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SOCIAL N°31 – SOCIAL N° 8 En ligne sur le site www.fntp.fr / extranet le 7 février 2006 ISSN 1769-4000 LICENCIEMENT ECONOMIQUE : ARRETS DE LA COUR DE CASSATION RELATIF A LA SAUVEGARDE DE LA COMPETITIVITE DE L’ENTREPRISE CIRCULAIRES COMMENTANT LES MODIFICATIONS ISSUES DE LA LOI DE COHESION SOCIALE DE JANVIER 2005 Deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 11 janvier 20061 reconnaissent une marge de manœuvre plus importante aux entreprises qui se réorganisent en vue de prévenir des difficultés économiques. Par ailleurs, plusieurs circulaires 2 interministérielles sont venues commenter le droit du licenciement économique suite aux modifications apportées par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005. Le présent bulletin d’Informations complète le Social n°10 du 8 février 2005 consacré aux modifications apportées au droit du licenciement économique par la loi de programmation pour la cohésion sociale. 1 2 Cassation, soc, 11 janvier 2006, n°04-46.201 & 05-40.977 Circulaire DGEFP/DATAR n°2005-42 du 12 décembre 2005 & Circulaire DGEFP/DRT n°2005-47 du 30 décembre 2005 I – LES ARRETS PAGES JAUNES DU 11 JANVIER 2006 1) Rappel des faits et procédure L’entreprise "Pages jaunes" (filiale de France Télécom), avait décidé en 2001 de réorganiser son service commercial afin de pouvoir s’adapter aux mutations technologies de son secteur (perte de vitesse de la version papier de l’annuaire et du minitel, développement des nouvelles technologies). Pour cela, un plan de sauvegarde de l’emploi avait été mis en place en 2002 prévoyant la suppression de 9 postes, la création de 42 postes et la modification du contrat de travail de 930 conseillers commerciaux. Certains commerciaux ayant refusé une telle modification ont été licenciés pour motif économique. Par la suite, ils ont contesté leurs licenciements en estimant que le motif issu de la réorganisation de l’entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité était inopérant dans cette situation. Plusieurs tribunaux ont eu à connaître de cette affaire avant que la Cour de Cassation ne se prononce dans 2 arrêts datés du 11 janvier 2006. La Cour d’appel de Montpellier avait conclu à l’absence de sauvegarde de la compétitivité tandis que la Cour d’appel de Dijon avait quant à elle conclu dans un sens inverse. La Cour de cassation consacre l’analyse de la Cour d’appel de Dijon. 2) Incidences de ces arrêts sur le régime du licenciement économique En vertu de l’article L. 321-1 du code du travail, un licenciement pour motif économique peut résulter du refus par un salarié d’une modification d’un élément essentiel de son contrat de travail suite à des difficultés économiques ou des mutations technologiques. Par ailleurs, la jurisprudence avait reconnu que le motif lié à la réorganisation de l’entreprise était également valable si cette réorganisation était justifiée par la sauvegarde de la compétitivité de la société (arrêt Videocolor du 05/04/95). Antérieurement ², les entreprises pouvaient légitimer une restructuration lorsque leur compétitivité était menacée au moment même où des licenciements étaient envisagés. Selon l’arrêt de la Cour de cassation, les entreprises disposent d’une plus grande marge de manœuvre et peuvent anticiper des difficultés économiques prévisibles (et non plus seulement annoncées) qui pourraient mettre à mal leur compétitivité. La Cour indique ainsi "(…) que la réorganisation de l’entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement (…)" Ce faisant, la Cour de cassation adopte une position dans la droite ligne de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 qui avait instauré une obligation de négocier sur la gestion prévisionnelle des emplois. Le mot important est donc désormais celui de l’anticipation, que ce soit eu égard à la gestion des emplois ou aux difficultés économiques auxquelles les acteurs économiques peuvent être confrontés. 2 II – LES PRECISIONS APPORTEES PAR LA CIRCULAIRE DU 12 DECEMBRE 2005 RELATIVE A LA REVITALISATION DU BASSIN D’EMPLOI AFFECTE PAR UNE RESTRUCTURATION L’article L. 321-17 issu de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a contraint les entreprises procédant à des restructurations à revitaliser le bassin d’emploi ainsi affecté. La circulaire DATAR précise ce dispositif qui avait par ailleurs été déjà complété par un décret du 31 août 2005. 1) Les critères d’application de l’obligation de revitalisation Dès lors qu’une entreprise procède à un licenciement collectif économique qui affecte par son ampleur l’équilibre du ou des bassins d’emploi dans lesquels elle est implantée, elle est soumise à l’obligation de revitalisation. Pour déterminer ces critères, le décret d’application du 31 août 2005 a indiqué que le préfet concerné par le projet de licenciement tient notamment compte : - du nombre et des caractéristiques des emplois susceptibles d’être supprimés, du taux de chômage dans le/les bassins d’emploi concernés, des caractéristiques socio-économiques des bassins d’emploi concernés, La circulaire souligne que cette appréciation de l’effet du licenciement repose sur la connaissance qu’a le préfet du bassin d’emploi concerné et de sa situation : ainsi, le licenciement projeté d’un même nombre de personnes ne sera pas envisagé de la même manière selon le bassin d’emploi concerné. 2) Le champ d’application de l’obligation de revitalisation ? Pour les entreprises de 1000 salariés et plus (ou appartenant à un groupe de 1000 salariés et plus) l’obligation de revitalisation du bassin d’emploi pèse sur l’entreprise qui doit s’engager par convention signée avec le préfet de département ou par accord collectif (de groupe, d’entreprise ou d’établissement). La convention doit contenir un objectif de création d’emplois "au moins équivalent au nombre d’emplois supprimés dans le cadre du projet de licenciement collectif à l’origine de la convention". L’entreprise doit s’acquitter d’une contribution dont le montant ne peut être inférieur à deux fois la valeur du SMIC par emploi supprimé. Il s’agit d’un montant plancher, toutefois en pratique le montant ne dépassera pas quatre fois la valeur du SMIC par emploi supprimé (ce qui correspond à la sanction applicable à l’entreprise qui ne signerait pas de convention avec l’Etat). La convention doit déterminer le nombre d’emplois supprimés dans le/les bassins concernés. Ce nombre correspond au nombre de salariés dont le licenciement est projeté à l’issue de la procédure du livre III, mais ne sont pas pris en compte les salariés licenciés dont le reclassement interne au sein de l’entreprise ou le groupe est acquis dans le/les bassins d’emploi concernés. 3 A défaut, les salariés dont le contrat de travail est rompu et qui se sont reclassés en externe, les salariés bénéficiant d’un régime de préretraite totale ASFNE ou d’entreprise sont pris en compte. La circulaire énumère les actions qui peuvent fi gurer dans la convention (actions permettant la création d’entreprise, la reprise d’activité…) et indique que les mesures de création d’activités nouvelles prévues dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi peuvent être prises en compte. Les mesures d’aide au reclassement externe quant à elles, ne le sont qu’à condition qu’elles favorisent le développement des emplois ou la création d’activité (ce qui n’est pas le cas du congé de reclassement ou du financement d’une cellule de reclassement). En effet, les actions de revitalisation figurant dans la convention doivent être clairement distinctes des actions de reclassement à destination des salariés figurant dans le plan de sauvegarde de l’emploi. ? Rappelons que pour les entreprises de 50 à 1000 salariés et n’appartenant pas à un groupe de 1000 salariés et plus, c’est à l’Etat d’intervenir pour la mise en œuvre d’actions de nature à permettre le développement d’activités nouvelles et à atténuer les effets de la restructuration envisagée. L’entreprise prend part aux actions en fonction de sa situation financière. La circulaire précise que pour encourager les entreprises à participer à ces actions, leur effort à ce titre sera pris en compte pour l’attribution des aides du fonds national de l’emploi dans le cadre de la discussion sur le soutien éventuel de l’Etat au plan de sauvegarde de l’emploi. III – LES PRECISIONS APPORTEES PAR LA CIRCULAIRE DU 30 DECEMBRE 2005 RELATIVE A L’ANTICIPATION ET L’ACCOMPAGNEMENT DES RESTRUCTURATIONS La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a modifié en profondeur le droit applicable au licenciement pour motif économique. La circulaire revient sur plusieurs des nouvelles dispositions entrées en vigueur en apportant des éclaircissements quant à leur mise en œuvre. 1) Le décompte des salariés licenciés pour l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi La circulaire indique que dans le cas où une modification portant sur un élément essentiel du contrat de travail est proposée à un salarié en parallèle de la mise en œuvre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, il convient d’ajouter le nombre de salariés ayant refusé une telle modification à ceux concernés par la procédure de licenciement. Ainsi l’obligation de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (au minimum 10 licenciements ou modifications de contrat de travail refusées) sera appréciée en conséquence. La circulaire apporte des précisions quant aux nouveaux délais institués 2) Les délais liés au contentieux du licenciement par le nouvel article L. 321-16 du code du travail : pour motif économique • Le délai de 15 jours applicable aux actions en référé relatives à la régularité 4 de la procédure de consultation du comité d’entreprise, s’applique autant à la consultation au titre du livre IV (marche de l’entreprise) qu’à celle du livre III (projet de licenciement). Quand l’irrégularité invoquée concerne un défaut de réunion, le délai de 15 jours court à compter de la date à laquelle la réunion concernée aurait dû se tenir en application de la loi ou de l’accord collectif applicable à l’entreprise, • Le délai de 12 mois applicable aux actions portant sur la régularité et la validité du licenciement (qu’elles soient intentées collectivement par les membres du CE ou un syndicat ou individuellement par les salariés) s’applique à l’ensemble des licenciements qu’ils soient individuels ou collectifs ; et concerne l’ensemble des contestations (actions au fond tout comme actions relatives aux différentes étapes de la procédure de licenciement). De plus la circulaire précise le point de départ de ce délai de prescription de 12 mois : 3) Les conséquences de la nullité d’un licenciement pour motif économique - si l’action est introduite par des représentants du personnel, ils doivent saisir la justice dans les 12 mois qui suivent la réunion au cours de laquelle le CE doit émettre un avis sur les projets de licenciements de licenciement collectif et de plan de sauvegarde de l’emploi, - si l’action est introduite par des salariés, le délai de 12 mois court à compter de la notification de leur licenciement (à condition qu’ils en aient été informés individuellement dans ladite lettre). La loi de cohésion sociale a aménagé les règles relatives à la réintégration dans l’entreprise des salariés dont le licenciement est nul en stipulant qu’une telle réintégration n’est plus systématique lorsqu’elle est devenue impossible (notamment par suite de fermeture de l’établissement ou du site géographique ou par absence d’emploi disponible). La circulaire précise que cette modification issue de la loi de cohésion sociale ne porte en rien atteinte aux règles de nullité du licenciement pour motif économique et au droit individuel des salariés au recours (notamment quand les engagements définis dans le plan de sauvegarde de l’emploi n’ont pas été respectés°. Ainsi si le tribunal prononce la nullité du licenciement alors que la procédure est nulle et de nul effet, et que le salarié demande la poursuite de son contrat de travail, il est par principe fait droit à cette demande de réintégration. Seule la portée de cette réintégration est désormais restreinte aux cas où elle n’est pas impossible. 4) Les accords de méthode La circulaire apporte des précisions quant à leur champ d’application mais aussi quant à leur éventuel contenu. • leur champ d’application : - les accords entreprises ou d’entreprise. En de l’UES), et si de méthode ont vocation à être négociés dans les les unités économiques et sociales dotées d’un comité l’absence de délégué syndical (au sein de l’entreprise ou un accord de branche prévoit au préalable la faculté de 5 conclure un accord avec le CE en matière de prévention des conséquences des mutations économiques, l’accord de méthode pourra être conclu avec le CE, - les accords de méthode peuvent également être négociés au niveau des groupes. Dans ce cas, ils sont applicables à l’ensemble des salariés compris dans leur périmètre. Si l’accord de groupe porte sur des matières déjà traitées par accords d’entreprises, ses clauses ne peuvent prévaloir sur les stipulations des accords d’entreprise antérieurs qu’à condition qu’elles sont plus favorables pour les salariés. • leur forme : Les accords de méthode peuvent être conclus à durée déterminée ou indéterminée, alors qu’initialement la loi Fillon du 3 janvier 2003 limitait leur durée à deux années. • leur contenu : Ces accords peuvent fixer librement le nombre de réunions, les délais qui les séparent et les modalités d’articulation dans les entreprises à établissements multiples, les consultations respectives du comité central d’entreprise et des comités d’établissement, les modalités de recours à un expert comptable. Par contre ils ne peuvent déroger aux dispositions suivantes : - les informations portées à la connaissance des représentants du personnel, - le droit du comité d’entreprise de formuler des suggestions aux mesures proposées, d’y recevoir une réponse motivée et de recourir à l’expert comptable, - les principes régissant la consultation du comité d’entreprise (caractère préalable de la consultation, informations précises, délai suffisant pour leur examen), - l’ordre des licenciements, la priorité de réembauchage, l’obligation de formation/d’adaptation et de reclassement préalables au licenciement et au contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, - les délais d’envoi des lettres de licenciement, - le contrôle de l’administration sur la régularité de la procédure et sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, l’information dont elle doit disposer et les conditions dans lesquelles elle peut formuler des avis. 5) La convention de reclassement personnalisé La circulaire indique que lorsque la convention de reclassement personnalisé (CRP) figure dans le plan de sauvegarde de l’emploi, l’administration est fondée à examiner avec les entreprises les améliorations du dispositif qui peuvent être envisagées, en contrepartie des engagements financiers de l’Etat dans le cadre des conventions du FNE. Parallèlement dans le but de faciliter l’adhésion des salariés à la CRP, l’administration peut par exemple proposer à l’employeur d’allonger le délai imparti aux salariés pour adhérer à la convention ou suggérer l’aide d’un cabinet de conseil pour assurer un appui individualisé aux bénéficiaires. L’entreprise peut également apporter son concours durant l’application de la CRP et contribuer ainsi au financement d’actions supplémentaires, d’actions de formation… 6 L’administration devra également veiller à l’articulation de la CRP avec d’autres dispositifs tels que les conventions d’allocation temporaire dégressive, les conventions de cellule de reclassement entreprise ou encore les congés de conversion. La circulaire détaille plusieurs aspects de cette obligation. 6) L’obligation de négocier sur la gestion prévisionnelle • le champ d’application de l’obligation : des emplois et des compétences - les entreprises ou UES employant au moins 300 salariés et dotée d’une ou plusieurs sections syndicales, - les groupes d’entreprises dont le siège social est situé en France astreint à mettre en place un comité d’entreprise, dès lors que l’effectif cumulé des entreprises est au moins égal à 300 salariés (que ces salariés soient situés en France ou à l’étranger), - toute entreprise ou groupe de dimension communautaire soumis à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise (c'est-à-dire employant au moins 1000 salariés dans les Etats membres de l’UE) et qui comporte au moins un établissement ou une entreprise de 150 salariés ou plus en France et dans un autre Etat membre. L’effectif s’apprécie comme en matière d’élections professionnelles : le nombre de 300 salariés doit avoir été atteint pendant 12 mois consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes. Un accord de groupe exonère l’ensemble des entreprises comprises dans son périmètre, de l’obligation de négociation triennale sur les sujets traités dans l’accord (information/consultation du CE, dispositif de gestion prévisionnelle ou les deux). • la forme des accords de gestion prévisionnelle : Les accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences peuvent être conclus pour une durée déterminée ou indéterminée. • le contenu des accords de gestion prévisionnelle : Les accords traitant de questions entrant dans le champ de consultation dévolue au comité d’entreprise , la circulaire précise que la consultation du comité d’entreprise doit donc être concomitante à l’ouverture de cette négociation ou avoir lieu au plus tard avant la signature de l’accord. Les accords portent également sur les conditions d’accès et de maintien dans l’emploi des salariés âgés et de leur accès à la formation professionnelle. Ils peuvent aussi porter sur les matières dévolues aux accords de méthode, et donc comporter de ce fait des dispositions relatives à la procédure de licenciement collectif. Dans les domaines relatifs à la prévention des conséquences des mutations économiques et de la gestion prévisionnelle des emplois et compétences, les accords d’entreprise peuvent s’écarter des stipulations de branche SAUF si l’accord de branche a conféré à ces stipulations un caractère impératif, n’autorisant donc les entreprises à y déroger que dans un sens plus favorable aux salariés. 7 Inversement, l’accord de groupe ne peut pas déroger aux accords de branche dont relèvent les entreprises qui le composent, SAUF autorisation expressément prévue par ces accords. 7) Les règles de fixation de l’ordre du jour des réunions du comité d’entreprise La circulaire rappelle que le chef d’entreprise ou le secrétaire du comité d’entreprise peuvent inscrire de plein droit à l’ordre du jour des dispositions rendues obligatoires par une disposition législative, réglementaire ou un accord collectif. Toutefois précise le texte, cela ne dispense pas de l’élaboration conjointe de l’ordre du jour : ainsi avant l’insertion de plein droit, un entretien en vue d’une fixation conjointe de l’ordre du jour doit être proposé par le chef d’entreprise ou par le secrétaire du CE. 8) Le rôle de l’administration en matière de restructurations La circulaire précise le rôle dévolu à l’Etat dans les opérations de restructurations et indique les axes de progrès attendus sur les 4 domaines d’intervention du ministère de l’Emploi : - l’anticipation des opérations de restructurations, le développement de la négociation collective, la garantie des mesures d’accompagnement, l’organisation de l’obligation de revitalisation des bassins d’emploi 8