Awalé ouest-africain et autres règles de Mancala
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Awalé ouest-africain et autres règles de Mancala
Fiche Thématique Discutons avec Madou ... Des noms multiples ... Awalé ouest-aafriccain et autres règles de Manccala Moi, j’appelle ce jeu : l’Awalé. Mais voici 26 autres noms (pour 26 lettres de l’alphabet), parmi des centaines, qu’il prend ailleurs : Mon nom est Mamadou COULIBALY, mais mes amis m’appellent tous “Madou” et je suis ton jeune compagnon du Mali. Je suis un Bambara de Kita, comme toi tu es, peut-être, un(e) Breton(ne) de Rennes. Ensemble, nous allons découvrir, petit à petit (à l’aide des Fiches Educatives d’Afric’Impact), quantité de choses sur le continent africain. Allez, débutons avec un objet symbolique : Ce jeu de semailles connu dans toute l’Afrique aux mille règles et aux mille décennies. Chez moi, on l’appelle ... l’Awalé * ! Des origines mythiques ... Si l’origine de l’humanité est en Afrique, il est juste d’indiquer que l’origine des jeux se trouve, elle aussi, sur ce continent. Joué chez nous depuis des siècles et des millénaires, le jeu appelé Awalé a suivi explorateurs, esclaves, colonisateurs, touristes dans tout le monde. S’il est (lui ou l’une de ses “variantes”) présent dans chaque pays africain, il n’en demeure pas moins qu’un jeu africain, certes le “roi”, parmi beaucoup d’autres. Moi, j’aime autant le Yoté, le Daroua, le Seega, le Srand ou encore le Zamma. Le geste circulaire des joueurs qui consiste à déposer une à une les “graines” dans les trous de l’aire de jeu, fait de l’Awalé et l’ensemble de ses frères qu’ils sont appelés “jeux de semaille”. Semis, case, champ, grenier, récolte, famine, manger, nourrir ... sont, de même, des mots employés en Afrique de l’Ouest pour définir pièce, objet, lieu, action et aire de ce jeu ... les préoccupations africaines agricoles sont ainsi très présentes ! Presque chacun a sa propre idée sur l’histoire de la création de l’Awalé. Voilà le mythe fondateur conté par “les Anciens” de mon quartier de Kita avec qui j’apprends l’art et la stratégie de l’Awalé, où le hasard n’a jamais sa place : “Voici longtemps, nos pères cultivaient collectivement les champs de mil des villages comme certains de nos fils le font encore. Les récoltes faites, ils versaient le grain dans des canaris et devaient les répartir entre les familles ayant participé aux travaux. Pour cela, sous l’arbre à palabres étaient creusés dans le sol des petits trous figurant tous une famille. Un égal nombre de cailloux, symbolisant chacun un canari de mil, était déposé dans chaque trou. Mais l’implication et la taille des familles étaient diverses. Et une longue discussion sur une répartition plus équitable débutait ...” Des Européens disent que les 12 trous de l’Awalé sont les 12 mois de l’année. Depuis quand employons-nous ces mois en Afrique et depuis combien de temps ce jeu existe-t’il donc !?! Programme Clubs Afrique Abanga, Baruma, Chunca, Djonghok, Erhérhé, Fangaya, Gebta, Halusa, Imbwé, Jukuru, Kasonko, Luzolo, Mangola, Nsumbi, Ouré, Pérésouni, Qasuta, Ryakati, Sereta, Tonka, Ugwasi, Veso, Wawee, Xorgol, Yovodji, Zale ! Ce nom d’Awalé que je lui donne est, en fait, originaire d’une langue de Côte d’Ivoire ... le Baoulé. Dans ce dialecte, le mot “Awalé” qualifie un arbuste qui donne des fruits verts, doux, brillants et compacts utilisés presque partout pour ce jeu sous toutes ses formes. Le nom local de l’arbuste (sa dénomination scientifique est Caesalpina Crista), surtout répandu dans les savanes africaines, change selon la langue avec laquelle il est désigné. Certains, comme les Occidentaux emploient à tort le qualificatif d’Awalé pour toutes ses nombreuses règles. Un autre mot les désigne toutes. Il en est d’ailleurs la première trace écrite (dans un manuscrit arabe du Xème siècle) de ce type de jeu : Mancala. C’est un dérivé du verbe arabe “déplacer”. Mancala qualifie tant ces diverses règles de jeu que les différents tabliers (terme générique pour échiquiers, damiers, plateaux) sur lesquels sont pratiqués les parties tant de Wari que de Solo. Les Waris sont des mancalas à deux rangées de trous, comme celui auquel je joue avec ma petite soeur (cf. dessins). Les Solos sont, eux, des mancalas à trois ou quatre rangées. Des fonctions diverses ... Si dans mon quartier kitois, Makandianbougou, le jeu tel que nous le pratiquons entre amis a bien perdu de son sens originel, d’autres peuples conservent très vivantes toutes les fonctions traditionnelles de leurs jeux de Wari ou Solo ... Chez les Bwas du Burkina Faso, le Wali, dont les règles de jeu restent les mêmes qu’à Kita, remplit évidemment un rôle récréatif. Mais, il assure, aussi, un travail social en permettant de traiter les conflits sociaux entre familles ou individus. Ceci sous la forme d’un “jeu de la vérité” au grand jour. Ainsi, par exemple, ce type de jeu entre époux est concret car chaque case possède une signification, et en prenant les graines dans tel ou tel trou, ces époux peuvent évoquer des questions graves comme des griefs envers le comportement de leurs parents, de vraies annonces de rupture entre eux, ... En outre, il est un instrument pour l’art divinatoire de grands sorciers à qui il donnerait la possibilité de contrôler sinon de modifier l’ordre des choses. Le tablier deviendrait une sorte de représentation physique du monde sur lequel ces devins, ou parfois aussi des guérisseurs, “travaillent” pour les autres. Et comme nous, les Bwa participent ... à des compétitions !!! * Ses règles, et beaucoup d’autres, se trouvent dans les Fiches Ludiques. Sources (et pour aller plus loin) : “Régles et stratégies du jeu de l’Awalé” - K. BALLOU - N.E.I. - 1993 “L’Awélé, jeu de semailles ...” - PINGAUD / REYSSET - Chiron - 1993 “L’Awélé, jeu de stratégie africain” - F. PINGAUD - Bornemann - 1993 “Stratégie des joueurs d’Awélé” - J. RETSCHITZKI - Harmattan - 1990 96.101