Passionné et passionnant, rencontre avec le chef Jonathan Garnier

Transcription

Passionné et passionnant, rencontre avec le chef Jonathan Garnier
Avril/Mai 2010
BIÈRES ET PLAISIRS
[Gastronomie] P13
Photos : La Guilde Culinaire
Au goût du chef
Par Marie-Claude Lacombe
C
elui qui dit «porter deux casquettes» (celle gastronomie spécifique, quelque chose
du chef d’entreprise et celle du chef de cui- qui n’existe pas ailleurs.»
C’est donc dans ce fertile tersine) n’a pourtant qu’une seule tête (mais
une bonne) bien plantée sur ses solides épaules de reau qu’est plantée la Guilde
Culinaire. Mais en quoi conFranco-canadien.
Sa passion pour la bouffe, qu’elle soit gas- siste exactement la Guilde?
tronomique ou pas, s’est ciselée par des chemins Une école? Une boutique? Un
inattendus. Les voies de l’Éternel sont insondables, lieu de rencontre et d’échanges? C’est un
comme disait l’autre. «Si j’ai commencé à m’intéress- mélange de toutes ces réponses. Et il n’y a qu’à entrer
er à la cuisine, c’est parce que j’étais un enfant très dans ses locaux pour comprendre immédiatement que
difficile. Pour m’assurer d’avoir à manger des choses professionnalisme s’accorde très bien avec convivialité.
Les frères Garnier (Benjamin s'étant associé à
que j’aimerais, j’ai décidé de les faire moi-même».
Jonathan) se sont offert un véritable petit bijou dans
On n’est jamais si bien nourri que par soi-même.
Jonathan Garnier est un chef autodidacte, dans le un fort bel écrin. Et ils ne demandent pas mieux que
sens strict du terme. Car s’il ne fréquente pas les grandes de le partager.
Les façons de transmettre leur (bénéfique) virus
écoles hôtelières, il va à l’école très tangible des cuisines
de restos et fait ses classes avec des chefs qui seront sont multiples. Ils offrent des cours «à la carte» ou au
autant de professeurs. Et entre cuisines professionnelles menu, qui naviguent entre cuisine traditionnelle et
et contrats de chef maison pour des grands de ce monde fine cuisine, desserts et chocolats, entre autres déli(il a entre autres été chef chez un émir éminent), il trou- catesses. Et ils ont de bons amis les frérots! Vous
ve le temps d’obtenir un diplôme en technique commer- pourriez ainsi apprendre les rouages sensuels de la
ciale en France, études qu’il parachèvera aux HEC de cuisine aphrodisiaque avec Apollo Giovanni, l’art
jouissif du travail du chocolat avec Christophe Morel
Montréal. Deux casquettes quoi!
Le couvert est mis pour une expérience nouvelle. (considéré soit dit en passant comme étant l’un des
Et c’est à Montréal, ville qu’il affectionne particulière- meilleurs chocolatiers à l’est de l’éden), ou manier les
couteaux avec Éric Gonzalez.
ment, qu’il crée la Guilde Culinaire en 2007.
Sous le signe de l’innovaMais pourquoi
tion, la Guilde offre aussi des
Montréal pour un
…pour m’assurer d’avoir
«Ateliers de préparation», un
homme qui a passé
à manger des choses
concept unique et intelligent.
une bonne partie
que j’aimerais, j’ai décidé
Imaginez que quelqu’un fasse
de sa vie près de la
de les faire moi-même
pour vous les courses, se charbleue Méditerranée
qui nous fait tant rêver au plus fort de l’hiver? ge de la préparation préliminaire des aliments et vous
«Lorsque je suis revenu au Québec après dix ans en invite à les concocter dans une cuisine professionnelle
France, je me suis rendu compte qu’il s’était passé très bien équipée sous la supervision d’un chef. Après
quelque chose. La cuisine ici est en train de con- une heure et demie, vous repartez à la maison avec
naître une explosion. Les Québécois sont très une dizaine de plats complets et équilibrés… en leur
ouverts sur le monde et aiment les expériences nou- laissant la vaisselle! Tentant, non?
Ce que Jonathan Garnier réussit à inculquer à ceux
velles. Il y a ici une nouvelle génération de chefs très
inspirés. On est en train de créer une école ici, une qui fréquentent son domaine, c’est l’amour du bon, du
«
REPAS DU MIDI
bien, du beau et du bien
fait, dans le plaisir. Et ce n’est pas un
hasard s’il s’entoure d’autant de toqués (dans le sens
culinaire du terme, bien sûr). «J’admire les chefs. J’aime
les regarder travailler. On peut apprendre beaucoup
juste à les observer au boulot.»
Et par ces cours, ce ne sont pas seulement les techniques et les tendances de la très «trendy» planète cuisine qui sont enseignées. «Je suis pour une éducation
globale du monde de la cuisine. En participant à un
cours, les gens se rendent mieux compte de tout le tra-
vail qu’il peut y avoir derrière l’assiette qu’on leur sert
au resto.»
Celui qui se dit très influencé par la cuisine du
sud de la France et de l’Italie considère le produit
ou l’ingrédient comme élément central d’un mets.
Il préconise le vrai et le frais, et tant que faire se
peut, saisonnier et du terroir. «Si on veut utiliser
des fraises pour un dessert en janvier, ça ne sert à
rien de prendre des fruits qui arrivent des ÉtatsUnis. Mieux vaut penser à congeler des fraises d’ici
pendant la saison.»
Et que pense le très médiatique homme d’affaires et
de cuisine de cette vague qui fait des chefs de véritables
rocks stars? «Si ça peut aider des jeunes à s’intéresser à
la cuisine, ou à se découvrir une vocation…, c’est bon.
Mais travailler en cuisine, c’est un sacerdoce. On travaille des heures de fou, il faut y mettre beaucoup de
temps. Je pense que ce serait bon que les écoles de cuisine commencent leurs cours avec des stages au lieu de
cours théoriques. Comme ça les étudiants sauraient à
quoi s’en tenir».
Tout ce que l’on peut souhaiter pour tous ceux qui
n’ont pas la chance d’avoir accès à la Guilde, c’est que
ces messieurs Garnier aient des idées de franchisage!
D’ici là, affûtez vos couteaux, faites brasser vos
casseroles, et accordez-vous le plaisir de bien manger.
»
4À8
TABLE D’HÔTE
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