Quand elle affirme que « n`importe qui peut le faire », on
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Quand elle affirme que « n`importe qui peut le faire », on
Quand elle affirme que « n’importe qui peut le faire », on a un petit doute. Il y a 25 ans, Mireille Wagner était l’une des seules femmes à lancer son cabinet de courtage d’assurance. Texte et photos : Nicolas Ritoux Pendant dix ans, elle n’a côtoyé quasiment que des hommes. Elle avait l’air jeune, elle n’était pas grande. Dans le doute, les clients donnaient toujours raison au « monsieur de six pieds aux tempes grises » plutôt qu’à la jeune femme. « Dans les années 1980, une femme dans le domaine financier, ce n’était pas sérieux. Les gens pensaient : “elle va tomber enceinte et on ne la reverra plus” », se souvient l’entrepreneure dont le bureau www.conseiller.ca janvier 2011 27 En revenant fidèlement a ses clients après trois grossesses, Mireille Wagner a fait évoluer son entreprise bon an mal an. Puis, lorsqu’elle a eu 35 ans, tout a basculé, raconte-t‑elle. « Il est devenu avantageux d’être une femme. Soudainement, on m’a perçue comme plus fiable, alors que j’avais toujours eu le désavantage. » 28 situé dans l’arrondissement des Rivières à Québec rapporte aujourd’hui 1 M $ en chiffre d’affaires. Qu’importe, Mireille Wagner a persisté – en revenant fidèlement à ses clients après ses trois grossesses. Bon an mal an, son entreprise a évolué. Après l’assurance de personnes, elle s’est tournée vers l’assurance collective. Elle a engagé sa première employée en 1987. Puis, dans les années 1990, tout a brusquement changé. « Lorsque j’ai eu 35 ans, tout a basculé, raconte-t‑elle. Il est devenu avantageux d’être une femme. Soudainement, on m’a perçue comme plus fiable, alors que j’avais toujours eu le désavantage. » département d’assurance de personnes y est créé, elle se porte candidate pour recruter des clients. « Le directeur des ventes m’a tout de suite fixé des objectifs extrêmement élevés, se souvient Mme Wagner. J’ai fait de la compétition sportive étant jeune. J’ai été habituée à m’entraîner coûte que coûte pour atteindre mes objectifs. Alors j’ai travaillé d’arrache-pied. » « J’ai versé ma part de larmes à force d’essuyer des refus au téléphone. À l’époque, on sollicitait avec le bottin, en faisant des appels non-sollicités (cold calls). C’était comme ça qu’on montait son affaire. Au bout de l’année, les autres courtiers avaient obtenu moins de la moitié de mes résultats ! » Un avantage d’office, vraiment ? « C’est une question de personnalité. La persistance, le goût de construire, l’élan sont des attributs que la personne possède ou non. Je le vois déjà chez mon fils de 21 ans. Même s’il n’a qu’un emploi à temps partiel, il s’y donne à fond ! » L’avantage du bureau en assurances collectives, c’est qu’il ferme chaque soir en même temps que celui des clients; voilà qui est idéal pour la conciliation travail-famille. Mais si Mireille Wagner a choisi cette voie, c’est aussi parce qu’elle s’y est reconnue. Contribuer à la performance En route vers le podium Son entrepreneurship, Mireille Wagner en a fait preuve dès la jeune vingtaine. En 1982, à la sortie de l’école, elle travaille comme adjointe dans une firme de courtage aujourd’hui disparue. Lorsqu’un janvier 2011 « Il y a deux modèles dans mon domaine : la grande firme, ou le petit bureau comme le nôtre, déclare-t‑elle. Les clients m’appellent sans même se nommer; je les reconnais et je me souviens de ce qu’on a fait ensemble il y a 10 ans. Je suis capable www.conseiller.ca Mireille Wagner, une femme d’élan de leur rappeler des choses qu’ils ont euxmêmes oubliées. » Mais pour Mireille Wagner, ce n’est pas tout d’avoir une bonne mémoire et des dossiers à jour. « Je trouve important que notre bureau reste petit, pour conserver un nombre réduit de clients que nous allons servir très bien. Cette approche permet de créer des relations qui dépassent de loin la vente de polices d’assurances. » M me Wagner cite l ’exemple d ’un employeur qui l’a appelé au sujet d’un travailleur invalidé par le syndrome du canal carpien. Liste d’attente pour l’opérer : un an. Vu le marché de l’emploi dans la région de Québec, l’entreprise avait avantage à faire revenir cet employé qualifié au plus vite. Mme Wagner a donc mis son client en contact avec un centre de médecine privée ou l’employé a été rapidement opéré. « Lors d’un sondage de satisfaction auprès de mes clients, l’un d’eux m’a déclaré : “vous participez à la performance d’entreprise.” Je crois à cela. Si on investit une prime de 2 millions de dollars, que l’assureur en veut 2,5 et que l’on termine à 2,1, ces économies contribuent à la performance », juge-t‑elle. « Je voulais partager avec mes meilleures employées, explique Mireille Wagner. Partager, c’est multiplier. Je ne souhaitais pas tout garder pour moi, je voulais que celles qui m’ont le plus aidée reçoivent leur part. Il fallait que je les remercie autrement qu’en salaire; je leur ai donc transféré des actions à titre de récompense. C’est une décision qui déborde de la relation financière. On était rendues au mariage, le concubinage s’était bien passé et j’avais le goût de me marier. » Au fil des ans, Wagner Bujold Leduc a diversifié ses services, incluant les assurances professionnelles, l’assurance salaire, l’assurance maladie collective. L’entreprise a aussi grossi par acquisitions, ou « par plateaux » comme dit Mireille Wagner, qui a saisi les occasions à mesure qu’elles se présentaient. Les appels non-sollicités, c’est terminé depuis belle lurette. « Aujourd’hui, on obtient surtout les clients par référence. Par exemple, un contrôleur change d’entreprise et fait face à un désordre dans les dossiers d’assurance : il m’appelle. Ça arrive souvent de cette façon », déclare Mme Wagner. « Je ne veux pas de relations complexes. Avec mes clients, c’est toujours simple », déclare celle qui assure une centaine de groupes sis à Québec et à Montréal, dont certains groupes pancanadiens. Depuis quelques années, Mireille Wagner a ajouté un nouveau mot à son vocabulaire : les vacances. Elle a commencé à voyager – ce qu’elle n’avait jamais eu le temps de faire. La retraite ? « Peut-être un jour, dit-elle. Mais je resterai occupée. Quand on est entrepreneure de nature, on ne peut pas arrêter de travailler. » Pour en savoir plus sur le cabinet d’Assurances Wagner Bujold Leduc : assuranceswbl.com Le goût du partage Dans son bureau baigné de lumière trône un tableau qu’elle a acheté à un artiste en République dominicaine. Sept femmes y récoltent des fruits dans un champ, à l’image de celles qui partagent les bureaux de Wagner Bujold Leduc, situés boulevard Lebourgneuf. Même pendant ses rares vacances, Mireille Wagner garde une pensée pour elles ! « Cette image représente bien mon entreprise : la solidarité entre sept femmes qui récoltent les fruits du travail, dit-elle. Ce n’est pas vrai que les femmes passent leur temps à se disputer ! » C’est cette harmonie qui l’a poussée à offrir des parts de son entreprise à deux employées émérites, voilà quelques années. Diane Bujold et Annie Leduc ont donc associé leurs noms à la raison sociale de la firme. Marie-Hélène Boudreault les a rejointes plus tard – mais le nom était déjà devenu trop long ! www.conseiller.ca janvier 2011 29