ès réception Ils démarrent es réclamations pour rvenir chez Masson ois. Les numéros (jusqu'à épuisement és à la même adresse. ptation cédés réservés tion intégrale n de l'éditeur des pages par quelque procédé une contrefaçon. les reproductions vé du copiste collective et, ustifiées par le caractère 'oeuvre dans laquelle -4, L. 122-5 et L. 335-2 elle). t être réalisées ur. S'adresser au : droit de copie, 006 Paris, France. s Actualités est éditée capital de 675 376 euros, ns, x. ding France SAS. emarié sson SAS. Tous droits réservés os/an) Les Ulis (France). Nunes (Bobigny), et les relations avec l’ERJ Adresser tout ce quiDinh concerne Revue au Rédacteur en chef A.T. Xuanla(Paris) Secrétariat de la Revue des Maladies Respiratoires, Daniella Pamphile, 66 boulevard Saint-Michel, 75006 Paris, France. Consultants pour Tél. : +33(0)1 46 34 58 39 la méthodologie, l’épidémiologie et la santé publique Télécopie : +33(0)1 46 34 58 (Paris), 27 C. Chouaid M. Zureik (Paris) Adresse électronique : [email protected] Consultant pour l’imagerie Site web de la Revue et soumission en ligne : www.rev-mal-respir.com G. Ferretti (Grenoble) Société de Pneumologie de Langue Française Consultant pour la réanimation respiratoire Siège social : 66 boulevard Saint-Michel, 75006 Paris. Tél. : +33(0)1 46 03 87 (Rouen) C.34Girault Télécopie : +33 (0)1 46 34 58 27 Consultants la pathologie respiratoire professionnelle, Adresse électroniquepour : [email protected] l’environnement et l'allergologie Responsable administrative F. Duguet D. Charpin (Marseille), J.C. Dalphin (Besançon) Conseil d’administration Consultants en anatomopathologie Membres élus S. Camillieri-Broet Kambouchner (Bobigny)(Vice-Président), L.-J. Couderc, J.-C. Dalphin, D. Debieuvre, T. Berghmans, F.-X. Blanc, O. Brun, F.(Paris), ChabotM. (Président), J.-M. Chavaillon P.Traducteurs Delaval (Président précédant), Y. Douadi, F. Goupil, V. Jullien, N.-B. Koffi, M. Larrousse, P. Laurent, B. Lemaire, C. Leroyer, E. Maetz, B. Maître, Y. Martinat, J.-C. Meurice, F. Mihaltan, M. Padovani, H. Pegliasco (Vice-Président), B. Pigearias, A. Prud’Homme, C. Raspaud, N. Roche, F. Soyez N. Hopkinson, A.W. Matthews Secrétaires Adresser toutgénéraux ce qui concerne la Revue au Rédacteur en chef, A.Secrétariat Prud’homme (Communication) de la Revue des Maladies Respiratoires, 66, boulevard Saint-Michel, 75006 Paris, France. Y. Martinat (Formation Médicale) Tél.: +33(0)1 46 34 03 87 J.-C. Dalphin (Conseil Scientifique) 46 34Internationales) 58 27 B.Télécopie: Pigearias+33(0)1 (Relations Adresse électronique: [email protected] Trésorier J. Le Treut Société de langue française Rédacteur en de chefpneumologie de la Revue des Maladies Respiratoires A.Siège Cuvelier social: 66, boulevard Saint-Michel, 75006 Paris. Tél.: +33(0)1en46chef 34 03d’Info-Respiration 87 Rédacteur C.Télécopie: Taillé +33 (0)1 46 34 58 27 Adresse électronique: [email protected] Rédacteur en chef du site Internet www.splf.org J.Conseil Gonzalez-Bermejo Rédacteur en Chef d’administration de la Revue des Maladies Respiratoires: Membres de droit C.Membres Chouaidélus (CNMR), J.-F. Muir (ANTADIR), B. Housset (FFP), N. D. Roche Valeyre (FRSR) E. Lemarié (Président), Rédacteur en Chef d’Info-Respiration Bureau de (Vice-Président), la société D. Valeyre F.X. Blanc J.-M. Chavaillon, A. Cuvelier, J.-C. Dalphin, P. Delaval, J. Gonzalez, J. Le Treut, Y. Martinat, H. Pégliasco, B. Pigearias F. Blanchon (Vice-Président), RédacteurB. en Housset, Chef du Site Internet www.splf.org D. Piperno (Vice-Président), J. Gonzalez Conseil scientifique de la société Ben Kheder, Camus, J.M. Chavaillon, J. R. Cadranel, Clavel, Membres de droit C.A.Andréjak, A.P.Bernady, P. Bonniaud, F. Chabot, O. Contal, A. Cortot, V. Cottin, J.-C. Dalphin, C. Dayen, P. De Vuyst, G. Deprugney, G. Deslee, Coursier, B. Crestani, J.C. Dalphin,J.-P. P. Delaval, A.J.M. Didier, R. Epaud, F. Gagnadoux, Grignet, A. Hamzaoui, C. Leroyer, C. Locher, B. Maître, H. Morel, T. Perez, C. Pinet, L. Portel, C. Raherison, (CNMR) G. Huchon Grignet,C.D.Zanetti Israel Biet, G. Khayat, C. Lamour, J. Le Treut, O.J.P.Sitbon, J.F. Muir (ANTADIR) C. Leroyer, M. Marcos, F. Martin, Y. Martinat, J.P. Orlando, Bureau de la société E. Orvoen Frija, H. Pegliasco, B. Pigearias, J.P. Sculier, Revue des Maladies Respiratoires Actualités (ISSN 1877-1203) 2016 (volume complets sur www.elsevier-masson.fr/rmr. H. Barbieux, A. Ben8).Voir Kheder,tarifs E. Biron, F.X. Blanc, B. Stach, P. Surpas, P . Terrioux, J.M. Tunon de Lara. Les membres de la SPLF bénéficient de tarifs préférentiels,F.renseignements auprès de la SPLF. L’abonnement Blanchon, A. Didier, J. Gonzalez, E. Lemarié, D. Piperno,à la Revue des Maladies Respiratoires permet un accès gratuit à la version en ligne de la revue à l’adresse suivante : www.rev-mal-respir.com (pour les abonnés membres de la SPLF) Secrétaires généraux N. Roche, B. Stach, D. Valeyre ouE.http://www.em-consulte.com (pour les autres abonnés). Biron (Communication) Conseil scientifique de la société Adresser commandeMédicale) et paiement à Elsevier Masson SAS, Service Abonnements, 62 rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex : paiement par B. Stach (Formation Berthon, M. Bonniaud, J. Brouard, chèque, de Scientifique) crédit (CB, MasterCard, EuroCard ou Visa I. : indiquer le Bonay, n°, la P.date d’expiration de J.laCadranel, carte, le cryptogramme et signer) ou par virement : A. Didiercarte (Conseil F. Chabot, V. Cottin, « A. LaBen Banque Postale », de Paris, n° RIB : 20041 00001 1904540H020 95.B. Crestani, A. Didier, P. Gouilly, Kheder (Relations Centre Internationales) M. Grivaux, M.réception Hayot, R. Kessler, R. Louis,Ils M.partent Migueres,du premier numéro de l’année. Les numéros de Les abonnements sont mis en service dans un délai de 4 semaines après du paiement. Trésorier Nocent, T. Les Perez, O. Sitbon, F. Soyez, B. Stach, A. Tazi, l’année et les volumes antérieurs doivent être commandés C. à l’éditeur. réclamations pour les numéros non reçus doivent parvenir dans un délai maximal I. Tillie, V. Westeel. deH.6Barbieux mois après la parution. Expédition par voie aérienne incluse. Editeur : Perle Bodossian © 2010 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Directeur de la publication : Philippe Delaval Secrétaire de rédaction : Nathalie Cormier Publicité et responsable de marché : Marie-Pierre Cancel. Tél : +33(0)171165109. E-mail : [email protected] Site web : www.em-communication-sante.com Abonnements : Tél : +33(0)171165599. Fax +33(0)171165577. 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Elsevier Masson Masson SAS, SAS, Société Société par par actions actions simplifiée simpliéeau aucapital capitalsocial de 675 € 384 euros Édité par Elsevier de376 47 275 RCS Nanterre B 542 031 Desmoulins, 92130 ISSY LES MOULINEAUX Siège social : 62 rue 037 Camille SiègeNanterre social : 542 62, rue 92130 Issy-les-Moulineaux RCS 037 Camille-Desmoulins, 031 Actionnaire : Elsevier Elsevier Holding Holding France France Cette publication et son contenu sont protégés par le copyright de Elsevier Masson SAS, et les dispositions suivantes s’appliquent à leur utilisation : Photocopies Les simples photocopies d’articles isolés sont autorisées pour un usage privé, dans la mesure où les lois nationales relatives au copyright le permettent. 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En raison de l’évolution rapide des sciences médicales, l’éditeur recommande qu’une vérication extérieure intervienne pour les diagnostics et la posologie. Bien que toutes les publicités insérées dans cette revue soient supposées être en conformité avec les standards éthiques et médicaux, l’insertion de publicités dans ce journal ne constitue aucune garantie ou reconnaissance de qualité ou de la valeur d’un produit ou des déclarations faites par le producteur de celui-ci à propos de ce produit. Les compléments électroniques disponibles pour votre revue (http://www.em-consulte.com/revue/RMR) sont identiés par les pictogrammes ci-dessous Podcast Informations au patient Vidéo/Animation Documents légaux Autoévaluation interactive Cas clinique Arbre décisionnel interactif Iconographie supplémentaire Informations supplémentaires Autoévaluation Les instructions aux auteurs sont disponibles sur le site Elsevier Masson (http://www.em-consulte.com) et sur le site de soumission électronique de la Revue (http://rmr.fontismedia.com/rmr/) Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016), 8 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Actualités Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 SOMMAIRE Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) Édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot Éditorial B. Maître, F. Chabot ........................................................................................................ 1 Cas cliniques Cas clinique n° 1 B. Crestani, C. Danel, M.-P. Debray, R. Borie, L. Tabeze, A. Justet, M. Aubier, C. Taillé ....................... 3 Cas clinique n° 1 — Commentaires Dyspnée avec trouble ventilatoire obstructif au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren B. Crestani, C. Danel, M.-P. Debray, R. Borie, L. Tabeze, A. Justet, M. Aubier, C. Taillé ....................... 5 Cas clinique n° 2 J.-L. Vachiéry ...............................................................................................................13 Cas clinique n° 2 — Commentaires Interactions cœur-poumons – hypertension pulmonaire et maladies cardiaques gauches J.-L. Vachiery ...............................................................................................................15 Cas clinique n° 3 P. Priou ......................................................................................................................20 Cas clinique n° 3 — Commentaires Le syndrome obésité-hypoventilation : approche diagnostique et thérapeutique P. Priou ......................................................................................................................23 RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 1 08/03/2016 13:21:49 Cas clinique n° 4 F. Lebargy.....................................................................................................................29 Cas clinique n° 4 — Commentaires Une dyspnée chez une patiente atteinte d’une neurofibromatose de type 1 F. Lebargy.....................................................................................................................32 Cas clinique n° 5 N. Guibert....................................................................................................................36 Cas clinique n° 5 — Commentaires Bronchoscopie interventionnelle pour la prise en charge d’une sténose maligne proximale symptomatique : Pour quels patients ? Quelles alternatives ? N. Guibert....................................................................................................................38 Cas clinique n° 6 H. Nunes......................................................................................................................45 Cas clinique n° 5 — Commentaires Une fibrose pulmonaire idiopathique qui s’essouffle H. Nunes......................................................................................................................49 Synthèses Dyspnée : des concepts à la clinique C. Morelot-Panzini, T. Similowski........................................................................................60 Syndrome d’hyperventilation chronique B. Chenuel...................................................................................................................69 Attention ceci est un compte-rendu et/ou résumé des communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et doivent donc ne pas être mises en pratique. Le contenu a été réalisé sous la seule responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité. Les laboratoires AstraZeneca ne sont pas intervenus dans le choix et la rédaction des articles. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 2 08/03/2016 13:21:49 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 1-2 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Éditorial L es Séminaires d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) ont pour objectif de parfaire les connaissances des internes de la spécialité et des jeunes chefs de clinique ayant déjà une expérience pratique en pneumologie. Placés sous l’égide de la Société de Pneumologie de Langue Française et du Collège des Enseignants de Pneumologie, les SAPP complètent la formation dispensée lors des séminaires du DES de pneumologie destinés à acquérir les bases de la spécialité et les réunions régionales ou nationales de formation continue. Le thème « Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques » a été choisi pour la session 2016 par le conseil scientifique de la Société de Pneumologie de Langue Française, Sous ce titre, nous avons voulu évoquer le symptôme le plus fréquemment rencontré par les pneumologues, avec des aspects complémentaires, cliniques et thérapeutiques, en soulignant l’importance de la physiopathologie. Les cas cliniques illustrent ces pathologies où les attitudes notamment exploratoires et thérapeutiques ont beaucoup évolué ces dernières années. Les cas cliniques sont donc variés et mettent en exergue l’importance d’un examen clinique de qualité, l’apport d’un bilan précis, morphologique avec le scanner, fonctionnel respiratoire intégrant l’étude du sommeil, et le monitorage de l’assistance ventilatoire. Les autres cas cliniques font le point sur les critères évolutifs des pneumopathies infiltrantes avec la recherche des co-morbidités, le choix des investigations pour explorer les interactions cardio-pulmonaires et guider les traitements de l’hypertension pulmonaire, et l’état des lieux concernant le bilan et le traitement d’une obstruction proximale et tumorale des voies aériennes. Les synthèses proposées constituent une mise au point sur deux sujets, la dyspnée, des concepts à la clinique avec les implications thérapeutiques et le syndrome d’hyperventilation chronique. La formule d’enseignement de ces séminaires est reconduite depuis 10 ans avec deux parties distinctes : une journée consacrée à des présentations sous forme de commentaires de cas cliniques. Les observations ont été choisies et rédigées par les orateurs « experts ». Elles sont soumises à un groupe de participants qui répondent aux questions avant d’avoir le commentaire de l’expert. Cette formule permet des échanges plus actifs et d’enrichir les discussions. La demi-journée suivante est réservée aux mises au point. Nous remercions tous les experts qui ont accepté de se soumettre à l’exercice de présentation, synthèse et commentaires des cas cliniques, d’avoir aussi accepté de rédiger des mises au point et ainsi permis la réalisation de ce cahier spécial de la Revue des Maladies Respiratoires. Ce séminaire a lieu dans la maison du Poumon, un symbole supplémentaire de l’accueil que la Société de Pneumologie de Langue Française souhaite réserver aux jeunes pneumologues. Cela engendre quelques contraintes liées à un espace réduit mais les réunions précédentes ont été un succès et nous avons donc choisi de reconduire cette formule. *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Maître). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 1 08/03/2016 13:21:49 2 B. Maître et al. Nous voudrions remercier vivement les laboratoires Astra Zeneca. Ils participent à l’organisation logistique de ces journées et à la publication de ce numéro Actualités, montrant ainsi leur profond attachement à la formation des jeunes pneumologues. Le partenariat établi avec la SPLF depuis la création des SAPP n’a jamais été remis en cause et nous souhaitons les remercier de nouveau pour leur fidélité. F. Chabot1, B. Maître2,* de pneumologie, CHU Nancy, Hôpitaux de Brabois, rue du Morvan, 54500 Vandoeuvre-lès-Nancy, France 2Hôpital Henri Mondor, AP-HP, 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 94010, Créteil cedex, France 1Département Liens d’intérêts F. Chabot : Au cours des 5 dernières années, François Chabot a perçu des honoraires ou financements pour participation à des congrès, communications, actions de formation, participation à des groupes d’experts, travaux de recherche de la part des Laboratoires Actelion, Almirall, Boehringer-Ingelheim, Chiesi, GSK, Novartis, de la société AGEvie et des firmes Air Liquide, Bréas, Covidien, Fischer & Paykel, Philips, Respironics, Resmed, Weinmann. B. Maître : L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 2 08/03/2016 13:21:49 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 3-4 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 1 B. Crestani1,*, C. Danel2, M.-P. Debray3, R. Borie1, L. Tabeze1, A. Justet1, M. Aubier1, C. Taillé1 1Service de pneumologie A, Centre de compétence pour les maladies pulmonaires rares, DHU FIRE, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France 2Département d’anatomie pathologique, DHU FIRE, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France 3Service de radiologie, DHU FIRE, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France Observation clinique Une femme de 50 ans est adressée pour prise en charge thérapeutique d’un asthme sévère. L’interrogatoire retrouve la notion d’une toux chronique évoluant depuis une vingtaine d’années pour laquelle elle a consulté à de multiples reprises différents médecins. La patiente n’a jamais fumé. Elle est enseignante dans des collèges et lycées. Elle ne signale pas d’exposition environnementale particulière. Elle n’a pas d’animal à son domicile. Les antécédents familiaux sont sans particularité, en dehors d’une fille asthmatique. Elle ne prend aucun traitement en dehors des traitements inhalés (corticoïdes et bronchodilatateurs) prescrits pour sa pathologie respiratoire. La toux est apparue il y a près de 17 ans, après la naissance de sa seconde fille. Il s’agit d’une toux sèche, diurne et nocturne, sans facteur déclenchant identifié. Il est apparu secondairement une dyspnée d’effort qui la gêne pour les efforts modérés de la vie courante. La toux s’est compliquée de fractures costales, d’une incontinence urinaire, de hernies inguinales bilatérales, et a abouti à une mise en invalidité. Un reflux gastro-œsophagien a été authentifié par une fibroscopie œsogastrique montrant une œsophagite. Elle reçoit des inhibiteurs de la pompe à protons depuis de nombreuses années sans bénéfice apparent sur la toux. Elle a une rhinite perannuelle ancienne. Elle est en surpoids (77 kg pour 1,68 m, soit un indice de masse corporelle [IMC] augmenté à 28 kg/m2). Outre les inhibiteurs de la pompe à protons, de multiples traitements ont été tentés au fil des années sans efficacité : corticoïdes oraux, corticoïdes inhalés, bronchodilatateurs à courte et longue durée d’action, multiples sirops antitussifs, nébulisations de lidocaïne, gabapentine, antihistaminiques, etc. Dans le service, le bilan biologique usuel est sans anomalie. Les éosinophiles sont mesurés à 330/mm3. Les IgE totales sont élevées à 135 kUI/L et les IgE anti-Aspergillus sont négatives. L’électrophorèse des protéines plasmatiques est normale. Les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) effectuées par la patiente figurent dans le tableau 1 et la radiographie thoracique à la figure 1. *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Crestani). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 3 08/03/2016 13:21:50 4 B. Crestani et al. Tableau 1. Résultats des épreuves fonctionnelles respiratoires. CPT, L (% théo.) 6,85 (134) CVF, L (% théo.) 2,79 (89) VR, L (% théo.) 4,06 (229) VR/CPT (%) 59,2 VEMS, L (% théo.) 1,03 (38) VEMS/CVF (%) 36,7 DLCO (% théo.) 73 Figure 1. Radiographie thoracique. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 4 Questions • Quelles sont vos hypothèses diagnostiques à ce stade ? Une tomodensitométrie (TDM) thoracique a été effectuée dont voici les coupes les plus représentatives. • Quelles sont les anomalies principales sur ces coupes ? Est-ce que cela oriente votre diagnostic ? • Quels examens complémentaires proposez-vous ? Figure 2. Scanner thoracique : A et C : coupes millimétriques en inspiration, B : coupe millimétrique en expiration, D : coupe en mini-MiP (maximum intensity projection). 08/03/2016 13:21:50 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 5-12 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 1 : Dyspnée avec trouble ventilatoire obstructif au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren B. Crestani1,*, C. Danel2, M.-P. Debray3, R. Borie1, L. Tabeze1, A. Justet1, M. Aubier1, C. Taillé1 1Service de pneumologie A, Centre de compétence pour les maladies pulmonaires rares, DHU FIRE, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France 2Département d’anatomie pathologique, DHU FIRE, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France 3Service de radiologie, DHU FIRE, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France. Suite du cas clinique Les EFR ont mis en évidence le développement progressif d’un trouble ventilatoire obstructif sévère sans réversibilité après inhalation de bêta-2 agonistes, avec distension thoracique (Tableau 1). La radiographie thoracique est normale (Fig. 1). Le scanner thoracique montre un aspect en mosaïque des densités pulmonaires en rapport avec une perfusion en mosaïque, les vaisseaux pulmonaires étant de plus petits calibres dans les zones les moins denses, comparativement aux zones de plus hautes densités (Fig. 2A-B). Il s’y associe une quinzaine de petits nodules, de répartition aléatoire dans les deux poumons, la plupart de 1 à 2 mm, le plus volumineux étant mesuré à 5 mm dans le lobe inférieur droit (Fig. 2C-D). Il n’y a pas de kyste. Le bilan auto-immun est négatif (anticorps antinucléaires, anti-ECT y compris anti-SSA et anti-SSB, facteur rhumatoïde, anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles humains [ANCA]). Une immunoélectrophorèse des protéines plasmatiques et urinaires ne détecte pas de protéine monoclonale. Une endoscopie bronchique est macroscopiquement normale. Les biopsies bronchiques montrent une métaplasie malpighienne et quelques polynucléaires éosinophiles dans la sous-muqueuse. Le lavage broncho-alvéolaire (LBA) *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Crestani). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 5 08/03/2016 13:21:50 6 B. Crestani et al. Tableau 1. Résultats des épreuves fonctionnelles respiratoires. CPT, L (% théo.) 6,85 (134) CVF, L (% théo.) 2,79 (89) VR, L (% théo.) 4,06 (229) VR/CPT (%) 59,2 VEMS, L (% théo.) 1,03 (38) VEMS/CVF (%) 36,7 DLCO (% théo.) 73 Figure 2. Scanner thoracique en inspiration profonde (A) puis en expiration forcée (B) mettant en évidence un trappage gazeux. On détecte plusieurs nodules dont le plus volumineux mesure 5 mm (C, flèche pleine) ; les petits nodules sont plus facilement visibles en MIP (D, tête de flèche). Figure 1. Radiographie pulmonaire lors de l’évaluation. est de qualité insuffisante pour une analyse cytologique. La recherche d’agents pathogènes (bactériologie, mycologie, bacille de Kock [BK]) dans l’aspiration bronchique et le LBA est négative au direct et en culture. Le bilan identifie l’existence d’un syndrome de Gougerot-Sjögren primitif jusque-là méconnu avec une sécheresse buccale, oculaire et vaginale subjective, associée à une sécheresse oculaire objective (test de Schirmer : 4 mm en 5 min à chaque œil), et une sialadénite de grade 3 sur la biopsie de glandes salivaires accessoires. Au total, il existe un trouble ventilatoire obstructif sévère non réversible, accompagné d’une toux invalidante, dans le contexte d’un syndrome de Gougerot-Sjögren. On propose la réalisation d’une biopsie pulmonaire devant l’existence de micronodules au scanner thoracique, à la recherche notamment d’une hémopathie lymphoïde et/ou d’une amylose. La biopsie pulmonaire chirurgicale est réalisée sous vidéothoracoscopie du côté droit, avec un échantillonnage des trois lobes. Les suites ont été simples. L’examen anatomopathologique conclut à l’existence d’une bronchiolite RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 6 constrictive avec hyperplasie diffuse des cellules neuroendocrines (en anglais, diffuse idiopathic pulmonary neuroendocrine cell hyperplasia [DIPNECH]) (Fig. 3 et 4). Il n’y a pas d’amylose ni de dépôts de chaînes légères ; il n’y a pas d’aspect évocateur de pneumopathie interstitielle lymphoïde ni de bronchiolite folliculaire. Commentaires Cette observation singulière illustre la difficulté du diagnostic de pathologies aussi fréquentes que la toux chronique ou un trouble ventilatoire obstructif sévère, ainsi que le démembrement nécessaire des atteintes bronchiques au cours des connectivites, notamment le syndrome de Gougerot-Sjögren, une maladie fréquente et probablement sous-diagnostiquée par les pneumologues. Les bronchiolites constituent un groupe hétérogène de maladies respiratoires caractérisées par une atteinte des bronchioles, petites voies aériennes de moins de 2 mm de diamètre dépourvues de cartilage et de glandes, et présentant un épithélium cylindrique simple [1,2]. Les bronchioles consistent en bronchioles terminales et bronchioles 08/03/2016 13:21:51 Cas clinique n° 1 : — Dyspnée avec trouble ventilatoire obstructif au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren 7 Figure 3. Biopsie pulmonaire. A : Lésions centroacinaires (cercles) avec épaississement des parois bronchiolaires, contrastant avec un parenchyme pulmonaire distendu (HES × 2.5). B : Amas de cellules neuroendocrines ou tumorlet (< 5 mm) dans la paroi d’une bronchiole (*) dont la lumière est partiellement obstruée (HES × 100). C : Encart du même territoire avec forte positivité du cytoplasme des cellules pour la chromogranine A prouvant leur nature neuroendocrine (× 400). la résistance des voies aériennes car leur tranche de section est très importante par rapport à celle des voies aériennes proximales, et il faut une atteinte diffuse des bronchioles pour observer une altération fonctionnelle respiratoire. Au plan anatomopathologique Figure 4. Biopsie pulmonaire. Bronchiole avec épaississement fibreux de la paroi associé à une hyperplasie des cellules neuroendocrines au niveau de l’épithélium (encart). membraneuses, qui sont de pures voies de conduction gazeuse, et en bronchioles respiratoires, qui contiennent des alvéoles dans leur paroi. La transition des bronchioles terminales vers les bronchioles respiratoires se traduit également par l’effacement de la musculeuse. Cette zone de transition est particulièrement la cible des surcharges particulaires. Les bronchioles respiratoires, dont le diamètre est inférieur ou égal à 0,5 mm, communiquent directement avec les canaux alvéolaires. L’acinus, lobule pulmonaire primaire, comporte une bronchiole terminale et deux à cinq générations de bronchioles respiratoires. Les bronchioles participent peu à RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 7 L’atteinte histologique des bronchioles, ou bronchiolite, est une lésion relativement fréquente au cours des maladies respiratoires. D’un point de vue anatomopathologique, les lésions élémentaires des bronchioles sont relativement peu nombreuses et stéréotypées (Tableau 2) [2]. Ces lésions élémentaires peuvent être associées entre elles, et traduire un même processus lésionnel avec des lésions d’âge différent. La bronchiolite cellulaire, habituellement lymphocytaire et plasmocytaire, est relativement peu spécifique, accompagnant tous les types de bronchiolites cliniques. La bronchiolite granulomateuse se définit par la présence de granulomes au contact des bronchioles. L’orientation étiologique tient compte des caractéristiques anatomopathologiques des granulomes (caractère bien limité ou mal structuré, avec ou sans nécrose, avec ou sans cellule géante ou corps étrangers). La bronchiolite folliculaire est caractérisée par l’existence de follicules lymphoïdes comprimant les parois bronchiolaires et réduisant la lumière aérienne. La bronchiolite oblitérante se définit par la présence de bourgeons fibro-inflammatoires polypoïdes dans les lumières des bronchioles, s’étendant fréquemment jusqu’aux alvéoles, mais très exceptionnellement limités aux bronchioles. La bronchiolite constrictive se caractérise par un épaississement fibreux de la paroi bronchiolaire qui aboutit à une sténose irrégulière de la bronchiole avec parfois une 08/03/2016 13:21:51 8 B. Crestani et al. dilatation kystique de la lumière limitée par une mince paroi fibreuse [2]. Au stade ultime, la bronchiole est réduite à une mince cicatrice fibreuse, et peut se confondre avec l’atélectasie d’aval secondaire à la lésion bronchiolaire. À part, la bronchiolite respiratoire du fumeur se caractérise par des dépôts d’anthracose dans la paroi bronchique et fréquemment l’accumulation de macrophages empoussiérés dans les alvéoles, une fibrose péribronchiolaire, qui peut s’étendre dans les alvéoles adjacentes, et s’associe à des distorsions anguleuses des lumières. Des lésions fibreuses bronchiolaires peuvent s’observer chez les sujets exposés à l’amiante, ou à des particules minérales ou métalliques (silice, kaolin, mica, oxyde de fer, oxyde d’aluminium). Les lésions des bronchioles peuvent s’accompagner de lésions secondaires : bouchons muqueux, bronchiolisation du revêtement alvéolaire en amont des sténoses bronchiolaires, distension des espaces aériens en amont et en aval des lésions bronchiolaires. Enfin, les lésions bronchiolaires peuvent prendre des aspects plus spécifiques du fait de lésions plus étendues et donner des présentations radiocliniques volontiers caractéristiques : granulomatose à cellules de Langerhans, panbronchiolite diffuse, fibrose bronchocentrique, hyperplasie des cellules neuroendocrines [2]. Au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren, l’atteinte bronchiolaire est particulièrement fréquente et parfois sévère [3]. Il s’agit le plus souvent de bronchiolite cellulaire, avec une prédominance de lymphocytes T CD4, éventuellement associée à une bronchiolite folliculaire [4]. Des cas de panbronchiolite diffuse ont été rapportés [5]. La bronchiolite constrictive ne semble pas être une complication du syndrome de Gougerot-Sjögren [3]. Le scanner thoracique est un outil indispensable au diagnostic des maladies bronchiolaires. Il doit être d’excellente qualité et comporter des coupes en expiration profonde afin de mettre en évidence le trappage gazeux caractéristique. Les bronchioles normales ne sont pas visibles sur un scanner thoracique. Mais les bronchioles dont la paroi est épaissie (inflammation et/ou fibrose), ou dont la lumière est dilatée et comblée par du mucus, peuvent devenir visibles. Les bronchioles apparaissent alors comme des opacités linéaires centrolobulaires branchées auxquelles sont souvent associés de petits nodules centrolobulaires en rapport avec une inflammation péribronchiolaire réalisant au maximum un aspect d’arbre en bourgeons (Fig. 5). L’atteinte bronchiolaire s’accompagne d’atélectasies sous-segmentaires et de trappage gazeux. Le trappage gazeux est objectivé sur des coupes en expiration, qui, comparées aux coupes en inspiration, montrent une absence d’augmentation de la Imagerie des maladies bronchiolaires Dans les maladies bronchiolaires obstructives, la radiographie thoracique peut être normale, ou montrer une distension, comme dans la bronchiolite constrictive, des nodules ou des infiltrats réticulo-nodulaires. Figure 5. Aspect d’arbre en bourgeons dans une bronchiolite folliculaire d’origine infectieuse (tuberculose pulmonaire), bien visible en MIP. Tableau 2. Classification anatomopathologique des lésions élémentaires bronchiolaires. Bronchiolites cellulaires Peut accompagner tous les types de bronchiolite. Bronchiolites granulomateuses Mycobactérioses, vascularite (polyangéite granulomateuse), sarcoïdose, PHS, syndrome de Gougerot-Sjögren, maladie de Crohn, pathologie d’inhalation, asthme. Bronchiolites folliculaires Connectivites (notamment syndrome de Gougerot-Sjögren et polyarthrite rhumatoïde), déficits immunitaires acquis ou congénitaux, pneumopathies d’hypersensibilité, certaines pathologies infectieuses. Bronchiolites oblitérantes Infections (bactéries, mycoplasme, virus) ; médicaments ; inhalation ; greffe de moelle. Transplantation pulmonaire ; radiothérapie ; connectivites (notamment syndrome de Gougerot- Sjögren et polyarthrite rhumatoïde) ; pneumopathie d’hypersensibilité ; pneumopathie chronique à éosinophiles ; maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Bronchiolites constrictives Infections (virus, mycoplasme) ; connectivites (polyarthrite rhumatoïde) ; allogreffe de cellules souches hématopoïétiques ; Transplantation pulmonaire ; médicaments ; exposition à des fumées, poussières, à des toxiques inhalés ; idiopathique. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 8 08/03/2016 13:21:51 Cas clinique n° 1 : — Dyspnée avec trouble ventilatoire obstructif au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren densité des zones « trappées », contrairement au poumon normal dont la densité augmente physiologiquement lors de l’expiration. L’hétérogénéité du parenchyme à l’expiration peut parfois également être observée sur les coupes en inspiration, du fait d’une hypoperfusion par vasoconstriction hypoxique secondaire à l’hypoventilation des territoires avec atteinte bronchiolaire et d’une redistribution vasculaire préférentielle dans les territoires non atteints. On observe un aspect en mosaïque des densités pulmonaires, dont l’origine perfusionnelle peut parfois être reconnue lorsque les vaisseaux pulmonaires apparaissent de plus petits calibres dans les zones les moins denses. Ces zones claires en inspiration restent claires en expiration, du fait de l’obstruction bronchiolaire. Enfin, le scanner peut être rigoureusement normal, ce qui ne doit pas faire repousser le diagnostic de bronchiolite. Focus sur les bronchiolites constrictives Dans la littérature en langue anglaise, même récente, les termes Bronchiolitis obliterans ou Obliterative bronchiolitis sont parfois utilisés pour désigner la bronchiolite constrictive, ce qui peut prêter à confusion [6‑8]. Le terme descriptif Obliterative bronchiolitis est souvent utilisé pour marquer le fait que les mécanismes lésionnels responsables de l’obstruction bronchique sont multiples, associant fibrose et inflammation, la fibrose n’étant pas la seule cause de l’obstruction. 9 présentant un pemphigus paranéoplasique [14], ou une maladie inflammatoire du tube digestif [15]. Lorsqu’aucune étiologie n’est identifiée, on parle de bronchiolite constrictive idiopathique ; il s’agit d’une pathologie tout à fait exceptionnelle, qui toucherait plutôt des femmes [16]. Retenir ce diagnostic nécessite d’avoir conduit une enquête étiologique extrêmement précise. Données cliniques La dyspnée d’effort est le symptôme principal de la bronchiolite constrictive. L’intensité de la dyspnée est variable mais la maladie peut entraîner une insuffisance respiratoire chronique mortelle. La toux est fréquente, habituellement non productive. L’auscultation pulmonaire peut être normale ou retrouver un freinage expiratoire avec des sibilants si la maladie est plus évoluée. En fonction de l’étiologie, la dyspnée peut survenir dans les suites immédiates d’un épisode respiratoire aigu clairement identifié : exposition à des vapeurs toxiques, ou maladie infectieuse par exemple. Plus souvent il survient de façon retardée, parfois plusieurs années plus tard. Dans certains cas, il n’existe aucun événement aigu. Le profil évolutif est variable, en partie en fonction de la cause. Chez les transplantés pulmonaires ou après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, on observe le plus souvent une aggravation progressive. En cas d’exposition toxique, on observe fréquemment une stabilisation quelques années après l’arrêt de l’exposition [10]. Étiologies De nombreuses causes de bronchiolite constrictive et de nombreuses associations pathologiques ont été décrites. Les connectivites (polyarthrite rhumatoïde surtout, lupus systémique) sont parmi les plus fréquentes [9], avec les causes infectieuses (mycoplasme, virus respiratoires, notamment adénovirus, virus respiratoire syncytial, virus influenza et parainfluenza), les agents toxiques inhalés (charbon activé, dioxyde d’azote, dioxyde de soufre, ammoniac, chlore, phosgène, gaz brûlants, cendres volantes, vent de sable, crack cocaïne, fibres de verre, diacétyle et ses dérivés utilisés comme arômes dans l’industrie alimentaire, notamment l’industrie du pop-corn) ou absorbés (papavérine contenue dans le jus de Sauropus adrogynus) [1,8,10]. Certains médicaments ont été associés au développement d’une bronchiolite constrictive : nimésulide (un anti-inflammatoire non stéroïdien), sels d’or, D-pénicillamine, rituximab, sulfaméthoxypyridazine (sulfamide à usage vétérinaire en France mais utilisé en médecine humaine dans certains pays asiatiques), talc, tiopronine, topotécan (liste non exhaustive établie d’après les catégories IV.c et IV.n du site www.pneumotox.org). La bronchiolite constrictive peut se développer dans le contexte d’une transplantation pulmonaire ou cardio-pulmonaire ; seul le poumon greffé est atteint, et il s’agirait d’un phénomène de rejet chronique. Elle peut compliquer une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques ; il s’agirait alors d’une réaction du greffon contre l’hôte [8,11‑13]. Une bronchiolite constrictive a également été décrite chez des patients RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 9 Imagerie L’imagerie thoracique est évocatrice lorsqu’elle montre un trappage gazeux caractéristique. Elle peut être faussement rassurante. En effet, dans une série de 38 patients avec bronchiolite constrictive prouvée par biopsie chez des militaires américains ayant servi en Irak ou en Afghanistan, la radiographie thoracique était normale dans tous les cas. Le scanner thoracique était également le plus souvent normal, et ne montrait un trappage gazeux que dans 15 % des cas seulement [17]. Altérations fonctionnelles respiratoires au cours des bronchiolites Les EFR peuvent être normales ou montrer un trouble ventilatoire restrictif, obstructif, ou mixte [10]. Dans des séries récentes de bronchiolite constrictive prouvée histologiquement, les EFR sont le plus souvent normales [10]. Ainsi, dans la série précédente de 38 patients avec bronchiolite constrictive prouvée par biopsie, les EFR étaient normales dans 34 % des cas. Quand elles existaient, les anomalies consistaient en une diminution isolée de la diffusion libre de CO (DLCO) (50 % des cas), un trouble ventilatoire restrictif isolé (8 %), un trouble ventilatoire obstructif isolé (5 %), ou 08/03/2016 13:21:51 10 un trouble ventilatoire mixte (3 %) [17]. Étonnamment, dans cette série, les tests fonctionnels d’exercice montraient une réserve ventilatoire normale [17]. Lorsqu’il existe, le trouble ventilatoire obstructif est habituellement non réversible, mais il existe des cas d’amélioration après inhalation d’agonistes bêta-2 adrénergiques ou corticoïdes oraux. Diagnostic Le diagnostic de certitude de bronchiolite constrictive nécessite une biopsie pulmonaire chirurgicale. La biopsie transbronchique est de peu de sensibilité. La place de la cryobiopsie n’est pas établie. La décision de réaliser une biopsie chirurgicale dépend du contexte étiologique. La biopsie chirurgicale est discutable lorsque le tableau radio- clinique est caractéristique dans un contexte étiologique bien défini. Ainsi, elle n’est jamais réalisée chez les transplantés pulmonaires ou après allogreffe de cellule souches hématopoïétiques lorsque les tableaux radio-clinique et fonctionnel respiratoire sont caractéristiques. Traitement Le traitement de la bronchiolite constrictive est d’abord préventif en évitant les expositions professionnelles et environnementales. Lorsque le diagnostic a été porté, il est impératif d’éliminer la cause lorsqu’elle est identifiée (agent toxique, médicament). L’utilisation des corticoïdes par voie générale, seuls ou en association avec les immunosuppresseurs, se discute en fonction des étiologies. Dans les connectivites, il a été décrit des améliorations après anti-TNF ou cyclophosphamide et il est légitime de tester leur efficacité [9,18]. En revanche, il semble qu’ils soient inefficaces dans la bronchiolite constrictive induite par le diacétyle [19]. L’utilisation de corticoïdes inhalés associés à des bronchodilatateurs à longue durée d’action apporte un bénéfice sur la fonction respiratoire après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques [20]. L’azithromycine diminue le risque de développer une bronchiolite obstructive après transplantation pulmonaire [21] ; son efficacité dans les autres formes de bronchiolite constrictive est inconnue, mais on sait que les macrolides ont une efficacité parfois spectaculaire dans des formes particulières de bronchiolite, surtout la panbronchiolite diffuse [22] mais également des bronchiolites cellulaires associées aux connectivites [3]. La transplantation pulmonaire est parfois le seul traitement possible dans les formes évoluées de bronchiolite constrictive, quelle que soit l’étiologie. Hyperplasie pulmonaire diffuse idiopathique des cellules neuroendocrines L’hyperplasie des cellules neuroendocrines est fréquemment observée au cours des maladies respiratoires chroniques [23]. L’hyperplasie pulmonaire diffuse idiopathique RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 10 B. Crestani et al. des cellules neuroendocrines (DIPNECH dans la littérature en langue anglaise) est une lésion anatomopathologique qui peut prendre différents aspects anatomopathologiques : prolifération généralisée de cellules neuroendocrines dispersées ; petits nodules ; prolifération linéaire de cellules neuroendocrines pulmonaires. Dans tous les cas, ces proliférations restent confinées à l’épithélium bronchique et bronchiolaire [24]. Lorsque la prolifération franchit la membrane basale, on parle de tumorlets, qui peuvent être localisés ou diffus. Lorsque ces nodules dépassent 5 mm de diamètre, on les qualifie de tumeurs carcinoïdes. Il s’agit d’une condition prénéoplasique, qui peut se compliquer de tumeurs carcinoïdes typiques de faibles grades ou atypiques de grades intermédiaires [25]. Il n’y a pas de critère clinique et histologique consensuel pour définir la DIPNECH bien que certains critères quantitatifs aient été récemment proposés [26]. Il semble que les caractéristiques cytologiques des cellules neuroendocrines soient différentes dans l’hyperplasie réactionnelle des cellules neuroendocrines et dans la DIPNECH [27]. L’association à une bronchiolite constrictive a été décrite initialement par Aguayo et al. [28]. Moins d’une centaine de cas ont été décrits depuis cette date [24,29‑31]. Une DIPNECH peut être détectée dans le bilan d’une autre affection, sans symptôme respiratoire. L’association à une bronchiolite constrictive donne un tableau radio-clinique assez caractéristique. Il s’agit généralement de femmes (4 à 7 femmes pour 1 homme) d’âge moyen (compris entre 31 et 67 ans dans deux séries récentes), généralement non fumeuses, qui présentent une toux chronique (généralement depuis plus de 5 ans), généralement associée à une dyspnée d’effort [24,29,31,32]. Les EFR montrent un trouble ventilatoire obstructif avec distension, habituellement non réversible après bronchodilatateurs. La DLCO est généralement peu abaissée. Le trouble ventilatoire obstructif tend à s’aggraver chez certains patients tandis qu’il demeure stable chez d’autres. Dans la série la plus importante actuellement publiée (30 patients) le volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS) au diagnostic était abaissé à 50 % de la valeur prédite, le VR augmenté à 223 %, tandis que la DLCO était abaissée à 75 % [24]. Le scanner thoracique montre de façon presque constante des nodules pulmonaires, bien limités, dont le diamètre est généralement compris entre 5 et 10 mm, en nombre variable, parfois innombrables [32,33]. Les nodules peuvent être périphériques ou à prédominance péribronchovasculaire, et prédominent dans les parties inférieures et moyennes des poumons. Un trappage gazeux est pratiquement constamment retrouvé, avec un aspect en mosaïque. Un épaississement des parois bronchiques est fréquent tandis que les bronchectasies sont rares. Des zones d’atélectasie périphérique sont fréquentes. Le scanner thoracique peut exceptionnellement être normal [29,33]. Il y a peu de données concernant le lavage broncho- alvéolaire. Une lymphocytose (30 %) était détectée dans deux cas de la série de Davies et al. [29]. L’hyperplasie des cellules neuroendocrines peut être mise en évidence sur les biopsies transbronchiques (30 % des patients dans la série de Carr et al.), mais si elle est absente, une biopsie pulmonaire chirurgicale est nécessaire [24]. La biopsie transpariétale d’un nodule peut montrer une tumeur carcinoïde et peut suffire à confirmer le diagnostic de DIPNECH lorsque le 08/03/2016 13:21:51 Cas clinique n° 1 : — Dyspnée avec trouble ventilatoire obstructif au cours d’un syndrome de Gougerot-Sjögren tableau radioclinique est caractéristique [24]. Le dosage sanguin de marqueurs associés aux tumeurs neuroendocrines (chromogranine A) constitue seulement un élément d’orientation [24]. L’évolution de la maladie respiratoire est mal connue. Les séries disponibles montrent que le trouble ventilatoire obstructif est le plus souvent stable, mais une aggravation progressive et le développement d’une insuffisance respiratoire chronique sont possibles. L’évolution de la prolifération neuroendocrine est mal connue. Des nodules augmentant de taille doivent être prélevés car outre les tumeurs carcinoïdes, l’association DIPNECH et adénocarcinome bronchique primitif a également été rapportée sans qu’on sache s’il s’agit d’une simple coïncidence [29‑33]. Le traitement de la DIPNECH n’est pas codifié. Les patients reçoivent généralement des corticoïdes inhalés et des bronchodilatateurs à longue durée d’action, sans qu’on sache si ce traitement est bénéfique. Les corticoïdes oraux ne semblent pas améliorer le trouble ventilatoire obstructif sauf dans de rares cas [29]. L’utilisation d’octréotide (un analogue de la somatostatine) a permis d’améliorer la toux et de réduire les concentrations de chromogranine A sérique chez certains patients [24,31]. L’effet sur la fonction respiratoire est incertain. Comme dans les autres tumeurs neuroendocrines, la voie mTOR est activée dans les cellules neuroendocrines de la DIPNECH [34], et l’utilisation d’un inhibiteur de cette voie a été proposée [35]. La transplantation pulmonaire a été réalisée avec succès sans récidive de la maladie [29,36]. L’errance diagnostique est fréquente dans toutes les séries de la littérature, et le diagnostic d’asthme a souvent été porté à tort pendant de nombreuses années avant que la DIPNECH ne soit identifiée. La patiente décrite dans cette observation a été traitée par octréotide à libération prolongée pendant 18 mois, sans bénéfice sur les signes fonctionnels et la fonction respiratoire, puis par sirolimus (rapamycine, un inhibiteur de la voie mTOR), pendant 6 mois, également interrompu pour inefficacité. Les liens physiopathologiques entre la prolifération des cellules neuroendocrines et développement de la bronchiolite constrictive sont incertains. Les cellules neuroendocrines produisent des médiateurs profibrosants tels que la bombésine ou la sérotonine [27,37,38] qui pourraient être responsables du développement de la fibrose péribronchique. L’association à des formes génétiques de prolifération de cellules neuroendocrines (néoplasie endocrinienne multiple de type 1 [NEM 1]) a été décrite [29]. [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] Liens d’intérêts Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article. Références [1] Ryu JH, Myers JL, Swensen SJ. Bronchiolar disorders. Am J Respir Crit Care Med 2003;168:1277‑92. Epub 2003/12/04. [2] Kambouchner M. [The small airways: normal histology and the main histopathological lesions]. Rev Mal Respir 2013;30:286‑301. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 11 [18] [19] [20] 11 Epub 2013/05/15. Voies aeriennes distales : histologie normale et lésions anatomopathologiques. Borie R, Schneider S, Debray MP, Adle-Biasssette H, Danel C, Bergeron A, et al. 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Epub 2011/04/08. 08/03/2016 13:21:52 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 13-14 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 2 J.-L. Vachiéry Département de cardiologie, clinique des maladies vasculaires pulmonaires, cliniques universitaires de Bruxelles, hôpital Érasme, 808, route de Lennick, 1070 Bruxelles, Belgique Observation clinique Histoire médicale Un homme né en 1961 est adressé à la consultation de cardiologie pour une dyspnée inexpliquée. Il présente l’association d’une hypertension artérielle systémique, d’une hypercholestérolémie, d’un diabète de type II et d’une obésité sévère (IMC > 40 kg/m²). Il n’a jamais fumé, mais rapporte une prise de « coupe-faim » entre 1985 et 1990 sous la forme de prescriptions magistrales contenant des extraits thyroïdiens, de la digitaline, un diurétique et de la dexfenfluramine. Il exerce la profession de dermatologue de manière très active. Son histoire médicale débute en février 2011 par un épisode de flutter auriculaire, traité par cardioversion électrique. Le bilan cardiologique réalisé à l’époque est strictement normal, ce qui est confirmé en janvier 2012 lors d’un examen préopératoire pour un remplacement de la hanche. L’intervention se déroule sans incident, mais le patient présente en postopératoire un épisode transitoire de désaturation artérielle en oxygène dont l’origine est attribuée à une infection bronchique. Depuis mars 2012, il signale une dyspnée progressivement croissante, à la montée de trois étages, puis après 200 m sur terrain plat. Il est examiné pour la première fois à la consultation de pneumologie au mois d’avril 2012. On note une saturation de pouls en oxygène abaissée (SpO2 à 92 %), un trouble ventilatoire restrictif rapporté à l’obésité et une réduction de la capacité de diffusion rapportée au volume alvéolaire à 60 % des valeurs prédites. Une polysomnographie révèle un syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) sévère, traité par pression positive continue. Au mois d’août 2012, on suspecte l’apparition d’une polyglobulie (hématocrite 55 %) qualifiée d’inexpliquée et traitée par saignée. La gazométrie artérielle montre à ce moment un pH à 7,45, une PaCO2 à 46 mmHg et une PaO2 à 59 mmHg à l’air ambiant. Une oxygénothérapie de longue durée est prescrite mais les plaintes s’aggravent en décembre 2012 avec une SpO2 à 91 % sous 2 L/min Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Vachiéry). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 13 08/03/2016 13:21:52 14 J.-L. Vachiéry d’oxygène, chez un patient alors avec une dyspnée classe fonctionnelle New York Heart Association 3 (NYHA). Le traitement médical comprend de l’aspirine, de l’oxygène, un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, un inhibiteur calcique, de la simvastatine et de l’insuline. Examen physique Dans ce contexte, le patient est examiné à la consultation de cardiologie. L’examen physique confirme la présence d’une obésité morbide (indice de masse corporel [IMC] : 48 kg/m²). La pression artérielle est de 145/85 mmHg, la fréquence cardiaque de 70 battements par minute. L’auscultation cardiaque et pulmonaire est non contributive. On note la présence d’œdèmes des membres inférieurs remontant jusqu’à mi-mollets, ainsi qu’une dermite ocre. à 60 %, une capacité pulmonaire totale à 75 % des valeurs prédites et un KCO à 50 % des valeurs prédites. La scintigraphie pulmonaire ne montre pas d’anomalies de perfusion. La gazométrie à l’air ambiant n’est pas modifiée. Le scanner thoracique révèle un léger emphysème aux sommets, des images en verre dépoli sans ligne septale et une dilatation du tronc de l’artère pulmonaire. Un cathétérisme cardiaque droit est réalisé (Fig. 1) et retrouve : une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) à 61 mmHg, avec une pulmonary arterial wedge pressure (PAWP) estimée à 16 mmHg sur la base de valeurs moyennées, un gradient diastolique pulmonaire (DPG) est calculé à 26 mmHg. Les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) sont calculées à 5,45 UW, le débit cardiaque est à 8,25 L/min pour un index à 2,6 L/min/m² La pression auriculaire droite est mesurée à 15 mmHg. Questions Examens complémentaires L’électrocardiogramme de repos révèle une déviation axiale gauche, un rythme sinusal régulier et un aplatissement des ondes T dans les dérivations précordiales. L’échocardiographie, dont la qualité est limitée par la corpulence du patient, montre une pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) estimée à 60 mmHg, associée à une dilatation du ventricule droit. Le dosage de NT Pro-BNP s’inscrit dans les valeurs normales (< 150 pg/mL). Sur base de ces éléments, le patient est admis pour réaliser une mise au point complémentaire, comprenant un cathétérisme cardiaque droit. La fonction pulmonaire est caractérisée par une capacité vitale à 80 % des valeurs prédites, un volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS) à 75 % des valeurs prédites, un rapport de Tiffeneau PAP • Peut-on poser un diagnostic de certitude sur la cause de l’hypertension pulmonaire ? • Quels éléments manquants permettraient de progresser dans la conclusion ? • Quelle serait votre stratégie thérapeutique ? Les tracés originaux des PAP, de remplissage gauche (PAWP) et droite (résistance artérielle pulmonaire [RAP]) sont représentés. On note une fluctuation respiratoire importante et un gradient diastolique (PAPd [pression pulmonaire artérielle diastolique]-PAWP) élevé. La pression auriculaire droite est augmentée à 15 mmHg. L’index cardiaque est de 3,2 L/min/m² et la RVP calculée à 5,45 UW sur base d’une valeur moyennée de PAWP de 16 mmHg. PAWP RAP 0,5-4C 100 50 ± 25 mmHg 15 mmHg 0 Paper speed 12,5 mm/s Figure 1. Cathétérisme cardiaque droit. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 14 08/03/2016 13:21:52 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 15-19 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 2 : Interactions cœur-poumons – hypertension pulmonaire et maladies cardiaques gauches J.-L. Vachiéry Département de cardiologie, clinique des maladies vasculaires pulmonaires, cliniques universitaires de Bruxelles, hôpital Érasme, 808, route de Lennick, 1070 Bruxelles, Belgique Commentaires Peut-on poser un diagnostic de certitude sur la cause de l’hypertension pulmonaire ? Il n’est pas possible, sur base de la présentation clinique et des examens réalisés, de poser un diagnostic définitif. Cependant, l’évaluation de ce patient illustre un certain nombre de points importants. En effet, la première partie (non invasive) de la mise au point permet de déterminer une probabilité d’hypertension pulmonaire (HTP). S’il existe des causes évidentes de dyspnée, on note une aggravation progressive des symptômes et de l’hypoxémie qui suggèrent l’apparition d’un phénomène nouveau. L’échocardiographie de repos montre une pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) estimée à > 45 mmHg ainsi que des signes de dysfonction cardiaque droite. Sur ces bases, il existe une probabilité élevée d’HTP [1]. En effet, les nouvelles recommandations des sociétés européennes de cardiologie et de pneumologie proposent un algorithme diagnostic basé sur : 1) la présence de symptômes compatibles avec un diagnostic d’HTP ; 2) une probabilité échocardiographique comprenant une estimation de la PAPs et la présence d’autres signes d’HTP (dilatation des cavités droites, épanchement péricardique, indices de dysfonction ventriculaire droite) ; 3) enfin, une probabilité d’HTP basée sur la combinaison des deux éléments précédents. En l’absence de facteurs de risque d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ou d’hypertension pulmonaire postembolique (HTPPE), le cathétérisme cardiaque est recommandé face à Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Vachiéry). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 15 08/03/2016 13:21:53 16 J.-L. Vachiéry ce phénomène « actif » font l’objet d’intenses débats, tout d’abord en raison de l’absence d’homogénéité des termes utilisés [1,3,4]. De plus, il existe une confusion entre la manière de caractériser un phénomène pathophysiologique et le caractère prédictif des données hémodynamiques. Les recommandations des sociétés savantes proposent aujourd’hui de distinguer l’HTP postcapillaire isolée (IpcPH) de l’HTP postcapillaire combinée à une composante précapillaire (CpcPH) sur la base du gradient diastolique (PAPm-PAPO) et/ou de la résistance vasculaire pulmonaire (RVP) (Tableau 2) [1,3,4]. Dans l’insuffisance cardiaque, une analyse de cohorte récente rapporte une prévalence de CpcPH de l’ordre de 12 % dans les dysfonctions systoliques et de 13 % dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée [5]. Dans les deux cas, la présence d’une composante précapillaire est associée à une réduction de la survie, comparée à une forme dite « isolée » [5]. Les liaisons cœur-poumons, dangereuses s’il en est, contribuent certainement au développement de la composante précapillaire : le syndrome d’apnées du sommeil (SAS), la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), mais aussi l’embolie pulmonaire et l’HTPPE y jouent un rôle confondant qu’il convient d’identifier [3,5]. Une des clés de la distinction entre HTP pré-et postcapillaire est donc la mesure précise de la pression de remplissage gauche par l’estimation de la pression auriculaire gauche via le tracé d’occlusion de l’artère pulmonaire qui reflète la pression télé-diastolique du ventricule gauche (PTDVG). Cette mesure doit être réalisée dans des conditions optimales de remplissage (soit en dehors des épisodes de décompensation cardiaque) et de préférence en fin d’expiration afin de limiter la contribution de la pression alvéolaire sur les pressions intravasculaires. La présence de mouvements respiratoires importants et donc à l’origine de variations de pression intra-thoracique, ainsi que certaines comorbidités (obésité, BPCO) peuvent amener à des erreurs de mesure qui peuvent conduire à des diagnostics erronés [1,3,4]. En cas de doute, il est recommandé de procéder à une mesure directe de la PTDVG par cathétérisme cardiaque gauche [1]. Dans le cas de notre patient, on notera une mesure de PAWP moyennée à 16 mmHg, mais des mouvements respiratoires qui empêchent d’obtenir une mesure fiable permettant de poser un diagnostic définitif. Il est donc nécessaire de RAP pousser les investigations avant de prendre une décision thérapeutique. 0,5-4C une probabilité élevée d’HTP. En outre, les patients présentant une probabilité intermédiaire d’HTP et des facteurs de risques devraient également bénéficier d’un bilan invasif (Tableau 1). L’algorithme diagnostique reposera ensuite sur la réalisation d’examens complémentaires permettant de confirmer la présence ou non d’une cause cardiaque ou respiratoire d’HTP. Il conviendra également d’adresser les patients présentant une HTP sévère, à un centre spécialisé dans la prise en charge des maladies vasculaires pulmonaires (Centre de Compétence régional ou Centre de référence national). Si l’échocardiographie permet d’orienter le diagnostic et d’évaluer la fonction cardiaque droite et gauche, elle ne suffit pas à poser un diagnostic d’HTP : le cathétérisme cardiaque droit reste l’examen de choix pour confirmer le diagnostic et asseoir les décisions thérapeutiques qui découlent de la démarche diagnostique [2]. Cet examen permet de recueillir l’ensemble des variables d’intérêt, comprenant l’estimation de la pression auriculaire gauche par la mesure de la pression d’occlusion de l’artère pulmonaire (PAPO ou PAWP (pulmonary artery wedge pressure)). La classification hémodynamique de l’hypertension pulmonaire distingue une forme précapillaire (pression artérielle pulmonaire moyenne [PAPm] ≥ 25 mmHg et PAWP ≤ 15 mmHg) d’une forme post- capillaire (PAWP > 15 mmHg). Cette dernière peut être retrouvée dans 50‑100 % des cas chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque gauche ou dans les maladies valvulaires. Cependant, elle n’est dans la grande majorité des cas qu’un « symptôme » de la pathologie cardiaque [3,4]. L’HTP des maladies cardiaques gauches est essentiellement passive, par élévation de la PAWP et donc de la pression auriculaire gauche en réponse à une dysfonction diastolique, une insuffisance mitrale et à une perte de la compliance de l’oreillette gauche [3,4]. Une faible proportion de patients présente une élévation exagérée de la PAPm qui n’est pas uniquement expliquée par un phénomène passif mais par un enchaînement de mécanismes conduisant à une vasoconstriction et qui peut conduire à un remodelage vasculaire (par hypertrophie de la média) représentant une maladie vasculaire pulmonaire (Fig. 2). La terminologie et la définition hémodynamique de PAP PAWP 100 Quels éléments manquants permettraient de progresser dans la conclusion ? 50 ± 25 mmHg 15 mmHg 0 Paper speed 12,5 mm/s Figure 1. Cathétérisme cardiaque droit. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 16 Le diagnostic différentiel entre l’HTAP et les HTP liées aux maladies cardiaques ou respiratoires repose sur les éléments suivants : 1) la présentation clinique et le phénotype du patient ; 2) les données échocardiographiques et fonctionnelles ; 08/03/2016 13:21:53 Cas clinique n° 2 : — Interactions cœur-poumons – hypertension pulmonaire et maladies cardiaques gauches 17 Tableau 1. Probabilité d’HTP et indication de cathétérisme cardiaque (d’après [1]). Tableau 2. Définitions hémodynamiques de l’HTP postcapillaire (d’après [1]). Probabilité d’HTP (écho) Absence de facteurs de risque d’HTAP/HTPPE Définition Caractéristique Faible HTP postcapillaire Envisager un diagnostic alternatif PAPm > 25 mmHg et PAWP > 15 mmHg Intermédiaire Envisager un diagnostic alternatif Suivi échocardiographique Forme isolée DPG < 7 mmHg et/ou RVP ≤ 3 UW Élevée Forme combinée DPG ≥ 7 mmHg et/ou RVP > 3 UW Indication de mise au point d’HTP avec cathétérisme cardiaque droit Probabilité d’HTP (écho) Présence de facteurs de risque d’HTAP/HTPPE Faible Envisager un suivi échocardiographique Intermédiaire Élevée Envisager une mise au point complète avec cathétérisme cardiaque droit Indication de mise au point d’HTP avec cathétérisme cardiaque droit 3) la contribution de la circulation pulmonaire à la limitation à l’effort ; 4) les données hémodynamiques invasives. La présence d’un syndrome métabolique, l’âge et une histoire de maladie cardiaque gauche sont autant d’éléments en faveur d’un diagnostic d’HTP compliquant une affection cardiaque. Ceci est renforcé par la présence de signes échocardiographiques suggérant une maladie structurelle cardiaque et d’éléments en faveur d’une élévation des pressions de remplissage gauche (Tableau 3). La présence d’une dilatation de l’oreillette gauche est invariablement la signature d’une composante cardiaque gauche expliquant l’HTP. Dans la majorité des cas, les symptômes et la limitation de la capacité d’effort des maladies respiratoires est d’origine ventilatoire, ce qui doit être évalué par une exploration fonctionnelle d’exercice [1,6]. Il existe cependant un faible nombre de patients qui présentent une limitation d’origine cardiaque expliquée par la présence d’une HTP sévère [6]. L’ergospirométrie est donc un examen essentiel à la démarche diagnostique et l’évaluation fonctionnelle des HTP. Le diagnostic différentiel de l’HTP repose toujours sur l’évaluation invasive par cathétérisme cardiaque droit. Cet examen doit être réalisé dans des conditions optimales de remplissage (soit en dehors d’une phase d’insuffisance cardiaque décompensée) et requiert une attention particulière dans l’analyse des tracés de pression [1,3,4]. Ceci concerne plus particulièrement la mesure de la PAWP qui peut être sous l’influence des mouvements respiratoires, justifiant parfois une mesure directe de la PTDVG (voir plus haut), principalement chez les patients présentant des facteurs de risque cardiovasculaire chez lesquels une angiographie coronaire est parfois nécessaire [1,3,4]. L’évaluation hémodynamique est systématiquement réalisée au repos, mais un test de remplissage ou une étude RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 17 Passive ↑ in mPAP • • • • Loss of LA compliance Diastolic dysfunction Pulsatile load by PAWP Exercise-induced MR Added component Further ↑ in mPAP • • • • Endothelial dysfunction ↑ No ↑ and ET-1 activity Vasoconstriction BNP induced vasodilation Significant PVS RV failure Death • Vascular remodelling • Decreased vascular compliance • Blunted response to vasodilators Figure 2. Mécanisme de l’HTP des cardiopathies gauches (d’après [3]). Légende de la figure 2 : LA : Left Atrium ; PAWP : Pulmonary Artery Wedge Pressure ; MR : Mitral Regurgitation ; NO : Nitric Oxide ; ET-1 : Endothelin 1 ; BNP : b-Type Natriuretic Peptide ; PVD : Pulmonary Vascular Disease ; RV : Right Ventricule. hémodynamique à l’effort peuvent parfois s’avérer utiles en cas de doute, afin d’identifier une élévation anormale de la PAWP. Cependant, l’absence de standardisation des méthodes, la définition d’une réponse normale et la difficulté technique (en ce qui concerne le test à l’effort) ne permettent pas de recommander ces tests de provocation de la circulation pulmonaire en pratique clinique courante [1,3,4]. Des données récentes montrent que la réponse à un test de remplissage dépend de l’âge, du sexe et de la quantité de liquide administrée [7]. Dans le cas de notre patient, l’évaluation a été complétée par un cathétérisme cardiaque gauche et une épreuve d’effort avec mesure de VO2 max qui permettaient de poser un diagnostic d’HTP postcapillaire combinée à une composante précapillaire, cette dernière pouvant être en partie expliquée par la présence d’une hypoxémie chronique et d’un SAS. Le cathétérisme cardiaque gauche permet de mesurer une PTDVG > 20 mmHg, permettant de confirmer le diagnostic de CpcPH. L’épreuve d’effort avec VO2 max montre une ventilation maximale n’atteignant pas 60 % de la ventilation maximale volontaire calculée à partir du VEMS, ce qui permet d’exclure une cause ventilatoire. En outre, une VO2 au pic d’effort < 13 ml/kg/ min et une élévation de la pente ventilation/production de CO2 (VE/VCO2) > 45 témoignent d’une limitation cardiaque à l’effort par le biais de l’HTP. Quelle serait votre stratégie thérapeutique ? La première démarche de la prise en charge d’une HTP postcapillaire (isolée ou non) est de s’assurer : 08/03/2016 13:21:53 18 J.-L. Vachiéry Tableau 3. Diagnostic différentiel non invasif de l’HTP des maladies cardiaques gauches. Présentation clinique Échocardiographie Autres éléments Âge > 65 ans Pathologie cardiaque structurelle : valvulopathie, dilatation de l’OG > 42 mm; dysfonction/hypertrophie VG Anomalies ECG : HVG, BBG, ondes Q, arythmie auriculaire Symptômes d’insuffisance cardiaque (orthopnée) Indices Doppler d’élévation des pressions de remplissage G Radiographie/CT thoracique : lignes de Kerley, épanchement pleural, œdème pulmonaire Syndrome métabolique Absence de signes d’atteinte ventriculaire droite ou d’épanchement péricardique Histoire de maladie cardiaque (fibrillation auriculaire, valvulopathie, coronaropathie) Indices combinés : taille de l’OG, temps d’accélération pulmonaire, estimation de PAWP Légende : OG : oreillette gauche ; ECG : électrocardiogramme ; HVG : hypertrophie ventriculaire G ; BBG : bloc de branche gauche. Tableau 4. Essais cliniques randomisés contre placebo dans l’HTP des maladies cardiaques gauches (adapté d’après [3,4]). Agent N Durée Critère de jugement primaire Résultat 16 semaines PAPm corrigée par rapport au placebo Pas d’effet Insuffisance cardiaque systolique Riociguat (8) 201 Insuffisance cardiaque diastolique Riociguat (9) 48 16 semaines PAPm corrigée par rapport au placebo Pas d’effet Sildénafil (10) 52 12 semaines PAPm corrigée par rapport au placebo Pas d’effet 1) que l’évaluation hémodynamique a été réalisée dans des conditions stables sur le plan clinique, en veillant à améliorer la balance hydrique si cela s’avère nécessaire ; 2) que le patient bénéficie du meilleur traitement de l’affection responsable ; 3) qu’il n’existe pas de facteur confondant ou de comorbidité pouvant contribuer à l’HTP. La prévalence élevée de pathologies cardiovasculaires dans les maladies respiratoires impose les mêmes précautions pour les HTP liées à la BPCO, au SAS et aux pathologies interstitielles. Certaines cibles thérapeutiques qui ont fait le succès du traitement de l’HTAP ont été testées dans le traitement de l’insuffisance cardiaque gauche, qu’elle soit liée ou non à une altération de la fonction systolique [3,4]. C’est le cas des antagonistes des récepteurs de l’endothéline (bosentan, darusentan, tezosentan), d’inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (iPDE5, sildénafil) et de l’époprosténol [3,4]. Aucune de ces études n’a atteint le critère de jugement primaire. De plus, aucune de ces études n’a inclus une stratégie de stratification des sujets en fonction de la présence ou non d’une HTP. La réalité est assez frappante : moins de 300 patients présentant une HTP secondaire à une maladie cardiaque gauche ont été inclus dans des essais cliniques RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 18 randomisés contrôlés (Tableau 4) contre dix fois plus au cours de la même période dans les essais cliniques dans l’HTAP [1,8‑10] ! Il n’y a donc aujourd’hui aucune preuve d’efficacité et de sécurité permettant de recommander l’utilisation d’un traitement validé de l’HTAP pour soigner un patient souffrant d’une HTP liée à une maladie cardiaque gauche [1,3,4]. Pour notre patient, la recommandation principale fut de réaliser une chirurgie de réduction gastrique, ce qui a conduit à faire disparaître le diabète, contrôler l’hypertension artérielle, corriger le SAS… et réduire considérablement l’HTP. Liens d’intérêts Au cours des 5 dernières années, Jean-Luc Vachiéry a perçu des honoraires ou financements pour participation à des congrès, participation à des groupes d’experts, de la part des Laboratoires Actelion Pharmaceuticals, Bayer HealthCare, Merck. Au cours des 5 dernières années, Jean-Luc Vachiéry a été investigateur principal d’études cliniques promues par le Laboratoire Actelion Pharmaceuticals. 08/03/2016 13:21:53 Cas clinique n° 2 : — Interactions cœur-poumons – hypertension pulmonaire et maladies cardiaques gauches Références [1] Galiè N, Humbert M, Vachiéry JL, Gibbs S, Lang I, Torbicki A, et al. 2015 ESC/ERS guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension. Eur Respir J 2015;46:903‑75. [2] Forfia P, Vachiéry JL. Echocardiography in pulmonary hypertension. Am J Cardiol 2012;110:16‑24. [3] Vachiéry JL, Adir Y, Barberà JA, Champion H, Coghlan JG, Cottin V, et al. Pulmonary hypertension due to heart diseases. J Am Coll Cardiol 2013;62:D100‑8. [4] Rosenkranz S, Gibbs JS, Wachter R, De Marco T, Vonk- Noordegraaf A, Vachiéry JL. Left ventricular heart failure and pulmonary hypertension. Eur Heart J. 2015 Oct 27. pii:ehv512. [5] Gerges M, Gerges C, Pistritto AM, Lang MB, Trip P, Jakowitsch J, et al. Lang IM. Pulmonary Hypertension in Heart Failure. Epidemiology, right ventricular function, and survival. Am J Respir Crit Care Med 2015;192:1234‑46. [6] Seeger W, Adir Y, Barberà JA, Champion H, Coghlan JG, Cottin V, et al. Pulmonary hypertension due to lung diseases. J Am Coll Cardiol 2013;62:D109‑16. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 19 19 [7] Fujimoto N, Borlaug BA, Lewis GD, Hastings JL, Shafer KM, Bhella PS, et al. Hemodynamic responses to rapid saline loading: the impact of age, sex, and heart failure. Circulation 2013;127:55‑62. [8] Bonderman D, Ghio S, Felix SB, Ghofrani HA, Michelakis E, Mitrovic V, et al, for the LEPHT Study Group. Riociguat for patients with pulmonary hypertension caused by systolic left ventricular dysfunction: A phase IIb double-blind, randomized, placebo-controlled, dose ranging hemodynamic study. Circulation 2013;128:502‑11. [9] Bonderman D, Pretsch I, Steringer-Mascherbauer R, Jansa P, Rosenkranz S, Tufaro C, et al. 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Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 3 P. Priou Département de pneumologie, CHU Angers, 4, rue Larrey, 49900 Angers, France Observation clinique Motif de consultation Un homme âgé de 53 ans vous est adressé pour une recherche de syndrome d’apnée du sommeil devant une somnolence diurne invalidante associée à des ronflements. Il est chauffeur routier, en arrêt de travail, après la survenue de plusieurs accidents de la voie publique sur endormissement. Antécédents, comorbidités, facteurs de risque Il fume 15 cigarettes par jour depuis 30 ans, est obèse, diabétique de type 2 non insulinorequérant sous antidiabétique oral, hypertendu traité par une trithérapie antihypertensive. Il a fait un séjour en réanimation il y a 4 ans pour une insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique suite à un traitement par morphiniques pour un lumbago. Il n’a pas de terrain atopique, ni de terrain familial ou personnel d’asthme. Examen physique Il pèse 131 kg pour une taille de 1,64 m, il décrit une dyspnée d’effort survenant à la marche rapide, ne pratique pas d’activité physique. L’échelle d’Epworth est à 18/24. On note des œdèmes des membres inférieurs modérés, prenant le godet, et habituels d’après lui. La saturation de pouls en oxyhémoglobine est à 92 % au repos. L’auscultation retrouve des sibilants uniquement en expiration forcée. Vous réalisez des gaz du sang du fait de l’IMC à 48 kg/m² qui montrent une PaO2 à 60 mmHg, une PaCO2 à 53 mmHg, un pH à 7,38 et des HCO3 – à 32 mmol/L. La radiographie Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (P. Priou). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 20 08/03/2016 13:21:54 Cas clinique n° 3 21 de thorax est sans particularité, ne montre notamment pas d’ascension de coupole, hormis une cardiomégalie. Vous demandez une polysomnographie qui est représentée à la figure 1. Les épreuves fonctionnelles respiratoires montrent une capacité vitale (CV) à 76 % des valeurs prédites, un volume expiré maximal en 1 seconde (VEMS) à 75 % des valeurs prédites, et un rapport VEMS/CV à 69 %. Après bronchodilatateur, le VEMS n’est pas modifié. La capacité pulmonaire totale (CPT) est à 81 % des valeurs prédites. Le rapport volume résiduel (VR)/CPT est à 139 % des valeurs prédites. Le transfert du monoxyde de carbone retrouve une DLCOsb à 63 % des valeurs prédites et le rapport DLCO/VA (volume alvéolaire) à 65 % des valeurs prédites. Questions • Comment interpréteriez-vous la polysomnographie (Fig. 1) ? • Quels diagnostics serait-il licite d’évoquer avant la réalisation des examens ? Au vu du bilan, lequel retiendriez- vous ? Demandez-vous des examens complémentaires ? • Quels mécanismes physiopathologiques expliquent les troubles gazométriques dans le syndrome d’apnée du sommeil ? • Quels facteurs peuvent favoriser le développement d’une hypertension pulmonaire chez l’obèse ? • Quelle stratégie thérapeutique proposez-vous, et sur quels critères ? Comment pouvez-vous surveiller son efficacité et que surveillez-vous ? Quelles sont les alternatives thérapeutiques sur le plus long terme ? • Quelles adaptations du traitement pouvez-vous être amené(e) à faire devant une oxymétrie sous ventilation non invasive (VNI) avec un masque naso-buccal comme celle-ci sans relevé de fuites sur la machine ? (Fig. 2). • Quelle mesure devra être prise avant la reprise du travail chez ce patient ? Ambiance ve. ld. Position do. lg. Act. 120db Ronfl. 60db 120db Inspi. 60db ± ãVs 1mn Apnées Hypopnées Otet. Cent. Inde. 0mn 100% 90 Sp02 80 70 160c/mn Pouls 40 HYPNO. Eveil S.P. N1 N2 N3 MJ & MPJ MEV Heure 23 0 1 2 3 4 5 6 7 Valid. Figure 1. Polysomnographie. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 21 08/03/2016 13:21:54 22 P. Priou % Sp02 100,00 97,50 95,00 92,50 90,00 87,50 85,00 82,50 80,00 22:00 00:00 02:00 04:00 06:00 04:00 06:00 mercredi, 11 juin 2014 l/min Fuites 40,00 35,00 30,00 25,00 20,00 15,00 10,00 5,00 0,00 22:00 00:00 02:00 mercredi, 11 juin 2014 Figure 2. Oxymétrie sur ventilateur avec analyse des tracés : saturation-fuites. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 22 08/03/2016 13:21:55 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 23-28 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 3 : Le syndrome obésité-hypoventilation : approche diagnostique et thérapeutique P. Priou Département de pneumologie, CHU Angers, 4, rue Larrey, 49900 Angers, France Commentaires Comment interpréteriez-vous la polysomnographie (Fig. 1) ? La polysomnographie montre un aspect en peigne de la courbe de saturation évoquant un syndrome d’apnée hypopnée obstructif du sommeil (SAHOS) très sévère, associé à des plages de désaturations plus prolongées contemporaines des phases de sommeil paradoxal témoignant d’une hypoventilation en sommeil paradoxal. En effet, en sommeil paradoxal, l’activité des muscles respiratoires (diaphragme et muscles accessoires) est diminuée, la respiration est irrégulière et superficielle, l’ensemble entraînant une diminution de la ventilation alvéolaire, une majoration de l’hypercapnie et de l’hypoxémie. On note également de très nombreux micro-éveils, témoins de la fragmentation du sommeil liée aux événements obstructifs, et responsables en partie de la somnolence diurne excessive. Le sommeil lent profond est très peu présent, ceci s’expliquant par la fragmentation du sommeil empêchant sa survenue. Quels diagnostics serait-il licite d’évoquer avant la réalisation des examens ? Au vu du bilan, lequel retiendriez-vous ? Demandez-vous des examens complémentaires ? Les deux étiologies principales à discuter concernant l’insuffisance respiratoire chronique hypercapnique sont l’overlap syndrome (associant une bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO] et un SAHOS) et le syndrome obésité-hypoventilation (SOH). L’overlap syndrome concerne les patients BPCO avec un indice de masse corporelle (IMC) plus élevé que les autres. Ces derniers développent plus rapidement, à des stades de sévérité de la BPCO moins sévères, une hypercapnie et une hypertension pulmonaire. Il constitue Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (P. Priou). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 23 08/03/2016 13:21:55 24 P. Priou Ambiance ve. ld. Position do. lg. Act. 120db Ronfl. 60db 120db Inspi. 60db ± ãVs 1mn Apnées Hypopnées Otet. Cent. Inde. 0mn 100% 90 Sp02 80 70 160c/mn Pouls 40 Eveil S.P. N1 N2 HYPNO. N3 MJ & MPJ MEV Heure 23 0 1 2 3 4 5 6 7 Valid. Figure 1. Polysomnographie. % Sp02 100,00 97,50 95,00 92,50 90,00 87,50 85,00 82,50 80,00 22:00 00:00 02:00 04:00 06:00 04:00 06:00 mercredi, 11 juin 2014 l/min Fuites 40,00 35,00 30,00 25,00 20,00 15,00 10,00 5,00 0,00 22:00 00:00 02:00 mercredi, 11 juin 2014 Figure 2. Oxymétrie sur ventilateur avec analyse des tracés : saturation-fuites. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 24 08/03/2016 13:21:57 Cas clinique n° 3 : — Le syndrome obésité-hypoventilation : approche diagnostique et thérapeutique le principal diagnostic différentiel du SOH [1]. Les signes cliniques (dyspnée d’effort, somnolence) ne sont pas spécifiques. Chez ce patient la spirométrie montre une diminution du volume expiratoire maximal en une seconde/capacité vitale (VEMS/CV) à 69 % qui n’est pas significative et ne permet pas de retenir le diagnostic de BPCO, d’autant que l’obésité peut souvent être associée à une augmentation des résistances des voies aériennes inférieures [2]. Il n’existe pas non plus de trouble ventilatoire restrictif. Devant l’insuffisance respiratoire chronique hypercapnique, l’obésité et l’absence de pathologie expliquant l’hypercapnie, on peut donc retenir le diagnostic de SOH [3]. L’insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique dans les antécédents va tout à fait dans le sens d’un SOH puisqu’il s’agit le plus souvent du mode d’entrée dans la maladie [4,5]. Le transfert du CO vise à explorer le mécanisme de l’hypoxémie. Le trouble de diffusion de la membrane alvéolo-capillaire, traduit par l’altération du DLCOsb et du DLCO rapporté au volume alvéolaire, doit faire suspecter deux pathologies chez ce patient : un emphysème centro-lobulaire compte tenu de son passé tabagique et de la distension relative (volume résiduel/capacité pulmonaire totale [VR/CPT] > 130 % des valeurs prédites), et/ou une hypertension pulmonaire (présence d’œdèmes des membres inférieurs qui doivent faire rechercher d’autres signes d’insuffisance cardiaque droite). Le bilan doit donc être complété par un scanner thoracique pour rechercher l’emphysème, et une échographie cardiaque pour rechercher des signes en faveur d’une hypertension pulmonaire et évaluer la fonction ventriculaire gauche, d’autant que ce patient cumule les facteurs de risque cardio-vasculaires. Il est à noter que les patients atteints de SOH ont plus de comorbidités cardio-vasculaires que la population générale [6]. Quels mécanismes physiopathologiques expliquent les troubles gazométriques dans le syndrome d’apnée du sommeil ? Les conséquences de l’obésité sur la ventilation sont complexes [7] : • restriction des volumes pulmonaires minime et inconstante, touchant principalement le volume de réserve expiratoire ; • diminution de la compliance de la paroi thoracique [8] ; • troubles des rapports ventilation/perfusion du fait d’atélectasies basales ; • altération du fonctionnement des muscles respiratoires : augmentation du travail des muscles respiratoires du fait d’une augmentation de la charge (notamment en décubitus dorsal) avec donc un coût en oxygène plus élevé, moindre efficacité du travail des muscles respiratoires liée aux conditions d’acidose et d’hypoxémie et au déplacement du diaphragme en position moins physiologique du fait de l’obésité abdominale (particulièrement en décubitus) [9] ; • altération du contrôle des centres respiratoires avec une réponse au CO2 diminuée secondaire à une rétention chronique de bicarbonates (initiée par l’hypercapnie RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 25 25 nocturne et par les apnées) [10], et à la résistance à l’insuline et à la leptine liées à l’obésité viscérale (l’insuline et la leptine ayant un effet stimulant sur les centres respiratoires) [11] ; • troubles respiratoires nocturnes (ventilation d’obèse ou SAHOS) participant à l’instauration de l’hypercapnie nocturne et donc à la rétention de bicarbonates facilitant l’hypercapnie diurne [12]. L’hypoxie nocturne et la fragmentation du sommeil liées au SAHOS pourraient également altérer le fonctionnement des centres respiratoires [13]. Quels facteurs peuvent favoriser le développement d’une hypertension pulmonaire ? Une hypertension pulmonaire complique fréquemment le SOH et se développe selon plusieurs mécanismes : • respiratoires : l’hypoxie, l’hypercapnie et l’acidose chronique qui s’aggravent la nuit, particulièrement quand il existe un SAHOS associé, entraînent une vasoconstriction hypoxique des artérioles pulmonaires, puis une dysfonction endothéliale, enfin un remodelage vasculaire ; • cardiaques : une cardiomyopathie hypertrophique excentrique liée à l’obésité (mais aussi au diabète et à l’hypertension artérielle souvent présents dans le SOH) entraîne une insuffisance cardiaque diastolique et ajoutant donc une composante postcapillaire à l’hypertension pulmonaire [14]. La prise d’anorexigènes est plus fréquente dans cette population. L’obésité est également un facteur de risque de maladie thromboembolique qui pourrait favoriser une hypertension pulmonaire postembolique. Quelle stratégie thérapeutique proposez- vous à court terme et sur quels critères ? Comment pouvez-vous surveiller son efficacité ? Quelles sont les alternatives thérapeutiques sur le plus long terme ? La ventilation en pression positive représente le traitement de référence du SOH. Actuellement, les données de la littérature sont insuffisantes pour établir des recommandations solides sur les indications de la pression positive continue (PPC) ou de la ventilation non invasive (VNI) [7]. La PPC serait efficace sur les troubles respiratoires obstructifs et l’hypoxémie nocturne chez 57 % de patients SOH et 43 % nécessiteraient la mise en place d’une VNI [15]. Une étude espagnole récente montre que la VNI améliore significativement les volumes mobilisables en comparaison à la PPC mais que les deux sont comparables en termes d’amélioration clinique et polysomnographique [16]. Compte tenu de la sévérité du SAHOS, il est logique de commencer par la mise en place d’une PPC en faisant une titration par PPC autopilotée. En cas de persistance de plages de désaturations 08/03/2016 13:21:57 26 P. Priou prolongées ou en l’absence d’amélioration de la capnie transcutanée au cours de la nuit ou de la PaCO2 diurne, il est nécessaire de passer à une VNI barométrique en mode Spontaneous Timed (ST) en ajoutant une aide inspiratoire d’au moins 7 à 8 cmH2O à la pression expiratoire titrée [17]. Les études récentes comparant le mode Average Volume Assured Pressure Support (AVAPS) au traditionnel mode ST ne montrent aucun apport significatif de la ventilation avec un volume courant cible [18]. En cas de persistance d’une hypoxémie nocturne réfractaire, l’ajout d’une oxygénothérapie sur la VNI serait nécessaire. La mise en place de la ventilation doit faire l’objet d’un monitoring rapproché pour rechercher des fuites (nécessitant un ajustement de l’interface), des asynchronies patient/ ventilateur (pouvant nécessiter des modifications de réglages des trigger inspiratoire, expiratoire, pente et temps inspiratoire), la persistance d’une hypoventilation alvéolaire et/ou des limitations de débit (nécessitant l’adaptation des pressions). Il existe différents outils : • l’oxymétrie nocturne adaptée sur le ventilateur, lisible en même temps que les courbes de fuites/pression/débit de la machine sur des logiciels spécifiques (ex : ResScan®, DirectView®…) : saturation moyenne nocturne, temps passé sous 90 % de saturation, index de désaturation [19] ; • les données machines : fuites, volume courant moyen, index d’apnées-hypopnées, taux de déclenchements inspiratoires du patient qui sont des données fiables chez le patient dans un état stable [20] ; • la capnographie transcutanée (PtcCO2), pour vérifier l’efficacité de la ventilation et l’absence de persistance de phases d’hypoventilation alvéolaire. La valeur absolue ne peut pas être considérée du fait d’un manque de concordance avec la PaCO2 artérielle, mais l’évolution de la PtcCO2 au cours de la nuit reste une information intéressante notamment pour mettre en évidence l’hypoventilation en sommeil paradoxal [21] ; • la polygraphie ventilatoire sous VNI en cas de difficultés non résolues par les outils précédents (voir Fig. 3‑5). Le patient devra être réévalué 1 mois après la mise en route du traitement. Le sevrage tabagique reste bien sûr indiqué et doit être favorisé au moins par un conseil minimal. Les traitements dépresseurs respiratoires doivent être proscrits (benzodiazépines, morphiniques, hypnotiques). Une prise en charge de l’obésité doit également être initiée, consultation avec nutritionniste ou diététicienne. Par ailleurs, la chirurgie bariatrique est une alternative thérapeutique intéressante, la seule qui peut aboutir à une guérison du SOH. En effet, elle permet de diminuer la sévérité des complications métaboliques et respiratoires de l’obésité (le SAHOS ou le SOH), et de diminuer la mortalité toute cause confondue chez les patients super-obèses [22]. Elles montrent une amélioration des volumes mobilisables (CV et VEMS), de la dyspnée, des gaz du sang et de la réponse au CO2 [23]. Cependant, le risque péri-opératoire global est de 0,5 à 1,5 % et est majoré chez les patients présentant un SAHOS, un SOH, un syndrome métabolique, un diabète ou une pathologie cardiaque [24]. % Sp02 100,00 97,50 95,00 92,50 90,00 87,50 85,00 82,50 80,00 23:00 00:00 01:00 02:00 03:00 04:00 05:00 03:00 04:00 05:00 jeudi, 3 octobre 2013 Fuites l/min 40,00 35,00 30,00 25,00 20,00 15,00 10,00 5,00 0,00 23:00 00:00 01:00 02:00 jeudi, 3 octobre 2013 Figure 3. Oxymétrie sur ventilateur avec analyse des tracés (saturation-fuites) : désaturations prolongées contemporaines de fuites au niveau du masque. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 26 08/03/2016 13:21:58 Cas clinique n° 3 : — Le syndrome obésité-hypoventilation : approche diagnostique et thérapeutique 27 Saturation 100 90 80 79 74 60 40 20 1 1:00 4:00 7:00 Figure 4. Capnographie transcutanée montrant une hypoventilation en sommeil paradoxal. % Sp02 100,00 97,50 95,00 92,50 90,00 87,50 85,00 82,50 80,00 00:00 01:00 02:00 03:00 04:00 05:00 samedi, 30 mars 2013 Sp02 % 100,00 97,50 95,00 92,50 90,00 87,50 85,00 82,50 80,00 23:00 00:00 01:00 02:00 03:00 04:00 05:00 06:00 jeudi, 23 mai 2013 Figure 5. Oxymétrie machine chez un même patient sous masque facial (A) et masque nasal (B), sans changement des paramètres de la machine, événements obstructifs favorisés par le masque facial. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 27 08/03/2016 13:21:59 28 Quelles adaptations du traitement pouvez-vous être amené(e) à faire devant une oxymétrie sous VNI avec un masque naso-buccal comme celle‑ci, sans fuites sur les données machine (Fig. 2) ? Si la pression expiratoire est basse, on peut dans un premier temps l’augmenter (ainsi que la pression inspiratoire dans la même mesure pour garder la même aide inspiratoire) afin de mieux contrôler le collapsus des voies aériennes supérieures. Si la pression expiratoire est déjà élevée, il faut essayer dans un premier temps de préférence un masque nasal, éventuellement avec une mentonnière en cas d’ouverture buccale. En effet, le masque naso-buccal entraîne un recul de la mandibule qui peut favoriser des événements obstructifs et nécessiter des pressions thérapeutiques beaucoup plus élevées [25]. Quelle mesure devra être prise avant la reprise du travail chez ce patient ? Avant la reprise du travail, après au moins 1 mois de traitement, vous devrez organiser dans un laboratoire de sommeil adapté des tests de maintien d’éveil afin de vérifier qu’il ne persiste pas de troubles de la vigilance contre-indiquant la conduite automobile. Ils doivent être réalisés quand le patient n’a pas de dette de sommeil sur les dernières nuits, que le traitement est efficace. Les quatre tests de maintien d’éveil de 40 min doivent retrouver une latence moyenne d’endormissement supérieure à 33 min, seuil prédisant une conduite réelle sûre, sans endormissement rapide à l’un des tests. Liens d’intérêts Au cours des 5 dernières années, Pascaline Priou a perçu des financements pour participation à des congrès de la part d’ALISEO, prestataire de services à domicile. Références [1] Weitzenblum E, Chaouat A, Kessler R, Canuet M. overlap syndrome: obstructive sleep apnea in patients with chronic obstructive pulmonary disease. Proc Am Thorac Soc 2008;5:237‑41. [2] Rubinstein I, Zamel N, DuBarry L, Hoffstein V. Airflow limitation in morbidly obese, nonsmoking men. Ann Intern Med 1990;112:828‑32. [3] Mokhlesi B, Tulaimat A, Faibussowitsch I, Wang Y, Evans AT. 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Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 4 F. Lebargy Service des maladies respiratoires et allergiques, CHU Maison-Blanche, 51092 Reims, France Observation clinique Il s’agit d’une femme âgée de 70 ans adressée pour une dyspnée. Elle n’a exercé aucune activité professionnelle. Elle n’a jamais fumé. Elle est mariée et mère de trois enfants. Ses antécédents concernent une hypertension artérielle traitée par furosémide et aténolol, un accident vasculaire hémorragique (il y a 10 ans) ayant laissé comme séquelle une difficulté à la marche, un angor fonctionnel sur coronaires saines. La dyspnée est survenue assez brutalement, sans facteur déclenchant. Selon ses dires, cette dyspnée est récente (moins de 3 mois). Elle survient pour des efforts modérés tels que la marche à sa propre allure ou la réalisation des tâches ménagères (stade III sur une échelle du Medical Research Council [MRC]). Il n’y a pas de dyspnée de repos ni d’orthopnée. Il n’y a pas de symptôme associé : ni toux, ni expectoration, ni sifflement respiratoire. L’examen clinique note un poids de 63 kg pour 160 cm (perte de poids d’environ 7 kg depuis 1 an pour ayant justifié un bilan digestif endoscopique qui s’est révélé normal), une auscultation pulmonaire normale, une pression artérielle à 120/70 mmHg, des bruits du cœur réguliers à une cadence ventriculaire de 70/min, un éclat de B2 au foyer pulmonaire, une cyphoscoliose, des troubles de l’équilibre avec un élargissement du polygone de sustentation et un signe de Romberg. À noter quelques neurofibromes cutanés et deux taches café au lait dans le dos et sur le bras (Fig. 1). L’exploration fonctionnelle respiratoire mesure un volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS) à 1,77 L (99 % préd.), une capacité vitale lente (CVL) à 2,40 L (110 % préd.), un rapport VEMS/CVF (capacité vitale forcée) à 74 %, une CPT à 3,44 L (69 % préd.), un volume résiduel (VR) à 1,20L (70 % préd.), une diffusion libre de CO (DLCO) non réalisable (impossibilité de maintenir l’apnée pendant 10 secondes). La gazométrie artérielle en air ambiant est la suivante : PaO2 : 58 mmHg ; PaCO2 : 28 mmHg, pH : 7,44, HCO3 – : 19 mmol/L, SaO2 : 88 %. Le test de marche est interrompu dès la deuxième minute après un parcours de 59 m en raison d’une dyspnée (6/10 sur l’échelle de Borg) et d’une désaturation (SpO2 à 79 %). La scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion est normale. Un test d’hyperoxie est réalisé : la PaO2 augmente à 495 mmHg permettant de calculer un shunt de 18 %. Le bilan biologique est le suivant : hématies : 5 Tera/L, Hb : Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (F. Lebargy). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 29 08/03/2016 13:21:59 30 F. Lebargy 146 g/L, leucocytes : 8,8 g/L (polynucléaires neutrophiles 57 %), plaquettes : 307 g/L, créatininémie : 74 µg/L, filtration glomérulaire : 49 ml/min (MDRD), transaminases hépatiques normales, bilirubine totale : 20 µmol/L, gamma-glutamyl transférase : 146 UI/L, phosphatases alcalines : 237 UI/L, protéine C-réactive : 4 mg/L, bilan immunologique négatif, sérologie VIH négative. Le scanner thoracique montre les lésions pulmonaires suivantes (Fig. 2). Questions • Comment interpréter les lésions pulmonaires tomodensitométriques ? Quels sont les grands cadres nosologiques de ces lésions ? • Comment peut-on expliquer la discordance entre la relative préservation des paramètres ventilatoires et la sévérité de l’hypoxémie ? Comment expliquer le mode brutal de survenue de cette dyspnée ? • Quel bilan doit-o n réaliser pour confirmer ces hypothèses ? • Quel traitement peut-on envisager ? Figure 1. Photographies du revêtement cutané de l’avant-bras et du dos. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 30 08/03/2016 18:45:48 Cas clinique n° 4 31 Figure 2. Coupes tomodensitométriques. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 31 08/03/2016 13:22:00 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 32-35 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) Disponible en ligne sur édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 4 : une dyspnée chez une patiente atteinte d’une neurofibromatose de type 1 (maladie de Von Recklinghausen) F. Lebargy Service des maladies respiratoires et allergiques, CHU Maison-Blanche, 51092 Reims, France Commentaires Les lésions radiologiques visualisées sur le scanner thoracique correspondent à des formations kystiques et peuvent être différenciées des autres formations aériques grâce à leurs caractères sémiologiques rappelés dans le tableau 1 [1]. Ainsi, la présence de kystes multiples et bilatéraux sur le scanner thoracique répond à la définition d’une maladie kystique pulmonaire diffuse (MKPD) qui regroupe plusieurs entités énumérées dans le tableau 2 [2-3]. Habituellement, le terrain (sexe, tabagisme), le contexte familial (notion de maladie génétique), l’aspect radiologique des kystes (forme, distribution pulmonaire), l’existence de lésions associées (cutanées, rénales…) constituent des aides pour le diagnostic étiologique de la MKPD. L’algorithme diagnostique des MKPD est présenté dans le tableau 3 [2-3]. Dans le cas rapporté, la notion d’une neurofibromatose de type 1 (NF1), connue par la patiente, rendait très probable le diagnostic de MKPD associée à une NF1. La maladie de Von Recklinghausen ou NF1 est une dysplasie ectodermique et mésodermique autosomale dominante, dont l’expression clinique est variable, caractérisée par des lésions cutanées (neurofibromes cutanés, de taches café au lait, hamartomes iriens pigmentés [nodules de Lisch]). D’autres atteintes sont possibles et font la gravité de la maladie : musculo-squelettiques (cyphoscoliose), neurologiques périphériques (neurofibromes plexiformes chalazodermiques) et centrales (gliome du nerf optique, astrocytome, méningiome, neurofibrome) [4]. Les atteintes thoraciques peuvent comporter des neurofibromes intra-thoraciques (intercostaux, médiastinaux, endobronchiques) et des pneumonies interstitielles dont la prévalence au sein des NF1 est discutée mais probablement rare (5,5 %) [5]. Une revue récente de la littérature analysant 64 cas de pneumopathie interstitielle associée à une NF1 révèle que l’âge moyen Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (F. Lebargy). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 32 08/03/2016 13:22:00 Cas clinique n° 4 : — une dyspnée chez une patiente atteinte d’une neurofibromatose de type 1 (maladie de Von Recklinghausen) 33 Tableau 1. Définition des images aériques pulmonaires selon la Fleischner Society [1]. Lésion Définition Kyste Hyperclarté parenchymateuse sphérique à paroi fine (< 2 mm) entourée de poumon sain Cavité (excavation) Espace aérique à l’intérieur d’une condensation pulmonaire, une masse ou un nodule, typiquement à paroi épaisse (> 2 mm) de forme plus irrégulière qu’un kyste Bulle Hyperclarté sphérique localisée, de taille > 1 cm de diamètre entourée d’une paroi fine (< 1 mm), habituellement accompagnée de modifications emphysémateuses du tissu pulmonaire adjacent Bleb Espace aérique kystique, à paroi fine, adjacent à la plèvre viscérale de taille < 1 cm Pneumatocèle Espace aérique approximativement rond, à paroi fine, dans le parenchyme pulmonaire, le plus souvent causé par une infection, un traumatisme ou une inhalation de produits hydrocarbonés (essence…) et habituellement transitoires. Tableau 2. Classification nosologique des MKPD. Classification Description Néoplasiques Lymphangioléiomyomatose sporadique ou associée à une sclérose tubéreuse de Bourneville Histiocytose langerhansienne ou non langerhansienne y compris la maladie de Herdheim Chester Autres néoplasies : cancers primitifs ou métastatiques (sarcomes, adénocarcinomes, blastomes pleuropulmonaires) Génétiques/congénitales Syndrome de Birt Hogg Dubé Syndrome de Protée, neurofibromatose, syndrome d’Elhers-Danlos Malformations congénitales bronchopulmonaires, dysplasies bronchopulmonaires Associées aux syndromes lympho-prolifératifs Pneumonie interstitielle lymphoïde Bronchiolite folliculaire Syndrome de Sjögren Maladie à déposition de chaînes légères Amylose Infectieuses Pneumocystis jirovecii Pneumonie à staphylocoque Papillomatose respiratoire récidivante Infections fongiques endémiques (coccidioïdomycose, paragonimiose) Associées à une PID Pneumonie d’hypersensibilité Pneumonie desquamative Induites par le tabac Histiocytose langerhansienne pulmonaire Pneumopathie interstitielle desquamative Bronchiolite respiratoire Divers Pseudo-kystes post-traumatiques Poumon des cracheurs de feu Syndrome hyper-IgE (Buckley) des patients est de 50 ans, avec une prédominance masculine (sex ratio : 2/1). Ces pneumopathies sont symptomatiques dans 89 % des cas, s’exprimant le plus souvent par une dyspnée (80 % des cas). Le profil fonctionnel est variable (normal : 3 %, obstructif : 43 %, restrictif : 37 %, mixte : 17 %). La diffusion libre de CO (DLCO) est abaissée dans 94 % des cas. Au plan de l’imagerie, les aspects tomodensitométriques RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 33 associent des hyperdensités en verre dépoli (37 % des cas), des réticulations (50 %), des bulles (50 %), des lésions emphysémateuses (25 %) et des kystes (25 %). Les aspects en rayons de miel ne sont pas rapportés mais les études tomodensitométriques de ces atteintes interstitielles sont peu nombreuses (8 cas rapportés dans la littérature). La patiente dont nous signalons l’observation n’avait jamais 08/03/2016 13:22:00 34 F. Lebargy Début aigu, fièvre, frissons… MKPD I. Présentation Clinique II. Analyse TDM III. Diagnostic évoqué IV. Confirmation Envisager une cause infectieuse Chronique/pauci symptomatique Kystes ronds, réguliers, creusés dans un parenchyme pulmonaire sain, avec répartition diffuse Kystes de petite taille, de forme elliptique, adossés à la plèvre et aux vaisseaux, prédominant dans les bases Kystes irréguliers de forme bizarre associés à des nodules et des cavités prédominant dans les lobes supérieurs Kystes ronds de tille variable. Association possible à des HD en verre dépoli, épaississements septaux et nodules, de répartition diffuse LAM BHD HPL PIL/BF/SS MDCL /amylose Recherche AML Recherche STB Dosage VEGF-D BPC? Recherche fibromes cutanés Biopsie cutanée Recherche tumeur rénale Génotypage FLCN Tabagisme Lésions osseuses Biopsie pulmonaire ? Génotypage BRAF Recherche syndrome sec Anti SSA-SSB Auto-immunité/ Dysimmunité Myélome Biopsie pulmonaire Aspect kystiques ne répondant pas à ceux décrits précédemment PID/ trauma Cancers Tabac Tabagisme Exposition Ag Cancer connu LBA Biopsie pulmonaire Tableau 3. Algorithme pour le diagnostic de maladie kystique pulmonaire diffuse (MKPD). fumé et présentait des images kystiques de petite taille à paroi fine, bien différentes des lésions d’emphysème. Il n’existait pas de déficit ventilatoire objectif. La DLCO n’était pas réalisable. Le test de marche révélait une désaturation à l’effort précoce. En définitive, il existait une discordance entre, d’une part, la faible profusion des kystes pulmonaires et les paramètres fonctionnels respiratoires préservés et, d’autre part, l’intensité de la dyspnée, de l’hypoxémie de repos et d’effort. Une dysfonction systolique ou diastolique du ventricule gauche (VG) a donc été éliminée par un examen cardiaque. Une scintigraphie pulmonaire de ventilation/ perfusion a permis d’écarter une maladie thromboembolique. L’échographie cardiaque par voie transœsophagienne a confirmé l’existence d’une hypertension pulmonaire (HTP). Le diamètre de la chambre de chasse du VG est mesuré à 19 mm. L’aorte thoracique ascendante est mesurée à 35 mm au niveau des sinus de Vasalva, l’aorte ascendante à 28 mm. Les cavités cardiaques gauches sont de taille normale. Il n’y a pas de valvulopathie mitrale. Le rapport E/A du flux mitral antérograde est < 1, témoignant d’une anomalie de relaxation, banale à cet âge. L’oreillette et l’auricule gauches sont libres de tout thrombus. La surface de l’auricule gauche est normale. Les cavités droites sont dilatées avec un rapport VD/VG > 1. Le ventricule droit (VD) est hypokinétique avec un tricuspide annular plane systolic excursion (TAPSE) à 14 mm. La pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) sur le flux d’insuffisance pulmonaire (IP) est estimée à 94 mmHg. Il n’y a RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 34 pas de solution de continuité visible en échographie transœsophagienne au niveau du septum interatrial. Cependant on observe à l’épreuve de contraste un passage de contraste de l’atrium droit à l’atrium gauche dès les premiers cycles cardiaques. Les phénomènes sont accentués par les efforts de toux. L’échographie oriente vers une HTP et l’existence d’un foramen ovale dont l’ouverture, à la faveur de l’HTP, pourrait expliquer le caractère brutal de survenue de la dyspnée. Dès lors, il était justifié de recourir à des mesures hémodynamiques par cathétérisme cardiaque droit, confirmant le diagnostic d’HTP (PAP : 82/24/43), de type pré capillaire (pression artérielle pulmonaire d’occlusion [PAPO] : 7 mmHg, DC : 2,7 L/m2, risk assessment and predictor tool [RAPT] : 15 U Wood), non modifiée par le NO [4]. L’aspect cutané est caractéristique d’une NF1, maladie qui était connue de la patiente, deux de ses filles étant porteuses d’une NF1. Après avoir éliminé les hypertensions artérielles pulmonaires dues aux médicaments ou associées aux connectivites (groupe I), les HTP dues aux insuffisances ventriculaires gauches (groupe II) et les HTP postemboliques (groupe IV), nous avons retenu le diagnostic d’HTP associée à la NF1, classée dans le groupe V de la classification clinique des HTP [7‑8]. Il s’agit d’une cause rare d’HTP (8 cas dans le Registre français des HTP) [9]. Une prédominance féminine est possible. L’HTP survient tardivement dans l’évolution de la NF1, l’âge moyen au moment du diagnostic est de 62 ans (53‑68 ans). La dyspnée et les signes cardiaques droits 08/03/2016 13:22:01 Cas clinique n° 4 : — une dyspnée chez une patiente atteinte d’une neurofibromatose de type 1 (maladie de Von Recklinghausen) sont les signes les plus fréquents. Au moment du diagnostic, les valeurs hémodynamiques sont sévèrement perturbées avec une diminution de l’index cardiaque (moyenne 2,3 L/ m2 [1,9‑4,7 L/m2]) et des résistances vasculaires indexées élevées (moyenne 15,1 mmHg/L/min/m2 [4,5‑25,9]). Tous les patients sont en classe III du score de dyspnée de la New York Heart Association (NYHA) avec une altération prononcée du test de marche (distance parcourue moyenne : 180 m). Cinq patients avaient une maladie kystique pulmonaire diffuse associée, souvent peu marquée contrastant avec l’importance de l’élévation des résistances vasculaires pulmonaires. La recherche d’une mutation ponctuelle du gène BMPR2 ou d’un réarrangement de grande taille était négative dans tous les cas. La patiente a bénéficié d’une oxygénothérapie de déambulation et d’un traitement vasodilatateur combiné (ambrisantan/sildénafil). Après deux années de surveillance, la dyspnée s’est améliorée (NYHA II) et le test de marche lui permet de parcourir 120 m. Conclusion Le cas rapporté illustre le caractère multifactoriel de la dyspnée au cours des maladies systémiques. La discordance entre l’altération des volumes pulmonaires et/ou de l’étendue des lésions radiologiques et l’intensité de la dyspnée doit inciter à rechercher une atteinte cardiaque ou vasculaire pulmonaire (maladie thromboembolique, HTP). RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 35 35 Liens d’intérêts L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article. Références [1] Hansell D, Bankier A, MacMahon H, McLoud T, Muller N, Remy J. Fleischner Society. Glossary of terms for thoracic imaging. Radiology 2008;246:697‑22. [2] Gupta N, Vassalo R, Wilkenheiser-Brokamp K, McCormack F. Diffuse cystic lung disease (Part I). Am J Respir Crit Care Med 2015;191:1354‑66. [3] Gupta N, Vassalo R, Wilkenheiser-Brokamp K, McCormack F. Diffuse cystic lung disease (Part II). Am J Respir Crit Care Med 2015;192:17‑29. [4] Hirbe A, Gutmann D. 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Guibert Service de pneumologie-allergologie, hôpital Larrey, 24, chemin de Pouvourville, 31059 Toulouse, France. Observation clinique Motif d’hospitalisation Un homme âgé de 65 ans est hospitalisé pour dyspnée de repos d’installation rapidement progressive sur les 2 derniers mois. Antécédents/facteurs de risques Comme seul antécédent notable, on relève un tabagisme à 50 paquets-année non sevré. Examen physique Le performans status est évalué à 2, le poids est à 55 kg pour un poids de forme à 63 kg, soit une perte de 8 kg en 2 mois. La dyspnée est de grade IV de la New York Heart Association (NYHA), il décrit une toux invalidante, une difficulté de drainage d’expectorations purulentes, parfois hémoptoïques. Il n’y a pas de signes de détresse respiratoire aiguë, la saturation en O2 est à 88 % en air ambiant, 93 % sous 2 L/min d’oxygène. Examens complémentaires Le bilan biologique met en évidence un syndrome inflammatoire marqué (protéine C-réactive : 197 mg/L, polynucléaires neutrophiles : 14,5 g/L) sans autre anomalie majeure. La gazométrie en air ambiant révèle une hypoxémie isolée à 56 mmHg. La radiographie thoracique montre une atélectasie droite. Le scanner thoracique avec injection de produit Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (N. Guibert). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 36 08/03/2016 13:22:01 Cas clinique n° 5 de contraste va révéler une obstruction non critique (50 %) du tiers inférieur de la trachée et complète de la bronche principale droite par une volumineuse tumeur provenant du lobe supérieur droit, responsable d’une atélectasie complète du poumon droit. L’artère pulmonaire est perméable. Les images du scanner thoracique sont représentées sur la figure 1. Quel(s) examen(s) vont permettre de guider votre attitude thérapeutique initiale ? Justifiez ? Dans le cas présenté ici, le scanner n’a pas permis d’analyser le lit d’aval, ni le parenchyme sous-jacent du fait de l’atélectasie complète. L’artère pulmonaire était perméable. En bronchoscopie souple, vous observez un envahissement du 1/3 inférieur de la trachée, responsable d’une sténose purement intrinsèque (50 %) et d’une obstruction complète d’origine mixte, principalement extrinsèque de la bronche principale droite. Vous franchissez avec un bronchoscope fin la sténose, autorisant le drainage d’abondantes sécrétions purulentes et confirmant la présence d’un lit d’aval viable. Les biopsies réalisées (compliquées d’une hémorragie rapidement contrôlée après instillation de xylocaïne adrénalinée) sont en faveur d’un carcinome malpighien. Vous complétez le bilan d’extension de la maladie et ne mettez en évidence aucune autre anomalie que la masse hilaire et des adénopathies multiples dans les loges 11R, 10R, 7 et 4R, classant la maladie stade IIIB. 37 Questions • Quel(s) examen(s) vont permettre de guider votre attitude thérapeutique initiale ? Justifiez ? • Quelle est alors votre prise en charge initiale ? Justifiez. • Quelles sont les modalités du geste et les différentes techniques disponibles pour lever cette obstruction ? Justifiez vos choix. • Quelle aurait été votre attitude si ce patient était actuellement en échec d’une seconde ligne de chimiothérapie par docétaxel, mais en bon état général (PS 1) jusqu’à la semaine précédente, et avait été adressé en détresse respiratoire aiguë avec critères d’intubation ? Justifiez. • Quelle aurait été votre attitude si le patient s’était présenté pour des crachats hémoptoïques minimes et une dyspnée pour les efforts soutenus sans autre symptomatologie respiratoire et que le scanner révélait une obstruction estimée à 50 % de la bronche principale droite, sans atélectasie ? Justifiez. • Quelle aurait votre attitude chez un patient PS 4, traité pour un adénocarcinome métastatique au cerveau (responsable d’une hémiplégie droite), actuellement responsable d’une atélectasie droite avec envahissement de l’artère pulmonaire ? Figure 1. Scanner thoracique injecté mettant en évidence une obstruction de la basse trachée et de la bronche principale droite responsable d’une atélectasie droite. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 37 08/03/2016 13:22:01 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 38-44 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) Disponible en ligne sur édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 5 : Bronchoscopie interventionnelle pour la prise en charge d’une sténose maligne proximale symptomatique : Pour quels patients ? Quelles alternatives ? N. Guibert Service de pneumologie-allergologie, hôpital Larrey, 24, chemin de Pouvourville, 31059 Toulouse, France Commentaires Quel(s) examen(s) vont permettre de guider votre attitude thérapeutique initiale ? Justifiez. Les examens indispensables pour la prise en charge adaptée d’une obstruction maligne proximale sont le scanner thoracique injecté et la bronchoscopie souple. La bronchoscopie souple est l’examen clé. Elle permet de préciser le mécanisme de la sténose (obstruction intra-luminale, extrinsèque, mixte), sa localisation et son extension. Seules les obstructions des voies aériennes proximales (trachée/bronches principales/tronc intermédiaire) bénéficient d’une prise en charge interventionnelle. La prise en charge des atteintes lobaires ou plus distales n’a d’intérêt que pour le contrôle d’une hémoptysie ou le drainage d’une pneumopathie rétentionnelle, le bénéfice sur la dyspnée étant alors peu probable. Enfin, l’élément fondamental est de vérifier la viabilité du lit d’aval, condition indispensable à la réussite du geste. Dans le cas des obstructions critiques, l’utilisation d’endoscopes ultrafins peut être intéressante [1]. Enfin, la mini-sonde d’échographie radiaire [2] peut également être utile pour l’analyse des rapports vasculaires et la recherche de zones de destruction cartilagineuse à couvrir en priorité par stent [3]. Enfin, les prélèvements histologiques vont évidemment constituer un des arguments pour poser l’indication d’un geste interventionnel. En l’absence de signes de détresse respiratoire ou de sepsis Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (N. Guibert). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 38 08/03/2016 13:22:02 Cas clinique n° 5 : — Bronchoscopie interventionnelle pour la prise en charge d’une sténose maligne proximale symptomatique mal contrôlé, celui-ci peut être évité en présence d’une histologie très chimio-sensible, notamment de carcinome neuro-endocrine à petites cellules [4]. Le scanner injecté permet quant à lui surtout d’analyser les rapports vasculaires et la perméabilité de l’artère pulmonaire. Les reconstructions 3D peuvent aider à définir les caractéristiques de la sténose, la perméabilité de l’arbre bronchique, et à choisir le modèle et les dimensions d’un éventuel stent [5,6]. L’analyse du parenchyme est également essentielle. En effet, là aussi, il n’est intéressant de lever une obstruction maligne qu’en cas de parenchyme sous-jacent sain (emphysème sévère, lymphangite, atteinte métastatique en lâcher de ballons). Dans le cas présenté ici, le scanner n’a pas permis d’analyser le lit d’aval, ni le parenchyme sous-jacent du fait de l’atélectasie complète. L’artère pulmonaire était perméable. En bronchoscopie souple, vous observez un envahissement du 1/3 inférieur de la trachée, responsable d’une sténose purement intrinsèque (50 %) et d’une obstruction complète d’origine mixte, principalement extrinsèque de la bronche principale droite. Vous franchissez avec un bronchoscope fin la sténose, autorisant le drainage d’abondantes sécrétions purulentes et confirmant la présence d’un lit d’aval viable. Les biopsies réalisées (compliquées d’une hémorragie rapidement contrôlée après instillation de xylocaïne adrénalinée) sont en faveur d’un carcinome malpighien. Vous complétez le bilan d’extension de la maladie et ne mettez en évidence aucune autre anomalie que la masse hilaire et des adénopathies multiples dans les loges 11R, 10R, 7 et 4R, classant la maladie stade IIIB. Quelle est alors votre prise en charge initiale ? Justifiez. Chez ce patient, la première étape du traitement relève d’une désobstruction par bronchoscopie interventionnelle. Le geste apparaît parfaitement justifié pour plusieurs raisons. Le patient est symptomatique à la fois sous la forme d’une dyspnée significative, de crachats hémoptoïques et par la présence d’une pneumopathie postobstructive qui retarderait la mise en route du traitement et expose au risque de sepsis sévère, potentialisé par les éventuels épisodes d’aplasie chimio-induit. L’efficacité des traitements sera ici incertaine et, quoi qu’il arrive, retardée. Cette histologie est peu chimio-sensible et la radiothérapie ne lève une atélectasie que dans 25 à 50 % des cas ; de manière tardive (délai médian de 24 jours) [7,8]. La bronchoscopie interventionnelle offre une levée immédiate de l’obstruction, à l’origine d’une amélioration radiologique rapide (24 à 72 heures, selon l’ancienneté de l’obstruction). L’évaluation de la sténose est en faveur d’une réussite du geste. L’atteinte est proximale, le lit d’aval et l’artère pulmonaire, perméables. Les caractéristiques du patient et de sa maladie sont également favorables. Le carcinome épidermoïde localement avancé apparaît le meilleur candidat pour ce geste du fait de sa présentation (bourgeon endo-luminal de croissance lente, lit d’aval plus volontiers perméable) [9]. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 39 39 Enfin, la désobstruction permet parfois de modifier l’attitude thérapeutique ultérieure. La chirurgie est parfois plus conservatrice que prévue après debulking premier bronchoscopique [10,11]. Dans ce cas, la chirurgie était a priori contre-indiquée par l’atteinte trachéale et ganglionnaire N2 multi-site. Il existe également un rôle complémentaire de la bronchoscopie de désobstruction et de la radiothérapie. Le stade Tumor, Nodes, Metastasis (TNM) doit être réévalué après le geste. La tumeur est plus facile à délimiter après levée de l’atélectasie, et sa position dépend des variations anatomiques (déviation médiastinale) liées à la rétraction parenchymateuse [12,13]. Sa taille et donc les champs d’irradiation sont parfois modifiés et revus à la baisse après debulking. Le drainage de pneumopathie obstructive doit également faire reconsidérer les atteintes ganglionnaires médiastinales potentiellement infectieuses et faussement retenues pathologiques au bilan initial. Il est évidemment indispensable avant toute prise de décision de corriger les éventuelles causes surajoutées de dyspnée, fréquentes dans ce contexte (correction d’une anémie, traitement d’une insuffisance cardiaque, d’une embolie pulmonaire). Quelles sont les modalités du geste et les différentes techniques disponibles pour lever l’obstruction bronchique ? Justifiez vos choix. Le geste doit être ici réalisé sous bronchoscopie rigide. Cet abord est indispensable en cas d’obstruction critique avec atteinte trachéale. Il offre un meilleur contrôle des voies aériennes, la possibilité de retirer rapidement de larges pièces tumorales, un meilleur contrôle d’éventuelles complications hémorragiques ou obstructives. Cette tumeur est hémorragique, n’autorisant pas un debulking mécanique d’emblée. Une technique thermique doit être utilisée dans un premier temps, à visée hémostatique, et constituera le premier temps de la désobstruction [4,14]. Le laser permet une désobstruction immédiate et prolongée mais expose au risque de perforation si celui-ci n’est pas appliqué de manière tangentielle par rapport à l’axe de la voie aérienne traitée [15,16]. La thermo-coagulation représente une alternative moins coûteuse dont l’efficacité est équivalente [4,14]. La cryothérapie ou encore la photothérapie dynamique ne sont pas adaptées aux situations d’obstruction critique du fait de leur efficacité retardée. Après coagulation, les pinces rigides ou le biseau du trachéoscope ou de tubes rigides de diamètres adaptés permettent la désobstruction rapide de toute la composante intra-luminale. Enfin, du fait d’une compression extrinsèque significative de la bronche principale droite, la mise en place d’une prothèse est, quoi qu’il arrive, indiquée. Hors sténose très nécrotique ou grande distorsion, les prothèses siliconées doivent être utilisées en première intention car faciles à mettre en place et à retirer, bien tolérées et entraînant moins de réaction granulomateuse que les prothèses métalliques [17,18]. En revanche, le choix entre une prothèse droite de la bronche principale droite 08/03/2016 13:22:02 40 N. Guibert pour lever la compression extrinsèque ou d’une prothèse en Y afin de couvrir l’ensemble des lésions peut être discuté. L’essai randomisé multicentrique français SPOC a montré que la mise en place d’un stent retarde la récurrence locale après désobstruction des tumeurs intra-luminales [19]. Les traitements préalablement reçus et la probabilité de leur réussite à venir sont d’autres éléments entrant en compte dans cette discussion. Ici, le patient a bénéficié de la mise en place d’une prothèse en Y recoupée afin de couvrir l’ensemble des lésions ; après laser et désobstruction mécanique. Le caractère peu chimio-sensible de l’histologie a également été considéré dans cette prise de décision. L’ensemble des techniques disponibles pour la prise en charge bronchoscopique des obstructions malignes proximales est détaillé dans le tableau 1. Quelle aurait été votre attitude si ce patient était actuellement en échec d’une seconde ligne de chimiothérapie, mais en bon état général (PS 1) jusqu’à la semaine précédente, et avait été adressé en détresse respiratoire aiguë avec critères d’intubation ? Justifiez. Il est bien établi que les patients présentant une détresse respiratoire aiguë compliquant une obstruction maligne des voies aériennes doivent être intubés ; la bronchoscopie interventionnelle permettant dans la grande majorité des cas une extubation précoce (75 à 90 % dans les 24 heures suivant le geste) [20‑24]. Il est probable que le patient puisse ici récupérer rapidement une qualité de vie satisfaisante après lever de l’obstruction et ce geste apparaît donc justifié quelles que soient les options thérapeutiques. Quelle aurait été votre attitude si le patient s’était présenté pour des crachats hémoptoïques minimes et une dyspnée pour les efforts soutenus sans autre symptomatologie respiratoire et que le scanner révélait une obstruction estimée à 50 % de la bronche principale droite, sans atélectasie ? Justifiez. Dans ce cas de figure, la sténose des voies aériennes est peu significative (< 60 %) et surtout peu symptomatique (dyspnée stade II NYHA, pas de troubles ventilatoires ou de complications infectieuses obstructives). Le geste n’apparaît donc pas indiqué en premier lieu, puisque l’on peut espérer des traitements spécifiques (chimiothérapie et radiothérapie) de contrôler l’évolution locale de la maladie. Le raisonnement ne serait pas le même après échec d’une ou plusieurs lignes de traitement dans la mesure où la probabilité de réponse objective aux traitements de deuxième et troisième lignes est plus qu’incertaine. Le geste peut alors être proposé d’emblée RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 40 Figure 1. Scanner thoracique injecté mettant en évidence une obstruction de la basse trachée et de la bronche principale droite responsable d’une atélectasie droite. pour prévenir les complications liées à l’évolution locale de la maladie. Un arbre décisionnel est proposé dans la figure 2. Quelle aurait été votre attitude chez un patient PS 4, traité pour un adénocarcinome métastatique au cerveau (responsable d’une hémiplégie droite), actuellement responsable d’une atélectasie droite avec envahissement de l’artère pulmonaire ? Le geste de bronchoscopie de désobstruction présente la particularité d’être à la fois invasif et palliatif, rendant la sélection des patients « candidats » délicate. Quelques facteurs pronostiques indépendants simples peuvent aider à guider les indications préférentielles [9]. L’état général (médiane de survie : 2,9 mois pour un patient ASA 4 vs 13 mois pour un score ASA 2), l’histologie (médiane : 6,3 mois pour les carcinomes épidermoïdes vs 3,7 et 3,2 mois pour les adénocarcinomes et les carcinomes à petites cellules, respectivement) ou encore le stade de la maladie (3 mois pour une maladie métastatique vs 9,2 mois pour un stade IIIA) sont autant d’éléments à prendre en compte même si les indications doivent être discutées au cas par cas. Ici, un certain nombre d’éléments liés aux caractéristiques de la sténose ou au patient rendent ce geste invasif parfaitement inutile. L’atteinte de l’artère pulmonaire rend le geste inutile, voire expose au risque d’aggravation de la dyspnée par majoration de l’effet espace mort lors de la levée de l’atélectasie. L’objectif du geste est l’amélioration de la qualité de vie, démontrée par une étude récente portant sur un large effectif (n = 947) qui relève une amélioration significative de la qualité de vie mesurée par le questionnaire SF-6D [25]. Pour autant, il faut au préalable s’assurer que l’altération de la qualité de vie est liée à l’obstruction des voies aériennes. Dans ce dernier cas de figure, l’état général 08/03/2016 13:22:02 Générale Générale +++ ou locale selon opérateur, degré d’obtruction et durée estimée de la procédure Générale +++ ou locale selon opérateur, degré d’obtruction et durée estimée de la procédure Générale Générale +++ ou locale Générale +++ ou locale selon opérateur, degré d’obtruction et durée estimée de la procédure Générale +++ ou locale selon opérateur, degré d’obtruction et durée estimée de la procédure DEBULKING MÉCANIQUE LASER ÉLECTRO COAGULATION ARGON PLASMA COAGULATION STENT SILICONE STENT MÉTALLIQUE CRYOTHÉRAPIE PHOTOTHÉRAPIE DYNAMIQUE Anesthésie RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 41 Compressions extrinsèques ou mixtes Obstructions proximales critiques, intra-luminales ou mixtes Obstructions proximales critiques, intra-luminales ou mixtes Lésions très proximales, peu hémorragiques et purement intraluminales Indication Activation d’une substance photo-sensibilisante par une source lumière Réaction photo-toxique, mort cellulaire • D ilatation d’un cryogène • C ycles de congélation rapide et de décongélation lente • D éshydration et cristallisation cellulaire, microthrombi Obstructions malignes exophytiques non critiques Obstructions malignes exophytiques non critiques (sauf cryo-extraction) En deuxième intention sauf • Auto-expansive • Placée à l’aide d’un fil lésions très nécrotiques ou guide sous contrôle radio ou grande distorsion bronchoscopique • Bronchoscopie souple ou rigide • Larguée au travers d’un pousse prothèse inséré par le tube rigide • Ajustement à la pince Courant électrique à haute fréquence +/- Argon comme vecteur (APC) ourtes pulsations dans • C l’axe bronchique à 30 à 50 W • Sonde souple ou rigide Résection au biseau des tubes rigides et à la pince Principe • AG et bronchoscopie rigide systématique • Altération de la clairance ciliaire • Risque (rare sauf compression extrinsèque pure) de migration Risque de sténose cicatricielle si traitement circonférentiel • Coût • Risque de perforation et fistule bronchovasculaire Complications sévère 20 % (hemorragiques, perforation) Inconvénients • Bon contrôle symptomatique (hémoptysie) • Efficacité prolongée • Faible coût • Facile • Pas de perforation • Efficacité prolongée • Synergie d’action avec la chimiothérapie et la radiothérapie • Effet retardé • Rétention de matériel tumoral • Bronchoscopie de nettoyage • Photo-toxicité • Technique contraignate • Complications hémorragiques • Effet retardé (sauf cryo-extraction et spray cryotherapy) • Rétention de matériel tumoral • Nécessité d’une seconde bronchoscopie de nettoyage • Mise en place facile • Complications fréquentes • Possible en souple (à éviter • ( granulomes, perforation, rupture) hors urgence vitale et absence • Difficiles à retirer d’accès au rigide) • Respect de la clairance • Bonne tolérance • Peu de réactions granulomateuses et ischémiques locales • Faciles à retirer • Efficacité immédiate • Coût • Peu de complications si opérateur entrainé • APC : traitement des lésions étendues et hémorragiques • Désobstruction rapide, immédiate et prolongée • Peu de complications si opérateur entraîné • Rapidité • Coût Avantages Tableau 1. Techniques disponibles pour la prise en charge d’une obstruction maligne des voies aériennes proximales. Cas clinique n° 5 : — Bronchoscopie interventionnelle pour la prise en charge d’une sténose maligne proximale symptomatique 41 08/03/2016 13:22:02 42 N. Guibert OBSTRUTION DES VOIES AÉRIENNES PROXIMALES Détresse respiratoire aiguë OUI - Viabilité du lit daval et du parenchyme Perméabilité de l’artére pulmonaire Tumeur peu/pas chimio-sensible OUI BRONCHOSCOPIE INTERVENTIONNELLE NON CAO > 70% et/ou symptomatique BRONCHOSCOPIE INTERVENTIONNELLE NON Chimiothérapie +/− Radiothérapie Bilan d’operabilité et de resecabilité Chimiothérapie +/− Radiothérapie Chirurgie CAO > 70% et/ou peu/ pas symptomatique Bilan d’operabilité et de resecabilité Chimiothérapie +/− Radiothérapie Chirurgie Figure 2. Arbre décisionnel pour la prise en charge d’une obstruction maligne proximale des voies aériennes. et l’atteinte neurologique dominent le tableau clinique et rendent le pronostic sombre à court terme. Il apparaît donc peu licite de proposer un geste invasif, et une optimisation des soins de support semble plus pertinente ici. Ces derniers, reposant notamment sur une prise en charge optimale de la dyspnée et de la douleur, un soutien nutritionnel mais aussi psychosocial, ont démontré leur efficacité sur la qualité de vie [26]. Quoi qu’il en soit, les soins de support ne doivent pas constituer une alternative au geste mais doivent être proposés à l’ensemble des patients au vu de leur complémentarité avec les traitements spécifiques [26]. L’objectif dans le contexte de l’obstruction proximale est l’amélioration de la sensation subjective de dyspnée plus que des paramètres fonctionnels ou de l’hématose. La dyspnée est dite « chronique » lorsqu’elle a été ressentie de manière quotidienne sur une durée totale de 3 mois sur les 6 derniers mois ; « réfractaire » en l’absence de thérapeutique susceptible de traiter l’étiologie sous-jacente (échec d’un talcage pleural ou d’une bronchoscopie interventionnelle, par exemple, dans ce contexte). La morphine par voie systémique constitue la thérapeutique la plus étudiée. Son utilisation en oncologie thoracique a été extrapolée à partir des données issues d’études ayant évalué la morphine orale à faible dose (10 à 20 mg/j) chez les patients souffrant d’une dyspnée réfractaire compliquant l’évolution d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Celles-ci ont montré sur de petits effectifs (randomisés vs placebo) une amélioration significative de la RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 42 dyspnée. On n’observe pas à ces doses de risque accru de détresse respiratoire aiguë ou de confusion [27‑29]. La morphine nébulisée est parfois utilisée dans la dyspnée réfractaire en oncologie. Cette voie d’administration découle de la présence de récepteurs opioïdes dans les voies aériennes. L’efficacité des inhalations de morphine n’a pas été prouvée mais les résultats inconstants sont possiblement liés aux différentes méthodes de nébulisation [29]. Une délivrance au niveau alvéolaire serait à l’origine d’une efficacité renforcée [30]. Le furosémide nébulisé est une alternative qui n’a pas été évaluée dans le contexte du cancer du poumon mais qui a donné des résultats encourageants sur des petites cohortes de patients BPCO même si le mécanisme d’action reste mal élucidé [31,32]. Si les benzodiazépines sont largement utilisées pour le traitement symptomatique de la dyspnée réfractaire en oncologie thoracique, les preuves de leur efficacité manquent. Une méta-analyse des essais randomisés ayant évalué leur intérêt (BPCO et cancers avancés ; 7 études, 200 patients) ne rapporte pas d’amélioration significative de la dyspnée [33]. Leur utilisation doit probablement être réservée au traitement de deuxième ou troisième intentions après échec des morphiniques et des mesures non pharmacologiques dans la dyspnée chronique et évidemment à la prise en charge de la dyspnée aiguë en fin de vie. Enfin, il existe des mesures non pharmacologiques afin de lutter contre la dyspnée réfractaire d’origine néoplasique. Le patient doit être formé aux techniques de respiration qui 08/03/2016 13:22:02 Cas clinique n° 5 : — Bronchoscopie interventionnelle pour la prise en charge d’une sténose maligne proximale symptomatique limitent la sensation subjective de dyspnée et l’angoisse qui en découle. Il s’agit de la respiration abdominale et de la respiration à lèvres pincées ou l’expiration lente, et la limitation de la mise en jeu des muscles respiratoires accessoires doit permettre de retarder l’épuisement respiratoire. La ventilation non invasive est habituellement considérée trop invasive dans le contexte de la dyspnée chronique liée à l’évolution d’un cancer du poumon. Une étude randomisée a montré une efficacité supérieure sur le contrôle de la dyspnée en comparaison à l’oxygène seul [34]. Cependant, celle-ci est associée à l’apparition d’autres symptômes invalidants comme l’inconfort lié au masque ou l’angoisse qu’elle génère et ne semble pas adaptée à la fin de vie. En conclusion, la sélection des patients pour la prise en charge bronchoscopique d’une obstruction des voies aériennes centrales est délicate. Si l’évaluation préalable des caractéristiques de la sténose par l’imagerie et l’endoscopie pour prédire une réussite du geste est simple, c’est la sélection du patient qui apparaît difficile. Aucune donnée fiable de la littérature ne permet de définir le patient qui tirera un grand bénéfice du geste. L’indication dépend évidemment du retentissement clinique de l’obstruction, doit être discutée au cas par cas, guidée par un certain nombre de facteurs pronostiques simples (état général, histologie et stade de la maladie, projet thérapeutique global) et doit s’intégrer dans une prise en charge multimodale de la maladie. Les traitements de la dyspnée réfractaire des patients pour lesquels le geste n’apparaît pas utile reposent principalement sur la morphine par voie orale ou nébulisée, sur l’apprentissage de techniques non médicamenteuses et sur les benzodiazépines en deuxième intention ou en fin de vie. Liens d’intérêts L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article. 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Lancet Oncol 2013;14:219‑27. 08/03/2016 13:22:02 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 45-48 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 6 H. Nunes Service de pneumologie, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Avicenne, université Paris 13, Sorbonne-Paris Cité, EA2363 « Réponses cellulaires et fonctionnelles à l’hypoxie », Bobigny, France Observation clinique Motif de consultation Un homme âgé de 78 ans est adressé en mars 2009 à la consultation de pneumologie pour une dyspnée et la découverte d’anomalies radiologiques. Antécédents et mode de vie Ce patient a comme antécédents notables un pneumothorax droit traité par repos seul à l’âge de 25 ans et un reflux gastro-œsophagien. Son seul traitement est de l’alginate de sodium (Gaviscon®). Le patient est retraité, ancien agent comptable sans exposition professionnelle ou environnementale. Il est ancien fumeur à 50 paquets-année. Histoire de la maladie Il se plaint d’une dyspnée d’effort d’aggravation progressive depuis 4 ans, associée à une toux sèche. Le médecin traitant demande une radiographie puis une tomodensitométrie thoracique en haute résolution (TDM-HR) (Fig. 1) et l’adresse ensuite en consultation. Le patient est actuellement essoufflé lorsqu’il marche en côte ou à la montée d’un étage (classe fonctionnelle New York Heart Association 3 [NYHA]). Il n’a pas de signes orientant vers une connectivite, notamment douleurs articulaires. À l’interrogatoire, on retrouve une bronchopathie sonore, pas de somnolence diurne nette. Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (H. Nunes). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 45 08/03/2016 13:22:03 46 H. Nunes Figure 1. Tomodensitométrie thoracique en haute résolution montrant un aspect de syndrome fibrose-emphysème combinant un aspect de pneumopathie interstitielle commune (réticulations, bronchectasies par traction et rayon de miel à prédominance basale et périphérique), et un emphysème des sommets. Dans certaines zones, il est difficile de distinguer un rayon de miel confluant macrokystique et un emphysème para-septal. Examen clinique Examens complémentaires Le patient se dit fatigué mais son état général est conservé, le poids est à 96 kg pour une taille de 1,78 m. La tension artérielle est à 150/80 mmHg, le pouls à 75/min, la SpO2 en air ambiant à 95 %. Il existe un hippocratisme digital. À l’auscultation, on note des crépitants velcros des deux bases et une diminution du murmure vésiculaire des sommets. Le score de l’échelle de somnolence d’Epworth est calculé à 3. Le bilan auto-immun est négatif (facteur rhumatoïde, facteur antinucléaire [FAN], anticorps antigènes nucléaires solubles [AC anti-ECT], AC anti-peptides cycliques citrullinés [anti- CCP] et anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles [ANCA]) et le dosage d’alpha-1 antitrypsine, normal. Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) et le test de marche des 6 minutes (TM6’) en air ambiant sont dans le RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 46 08/03/2016 13:22:03 Cas clinique n° 6 47 tableau 1. Les gaz du sang en air ambiant sont les suivants : pH = 7,43, PaO2 = 77 mmHg, PaCO2 = 34 mmHg, bicarbonates = 22,5 mmol/L. L’électrocardiogramme (ECG) montre un bloc de branche droit incomplet isolé. L’échographie cardiaque transthoracique montre un ventricule gauche (VG) de taille normale sans anomalie de la cinétique segmentaire, une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) conservée à 59 %, un rapport E/A normal ; la vitesse de régurgitation tricuspidienne permet d’estimer la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) à 30 mmHg. Questions • Quel est votre diagnostic et dans quel syndrome celuici s’intègre-t-il ? Quelles sont les particularités cliniques et fonctionnelles de ce syndrome ? • Quelles autres comorbidités pourraient participer à la dyspnée de ce patient ? • • Devant cette aggravation de la dyspnée, comment confirmez-vous une progression de la FPI ? • Cet événement coronarien est-il étonnant chez ce patient et quel élément paraclinique simple aurait pu aider à le prédire ? • Sur quels éléments paracliniques suspectez-vous l’apparition d’une hypertension pulmonaire (HTP) ? Réalisezvous un cathétérisme cardiaque droit pour la confirmer ? • Quel bilan étiologique de cette dyspnée aiguë préconisez-vous ? La polysomnographie confirme l’existence d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), avec un index d’apnée hypopnée (IAH) à 35/h, désaturant. En l’absence d’agent antifibrosant disponible à l’époque de la prise en charge, seul un traitement antireflux par oméprazole (Mopral®) est prescrit ainsi qu’une réhabilitation respiratoire. Une pression positive continue (PPC) est débutée mais elle est mal tolérée si bien que le patient l’arrête rapidement de son propre chef. Le patient est revu régulièrement. Il se plaint d’une majoration lente et isolée de son essoufflement. Les résultats des EFR à 6 et 12 mois figurent dans le tableau 1. Devant cette aggravation de la dyspnée, comment confirmez-vous une progression de la FPI ? La progression de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est confirmée (Tableau 1). Une oxygénothérapie de déambulation à 2 L/min est instituée. En septembre 2010, le patient accepte de participer à un essai thérapeutique de phase 3 évaluant le nintédanib en double aveugle vs placebo, ce qui permet de le stabiliser. En août 2011, lors d’une visite de suivi programmée, le patient se plaint d’une majoration franche de son essoufflement depuis 2 mois. L’ECG est modifié, avec l’apparition de signes de nécrose antérieure. La troponine est négative. En reprenant l’interrogatoire, le patient signale qu’il a eu en mi-juin 2011 une douleur angineuse typique qui a duré 2 heures. Le patient est vu par un cardiologue qui confirme l’infarctus antérieur du myocarde. À l’échographie cardiaque transthoracique, la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) est diminuée à 45 %, avec une hypokinésie apicale et antéro-apicale, et une pression artérielle pulmonaire Tableau 1. Évolution des explorations fonctionnelles respiratoires et du TM6’. Explorations fonctionnelles respiratoires VEMS, ml (% valeur théorique) CVF, ml (% valeur théorique) VEMS/CVF, % (% valeur théorique) CPT, ml (% valeur théorique) VR, ml (% valeur théorique) DLCO (% valeur théorique) KCO (% valeur théorique) TM6’ Débit O2 Distance parcourue, m SpO2 avant test, % SpO2 minimale, % Borg avant test Borg après test Mars 2009 Septembre 2009 Mars 010 Mars 2012 2 810 (83) 3 630 (81) 76,9 (101) 5 720 (80) 2 070 (76) 40 72 2 720 (80) 3 550 (80) 75,7 (100) 5 630 (79) 2 040 (75) 39 65 2 360 (71) 2 640 (60) 82,1 (108) – – 22 44 2 410 (73) 2 810 (64) 80,4 (106) – – 18 35 AA 435 94 88 0 5 AA 410 94 87 2 6 AA 380 92 83 3 8 – – – – – – Abréviations : VEMS : volume expiré maximal en une seconde, CVF : capacité vitale forcée, CPT : capacité pulmonaire totale, VR : volume résiduel, DLCO : capacité de diffusion du monoxyde de carbone, KCO : capacité de diffusion du monoxyde de carbone rapporté au volume alvéolaire. AA : air ambiant. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 47 08/03/2016 18:52:07 48 systolique (PAPs) à 40 mmHg. La scintigraphie myocardique montre une image d’hypofixation apicale constante au repos et à l’effort avec dilatation marquée de la cavité VG et hypokinésie diffuse sans aspect d’ischémie d’effort. La coronarographie retrouve des lésions bitronculaires (sténose non significative de l’interventriculaire antérieure, et sténose significative de la première diagonale et de l’artère interventriculaire postérieure), sans indication à une revascularisation. Cet événement coronarien est-il étonnant chez ce patient et quel élément paraclinique simple aurait pu aider à le prédire ? Un traitement associant clopidogrel-acide acétylsalicylique (Duoplavin ®), périndopril (Coversyl®), ivabradine (Procoralan®), atorvastatine (Tahor®) est mis en place. L’essai thérapeutique est arrêté. La dyspnée s’aggrave progressivement, au moindre effort (classe fonctionnelle NYHA 4), avec l’apparition d’œdèmes des membres inférieurs et une orthopnée à un oreiller. Les besoins en oxygène augmentent, avec la nécessité d’une oxygénothérapie de repos à 1 L/min et un débit jusqu’à 5 L/ min à l’effort. Une nouvelle échographie cardiaque transthoracique en mars 2012 montre une FEVG à 55 %, des pressions de remplissage normales, une dilatation des cavités droites et une PAPs estimée à 49 mmHg sur la vitesse de régurgitation tricuspidienne. L’angio-TDM thoracique ne montre pas d’embolie pulmonaire (EP) et une progression des lésions de fibrose et d’emphysème. L’EFR est rapportée au tableau 1. Les gaz du sang en air ambiant sont les suivants : pH : 7,41, PaO2 : 65 mmHg, PaCO2 : 42 mmHg, bicarbonates : 27 mmol/L. Le Brain Natriuretic Peptide (BNP) est à 500 pg/ml. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 48 H. Nunes Sur quels éléments paracliniques suspectez-vous l’apparition d’une hypertension pulmonaire (HTP) ? Réalisez-vous un cathétérisme cardiaque droit pour la confirmer ? Il est décidé de ne pas réaliser de cathétérisme cardiaque droit et le patient reçoit un traitement par furosémide (Lasilix®). En décembre 2012, il vient aux urgences en raison d’une détérioration respiratoire. Il y a un mois, après un contage avec son petit-fils de 3 ans, il a fait un épisode d’allure virale, avec de la fièvre à 39°C, des frissons, des myalgies et une rhinorrhée claire. Il a vu son médecin traitant qui a prescrit un traitement symptomatique qui a permis de l’améliorer transitoirement. Depuis 1 semaine, son essoufflement s’est aggravé rapidement avec une douleur basi-thoracique droite, une toux et des expectorations claires. À l’examen, la tension artérielle est à 120/70 mmHg, le pouls à 115/min, la fréquence respiratoire à 30/min, la SpO2 sous O2 à 1 L/min à 85 %. Il existe un tirage et une cyanose. L’auscultation pulmonaire est inchangée. Les mollets sont souples et indolores et on note une turgescence jugulaire et un reflux hépato-jugulaire sans œdèmes des membres inférieurs. Les gaz du sang sous O2 à 1 L/min sont les suivants : pH : 7,43, PaO2 : 47 mmHg, PaCO2 : 33 mmHg, bicarbonates : 27 mmol/L. Le bilan biologique montre une protéine C-réactive à 120 mg/L, une procalcitonine à 0,1 ng/mL, des D-dimères à 800 ng/ml et un brain natriuretic peptide à 1 080 pg/ml. Une antibiothérapie par Rocéphine® et Rovamycine® est instituée d’emblée, associée à une majoration des diurétiques et une oxygénothérapie à haut débit au masque à haute concentration. Quel bilan étiologique de cette dyspnée aiguë préconisez-vous ? 08/03/2016 18:52:07 Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 49-59 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Disponible en ligne sur Actualités Séminaire d’Approfondissement et de Perfectionnement en Pneumologie (SAPP) édition 2016 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques Coordination : B. Maître, F. Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 Cas clinique n° 6 : Une fibrose pulmonaire idiopathique qui s’essouffle H. Nunes Service de pneumologie, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Avicenne, université Paris 13, Sorbonne-Paris Cité, EA2363 « Réponses cellulaires et fonctionnelles à l’hypoxie », Bobigny, France Commentaires Quel est votre diagnostic et dans quel syndrome celui-ci s’intègre-t-il ? Quelles sont les particularités cliniques et fonctionnelles de ce syndrome ? La tomodensitométrie thoracique en haute résolution (TDM-HR) montre un pattern de pneumopathie interstitielle commune certaine, caractérisée par l’association de réticulations, des bronchectasies par traction, un rayon de miel et une prédominance basale et périphérique sans signe d’incompatibilité. En l’absence de cause retrouvée, notamment exposition professionnelle ou environnementale, connectivite/vascularite patente ou prise médicamenteuse pneumotoxique, le diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) peut être retenu [1]. Ici, il existe un important emphysème des sommets avec par endroits des zones où il est difficile de distinguer un rayon de miel confluant macrokystique d’un emphysème paraseptal. Il s’agit d’une FPI dans le cadre d’un syndrome fibrose-emphysème (SFE). Le SFE a été rapporté essentiellement au cours des pneumopathies interstitielles diffuses (PID) idiopathiques [2], mais il peut également se rencontrer dans d’autres contextes étiologiques, en particulier au cours des connectivites, notamment la polyarthrite rhumatoïde [3], des vascularites à anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) [4], ou des formes familiales de fibrose pulmonaire [5]. La réalité du SFE reste encore controversée, le débat étant de considérer le SFE comme une entité bien individualisée ou comme la simple combinaison de deux conditions survenant sur un terrain commun. En effet, près de 70 % des patients atteints de FPI étant fumeurs anciens ou actifs, il n’est pas étonnant qu’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) puisse être associée, avec ou sans emphysème. La prévalence d’une BPCO chez les patients ayant une FPI varie beaucoup dans la littérature, entre 6 et 51 %, en fonction des cohortes et des critères diagnostiques Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (H. Nunes). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 49 08/03/2016 13:22:04 50 H. Nunes Figure 1. Tomodensitométrie thoracique en haute résolution montrant un aspect de syndrome fibrose-emphysème combinant un aspect de pneumopathie interstitielle commune (réticulations, bronchectasies par traction et rayon de miel à prédominance basale et périphérique), et un emphysème des sommets. Dans certaines zones, il est difficile de distinguer un rayon de miel confluant macrokystique et un emphysème para-septal. utilisés [6]. Dans la cohorte nationale prospective Cohorte Fibrose (COFI) incluant des cas de FPI incidents, le SFE touche 19,5 % de l’ensemble des patients ayant une FPI de découverte récente. Le SFE s’accompagne habituellement d’un profil clinique et fonctionnel particulier que présente le patient ici [2,7,8]. Les patients sont le plus souvent des hommes, très tabagiques. Ils ont une dyspnée sévère (NYHA 3 ou 4 dans 46 % des cas). L’EFR montre une capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) effondrée contrastant avec des volumes pulmonaires relativement préservés du fait des effets cumulés de la fibrose et de l’emphysème sur la diffusion et des effets opposés de la restriction et de la RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 50 distension [2,7,8]. Le rapport volume expiré maximal en une seconde/capacité vitale forcée (VEMS/CVF) est plus bas que chez les patients ayant une FPI sans emphysème et il peut éventuellement y avoir un trouble ventilatoire obstructif [2,7,8]. L’hypoxémie est également plus marquée, et la désaturation à l’exercice plus profonde. Le Composite Physiological Index (CPI) a été conçu pour apprécier la sévérité de la FPI en tenant compte de l’effet sur la fonction respiratoire de l’emphysème associé [CPI = 91 – (0,65 × DLCO %) – (0,53 × CVF %) + (0,34 × VEMS % )] [9]. Il serait particulièrement adapté au SFE [10]. Les patients ayant un SFE développent fréquemment une hypertension pulmonaire (HTP) [10]. Malgré des données 08/03/2016 13:22:05 Cas clinique n° 6 : — Une fibrose pulmonaire idiopathique qui s’essouffle contradictoires, la survie des patients ayant un SFE est probablement plus sombre que celle des patients ayant une FPI sans emphysème, la différence étant essentiellement dictée par l’HTP [10,11]. Quelles autres comorbidités pourraient participer à la dyspnée de ce patient ? Le patient a un indice de masse corporelle (IMC) à 30,3 kg.m–2, il est obèse, ce qui pourrait contribuer à sa dyspnée. L’IMC des patients ayant une FPI est élevé [6], comme l’ont attesté non seulement une étude américaine (28,2 ± 4,6 kg.m–2) mais aussi la cohorte nationale COFI (27,4 ± 4,3 kg.m–2), et plus de 70 % des patients ont un surpoids (obésité : 34 % dans l’étude américaine et 25 % dans COFI) [12]. La surcharge pondérale est un élément important à prendre en considération dans la FPI car elle peut participer à la dyspnée et imposer des mesures spécifiques. L’IMC pourrait être associé à la mortalité, les patients en surpoids ayant, de façon surprenante, un meilleur pronostic [12]. Le score d’Epworth est ici normal, mais cela n’exclut pas l’existence d’un syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS). Le SAOS est une complication fréquente de la FPI, avec une prévalence de 59 et 88 % dans deux études américaines pour un seuil d’index d’apnées/ hypopnées (IAH) ≥ 5/h [13,14]. Ces études rétrospectives étaient toutefois limitées par des biais de recrutement. Dans l’étude grecque prospective de Mermigkis et al., explorant par polysomnographie 92 patients consécutifs ayant une FPI nouvellement diagnostiquée, 85 % avaient un SAOS. Celui-ci était léger (IAH ≥ 5/h et < 15/h) dans 20 % des cas, et modéré à sévère (IAH ≥ 15/h) dans 65 % [15]. Les résultats préliminaires de la cohorte nationale prospective COFI sont similaires puisque 62 % des patients ont un SAOS modéré à sévère et 40 % un SAOS sévère (IAH ≥ 30/h). Les liens pathogéniques entre FPI et SAOS sont méconnus. Bien que les patients ayant une SAOS modéré à sévère aient un IMC et une circonférence du cou supérieurs à ceux sans SAOS ou avec un SAOS léger, les corrélations entre IMC et IAH sont globalement médiocres [13‑15]. Il n’y a pas de relation nette entre la présence ou la sévérité du SAOS et les paramètres fonctionnels respiratoires [13‑15]. Par ailleurs, les questionnaires dédiés ont une mauvaise performance pour dépister un SAOS dans le contexte de FPI, avec une sensibilité de 75 % et une spécificité de 15 % pour l’échelle de somnolence d’Epworth, et une sensibilité de 88 % et une spécificité de 50 % pour le Sleep Apnea Scale of Sleep Disorders [13]. Il faut souligner que dans COFI, les patients ayant un SAOS modéré à sévère ont plus fréquemment une cardiopathie ischémique (53,6 % vs 11,7 %, p = 0,009). La question d’une exploration systématique du sommeil chez les patients ayant une FPI mérite donc d’être soulevée d’autant plus que quelques données récentes suggèrent une influence du SAOS et/ou de son traitement sur le pronostic. La désaturation nocturne pourrait excéder celle d’un exercice maximal chez les patients ayant une FPI [16,17], et être associée au score de dyspnée, à la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) et à la survie [16]. De plus, les patients traités et compliants à la CPAP ont une amélioration RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 51 51 de la qualité de vie et des variables du sommeil mesurées par divers instruments, en particulier le Functional Outcomes of Sleep Questionnaire et le Fatigue Severity Scale, 1 an après l’instauration de la ventilation [15]. Malgré des biais évidents, les patients compliants auraient également une meilleure survie que les patients non compliants [15]. Pour finir, le défaut d’entraînement à l’exercice a été peu étudié dans la FPI, mais il est probable qu’il contribue à la dyspnée chez une proportion significative des patients, ce qui explique le bénéfice de la réhabilitation respiratoire constaté dans certaines études [18,19]. Une épreuve d’effort, lorsqu’elle est réalisable, est intéressante pour objectiver ce mécanisme de la dyspnée. Devant cette aggravation de la dyspnée, comment confirmez-vous une progression de la FPI ? L’histoire naturelle de la FPI est encore insuffisamment connue. Alors que la majorité des patients atteints ont un déclin fonctionnel lentement progressif qui aboutit à l’insuffisance respiratoire terminale et au décès, certains restent parfaitement stables. Une minorité va avoir une détérioration plus rapide et inexpliquée de la maladie, subaiguë ou aiguë, qui peut survenir chez des patients auparavant progresseurs ou stables [20]. La surveillance des patients ayant une FPI repose principalement sur une EFR et un test de marche de 6 minutes (TM6’) tous les 3 à 6 mois. Seules les mesures successives de la CVF et de la DLCO ont été correctement évaluées pour apprécier l’évolution fonctionnelle de la FPI [20]. La CVF a été choisie plutôt que la CVL. Les deux sont généralement identiques au cours des pathologies respiratoires restrictives, mais certains patients ont plus de facilité à faire une CVL qu’une CVF, notamment les tousseurs. Malgré les biais de sélection inhérents à ce type d’essai, la vitesse de déclin de la CVF a pu être estimée à partir du bras placebo des protocoles thérapeutiques entre 150 et 200 ml/ an [20]. Une progression significative de la FPI est définie par une baisse des valeurs absolues de la CVF ≥ 10 % ou de la DLCO ≥ 15 % sur 6 mois par rapport à l’EFR initiale. La progression doit idéalement être confirmée sur un deuxième EFR à 1 mois d’intervalle [20]. Ces chiffres ont été établis sur la base de leur association avec la mortalité dans de grands échantillons ou dans les essais cliniques sur la FPI. Un déclin de la CVF dit « marginal », entre 5 et 10 %, classiquement considéré dans les limites de reproductibilité du test, est aussi associé à une surmortalité et ne doit donc pas être sous-estimé [21,22]. La variation de la CVF pourrait être moins appropriée dans le SFE que dans la FPI sans emphysème pour juger de l’aggravation de la maladie [7,8]. Les patients ayant un SFE ont un déclin annuel de la CVF significativement moindre [7]. Une variation longitudinale du VEMS ≥ 10 % semble être le meilleur indice fonctionnel associé à la mortalité [8]. Plusieurs études ont aussi montré qu’une diminution de la distance parcourue au TM6’ ≥ 50 m sur 6 mois est associée à la mortalité [23]. Une perte de 30 m pourrait constituer le 08/03/2016 13:22:05 52 H. Nunes seuil le plus pertinent d’un point de vue pronostique [23,24]. L’intérêt pronostique de répéter la TDM-HR dans le suivi des patients ayant une FPI a été mal évalué, en particulier sa valeur ajoutée par rapport aux EFR, et la mesure du score de fibrose est complexe en pratique clinique. Cet événement coronarien est-il étonnant chez ce patient et quel élément paraclinique simple aurait pu aider à le prédire ? Bien que les mécanismes pathogéniques soient incomplètement élucidés, l’association entre FPI et coronaropathie n’est probablement pas fortuite [6]. Plus généralement devant un patient ayant une FPI essoufflé, il ne faut surtout pas méconnaître une éventuelle comorbidité cardiovasculaire [6]. La forte prévalence de ces dernières a en effet été rapportée dans plusieurs cohortes de FPI, avec un niveau atteignant 45 % pour la cardiopathie ischémique et 11 % pour l’insuffisance cardiaque dans une cohorte américaine [25]. La relation entre coronaropathie et FPI a été étayée par plusieurs études cas-contrôles. Dans le travail princeps de Kizer et al., la prévalence d’une coronaropathie à la coronarographie était de 15,9 % chez les patients en bilan prégreffe ayant une « fibrose pulmonaire », ce qui correspondait à un HR de 2,37 [IC 95 % : 1,22‑4,60] par rapport aux patients ayant une pathologie respiratoire non fibrosante (HR = 4,42 en présence de lésions pluritronculaires) [26]. Une coronaropathie significative (sténose > 50 % sur au moins une artère) est plus fréquente dans la FPI que dans l’emphysème (28,6 % vs 9,8 %, p = 0,019) [27] et que dans la BPCO (28,8 % vs 16,1 %, p < 0,081) [28]. De façon intéressante, l’étude de Hubbard et al. issue du réseau britannique de médecins généralistes a analysé le risque de maladies cardiovasculaires par rapport à la population générale avant et après le diagnostic de la FPI [29]. Avant le diagnostic de la FPI, il existait déjà un risque accru de cardiopathie ischémique. Après le diagnostic de FPI, l’incidence d’un nouveau et premier événement coronarien aigu était plus élevée chez les patients ayant une FPI que chez les sujets contrôles, évaluée à 19,3/1 000 personnes-année (HR = 3,14 [IC 95 % : 2,2‑4,87]) [29]. Ces résultats ont été confirmés dans un autre travail plus récent, y compris après correction sur les facteurs de risque cardiovasculaires [30]. Les maladies cardiovasculaires et la FPI partagent trois facteurs de risque majeurs : l’âge, le sexe masculin et le tabac. Le surpoids et le SAOS pourraient aussi jouer un rôle. Enfin, les patients ayant une FPI auraient également un risque accru de diabète et d’hypertension artérielle (HTA) [6,30]. Il faut cependant souligner que l’association observée entre FPI et coronaropathie persiste après ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaires et qu’une coronaropathie peut être découverte chez des patients asymptomatiques et sans facteur de risque cardiovasculaire. De plus, il a été montré que l’existence d’une coronaropathie grève significativement la survie des patients ayant une FPI [28]. La recherche systématique d’une coronaropathie chez les patients ayant une FPI pourrait donc se justifier, mais les RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 52 Figure 2. TDM-HR thoracique révélant sur les coupes médiastinales des calcifications coronariennes sévères (grade 4) de l’interventriculaire antérieure, diagonale et circonflexe. modalités précises de dépistage ont été mal évaluées. Un moyen simple pourrait être de regarder les coronaires sur les coupes médiastinales de la TDM-HR thoracique, comme cela est bien illustré chez le patient rapporté ici (Fig. 2). En effet, il a été suggéré que la performance de la TDM standard non injectée et sans synchronisation cardiaque pourrait être comparable à celle du coro-scanner pour l’évaluation de la charge calcique. La TDM-HR a fait l’objet d’une étude rétrospective incluant 57 patients ayant une FPI investigués par coronarographie dans le cadre d’un bilan prégreffe [31]. Le score calcique sur la TDM-HR était évalué visuellement par trois radiologues : grade 0 = absence de calcifications visibles (score : 0) ; grade 1 = traces de calcifications (score : 1‑10) ; grade 2 = calcifications légères (score : 11‑100) ; grade 3 = calcifications modérées (score : 101‑400) et grade 4 = calcifications sévères (score > 400). La présence de lésions coronariennes de tout type à la coronarographie était prédite par un score calcique de grade 3 ou 4 (HR = 6,18, [IC 95 % : 1,6‑61,0]). Les résultats étaient encore meilleurs pour prédire une coronaropathie significative, avec un HR de 25,2 (sensibilité : 81 %, spécificité : 85 %, valeur prédictive positive [VPP] : 68 % et négative [VPN] : 92 %). La reproductibilité interobservateur était très bonne, avec un kappa de 0,86 [31]. Sur quels éléments paracliniques suspectez-vous l’apparition d’une hypertension pulmonaire (HTP) ? Réalisez-vous un cathétérisme cardiaque droit pour la confirmer ? Le patient rassemble ici plusieurs éléments qui suggèrent l’existence d’une HTP : une PAPs ≥ 45 mmHg associée à une dilatation des cavités droites à l’échographie transthoracique (ETT), une DLCO < 30 %, un rapport CVF %/DLCO % > 1,5 et 08/03/2016 13:22:05 Cas clinique n° 6 : — Une fibrose pulmonaire idiopathique qui s’essouffle Figure 3. TDM-HR thoracique montrant un verre dépoli étendu multifocal. un Brain Natriuretic Peptide (BNP) élevé. Le cathétérisme cardiaque droit ne doit pas être systématique, il pourrait se justifier ici s’il est impossible de trancher entre une HTP pré-ou postcapillaire chez ce patient ayant une SFE et une cardiopathie ischémique. La prévalence de l’HTP dans la FPI s’échelonne entre 20 et 50 % selon le stade évolutif de la maladie et les critères diagnostiques retenus [6]. L’HTP est généralement modérée puisque seulement 2 à 9,1 % des candidats à RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 53 53 une transplantation pulmonaire ont une PAP moyenne (PAPm) > 40 mmHg [32,33]. L’HTP est particulièrement fréquente au cours du SFE, où elle concerne jusqu’à 90 % des cas, et dans ce contexte, elle est fréquemment sévère (PAPm > 40 mmHg dans 48 % des cas) [2,11,34]. L’HTP retentit sur le statut fonctionnel des patients ayant une FPI et leur qualité de vie. Ils sont plus dyspnéiques que les patients indemnes d’HTP, ils recourent plus fréquemment à une assistance pour leurs activités de la vie courante et sont plus enclins à être hospitalisés [33]. Leur capacité à l’exercice est réduite, avec une distance plus courte et/ ou une désaturation plus intense au TM6’, et à l’épreuve d’effort une VO2max plus basse et une limitation respiratoire plus prononcée [32,35‑38]. L’HTP a un impact significatif sur la survie des patients ayant une FPI indépendamment des paramètres fonctionnels respiratoires. Il est donc important de rechercher une HTP au cours de la FPI, mais son diagnostic peut être difficile. Un algorithme est proposé dans la figure 4. Bien qu’imparfaite, l’ETT reste l’examen le mieux évalué. La vitesse de régurgitation tricuspidienne (VRT) n’est malheureusement mesurable que chez la moitié des patients ayant une PID, et l’estimation de la PAPs est imprécise [37,39,40]. Arcasoy et al. ont montré qu’un seuil de PAPs ≥ 45 mmHg avait une sensibilité, spécificité, VPP et VPN de 85, 17, 60 et 44 %, respectivement, chez des candidats à une transplantation avec diverses PID [39]. Des résultats semblables ont été obtenus dans des études restreintes à la FPI [37,40]. La normalité de la PAPs à l’ETT ne permet donc pas d’exclure une HTP. La détection d’anomalies morphologiques du ventricule droit est un élément supplémentaire à prendre en considération indépendamment de la VRT. Considérant ces anomalies, la sensibilité, spécificité, VPP et VPN étaient de 46 %, 53 %, 57 % et 74 % [39]. L’apport diagnostique des EFR est modeste. Il n’y a pas de corrélation entre les volumes pulmonaires et la PAPm. Le niveau d’hypoxémie et la diminution de la DLCO semblent les meilleurs paramètres pour identifier une HTP. La nécessité d’une oxygénothérapie associée à une DLCO < 40 % serait spécifique de l’existence d’une HTP chez les patients ayant une FPI, mais très peu sensible [32]. La diminution de la DLCO peut néanmoins être due à l’HTP, à la FPI elle-même ou à l’emphysème éventuellement associé. C’est la raison pour laquelle certains auteurs ont suggéré que le rapport CVF %/ DLCO %, qui traduirait un trouble de diffusion « disproportionnée » par rapport au degré de restriction, pourrait être un indicateur plus fiable de l’existence d’une maladie vasculaire, avec un seuil à 1,5. Dans l’étude de Nathan et al., une DLCO < 40 % avait une sensibilité de 75,7 %, une spécificité de 34,4 %, un chiffre < 30 %, une sensibilité de 53,7 % et une spécificité de 72,1 %. Le rapport CVF %/DLCO % > 1,5 était un peu meilleur, avec une sensibilité de 75,6 % et une spécificité de 55,7 % [41]. Zisman et al. ont créé un modèle de prédiction basé sur une régression linéaire multivariée intégrant la SpO2 en air ambiant et le rapport CVF %/DLCO %. L’équation obtenue [PAPm = –11,9 + 0,272 × SpO2 + 0,0659 × (100-SpO2) 2 + 3,06 × (FVC %/DLCO %)] avait une meilleure performance diagnostique que l’ETT [40,42]. L’inconvénient est bien sûr la complexité du calcul en routine. La mesure du facteur membranaire et du volume capillaire par la technique de double diffusion permet théoriquement de distinguer la part respective de la composante interstitielle et vasculaire dans 08/03/2016 13:22:05 54 H. Nunes Patient ayant une FPI Nécessité d’une oxygénothérapie DLCO < 40% Ratio CVF%/DLCO% > 1,5 Candidats à une transplantation pulmonaire ETT VRT ≤ 2,5m/s 2,5 < VRT ≤ 3,4m/s VRT > 3,4 m/s* ou anomalies des cavités cardiaques droites Mesure de la VRT impossible Incertitude persistante sur ICG ± Episodes répétés d’ICD ± Cathétérisme cardiaque droit PAPm> 25 mmHget PAPO < 15 mmHg Suivi selon les indications cliniques Suivi ETT tous les 6 mois Exclusion des autres causes d’HTP Figure 4. Algorithme pour le diagnostic d’HTP chez les patients ayant une FPI. Abréviations : CVF : capacité vitale forcée, DLCO : capacité de diffusion du monoxyde de carbone, ETT : échographie cardiaque transthoracique, VRT : vitesse de régurgitation tricuspidienne, ICG : insuffisance cardiaque gauche, ICD : insuffisance cardiaque droite, PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne, PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion, HTP : hypertension pulmonaire. * Bien que l’estimation de la pression artérielle systolique (PAPs) à l’ETT reste imprécise, une VRT > 3,4 m/s correspond à une PAPs > 55‑60 mmHg, soit une suspicion d’hypertension pulmonaire sévère ou « disproportionnée ». ± : La réalisation du cathétérisme cardiaque doit être discutée au cas par cas dans la mesure où il n’y a pas de données suffisantes sur l’efficacité d’un traitement spécifique de l’hypertension artérielle pulmonaire. la réduction de la DLCO, mais sa capacité à détecter une HTP n’a jamais été évaluée dans la FPI. L’épreuve d’effort peut être utile, lorsqu’elle est réalisable, en objectivant une augmentation de l’espace mort (VD/VT) en faveur d’une HTP. En cas d’HTP, la TDM thoracique peut mettre en évidence une dilatation de l’artère pulmonaire (AP) (diamètre maximal du tronc de l’AP > 29 mm ou supérieur à celui de l’aorte ascendante). Toutefois ni le diamètre de l’AP, ni le rapport AP/aorte n’ont fait leur preuve comme prédicteur d’une HTP chez les patients ayant une PID [43,44], peut-être parce que les forces de traction liées à la restriction pulmonaire provoquent une distension mécanique de l’AP sans nécessairement d’HTP sous-jacente. Peu d’études se sont intéressées à la valeur prédictive du dosage du BNP ou du N-terminal pro- BNP. D’après une étude incluant des patients ayant diverses RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 54 PID, un dosage élevé pourrait indiquer l’existence d’une HTP définie par une PAPm > 35 mmHg [36]. Bien que le diagnostic définitif d’HTP repose sur le cathétérisme cardiaque droit, il s’agit d’un examen invasif qui ne doit être effectué que chez des patients sélectionnés. Les recommandations de la Task Force prescrivent la réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit dans les situations suivantes : (i) confirmation d’une HTP chez les candidats à une transplantation pulmonaire ; (ii) suspicion d’HTP sévère ou « disproportionnée » qui pourrait éventuellement relever d’un traitement de l’HTAP ; (iii) poussées d’insuffisance cardiaque droite récurrentes ; (iv) ETT non concluante alors que la suspicion clinique est forte [45]. 08/03/2016 13:22:05 Cas clinique n° 6 : — Une fibrose pulmonaire idiopathique qui s’essouffle Pourrait y être ajoutée la situation où il persiste une incertitude quant à l’existence d’une cardiopathie gauche, en particulier une dysfonction diastolique qui n’est pas rare chez les patients ayant une FPI, et peut être sous-estimée par l’ETT [38]. Il faudra néanmoins mettre en balance les risques et les bénéfices individuels. En effet, le traitement de l’HTAP n’a jamais démontré formellement son efficacité dans l’HTP associée à la FPI, notamment dans le seul essai récent bien conduit avec le bosentan [46]. De plus, ce traitement pourrait être délétère et aggraver l’hypoxémie chez les patients ayant une FPI par le biais d’une majoration des inégalités ventilation/perfusion. 55 Quel bilan étiologique de cette dyspnée aiguë préconisez-vous ? En cas de détérioration respiratoire aiguë au cours de la FPI, un bilan étiologique doit être réalisé systématiquement (Tableau 2). En effet, les causes sont variées et il faut savoir les éliminer avant de conclure à une exacerbation aiguë. Une cause est identifiée chez près de la moitié des patients [47]. Cette détérioration respiratoire aiguë peut être due à une infection respiratoire (69,8 %), un pneumothorax (12,3 %), une insuffisance cardiaque (6,8 %), une embolie pulmonaire (2,7 %) ou rester d’origine incertaine (8,2 %) [47]. Tableau 1. Évolution des explorations fonctionnelles respiratoires et du TM6’. Explorations fonctionnelles respiratoires VEMS, ml (% valeur théorique) CVF, ml (% valeur théorique) VEMS/CVF, % (% valeur théorique) CPT, ml (% valeur théorique) VR, ml (% valeur théorique) DLCO (% valeur théorique) KCO (% valeur théorique) TM6’ Débit O2 Distance parcourue, m SpO2 avant test, % SpO2 minimale, % Borg avant test Borg après test Mars 2009 Septembre 2009 Mars 010 Mars 2012 2 810 (83) 3 630 (81) 76,9 (101) 5 720 (80) 2 070 (76) 40 72 2 720 (80) 3 550 (80) 75,7 (100) 5 630 (79) 2 040 (75) 39 65 2 360 (71) 2 640 (60) 82,1 (108) – – 22 44 2 410 (73) 2 810 (64) 80,4 (106) – – 18 35 AA 435 94 88 0 5 AA 410 94 87 2 6 AA 380 92 83 3 8 – – – – – – Abréviations : VEMS : volume expiré maximal en une seconde, CVF : capacité vitale forcée, CPT : capacité pulmonaire totale, VR : volume résiduel, DLCO : capacité de diffusion du monoxyde de carbone, KCO : capacité de diffusion du monoxyde de carbone rapporté au volume alvéolaire. AA : air ambiant. Tableau 2. Bilan proposé devant une détérioration respiratoire aiguë de FPI. Bilan biologique Bilan standard, LDH, D-dimères, (NT-pro)-BNP, procalcitonine Imagerie thoracique Radiographie thoracique TDM-HR thoracique Angio-TDM thoracique (D-dimères élevés, forte probabilité clinique EP) Bilan cardiovasculaire ECG ETT (PAPs, FEVG) Enquête infectieuse Hémocultures Examen cytobactériologique des crachats Antigénuries légionelle et pneumocoque Sérologies mycoplasme, légionnelle, Chlamydiæ Prélèvement naso-pharyngé PCR multiplex virus et mycoplasme Patient sous corticoïdes ou immunosuppresseurs : expectoration induite pour Pneumocystis jirovecii si LBA non réalisable LBA si réalisable : bactériologie standard, mycologie, parasitologie dont Pneumocystis jiroveci, virologie Abréviations : LDH : lactico-déshydrogénase, BNP : Brain Natriuretic Peptide, TDM-HR : tomodensitométrie en haute résolution, ECG : électrocardiogramme, ETT : échographie transthoracique, PAPs : pression artérielle pulmonaire systolique, FEVG : fraction éjection ventriculaire gauche, LBA : lavage broncho-alvéolaire, EP : embolie pulmonaire. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 55 08/03/2016 13:22:06 56 H. Nunes Tableau 3. Critères diagnostiques de l’exacerbation aiguë de FPI [1]. Exacerbation aiguë « certaine »* Exacerbation aiguë « suspecte » Diagnostic antérieur ou concomitant de FPI Apparition ou aggravation inexpliquée de la dyspnée ≤ 30 jours TDM-HR : (nouvelles) opacités en verre dépoli et/ou condensations bilatérales surajoutées à un aspect réticulé ou de rayon de miel compatible avec une PIC Absence d’infection : aspiration trachéale ou LBA Exclusion des causes potentiellement responsables Insuffisance ventriculaire gauche Embolie pulmonaire Pneumothorax Causes d’Acute Lung Injury > 1 critère manquant Dyspnée > 30 jours Opacités unilatérales Absence de prélèvements perendoscopiques Abréviations : TDM-HR : tomodensitométrie en haute résolution, PIC : pneumopathie interstitielle commune, LBA : lavage broncho- alvéolaire. *Les critères gazométriques ne sont plus indispensables, contrairement à la définition initiale [57,58]. A B Figure 5. A : Coupe d’angio-TDM thoracique montrant un verre dépoli diffus. B : Coupes séquentielles en inspiration maximale confirmant que le verre dépoli est artéfactuel. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 56 08/03/2016 13:22:06 Cas clinique n° 6 : — Une fibrose pulmonaire idiopathique qui s’essouffle Concernant les infections respiratoires, des prélèvements perendoscopiques sont requis pour pouvoir porter le diagnostic d’exacerbation « certaine » selon les recommandations internationales (Tableau 3) [48]. Néanmoins, comme ici, une fibroscopie bronchique est rarement envisageable compte tenu de l’état respiratoire précaire des patients et le LBA peut même déclencher ou aggraver une exacerbation. Le diagnostic différentiel est donc souvent très difficile, voire impossible. Une fièvre et une élévation de la CRP, bien que plus rares, sont possibles au cours d’une exacerbation aiguë [47,49,50], mais la procalcitonine est normale [51]. En cas de documentation microbiologique, les germes responsables sont variés, les opportunistes représentant 57,1 % des cas jusqu’à encore récemment [47]. À ce titre il faut signaler que dans l’essai PANTHER, les exacerbations étaient significativement plus fréquentes chez les patients du bras trithérapie (prednisone + azathioprine + N-acétylcystéine), soulevant le rôle potentiel d’une infection passée inaperçue chez des patients immunodéprimés [52]. Depuis l’utilisation moindre des traitements par corticoïdes et immunosuppresseurs, le risque d’infections opportunistes est faible, mais il reste exceptionnellement possible [47]. Les infections virales occupent une place particulière. En effet, les virus peuvent être la cause d’une détérioration respiratoire aiguë, mais ils pourraient également être des triggers d’une véritable exacerbation, comme cela est le cas ici. Leur rôle pourrait expliquer la variation saisonnière des exacerbations avec une recrudescence entre décembre et mai [51,53]. Dans l’étude systématique de Wooton et al., un virus était mis en évidence chez 9 % des patients ayant une exacerbation et jamais chez les patients en état stable [54]. Il faut aussi toujours rester vigilant vis-à-vis d’une origine cardiovasculaire à la détérioration respiratoire aiguë, en particulier une poussée d’insuffisance ventriculaire gauche, un événement coronarien aigu et/ou un trouble du rythme supra-ventriculaire [6]. Le problème de la coronaropathie a déjà été abordé ci-dessus. Plusieurs publications corroborent également un surrisque de maladie thromboembolique veineuse chez les patients ayant une FPI [6,29,30,55,56]. Dans l’importante étude de Hubbard et al. déjà citée, les patients avaient plus souvent une histoire de thrombose veineuse profonde avant le diagnostic de la FPI, ainsi qu’une incidence plus élevée en cours de suivi par rapport à la population générale, estimée à 5,9/1 000 personnes-année (HR = 3,39 [IC 95 % : 1,57‑7,28]) [55]. Une autre étude cas- contrôle britannique a montré une augmentation significative de l’incidence de l’embolie pulmonaire et de la thrombose veineuse profonde chez les patients ayant une FPI (respectivement 9,3/1 000 personnes-année, HR = 6,42 [IC 95 % : 4,30‑9,57] et 4,3/1 000 personnes-année, HR = 2,11 [IC 95 % : 1,37‑3,27]) [30]. Enfin, une étude recensant les certificats de décès aux États-Unis a indiqué qu’au sein des morts ayant un diagnostic de FPI, 1,74 % avait aussi un code « maladie thromboembolique veineuse », ce qui représentait un chiffre 34 % supérieur à la population générale, et significativement plus haut que chez les morts ayant une BPCO ou un cancer bronchique [56]. Plusieurs points sont importants à noter dans la démarche diagnostique de l’embolie pulmonaire chez un patient ayant une FPI et présentant une détérioration respiratoire aiguë. D’une part les patients sont souvent âgés, ce qui doit être RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 57 57 pris en compte pour interpréter le dosage des D-dimères qui peuvent être augmentés au cours d’une exacerbation D’autre part, si une angio-TDM thoracique est demandée pour une suspicion d’embolie pulmonaire, il est absolument indispensable de compléter l’examen par des coupes séquentielles pour bien visualiser le parenchyme pulmonaire. En effet, l’acquisition de la TDM injectée n’est pas réalisée en inspiration maximale, si bien que les images peuvent donner une impression de surcroît de densité qui peut en imposer à tort pour du verre dépoli diffus d’exacerbation (Fig. 5). Par ailleurs, du fait de la redistribution vasculaire, l’opacification vasculaire est parfois de mauvaise qualité dans les zones de fibrose. Chez ce patient, une antibiothérapie par Rocéphine® et Rovamycine® est instituée d’emblée, associée à une majoration des diurétiques et une oxygénothérapie à haut débit au masque à haute concentration. Sur l’angio-TDM thoracique, il n’y a pas d’embolie pulmonaire et les coupes séquentielles montrent un verre dépoli multifocal (Fig. 3). Le bilan microbiologique non invasif devient négatif. L’ETT est inchangée par rapport à l’examen précédent en dehors d’une majoration de la PAPs à 80 mmHg. Le diagnostic d’exacerbation aiguë est finalement retenu et un traitement par bolus de méthylprednisolone (Solu-Médrol®) 1 g/j pendant 3 jours débuté dès le retour du bilan étiologique à J2. Malgré ce traitement, l’état du patient s’aggrave, nécessitant une oxygénothérapie à haut débit par Optiflow®. Il est décidé de ne pas le transférer en réanimation et il décède à J6. Liens d’intérêts Non transmis. Références [1] Raghu G, Collard HR, Egan JJ, Martinez FJ, Behr J, Brown KK, et al. An official ATS/ERS/JRS/ALAT statement: idiopathic pulmonary fibrosis: evidence-based guidelines for diagnosis and management. Am. J. Respir Crit Care Med 2011;183:788‑824. [2] Cottin V, Nunes H, Brillet PY, Delaval P, Devouassoux G, Tillie- Leblond I, et al. Combined pulmonary fibrosis and emphysema: a distinct underrecognised entity. Eur Respir J 2005;26:586‑93. [3] Cottin V, Nunes H, Mouthon L, Gamondes D, Lazor R, Hachulla E, et al. 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Chest 2007;132:773‑9. 08/03/2016 13:22:06 Cas clinique n° 6 : — Une fibrose pulmonaire idiopathique qui s’essouffle [45] 2015 ESC/ERS Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension: The Joint Task Force for the Diagnosis and Treatment of Pulmonary Hypertension of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Respiratory Society (ERS): Endorsed by: Association for European Paediatric and Congenital Cardiology (AEPC), International Society for Heart and Lung Transplantation (ISHLT). Galiè N, Humbert M, Vachiery JL, Gibbs S, Lang I, Torbicki A, Simonneau G, Peacock A, Vonk Noordegraaf A, Beghetti M, Ghofrani A, Gomez Sanchez MA, Hansmann G, Klepetko W, Lancellotti P, Matucci M, McDonagh T, Pierard LA, Trindade PT, Zompatori M, Hoeper M. Eur Respir J 2015 Oct;46:903‑75. [46] Corte TJ, Keir GJ, Dimopoulos K, Howard L, Corris PA, Parfitt L, et al. Bosentan in pulmonary hypertension associated with fibrotic idiopathic interstitial pneumonia. 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Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 SYNTHÈSE N° 1 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques C. Morelot- Panzini*, T. Similowski Service de pneumologie et réanimation médicale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Charles-Foix, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris, cedex 13, France Neurophysiologie respiratoire expérimentale et clinique, Sorbonne Universités, UPMC université Paris 06, INSERM, UMRS 1158, Paris, France. Préambule La dyspnée est un symptôme transversal en pneumologie. En effet, que l’on s’intéresse à la pathologie oncologique, interstitielle, infectieuse, vasculaire, neuromusculaire, immuno- allergologique, bronchique ou autre, la dyspnée va apparaître au cours de l’évolution de celle- ci. La fi n de vie des patients atteints de maladies respiratoires chroniques est souvent dominée par la dyspnée, et l’anxiété qui en est corollaire. La dyspnée est donc un élément fédérateur de la pratique pneumologique : en comprendre les mécanismes, en appréhender l’impact clinique et pronostique, et savoir la prendre en charge à tous les stades des maladies respiratoires (mais aussi des insuffi sances cardiaques, des maladies neuromusculaires, et de l’obésité) sont des enjeux fondamentaux. Impact La dyspnée est la « cousine germaine » de la douleur, avec laquelle elle partage de nombreuses caractéristiques. C’est une souffrance tant physique que psychologique, et, en tant que telle, elle nécessite d’être soulagée indépendamment de sa cause, à titre de symptôme. C’est une source majeure d’altération de la qualité de vie, là encore autant du fait de son retentissement physique (limitation des capacités d’exercice) que du fait de son retentissement psychologique (anxiété, dépression, désinvestissement) (Fig. 1). À ce titre, elle nécessite avant toute chose écoute et empathie, qui constituent les fondements d’une prise en charge holistique. La dyspnée est extrêmement fréquente, y compris lorsque l’on considère des populations « non sélectionnées », hors de tout suivi respiratoire [1,2]. Sa fréquence augmente avec l’âge [3]. En termes pronostiques, la présence d’une dyspnée a intrinsèquement une forte valeur prédictive de la survie, qui est indépendante et Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (C. Morelot- Panzini). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 07_ST01.indd 60 08/03/2016 13:18:05 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques parfois plus forte que la valeur pronostique d’indicateurs physiologiques, comme le volume expiré maximal en une seconde (VEMS) dans la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou la fraction d’éjection dans l’insuffisance cardiaque [4]. Souffrir de dyspnée alors que l’on est placé sous assistance ventilatoire en réanimation a une valeur pronostique négative à court terme [5] et contribue au développement du stress post-traumatique souvent associé aux séjours en réanimation [6]. En soins palliatifs, la dyspnée est une préoccupation souvent plus importante que la douleur, non seulement du fait de sa fréquence, mais également du fait de la moindre codification de sa prise en charge et d’une connaissance moindre des équipes soignantes [7]. Définition La définition « officielle » de la dyspnée, actuellement considérée comme consensuelle est la suivante : « La dyspnée est une expérience subjective d’inconfort respiratoire faite de sensations qualitativement distinctes et d’intensité variable » [8]. Cette définition peut être « raffinée » pour mieux prendre en compte certains aspects clés qui doivent guider la prise en charge : « Le terme dyspnée décrit un ensemble de sensations respiratoires, survenant à l’exercice ou au repos, dont l’affect est désagréable, et qui peuvent s’accompagner de modifications ventilatoires et neurovégétatives. L’évaluation de son intensité est subjective. Elle entraîne des réponses physiologiques et comportementales dyspnée anxiété, peur frustation, colère dépression dimension sensorielle dimension affective modalité intensité désagrément décharge corollaire comparaison réponse stimulus ventilatoire efférence efférence 61 susceptibles d’altérer le mode et la qualité de vie des patients. » De cette définition se dégagent quatre notions fondamentales. La première est celle de subjectivité : il peut y avoir une dissociation complète entre le symptôme et les signes physiques et biologiques (gaz du sang), et le discours du patient suffit à établir la présence d’une dyspnée. La seconde est celle de multimodalité : il existe différentes sensations dyspnéiques (manque ou soif d’air, suffocation, effort respiratoire anormal, oppression thoracique…) [9] comme il existe différentes sensations douloureuses ; elles procèdent généralement de mécanismes physiopathologiques distincts [9]. La troisième notion est celle de « multidimensionnalité » [10] : on ne parle de dyspnée que si la dimension sensorielle (percept) est associée à un affect négatif (dimension affective) ; l’intensité de chacune de ces dimensions peut varier indépendamment (analogie musicale : le volume sonore peut varier indépendamment du plaisir d’écoute : il n’est pas nécessaire que ce volume soit fort pour qu’une musique que l’on n’aime pas soit ressentie comme désagréable). En l’absence d’affect négatif, on parle de « sensations respiratoires », et non de dyspnée. La dernière notion fondamentale qui découle de la définition de la dyspnée est celle de « diffusivité ». La dyspnée a un impact non seulement respiratoire, mais aussi neurovégétatif, émotionnel et comportemental (Fig. 1) [11,39]. Cette définition est complexe mais elle est aisée à appréhender dès lors que l’on considère la dyspnée comme une « souffrance respiratoire », terminologie qui contient implicitement tous les éléments exposés ci-dessus. empreinte émotionnelle réponse comportementale immédiate retrait (arrêt effort) action (consultation, appel, prise d’un traitement) détresse panique syndrome anxieux réponse comportementale tardive mode de vie évitement adaptation aménagement participation handicap qualité de vie syndrome dépressif Figure 1. Modèle psychophysiologique de la dyspnée. L’équilibre entre la commande ventilatoire « efférente » et les afférences décrivant l’état du système respiratoire (cadre en bas à gauche) est à l’origine de la dyspnée, avec une dimension sensorielle multimodale d’une part, et une dimension affective ou émotionnelle d’autre part (anxiété, peur, frustration, colère, dépression). Cet affect donne lieu à une réponse comportementale à court terme, visant à soulager la dyspnée (arrêt d’un effort, prise d’un médicament, consultation). En l’absence d’efficacité, l’anxiété se majore, pouvant déboucher sur un état de panique. Dans le même temps, « l’expérience dyspnéique » fait l’objet d’une mémorisation (« empreinte émotionnelle »), qui va être à l’origine de modifications comportementales à long terme (modification du mode de vie, avec pour objectifs de ne plus être exposé à la dyspnée liée à une situation donnée). Si ces modifications contraignent le patient à abandonner des activités dont il n’arrive pas à faire le deuil, elles entrainent une dégradation de la qualité de vie et peuvent déboucher sur un syndrome dépressif. 07_ST01.indd 61 08/03/2016 13:18:06 62 Mécanismes physiopathologiques de la dyspnée Il semble que les voies afférentes impliquées dans la dyspnée soient multiples, redondantes et différentes selon le stimulus dyspnéisant en cause [12]. En outre, comme évoqué ci-dessus, il n’existe pas une mais différentes sensations respiratoires qui sont sous-tendues par des mécanismes distincts [11]. L’étude de la dyspnée est d’autant plus compliquée qu’il est ardu de définir précisément un stimulus physique à l’origine de celle-ci. Lorsqu’un sujet se brûle, on peut aisément incriminer et quantifier le stimulus responsable. En revanche, lorsqu’un patient atteint de BPCO est dyspnéique à l’effort, est-ce dû au travail métabolique, à l’augmentation des résistances aériennes, à la fatigue musculaire inspiratoire ou à l’altération des gaz du sang artériels [13] ? Tous ces stimulus sont susceptibles d’activer des récepteurs différents. Ainsi plusieurs voies afférentes sont potentiellement impliquées dans les sensations respiratoires. L’élimination individuelle aiguë ou chronique d’un des récepteurs concernés est incapable à elle seule de supprimer la sensation dyspnéique, ce qui suggère qu’aucun de ces récepteurs n’est indispensable à cette modalité sensorielle. Il semble de fait exister plusieurs voies afférentes parallèles et probablement redondantes [12,14,15]. C. Morelot-Panzini et al. Fibres C pulmonaires La stimulation des fibres C pulmonaires s’accompagne quant à elle de dyspnée. Ceci peut être mis en évidence expérimentalement par une stimulation pharmacologique directe des fibres C pulmonaires au moyen d’une injection intraveineuse d’adénosine [21]. Ce mécanisme se retrouve en situation clinique dans l’œdème aigu pulmonaire, ces récepteurs sont alors stimulés par l’augmentation du volume dans l’interstitium [22,23]. Mécanorécepteurs de la paroi thoracique Il existe au sein de la paroi thoracique des mécanorécepteurs, lesquels sont localisés au niveau des muscles respiratoires comme le diaphragme et les muscles intercostaux. Il s’agit des organes de Golgi et des fuseaux neuromusculaires qui transmettent au cortex des informations sur la longueur, la tension et le déplacement de ces muscles. La projection corticale se fait plus particulièrement dans le cortex limbique, zone clé dans le traitement affectivo-cognitif des afférences respiratoires [24]. Ces récepteurs sont susceptibles de contribuer à la genèse de certaines modalités dyspnéiques [25]. Chémorécepteurs Afférences Les afférences mises en cause dans la genèse des sensations de dyspnée véhiculent les signaux provenant de récepteurs intrapulmonaires et bronchiques médiés par le nerf vague, de mécanorécepteurs des voies aériennes supérieures et de la paroi thoracique ainsi que de chémorécepteurs centraux et périphériques. Récepteurs vagaux Au niveau de l’arbre trachéobronchique et du parenchyme pulmonaire, il existe plusieurs types de récepteurs dont la voie afférente commune est le nerf vague. Deux types d’afférences respiratoires véhiculées par le nerf vague ont plus spécifiquement été identifiés dans les sensations respiratoires. Récepteurs à l’étirement à adaptation lente Les récepteurs à l’étirement à adaptation lente (Slowly Adaptating Strech Receptors – SARs) sont fortement impliqués dans le soulagement de la dyspnée. Ces récepteurs, situés à proximité des fibres musculaires lisses des grosses bronches ainsi que dans le parenchyme pulmonaire, sont sensibles aux variations de pression et donc de volume pulmonaire [16]. C’est ainsi que leur stimulation par l’augmentation du volume courant insufflé est capable de supprimer la sensation de soif d’air [17]. De la même façon, l’inhalation de furosémide, connu pour activer ces récepteurs [18], soulage la dyspnée [19,20]. Au contraire, l’absence de stimulation de ces récepteurs est susceptible de s’accompagner d’une dyspnée de type « soif d’air » ; cette situation peut être rencontrée en clinique lorsque l’on ventile les patients atteints de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) avec de faibles volumes courants. 07_ST01.indd 62 Les chémorécepteurs centraux et périphériques sont la principale source d’afférences métaboliques. Les chémorécepteurs périphériques sont situés dans les parois artérielles des bifurcations carotidiennes et des divisions de la crosse de l’aorte. Les récepteurs carotidiens sont essentiellement sensibles à l’hypoxémie, mais l’hypercapnie peut également les activer, et l’hypocapnie profonde au contraire peut les inhiber. Ces récepteurs sont médiés par le nerf glossopharyngien. Les récepteurs situés au niveau de la crosse de l’aorte sont principalement sensibles à l’hypoxémie et plus particulièrement à la diminution de la pression partielle en oxygène (PaO2) plutôt qu’aux situations au cours desquelles le contenu artériel en O2 est diminué sans diminution franche de la PaO2 (anémie peu sévère, intoxication au CO). C’est ainsi que ces récepteurs seront stimulés par une insuffisance circulatoire (diminution de la PaO2). Les chémorécepteurs centraux sont quant à eux majoritairement responsables de la sensibilité au CO2 [26]. Lorsque la PaCO2 s’élève, le CO2 passe dans le liquide céphalorachidien où il va former le H2CO3 puis se dissocier en ions H+ et HCO3 –. C’est l’ion H+ qui va stimuler les chémorécepteurs centraux. Cette stimulation induit une dyspnée de type « soif d’air » d’autant plus intense que le système respiratoire est dans l’incapacité de répondre à l’augmentation de la commande ventilatoire induite par ladite hypercapnie. Ainsi, l’induction d’une hypercapnie chez des patients ventilés tétraplégiques ou chez des volontaires sains curarisés induit une dyspnée décrite comme de la « soif d’air » [16,27]. Au contraire, chez les patients atteints de syndrome d’hypoventilation congénitale et qui n’ont pas de sensibilité à l’hypercapnie, celle-ci n’entraîne pas de sensation d’inconfort respiratoire [27]. En résumé, toutes ces afférences respiratoires sont donc impliquées dans la dyspnée, leur stimulation se soldant soit d’une augmentation de la souffrance respiratoire, soit à 08/03/2016 13:18:06 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques l’inverse d’un soulagement de celle-ci. Les fibres C musculaires inspiratoires semblent ainsi jouer un rôle clé dans la dyspnée de type « effort excessif inspiratoire » [25]. La stimulation des chémorécepteurs centraux ou périphériques génère la sensation de « soif d’air » [16]. Les récepteurs irritants bronchiques semblent davantage impliqués dans la sensation « d’oppression thoracique » qui accompagne la bronchoconstriction induite par leur stimulation [28]. À l’inverse, la stimulation de certaines afférences respiratoires s’accompagne d’un soulagement de la dyspnée. Parmi ceux-ci les récepteurs à l’étirement semblent jouer un rôle majeur [17,19,29]. La stimulation des mécanorécepteurs des voies aériennes supérieures sensibles au débit, à la pression et au froid peut également, en réponse au menthol ou à l’administration d’air sec, s’accompagner d’une amélioration de la sensation de dyspnée induite expérimentalement [30] ou rencontrée en situation clinique [31]. Intégration centrale Comme souligné ci-dessus, la notion de « dyspnée » impose un affect négatif qui résulte d’un traitement affectivo- cognitif des informations transmises par les afférences respiratoires (Fig. 2). L’imagerie cérébrale fonctionnelle a permis d’identifier plusieurs zones distinctes d’intégration centrale de la dyspnée : l’insula antérieure droite, le vermis cérébelleux, le cortex cingulaire et l’amygdale [14,32]. Ces aires cérébrales sont impliquées dans des composantes différentes de la dyspnée. Par exemple, l’insula antérieure droite et l’amygdale droite semblent impliquées dans les composantes affective et émotionnelle de la dyspnée [33]. De plus, les aires cérébrales activées diffèrent selon la nature du stimulus. Par exemple, lors de l’application d’une charge inspiratoire résistive à un volontaire sain, ce sont les aires motrices primaires, le cortex prémoteur, ainsi que le cortex pariétal et limbique qui sont activés. En revanche, en réponse à une charge métabolique comme une hypercapnie, c’est le tronc cérébral et le cortex limbique qui sont préférentiellement activés. L’implication du cortex limbique dans la perception émotionnelle de la dyspnée semble fondamentale. Par exemple, les patients ayant un antécédent d’accident ischémique de l’insula antérieure droite ont une perception amoindrie de la dyspnée [34]. Modèle physiopathologique Le traitement affectivo-cognitif des informations transmises par les afférences respiratoires ne peut être rendu possible que si le système cortical est capable de comparer l’ordre donné par la commande respiratoire, émise principalement par les centres respiratoires bulbaires mais également par le cortex moteur, et la réponse effective du système respiratoire transmise par les afférences respiratoires. Afin que le cortex somesthésique puisse comparer ordre et réponse, une décharge corollaire est envoyée des centres respiratoires bulbaires (en cas de commande automatique) ou du cortex moteur (lors d’une commande corticale) vers 07_ST01.indd 63 63 le cortex somesthésique. Cette comparaison entre décharge corollaire et informations transmises par les afférences respiratoires fait alors l’objet d’un traitement cognitif au niveau du cortex somesthésique, de l’aire motrice supplémentaire et du cortex limbique avec un rôle clé de l’insula, centre homéostasique de l’organisme et de la conscience du soi [35] et de l’amygdale impliquée dans les réponses émotionnelles secondaires [36]. Si cette comparaison est « satisfaisante », il n’y a pas de dyspnée et, en pratique, pas non plus de sensations respiratoires, les informations afférentes étant considérées comme « inutiles » et filtrées (on ne s’aperçoit pas que l’on respire tant que la respiration est « normale »). Si la comparaison n’est pas satisfaisante, la sensation respiratoire (résultat du traitement cognitif des stimulus provenant de l’appareil respiratoire) est « connotée » négativement, ce qui définit la dyspnée. L’existence d’un déséquilibre entre la force des muscles respiratoires et la charge mécanique qu’ils ont à surmonter pour produire la ventilation, d’une part, et l’impossibilité de produire une activité ventilatoire adaptée au niveau du dioxyde de carbone dans le sang, d’autre part, sont les deux principaux déterminants initiaux de la chaîne neurophysiologique qui conduit à la dyspnée. Prenons l’exemple des deux principales sensations respiratoires – l’effort/travail respiratoire excessif et la soif d’air. L’effort excessif proviendrait d’une décharge corollaire transmise des centres moteurs corticaux vers le cortex somesthésique (Fig. 2). En d’autres termes, cette sensation apparaît lorsque survient un déséquilibre entre la charge imposée aux muscles respiratoires et leur capacité à surmonter cette charge. L’exemple typique illustrant cette situation est le patient souffrant de BPCO : l’augmentation du volume pulmonaire liée à la limitation des débits expiratoires et à l’inflation dynamique impose une augmentation de travail inspiratoire que les muscles respiratoires ne peuvent satisfaire. C’est ce déséquilibre entre l’effecteur (les muscles) et la commande qui provoque la dyspnée. La soif d’air résulterait quant à elle d’une décharge corollaire qui transmettrait au cortex somesthésique une « copie » de l’information issue des centres de la commande respiratoire centrale du tronc cérébral (Fig. 2) [27,37]. Cette sensation est principalement induite par l’hypoxémie et l’hypercapnie qui entraînent toutes deux une augmentation de l’intensité de la commande respiratoire centrale. C’est l’inadéquation entre l’augmentation de cette commande respiratoire et la réponse ventilatoire à cette commande qui induit la dyspnée. On peut à nouveau prendre l’exemple de la BPCO pour illustrer ce mécanisme. L’hypercapnie induite par la modification des rapports ventilation/perfusion entraîne une augmentation de la stimulation centrale qui ne peut être satisfaite par une augmentation de la ventilation puisque l’effecteur est défectueux. À l’inverse, la ventilation artificielle, en optimisant les échanges gazeux et en soulageant le travail des muscles respiratoire, diminue la sensation de dyspnée. Parallèlement à cette séquence d’événements neurosensoriels, la dyspnée met en mouvement, systématiquement, et pratiquement par définition, des réponses comportementales qui seront influencées par sa prise en charge (Fig. 1). À l’origine de ces réponses se trouve le fait que la dyspnée est indissociable de la peur, car interprétée par le cerveau comme une menace vitale. Cette association a des racines évolutives extrêmement anciennes : ainsi, les poissons, peu 08/03/2016 13:18:06 64 C. Morelot-Panzini et al. COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex moteur Cortex sensitif Tronc Cérébral relais motoneuronaux Afférences respiratoires SOIF D’AIR Commande motrice Voies aériennes supérieures Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 Figure 2. Modèle physiopathologique de la dyspnée. La dyspnée résulte d’un déséquilibre entre l’intensité de la commande motrice respiratoire centrale et l’information donnée par les afférences respiratoires provenant de l’effecteur (appareil respiratoire : poumon, paroi thoracique, muscles respiratoires, récepteurs des voies aériennes et chémorécepteurs centraux et périphériques). Une copie de l’information motrice provenant du cortex moteur dans le cas de « l’effort excessif », du tronc cérébral pour « la soif d’air » est projetée sur le cortex somesthésique. L’inadéquation entre les afférences respiratoires et les décharges corollaires conduit à la sensation de dyspnée. sujets à l’émotion, sont caractérisés par des comportements d’évitement qui leur font fuir les environnements délétères pour les échanges gazeux (hypoxiques ou hypercapniques). L’intime association de la dyspnée et de la peur chez les mammifères peut être vue comme un mécanisme protecteur : si la respiration devient difficile, il est vital de faire quelque chose. Cette association différencie la dyspnée de la douleur, dont l’association psychophysiologique à une menace vitale n’est pas constante, y compris pour des douleurs excruciantes. L’anxiété et la peur ne sont pas les seules émotions associées à la dyspnée : on relève parfois (mais généralement en plus) dans le discours des sujets soumis à des dyspnées expérimentales ou des patients souffrant de dyspnées cliniques un vécu de colère, de frustration, ou de dépression [38]. L’émotion associée à la dyspnée est à l’origine d’une réponse comportementale immédiate (arrêter un effort, prendre un médicament dont on sait qu’il soulage la dyspnée, chercher une aide médicale). Si cela ne débouche pas sur un soulagement de la dyspnée, l’anxiété va se majorer (cercle vicieux), pouvant déboucher sur une véritable panique. Ceci rend compte de la composante émotionnelle 07_ST01.indd 64 et comportementale des situations de détresses respiratoires aiguës, généralement associée à anxiété et agitation. Parallèlement à la réaction à court terme, la dyspnée, ou plus précisément la « situation dyspnéisante », va créer une empreinte émotionnelle durable. Celle-ci peut-être à l’origine de réponses comportementales tardives, qui vont modifier le mode de vie du patient (évitement, adaptations, aménagements de la participation sociale…). Lorsque ces modifications sont associées à la perte de possibilités dont le deuil s’avère impossible (coping), la qualité de vie se dégrade avec le corollaire dépressif correspondant (Fig. 1). Évaluation de la dyspnée : vers un modèle multidimensionnel Évaluer la dyspnée et décrire ses caractéristiques sont des étapes fondamentales de sa prise en charge mais aussi de son exploration. La meilleure connaissance des mécanismes de la dyspnée et la prise en compte du caractère multidimensionnel 08/03/2016 14:02:18 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques de ce symptôme ont autorisé le développement d’outils permettant d’évaluer à la fois son intensité mais aussi ses caractéristiques sensorielles et affectives. Mesures psychophysiques Les échelles les plus simples sont celles ordinales graduées de 0 à 10 qui mesurent une intensité ou alors celles catégorielles qui proposent un champ sémantique permettant de caractériser la dyspnée. L’échelle visuelle analogique (EVA) est l’échelle analogique de référence : elle mesure « l’inconfort respiratoire », 0 correspondant à l’absence totale d’inconfort et 10 à une sensation insupportable [39]. L’alternative est l’échelle de Borg modifiée qui guide le patient au moyen d’une catégorie sémantique [39]. Ces échelles ne peuvent évaluer qu’une dimension de la dyspnée dont la nature est conditionnée par la labellisation des extrémités (inconfort respiratoire ou intensité de la dyspnée). D’autres échelles évaluent le retentissement de la dyspnée sur les activités de la vie quotidienne des patients ainsi que sur leur qualité de vie au cours de certaines pathologies spécifiques. C’est le cas des échelles Medical Research Council et New York Heart Association qui permettent d’évaluer le retentissement sur l’activité fonctionnelle des patients souffrant respectivement de BPCO et d’insuffisance cardiaque. Mesures psychosensorielles Les échelles et les scores ci-dessus ne prennent cependant en compte qu’une seule dimension de la dyspnée. L’une des évolutions les plus récentes et les plus marquantes dans le domaine de la physiopathologie de la dyspnée est la reconnaissance de son aspect multidimensionnel. Ces dernières années, de nouveaux questionnaires ont été développés dans l’objectif de prendre en compte cet aspect. Parmi ces questionnaires, le Multidimensionnal Dyspnea Profile (MDP) est constitué d’échelles ordinales graduées de 0 à 10 qui quantifient les différentes composantes de la dyspnée (Fig. 3) [38]. Ce questionnaire distingue ainsi une composante affective immédiate qui quantifie l’inconfort respiratoire, une composante sensorielle qui décrit la nature de la perception (« effort excessif », « soif d’air », « constriction thoracique », « effort mental ») et enfin la réponse émotionnelle qui en découle (anxiété, peur, frustration, colère, dépression…). Prise en charge thérapeutique de la dyspnée La nature multidimensionnelle de la dyspnée, qui met en jeu perception sensorielle, cognition, et émotion, implique que la prise en charge ne puisse pas être monolithique. C’est évidemment particulièrement vrai lorsqu’un traitement à visée « physiopathologique » de la maladie sous-jacente ne suffit pas à faire disparaître le symptôme (bronchodilatateur dans la crise d’asthme simple, par exemple). Il est alors impératif d’associer à ce traitement « étiologique » des traitements 07_ST01.indd 65 65 symptomatiques, et une prise en charge psychologique (qui commence par le dialogue, l’information et l’empathie). Les connaissances physiopathologiques des mécanismes de la dyspnée prennent tout leur intérêt dans cette optique. On peut en effet agir sur les afférences respiratoires impliquées dans la dyspnée en stimulant certaines afférences réputées pour soulager la dyspnée ou en inhibant d’autres. On peut également moduler le traitement cognitif de ces informations respiratoires. Approche pharmacologique Les opioïdes systémiques constituent actuellement le seul traitement symptomatique de la dyspnée dont l’efficacité est incontestable [40]. Les effets de cette substance pharmacologique sur la commande centrale sont bien connus et, dans le même temps, craints par de nombreux pneumologues. Par la réduction de la commande ventilatoire, les opioïdes réduisent le déséquilibre commande-réponse (Fig. 2). Néanmoins, les études révèlent qu’à faible dose, la réduction de la commande centrale est peu intense et ne peut, ainsi, expliquer totalement l’effet bénéfique des opioïdes sur la dyspnée. Ceux-ci agissent également au niveau des voies de transmission centrale de la dyspnée, comme ils le font pour la douleur [40]. De plus, une étude récente suggère un effet direct de la morphine sur le cortex cortico-limbique [41]. Les morphiniques sont efficaces à faible dose sur la, avec une réduction moyenne de l’intensité de la dyspnée de 20 mm sur une échelle visuelle analogique, ainsi il n’est pas recommandé d’augmenter les doses au-delà de 30 mg/j [42]. À cette dose, les effets secondaires respiratoires sont inexistants, les principaux effets indésirables étant d’ordre digestif (nausées, vomissements) ou neurologique (vertiges, confusion) [43]. Seuls 10 % des patients ne sont pas soulagés par ces faibles doses, probablement pour des raisons génotypiques [44], la majorité des patients étant soulagée par une dose de 10 mg/j [42]. Enfin, l’innocuité de la morphine prescrite à 30 mg/j a été démontrée y compris chez des patients en insuffisance respiratoire terminale [45]. La progression des mécanismes physiopathologiques de la dyspnée et l’amélioration de l’évaluation de celle-ci ont ouvert d’autres voies thérapeutiques. Le rôle fondamental des récepteurs à l’étirement des bronches distales soulignés ci-dessus a permis de suggérer l’utilisation du furosémide administré en nébulisation. En effet, des études animales attestent son action sur les canaux chlore des récepteurs à l’étirement [18], ce qui expliquerait son potentiel thérapeutique à la dose de 40 mg sur des dyspnées expérimentales [19,20] et cliniques [46]. Néanmoins, son bénéfice demeure hétérogène et non prédictible. Approche non pharmacologique La stimulation des récepteurs des voies aériennes supérieurs s’accompagne d’un soulagement de la dyspnée, ce qui pourrait expliquer l’efficacité de l’oxygène médical ou de l’air sec sur des dyspnées réfractaires de patients non hypoxémiques [31]. 08/03/2016 13:18:06 66 C. Morelot-Panzini et al. A. Échelle A1 - AFFECT Ni agréable Ni génant 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Insupportable B. Échelle A2 - AFFECT Je n’éprouve pas ce sentiment Déprimé(e) 0 1 2 3 4 J’éprouve ce sentiment de la pire façon imaginable 5 6 7 8 9 10 Anxieux(se) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Frustré(e) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 En colère 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Effrayé(e) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 C. CHOIX QS - QUALIFICATEUR SENSORIEL Étape 1 Étape 2 Ne s’applique pas S’applique S’applique le mieux Je dois fournir un travail ou un effort musculaire pour respirer Je manque d’air ou j’étouffe ou je sens que j’ai besoin d’air J’ai la sensation que ma poitrine et mes poumons sont serrés ou comprimés Je dois me concentrer ou faire un effort mental pour respirer Je respire fort d. Échelle QS - QUALIFICATEUR SENSORIEL Je n’éprouve pas ce sentiment La plus forte intensité imaginable Je dois fournir un travail ou un effort musculaire pour respirer 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je manque d’air ou j’étouffe ou je sens que j’ai besoin d’air 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 J’ai la sensation que ma poitrine et mes poumons sont serrés ou comprimés 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je dois me concentrer ou faire un travail mental pour respirer 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je respire fort 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Figure 3. Multidimensionnal Dyspnea Profile (MDP). Le MDP est constitué de trois échelles (A, B et D) et d’un questionnaire (C). L’échelle A permet de quantifier l’intensité du caractère « désagréable » ou « déplaisant » de la dyspnée (composante affective immédiate). L’échelle B quantifie l’intensité des réponses émotionnelles pouvant être induites par la sensation de dyspnée (composante émotionnelle). Le questionnaire C permet de caractériser la sensation dyspnéique à l’aide de descripteurs, par exemple « effort excessif » ou « soif d’air », et l’échelle D de quantifier l’intensité de ces sensation respiratoires (composante sensorielle). On peut également tromper l’intégration centrale en exerçant une compétition sensorielle et en mettant ainsi en jeu un phénomène de gating. Ceci peut être obtenu en disposant près du visage des patients un ventilateur à ailettes à l’origine d’une stimulation du nerf trijumeau. Ainsi, l’administration d’air frais au niveau du visage chez le volontaire sain réduit l’intensité de la dyspnée induite par une charge résistive [47]. Cet effet n’est pas retrouvé lorsque l’air est appliqué sur le mollet. Chez des patients de soins palliatifs souffrant de dyspnée réfractaire, l’administration d’air dirigé vers le visage à l’aide d’un ventilateur 07_ST01.indd 66 est associée à une diminution de 30 % de l’intensité de la dyspnée [48]. On peut également agir directement au niveau du traitement cognitif des informations respiratoires en détournant l’attention et en réduisant, ainsi, l’intensité de la composante affective de la dyspnée par l’écoute d’une pièce musicale agréable [49] ou par la visualisation d’images ou films à connotation positive [50]. Dans cette optique, l’hypnose médicale est une voie thérapeutique extrêmement séduisante. Elle permettrait, en effet, de réduire les composantes affectives et/ou sensorielles de la dyspnée en 08/03/2016 13:18:06 Dyspnée : des concepts aux thérapeutiques modulant l’activité cérébrale de l’insula, l’amygdale et du cortex cingulaire antérieur [51]. Ces mécanismes d’action expliquent, très probablement, l’efficacité démontrée de l’hypnose sur la douleur [52,53]. 67 [10] [11] Conclusions [12] Le souffle est omniprésent non seulement en médecine, mais aussi dans la vie de tous les jours, et encore au plus profond de nos consciences. La première peur de chaque vie est que la respiration ne commence pas. Notre culture est imprégnée de la symbolique du souffle, du premier cri au dernier soupir, en passant par l’inspiration artistique et l’ambiguïté sémantique qui unit le souffle et la pensée (nishma’, psyché, pneuma, anima…) [54]. Le préserver est une priorité de la pneumologie, au travers de son implication dans les questions environnementales à l’échelle individuelle (lutte contre le tabagisme, protection contre les expositions professionnelles) et à l’échelle collective (épidémies « respiratoires », pollution atmosphérique). Le soigner (dyspnée) doit être une priorité de chaque pneumologue, mais au-delà de chaque praticien. [13] [14] [15] [16] [17] [18] Liens d’intérêts [19] Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article. [20] [21] Références [1] Kroenke K, Arrington ME, Mangelsdorff AD. The prevalence of symptoms in medical outpatients and the adequacy of therapy. 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Chabot COMPARAISON COMMANDE/AFFERENCES INTÉGRATION AFFECTIVO/COGNITIVE Décharges corollaires EFFORT EXCESSIF Cortex sensitif Cortex moteur Tronc Cérébral relais motoneuronaux SOIF D’AIR Afférences respiratoires Commande motrice Voies aériennes supérieures www.sciencedirect.com Muscles respiratoires Poumons Bronches Plèvre Vaisseaux Parois thracique PaO2 PaCO2 86066 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires www.splf.org mars Vol 8 2016 n° 1 SYNTHÈSE N° 2 Syndrome d’hyperventilation inappropriée chronique B. Chenuel Service des examens de la fonction respiratoire et de l’aptitude à l’exercice – Médecine du sport, CHU de Nancy-Brabois-Adultes, Vandœuvre-lès-Nancy, France. S i la dyspnée est un motif de consultation pneumologique fréquent, son diagnostic étiologique est parfois difficile. Parmi les grandes causes de dyspnée, le syndrome d’hyperventilation inappropriée chronique occupe une place à part en pratique pneumologique, tout d’abord en se basant principalement sur un diagnostic d’élimination, ensuite en faisant reposer son traitement sur une rééducation ventilatoire qui implique une étape essentielle d’éducation thérapeutique. Définitions D’un point de vue physiologique, l’hyperventilation repose sur une ventilation pulmonaire effective (alvéolaire) supérieure à la ventilation nécessaire à l’organisme pour assurer les besoins métaboliques. Elle aboutit de fait à une hypocapnie (pression partielle de CO2 dans le sang artériel [PaCO2] < 35 mmHg ou 4,7 kPa), et son caractère chronique peut être mis en évidence par l’existence d’une alcalose respiratoire compensée. Le syndrome d’hyperventilation, quant à lui, est caractérisé par un cortège symptomatologique induit par une hyperventilation inappropriée et généralement reproduit par l’hyperventilation volontaire [1,2]. Le caractère inapproprié de l’hyperventilation est un élément majeur du diagnostic car il élimine toute hyperventilation d’origine secondaire ou retournant d’une compensation physiologique (hypoxie d’altitude, par exemple). Épidémiologie La prévalence et l’incidence du syndrome d’hyperventilation n’ont jamais vraiment été étudiées dans la population générale mais l’estimation d’une prévalence de l’ordre de 5 % est généralement acceptée [1] même si les études les plus récentes témoignent d’une prévalence plus importante de 9,5 % [3]. Dans certains groupes (patients vus aux urgences, Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (B. Chenuel). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 69 08/03/2016 13:22:08 70 échantillons d’asthmatiques, par exemple) la prévalence de l’hyperventilation est beaucoup plus importante, pouvant atteindre jusqu’à 30 % [4‑6]. Il s’agit d’une pathologie de l’adulte jeune (15‑55 ans) [7,8], même si la révélation peut se faire dans l’enfance ou l’adolescence, nécessitant un traitement adapté au plus tôt [9,10]. Il semble être plus fréquent chez la femme que chez l’homme (sex ratio entre 1/1,1 à 1/6,5) [1]. Physiopathologie Elle est encore mal connue mais la principale hypothèse la fait reposer sur une dysrégulation ventilatoire d’origine indéterminée qui augmente, en aigu ou en chronique, le niveau ventilatoire, de façon inappropriée aux besoins métaboliques et de façon exacerbée en réponse à des stimulations ventilatoires variées (effort, émotions, stress…) [1,2]. L’influence du contrôle cortical dans cette physiopathologie est soulignée par l’absence de toute symptomatologie clinique durant le sommeil mais sans pouvoir plus précisément la déterminer [2]. Cela va entraîner deux grands types de conséquences à l’origine du tableau clinique : 1) l’élaboration d’une sensation dyspnéique interprétée par le patient comme étant une soif d’air, dont la satisfaction est responsable de l’évolution spontanément défavorable de cette affection ; 2) la constitution d’une hypocapnie plus ou moins sévère à l’origine de nombreuses manifestations extra-respiratoires. Symptomatologie clinique La dyspnée domine incontestablement le tableau clinique mais son association à des signes patents d’hypocapnie est un argument diagnostic décisif qu’un interrogatoire rigoureux doit rechercher [1]. Il s’agit le plus souvent de crises dyspnéiques paroxystiques non sifflantes retrouvées à l’effort, mais aussi au repos et qui sont d’allure fluctuante (non systématiques pour un même effort et souvent majorées par l’anxiété). Le lien avec une période d’hyperventilation authentifiée par le patient est souvent difficile à faire préciser. D’autres signes liés à l’hyperventilation peuvent être retrouvés à l’interrogatoire : oppression thoracique, palpitations cardiaques, vasoconstriction périphérique liée à la stimulation du système nerveux sympathique. Un recours fréquent à des soupirs est classiquement retrouvé en ventilation spontanée. Les manifestations cliniques hypocapniques sont nombreuses et variées, dominées par les conséquences de la vasoconstriction dans les territoires cérébraux et coronaires (céphalées, vertiges, sensation de malaise pouvant aller jusqu’à la perte de connaissance, douleur thoracique) [8,11,12]. La vasoconstriction périphérique est quant à elle responsable de la froideur des extrémités. Elles reposent aussi sur l’hyperexcitabilité neuromusculaire induite par l’hypocapnie (hypertonie, paresthésies, crampes, nausées, troubles du transit) [13]. À noter que des cas de bronchoconstriction induite par l’hypocapnie sont décrits dans la littérature [14,15]. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 70 B. Chenuel Sur le plan général et psychologique, on note très fréquemment une sensation de fatigue et un niveau élevé d’anxiété [16]. La présence de ces manifestations hypocapniques n’est pas indispensable au diagnostic mais en est fortement évocatrice et est donc à rechercher systématiquement. Un récapitulatif de la symptomatologie clinique, issu de la littérature est donné en tableau 1 [1]. L’interrogatoire doit répertorier avec minutie les épisodes de dyspnée qui ont pu aboutir à une sensation de malaise ou de perte de connaissance, et ayant nécessité une prise en charge médicale en urgence. Une attention particulière doit être portée à la recherche d’antécédents personnels de spasmophilie. Enfin, une étude récente réalisée dans un service d’urgence souligne la fréquente répétition des crises (plus de 30 % des patients déclarent avoir déjà présenté une crise auparavant) et l’association à une comorbidité psychiatrique (anxiété, dépression, attaques de panique…) chez près de la moitié des patients [8]. La symptomatologie peut donc être riche et particulièrement anxiogène pour le patient. Elle est fréquemment source d’une impotence fonctionnelle importante, pouvant interférer avec la vie sociale ou professionnelle du patient et à l’origine d’une incontestable altération de la qualité de vie [17]. Diagnostic L’étape diagnostique est essentielle mais souvent difficile. Il n’existe pas de recommandations nationales ou internationales mais le diagnostic doit reposer sur trois éléments majeurs [1] : • une symptomatologie clinique compatible avec un syndrome d’hyperventilation ; • la mise en évidence objective d’un épisode d’hyperventilation (valeur importante de l’hypocapnie) ; • exclusion d’un autre diagnostic ou d’une cause secondaire de stimulation ventilatoire (cf. Tableau 2 : pathologie thoraco-pulmonaire aiguë ou chronique, accident vasculaire cérébral, tumeur cérébrale ou du tronc cérébral, hyperthermie…). L’utilisation d’un questionnaire clinique spécifiquement développé dans le syndrome d’hyperventilation (questionnaire de Nijmegen – Tableau 3) permet de quantifier la symptomatologie évocatrice et peut orienter le diagnostic. Seize signes cliniques doivent être côtés de 0 à 4 selon leur niveau d’occurrence dans la vie quotidienne (0 = jamais à 4 = très souvent). Un score global > 23/64 est évocateur d’un syndrome d’hyperventilation, avec une sensibilité de 91 % et une spécificité de 95 % [18]. La mise en évidence d’une période d’hyperventilation inappropriée peut se faire lors de la mesure et l’enregistrement de la ventilation spontanée d’un sujet assis au repos, lors de la réalisation d’un test d’hyperventilation volontaire ou d’effort maximal ou encore en réponse à l’inhalation d’un mélange enrichi en CO2 [19]. Le test d’hyperventilation volontaire sur 1 à 3 minutes, selon le protocole choisi, doit permettre la reproduction et la reconnaissance, par le patient, de sa symptomatologie (en totalité ou en partie, et en particulier hypocapnique) 08/03/2016 13:22:08 Syndrome d’hyperventilation inappropriée chronique 71 Tableau 1. Symptômes cliniques associés au syndrome d’hyperventilation, d’après [1]. Tableau 2. Principales causes d’hyperventilation secondaire. Appareils Symptômes Hypoxémie Respiratoire Dyspnée 28‑93 Altitude Pathologies bronchopulmonaires Cardiopathies cyanogènes Anémie Oppression thoracique 51‑90 Tachypnée 43‑88 Pathologies bronchopulmonaires Manque d’air 28‑81 Sensation étouffer 32‑55 Paresthésies 24‑95 Hypertonie (mains) 19‑74 Pneumopathie Asthme Pathologie pulmonaire interstitielle Embolie pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire Pneumothorax Tremblements 39‑72 Pathologies cardiovasculaires Crampes musculaires 03‑45 Œdème pulmonaire, insuffisance cardiaque, shunts cardiaques Angor Hypotension artérielle Céphalées 37‑86 Vertiges 58‑81 Pathologies métaboliques Sensation de malaise 01‑37 Acidose (diabète, insuffisance rénale, acidose lactique) Hyperthyroïdie Cirrhose hépatique Confusion 35‑71 Précordialgies 18‑85 Pathologies neurologiques et psychiatriques Palpitations 39‑81 Arythmie 06‑46 Tumeur, infection cérébrale/ tronc cérébral Accident vasculaire cérébral Anxiété (attaques de panique), dépression Mains ou pieds froids 21‑69 Intoxication- iatrogénie Nausées 35‑83 Douleurs abdominales 12‑50 Intoxication acide acétylsalicylique Dérivés Méthylxanthines Agonistes ß-adrénergiques Abus caféine Fatigue 54‑88 Autres Insomnie 19‑86 Hypersudation 45‑80 Anxiété 30‑98 Hyperthermie, sepsis Douleur Sevrage alcoolique Grossesse, imprégnation progestérone Agitation, irritabilité 52‑100 Neuro musculaire Cérébral Cardio vasculaire Digestif Général Psychologie Occurrence relative (%) comme étant habituelle [1,20,21]. Il a une valeur pédagogique importante en permettant au patient de prendre conscience que l’hyperventilation peut être à l’origine de ses troubles et en cela il facilite le travail thérapeutique de rééducation ventilatoire à venir. Les profils de retour aux valeurs basales, après l’arrêt de l’hyperventilation volontaire de la ventilation et de la pression partielle de fin d’expiration de dioxyde de carbone (PETCO2), peuvent être en faveur d’un syndrome d’hyperventilation lorsqu’ils montrent un retard à la normalisation de PETCO2 au-delà de 3 à 5 minutes et/ou un épisode d’hyperventilation inappropriée manifeste [1,2]. Le test d’effort maximal permet quant à lui de rechercher, en situation réaliste, un ou des épisodes d’hyperventilation à RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 71 l’origine d’une gêne respiratoire à l’exercice. La limitation ventilatoire (épuisement des réserves ventilatoires sans désaturation associée, équivalents ventilatoires élevés) des performances maximales, en l’absence d’atteinte fonctionnelle respiratoire ou cardiaque, est souvent retrouvée. La récupération est lente et souvent marquée par des épisodes d’hyperventilation inappropriée. Outre la mesure directe du débit ventilé pour repérer un épisode d’hyperventilation, l’analyse des gaz du sang artériels, par l’objectivation d’une hypocapnie, est un élément important à prendre en compte. La gazométrie artérielle est à la base du diagnostic d’une hyperventilation chronique, lorsqu’il existe de façon concomitante, une diminution de la concentration plasmatique de bicarbonates (ou un excès de base négatif), témoin de la compensation rénale d’une alcalose respiratoire chronique. Bien sûr, sa normalité ne 08/03/2016 13:22:08 72 B. Chenuel Tableau 3. Questionnaire de Nijmegen (positif si score > 23/64) Signes Jamais (0) Rarement (1) Quelquefois (2) Souvent (3) Très souvent (4) Douleur thoracique Tension nerveuse Vision floue Vertiges Confusion ou perte de contact avec la réalité Respiration profonde ou rapide Essoufflement Poitrine serrée Ballonnement abdominal Fourmillements dans les doigts Difficulté à respirer profondément Raideur ou crampes dans mains et/ou doigts Fourmillements péribuccaux Mains ou pieds froids Palpitations Anxiété Total peut exclure un syndrome d’hyperventilation évoluant par crises paroxystiques itératives. Enfin, il peut exister des formes associées à d’authentiques pathologies respiratoires dont le diagnostic peut alors apparaître plus délicat, par difficulté de discernement du caractère effectivement inapproprié ou exagéré de l’hyperventilation [3,22]. Traitement Il est basé sur l’action volontaire du patient sur sa ventilation afin de maîtriser les épisodes aigus d’hyperventilation. D’autres mesures complémentaires peuvent être utiles selon la sévérité du tableau : kinésithérapie respiratoire, suivi psychologique/psychiatrique, prescription médicamenteuse (anxiolytiques en particulier). La première étape d’éducation thérapeutique est essentielle. Elle doit obligatoirement passer par une phase préalable d’explications sur les mécanismes impliqués dans ce syndrome d’hyperventilation (grandes lignes de l’affection, pronostic souvent bénin même si le traitement est, dans la plupart des cas, long et difficile…). Elle doit permettre au patient de se « réapproprier » la symptomatologie clinique rattachée à une entité clairement définie : le syndrome d’hyperventilation, après avoir très souvent imaginé d’autres diagnostics de pronostic beaucoup plus défavorables [1]. RMRA_SAPP_2016_COMPLET.indb 72 La rééducation ventilatoire est basée sur des conseils simples pour permettre au patient de volontairement diminuer sa ventilation-minute (compter les cycles respiratoires et les espacer, diminuer l’amplitude de son volume courant, réaliser une apnée sans soupir récupérateur en cas de crise importante, voire réinspiration de son expiration au travers d’un sac plastique) en cas de gêne respiratoire [23]. On conseillera si possible la réalisation d’une activité physique régulière en endurance (au moins 30 minutes, 3 fois par semaine). Dans certains cas, une prise en charge avec kinésithérapie respiratoire et/ou réentraînement à l’effort pourra être nécessaire afin d’aider le patient à adapter sa ventilation au niveau d’effort soutenu. La relaxation et le yoga ont dans cette pathologie été testés avec des résultats encourageants [24]. Une récente revue Cochrane sur l’intérêt de la rééducation ventilatoire dans le syndrome d’hyperventilation n’a pas permis de tirer de conclusions formelles mais il est souligné le manque cruel d’études exploitables, basées sur une méthodologie irréprochable [5]. La prescription de ß-bloquants (visant à réduire l’activité sympathique associée à l’hyperventilation), d’anxiolytiques (benzodiazépines en particulier) ou même d’antidépresseurs peut se discuter pour limiter la fréquence des crises mais ne peut qu’être complémentaire de l’indispensable rééducation ventilatoire. 08/03/2016 13:22:09 Syndrome d’hyperventilation inappropriée chronique Un avis psychiatrique doit être proposé au patient en cas de comorbidité psychiatrique, en particulier pour instaurer le suivi d’un état anxieux ou dépressif sous-jacent. Conclusion Le syndrome d’hyperventilation représente une entité clinique quelque peu atypique en pneumologie. La discordance entre un handicap important dans la vie quotidienne, mise sur le compte d’une limitation respiratoire dyspnéique, et l’absence d’anomalie fonctionnelle ou organique respiratoire sont souvent évocatrices. Le pronostic souvent bénin de cette affection lorsqu’elle est primitive, accessible à un traitement par rééducation respiratoire, doit inciter le pneumologue à en faire le diagnostic avec certitude et à la prendre en charge rapidement. Liens d’intérêts L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article. Références [1] Folgering H. The Hyperventilation Syndrome. In Control of breathing in health and disease, M.D. Altose and Y. Kawakami, Editors. 1999, Marcel Dekker: New York. p. 633‑60. [2] Gardner WN. The pathophysiology of hyperventilation disorders. Chest 1996;109:516‑34. [3] Thomas M, McKinley RK, Freeman E, Foy C, Price D. The prevalence of dysfunctional breathing in adults in the community with and without asthma. Prim Care Respir J 2005;14:8‑82. 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