La France en Colombie

Transcription

La France en Colombie
Les Belles étrangères
Colombie
édito
1
Jean-François Colosimo Président du Centre national du livre
N
N
Les Belles étrangères
Colombie
on pas deux fois cent ans de solitude, mais bien deux
siècles d’une indépendance vécue comme une épopée,
pages d’ombres et de lumières mêlées : c’est sa marche
vers la liberté, sans cesse recommencée, parfois douloureuse
mais toujours passionnée, que célèbre la Colombie en cet automne
2010. Loin des sempiternelles images d’une terre déchirée,
le Centre national du livre a voulu s’associer à cette fête en allant
à la rencontre d’une des littératures les plus fécondes d’Amérique
latine. Son secret de fabrique ? La confluence des vastes horizons
andin, pacifique et caraïbe n’y a d’égale qu’un amour intransigeant
de la langue : le lourd héritage de l’histoire, un sens aigu
de la chronique élevée au rang de mythe et l’exaltation du peuple,
l’affirmation de l’irréductibilité de l’écriture. Il n’est que l’expérience
de la plus vive violence pour engendrer une telle civilisation
de la courtoisie. En Colombie, un don ne se refuse jamais.
Aussi me faut-il formuler le vœu que l’accueil de la France
aux douze écrivains d’exception que nous sommes heureux
de faire découvrir, ou redécouvrir, sera à la hauteur
de leur singulière générosité, gage d’avenir pour tout
un continent, peut-être tourmenté, certainement flamboyant.
Les Belles étrangères
Colombie
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Auteurs invités
par le Centre
national du livre
du 8 au 20
novembre 2010
Héctor ABAD FACIOLINCE
Antonio CABALLERO
Jorge FRANCO
Santiago GAMBOA
Tomás GONZÁLEZ
William OSPINA
Juan Manuel ROCA
Evelio ROSERO
Gonzalo SÁNCHEZ
Antonio UNGAR
Fernando VALLEJO
Juan Gabriel VÁSQUEZ
Introduction
historique
Jean-Michel Marlaud Ambassadeur de France à Bogotá
L
a Colombie est avant tout
une terre de mythes. Pour
les Muiscas, qui habitaient
les montagnes andines bien avant l’arrivée des
Espagnols, l’humanité est née de Bachué, surgie
d’un lac en tenant par la main un enfant qu’elle
finit par épouser et dont la descendance peupla
la terre. Pour les conquistadors qui foulèrent
pour la première fois le continent américain au
Cabo de la Vela, où vivent aujourd’hui les Wayuu,
l’Eldorado fut un puissant moteur d’expédition.
Savaient-ils que ce mythe repose au fond du lac
de Guatavita, à quelques kilomètres de l’actuelle
Bogotá, où chaque année le cacique, le corps enduit
de poudre d’or, montait sur un radeau rempli
d’offrandes ? Et que, lorsque les rayons du soleil
frappaient l’embarcation, il se jetait à l’eau
et en ressortait le corps lavé ? Ce rituel fécondait
la terre et garantissait la survie du monde.
L’épopée de la Conquête, si bien retracée
dans les romans de William Ospina, fut placée
d’emblée sous le signe de la violence. Entre
Espagnols d’abord, mais aussi et surtout
à l’encontre des indigènes, décimés par les mauvais
traitements et les maladies venues d’Europe,
puis des esclaves noirs amenés d’Afrique pour
les remplacer. Carthagène des Indes, comme
le rappelle Gabriel García Márquez dans L’Amour
et autres démons, fut le premier port négrier
des Amériques. L’or du Choco et les émeraudes
de Muzo, extraits par les esclaves, donnèrent
naissance à de somptueuses cités coloniales
comme Popayan où se développèrent une
architecture et une peinture baroques de toute
beauté, mais aussi à l’apparition des premiers
villages d’esclaves révoltés comme Basilio
de Palenque.
Tout au long du xviie siècle, se développa
une société coloniale aux références européennes,
dominée par l’Église catholique, les rivalités entre
Espagnols, leur soif de richesse et la soumission
des autres populations. Au xviiie siècle,
les Révolutions américaine et française se firent
sentir dans les lettres, les sciences et les armes :
en 1784, Antonio Nariño fut exilé à Cadix pour
avoir osé traduire la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen et l’entourage de José
Celestino Mutis, botaniste et ami de Humbolt
et de Bonpland, compta nombre des futurs héros
de la geste bolivarienne.
Le processus d’émancipation de la Colombie
se fit dans la violence. Le mouvement débuta le
20 juillet 1810, il y a tout juste 200 ans, et s’acheva
le 7 août 1819, au terme de longs et sanglants
combats, avec la victoire de Boyacá. Mais une fois
les Espagnols vaincus, les nouveaux dirigeants
ne tardèrent pas à s’entre-déchirer. La séparation
du Venezuela et de l’Équateur marqua la fin
du rêve de Bolívar, convaincu, au crépuscule
Les Belles étrangères
Colombie
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de sa vie, d’avoir « labouré la mer ».
Les affrontements sanglants entre conservateurs
et libéraux se succèdèrent et aboutirent
à la guerre des mille jours et à la sécession
du Panama le 3 novembre 1903, magistralement
relatées par Juan Gabriel Vásquez dans Histoire
secrète du Costaguana. Pourtant, tout au long
de ce xixe siècle chaotique, la vie intellectuelle
resta florissante, symbolisée par le chef-d’œuvre
de Jorge Isaacs, María, publié en 1867.
La transformation profonde de la
Colombie dans la première moitié du xxe siècle
− développement rapide de la production
de café, urbanisation accélérée, construction
de routes et de chemins de fer, création de grands
journaux comme El Espectador − s’accompagna
de mouvements sociaux meurtriers : ainsi
les atrocités commises contre les indigènes
par les producteurs de caoutchouc et racontées
en 1924 dans La Vorágine, œuvre haletante
de José Eustasio Rivera, et le massacre,
en 1928, des travailleurs de la banane, qui figure
en bonne place dans Cent ans de solitude.
À partir des années 1940, la Colombie,
engagée aux côtés des Alliés, renoua avec une
production intellectuelle brillante. Paul Rivet,
fondateur du musée de l’Homme et du réseau
de la Résitance du même nom, réfugié à Bogotá,
où il représentait la France libre, créa l’Institut
d’Anthropologie. Entre 1948 et 1950,
Le Corbusier effectua cinq voyages dans la capitale
colombienne, avec des plans qui ne sortirent
jamais de ses cartons, tandis qu’à Barranquilla
fut fondé un petit groupe d’artistes, parmi lesquels
Gabriel García Márquez et les peintres Fernando
Botero et Alejandro Obregón.
Pourtant, la violence entre conservateurs
et libéraux s’exacerba. L’assassinat, le 9 avril 1948,
du candidat libéral à l’élection présidentielle Jorge
Eliecer Gaitán, relaté par Gabriel García Márquez
dans Vivre pour la raconter, déclencha une vague
de violence qui fit 200 000 morts et dont témoigne
le film de Fernando Vallejo Cronica roja. Cette
période, connue sous le nom de La Violencia,
s’acheva en 1956 par un accord entre les deux
partis politiques qui ne mit cependant pas fin
au conflit. Des guérillas s’organisèrent
pour en finir avec les terribles inégalités sociales,
tandis que la culture de la coca s’industrialisa.
Commença le temps de la production et de la
commercialisation de la cocaïne. D’où une certaine
image de la Colombie contemporaine. C’est le
règne des cartels de la drogue et de Pablo Escobar,
abattu en 1993. Certes, la culture de la coca
a toujours existé chez les populations andines
et ce, bien avant la Conquête, mais à partir
des années 1980, les trafiquants de cocaïne représentent
une menace dramatique pour les peuples indigènes
(qui sont plus de cent en Colombie, parlant 64
langues) car ils procèdent par assassinats sélectifs
et suscitent des déplacements forcés
de populations qui signent leur arrêt de mort,
alors qu’ils sont coupés de leurs territoires
et de leurs traditions. Les narcotrafiquants
mettent aussi en danger l’environnement, en raison
de la déforestation qu’ils pratiquent de façon
intensive et des rejets de produits chimiques
dans les rivières. La volonté de mettre un frein
à l’avancée des guérillas et le trafic de la drogue
ont conduit à la création de groupes paramilitaires
qui se sont révélés rapidement coupables
d’atrocités pires que celles de leurs adversaires.
La littérature colombienne contemporaine
reflète ce sentiment de perte des repères
et de désespoir, qu’il s’agisse de l’assassinat
du père dans le livre d’Héctor Abad, L’oubli
que nous serons, de l’errance dans Bogotá
du héros d’Antonio Caballero, du drame
du village évoqué par Evelio Rosero
dans Les Armées, de l’exil chez Jorge Franco
et Santiago Gamboa ou de la poésie lyrique
et visuelle de Juan Manuel Roca.
Aujourd’hui la situation évolue : le nombre
d’homicides a été divisé par deux depuis deux ans,
la Colombie s’ouvre au tourisme, un vent
de confiance souffle. Les écrivains sont là
pour nous rappeler qu’au-delà des incontestables
succès qui ont bouleversé la réalité colombienne,
des questions fondamentales subsistent,
liées à la présence du narcotrafic, à la difficulté
de concilier la lutte contre le crime organisé
et le respect des Droits de l’homme, à la nécessité
de réduire les inégalités.
Introduction
littéraire
Annie Morvan Conseillère littéraire auprès du CNL
D
epuis la guerre de Troie,
la dualité que forment
violence et littérature
semble inhérente à la vie des peuples.
Depuis L’Iliade, la poésie est la rencontre d’une
langue et des hommes, le flamboiement de la beauté
au plus fort du combat, et l’écriture confronte la force
de l’histoire aux passions des personnages.
« On ne saurait lire Stendhal, dit Antonio Caballero,
sans comprendre Napoléon ». Pas plus qu’on
ne saurait lire les écrivains colombiens d’aujourd’hui
sans savoir que depuis le xixe siècle plusieurs
guerres civiles ont ensanglanté le pays ; celle des
mille jours qui, de 1899 à 1902, fit plus de deux
cent mille morts ; celle qui, dans les années 1950,
opposa conservateurs et libéraux et, plus près de
nous, les années d’affrontements entre militaires,
paramilitaires, guérilleros et narcotrafiquants.
À l’image du continent sud américain, la Colombie
est un va-et-vient entre le rouge et le noir,
la guerre et la paix, le crime et le châtiment.
Du sommet des Andes colombiennes, chacun
peut admirer le panorama infini de l’Amérique
latine, mais seuls les Colombiens sont en mesure
de raconter leur pays. La littérature indigène
et caribéenne d’aujourd’hui, consignant
la rumeur des anciennes légendes, témoigne du long
et difficile passage de l’oralité à la prose et à la poésie ;
les historiens cherchent les traces d’une conquête
lointaine et cruelle pouvant expliquer la volonté
d’indépendance et un présent qui n’est pas encore
en paix avec lui-même ; pour entreprendre le voyage
vers les Cyclades de la modernité, les romanciers
colombiens traversent les mangroves de l’Orénoque,
les villages reculés, les métropoles tumultueuses
et plongent sans crainte dans les labyrinthes
du moi, les dédales du thriller, les jeux de l’amour
et de l’érotisme transgresseur, pour mieux regarder
l’histoire récente droit dans les yeux ; les poètes
se glissent dans les fissures du réel.
Cette édition des Belles Étrangères propose
un choix – sans doute partiel mais puissant et légitime –
d’auteurs qui partagent une même terre et une même
histoire et dont les œuvres mènent le lecteur
à la découverte d’une Colombie plurielle. On y voit
le ciel tourmenté de Bogotá et des verts de toutes
les couleurs dans la lumière zénithale des montagnes
andines ; on y voit la pluie tomber comme
elle tombait jadis sur Macondo, village inoubliable
de Cent ans de solitude ; on souffre et on pleure avec
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Colombie
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les paysans la disparition d’un fils ou la mort
d’un père de la main des guérilleros,
des paramilitaires ou des mafieux de la drogue,
ce qui revient au même ; on accompagne des
personnages en mal d’aventure, perdus dans le vaste
espace mais portant en eux toute la beauté de leur
pays pour mieux en révéler les secrets ; on pénètre
dans des villes dont chaque quartier correspond
à un cercle de l’enfer de la Divine Comédie
et chaque coin de rue à l’un de ses chants ; on entend
le langage urbain et macabre des sicaires, on s’égare
dans les méandres de la mémoire et de l’imagination,
et on finit par croire que ce pays s’est réellement
appelé un jour le Costaguana, pays inventé
par Joseph Conrad dans son roman Nostromo
et repris par Juan Gabriel Vásquez dans son Histoire
secrète du Costaguana.
À l’instar de toute autre, la littérature colombienne
est une école d’universalité. Ses écrivains récents,
un temps cachés aux yeux du monde par les astres
éblouissants de Gabriel García Márquez et d’Alvaro
Mutis, livrent une double bataille. Nombre d’entre eux
pactisent le jour avec la vérité en écrivant dans
des revues et des quotidiens, et, la nuit, s’échappent
ou cherchent leur salut en poussant la porte
de la bibliothèque mondiale. Ce face à face nécessaire,
ou ce délire, comme on voudra, existe bel et bien
dans le dix-neuvième fragment d’un roman colombien
où le dernier Aureliano Buendía, personnage
de Cent ans de solitude, réunit chaque jour quatre
garçons qui mènent un dialogue acharné sur les mille
et une façons de tuer les cafards au Moyen Âge : Alvaro
Cepeda Samudio, Alfonso Fuenmayor, Germán
Vargas et Gabriel García Márquez lui-même.
Quatre écrivains colombiens majeurs des années
1960 dont l’histoire littéraire de l’Amérique latine
se souvient comme du groupe de Barranquilla.
Aujourd’hui ils ne sont pas quatre mais douze :
Héctor Abad Faciolince, Antonio Caballero, Jorge
Franco, Santiago Gamboa, Tomás González, William
Ospina, Juan Manuel Roca, Evelio Rosero, Gonzalo
Sánchez, Antonio Ungar, Fernando Vallejo et Juan
Gabriel Vásquez. Gageons que, dans les pages
d’un de leurs romans ou dans les vers
d’un de leurs poèmes, se tient le personnage
qui symbolisera, pour les lecteurs d’ici et d’ailleurs,
la littérature de la Colombie du xxie siècle.
Les Belles
Étrangères
édition Colombie 2010
Du 8 au 20 novembre 2010, le Centre national
du livre invite douze écrivains de Colombie
représentant la diversité de sa production littéraire :
poètes, romanciers, essayistes. Le choix des auteurs
a été réalisé avec Annie Morvan, conseillère littéraire
auprès du CNL pour cette édition colombienne
des Belles Étrangères.
Conçues et organisées par le Centre national
du livre depuis 1987, Les Belles Étrangères favorisent
la découverte de littératures étrangères ou d’auteurs
encore peu connus en France et accompagnent
la politique d’aide à la traduction, à la publication
et à la diffusion menée par le Centre national du
livre. Le principe repose sur l’invitation, en novembre
de chaque année, d’un groupe d’écrivains d’un même
pays ou d’une même aire linguistique,
et l’organisation d’une série de rencontres, pendant
deux semaines, dans toute la France, avec
des librairies, des bibliothèques, des universités,
des théâtres et des associations culturelles,
partenaires du Centre national du livre.
Les douze auteurs invités sillonnent la France
et la Belgique seuls, à deux ou à trois.
Plus de 40 villes sont concernées, soit près de soixante
rencontres publiques, dont 19 rencontres scolaires
et universitaires et 3 rencontres en prison, réalisées
avec 90 partenaires parmi lesquels : 19 bibliothèques
et médiathèques, 29 librairies et 21 associations.
Les éléments du programmme mentionné
sont sous réserve de modification.
Retrouvez le programme complet :
www.belles-etrangeres.culture.fr
Actualité éditoriale
à paraître à l’automne 2010
Héctor ABAD FACIOLINCE
L’oubli que nous serons,
traduit par Albert Bensoussan,
éd. Gallimard,
en librairie le 28 octobre 2010
Traité culinaire à l’usage des femmes tristes,
éd. J.-C. Lattès,
en librairie le 3 novembre 2010
Santiago GAMBOA
Nécropolis 1209,
traduit par François Gaudry,
éd. Métailié, en librairie le 9 septembre 2010
Tomás GONZÁLEZ
Au commencement était la mer,
traduit par Delphine Valentin,
éd. Carnets Nord, en librairie le 7 octobre 2010
William OSPINA
Le pays de la cannelle,
traduit par Claude Bleton,
éd. J.-C. Lattès, en librairie le 25 août 2010
Juan Manuel ROCA
Bible de pauvres, poèmes,
traduit par François-Michel Durazzo,
éd. Myriam Solal, en librairie le 24 octobre 2010
À paraître début 2011
Antonio UNGAR
Trois cercueils blancs,
traduit par Robert Amutio, éd. Les Allusifs
Juan Gabriel VáSQUEZ
Les Amants de la Toussaint, nouvelles,
traduit par Isabelle Gugnon, éd. du Seuil
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Angosta,
traduit par Anne Proenza,
éd. J.-C. Lattès, 2010
L’Oubli que nous serons,
traduit par Albert Bensoussan,
éd. Gallimard, 2010
Traité culinaire à l’usage
des femmes tristes,
traduit par Claude Bleton,
éd. J.-C. Lattès, 2010
Héctor
ABAD
FACIOLINCE
H
éctor Abad naît en 1958 à Medellín. Après des études de journalisme à l’université
d’Antioquia, il devient chroniqueur dans plusieurs journaux et revues dont El Espectador,
Semana et Cambio. Contraint à l’exil de 1987 à 1992, il s’installe d’abord en Espagne puis
en Italie, à Vérone, où il gagne sa vie en donnant des cours d’espagnol et commence son œuvre de
romancier. Traducteur d’auteurs italiens, dont Gesualdo Bufalino et Italo Calvino, il publie en 1991
un premier livre de nouvelles, Malos pensamientos, suivi en 1996, de Tratado culinario para mujeres tristes
(Traité culinaire à l’usage des femmes tristes), et en 2000 d’un roman, Basura. Angosta, publié en 2004,
lui vaut une reconnaissance internationale. En 2006, il publie El olvido que seremos (L’Oubli que nous
serons), récit autobiographique et poignant hommage à son père assassiné en 1987. En 2009, enfin,
paraît un recueil de trois nouvelles, Traiciones de la memoria. Il vit aujourd’hui à Medellín.
« Les livres sont un simulacre de souvenir,
une prothèse pour se rappeler, une tentative
désespérée de rendre un peu plus durable
ce qui est irrémédiablement limité. »
L’Oubli que nous serons, éd. Gallimard
A
ngosta, ville imaginaire de Colombie, est, dans un décor
fantastique, le lieu d’une vaste fable sur l’inégalité sociale
et la séparation des classes où se déroule l’histoire
d’un marginal amoureux des livres qui s’éprend de la jeune amie
d’un mafieux, et là les choses tournent mal… Inspiré, d’une certaine
façon, par La Divine Comédie de Dante, le roman se divise en trois
parties correspondant aux trois étages de la société : l’Enfer
où vivent les pauvres, tout en bas de la ville, le Purgatoire
qui est cette zone intermédiaire où se défend la classe moyenne,
et le Paradis qui ne peut être que celui des riches. Nous sommes
bien là dans la métaphore de Medellín.
Traité culinaire à l’usage des femmes tristes est une sorte de jeu
littéraire inspiré par L’art d’aimer d’Ovide.
L’Oubli que nous serons, récit autobiographique, évoque les deux
décès qui ont marqué la vie de l’auteur : celui de sa sœur, morte
d’un cancer foudroyant, et celui de son père, un docteur humaniste,
défenseur des droits de l’Homme, assassiné pour ses idéaux.
Dans la poche du père tué à Medellín, le jeune Héctor Abad
a trouvé un poème manuscrit qui commence par le vers : « Nous
voilà devenus l’oubli que nous serons », poème de Jorge Luis Borges
dont l’histoire est rapportée dans l’ouvrage suivant de l’auteur,
Traiciones de la memoria (Trahisons de la mémoire) à paraître.
L’Oubli que nous serons, livre considérable où les pages de l’enfance
sont d’une émouvante tendresse, est aussi une saisissante immersion
dans l’enfer de la violence politique colombienne. Écrit dans un style
bouleversant de pudeur et de retenue, il a déjà conquis des milliers
de lecteurs dans le monde.
Albert Bensoussan
Traducteur
Vous retrouverez Héctor ABAD FACIOLINCE à :
• Dunkerque le 9 novembre avec Jorge Franco
• Metz les 12 et 13 novembre avec Evelio Rosero et Gonzalo Sánchez
• Mulhouse et Colmar les 15 et 16 novembre avec Antonio Caballero
• Poitiers le 17 novembre avec Gonzalo Sánchez
• Arles le 19 novembre avec Santiago Gamboa
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Un mal sans remède,
traduit par Jean-Marie Saint-Lu,
éd. Belfond, 2009
antonio
CABALLERO
A
ntonio Caballero naît à Bogotá en 1945. Il grandit en Espagne et fait des études de droit
et de sciences politiques à Paris. Au milieu des années soixante-dix, il participe à la fondation
de la prestigieuse revue espagnole Cambio 16, et, de retour en Colombie, consolide sa carrière
de journaliste. Sa plume claire et directe, sa rigueur et son éthique professionnelle lui valent une
reconnaissance internationale. Contraint, dans les années quatre-vingt-dix, de quitter son pays en proie
à la violence politique, il s’installe en Grèce, puis de nouveau en Espagne. En 1999, No es por aguar
la fiesta, livre qui reprend ses principaux articles politiques, remporte le prix Planeta de journalisme.
Il est également l’auteur de plusieurs essais sur l’art publiés sous le titre Paisaje con figuras et d’un livre
sur la tauromachie, dont il est un grand amateur. Il est l’auteur d’un unique roman : Sin remedio
(Un mal sans remède), comédie humaine emblématique du Bogotá des années soixante-dix.
« Poème. Poème. Poème. Des grumeaux de
poèmes restaient collés à son palais,
tout au fond de la bouche, là où n’arrive
pas la pointe de la langue… »
Un mal sans remède, éd. Belfond, p. 18
O
n ne peut que se rendre à l’évidence : Antonio Caballero
porte fort bien son nom. Issu d’une grande famille
de Bogotá, il a la distinction discrète de la bourgeoisie
intelligente, et sa bonne éducation n’a d’égale que sa très grande
culture. Non seulement du monde hispanique – sa connaissance
des Lettres du Siècle d’or est immense –, mais du monde en général,
et sa maîtrise du français est absolue. Il était donc parfaitement armé
pour devenir un observateur attentif de notre époque et pour porter
sur son pays un regard d’une acuité exceptionnelle qui se manifeste
dans les deux domaines où il exerce ses talents : le journalisme écrit
et la caricature. Ne nous étonnons pas dès lors qu’avec Un mal sans
remède, il ait pu écrire, en y consacrant dix ans de sa vie, le roman
des années soixante-dix à Bogotá, et que cet ouvrage soit devenu
en Colombie un livre culte. Mais ce n’est là qu’un décor : au-delà
de sa valeur testimoniale, il faut voir dans ce livre – et c’était
d’ailleurs le projet de son auteur – une méditation riche et désabusée
sur la poésie et la difficulté d’être poète. Par-là, Un mal sans remède
échappe à la contingence et prend place parmi les grands livres
qui invitent à réfléchir sur l’art et sur la beauté. On n’en sort pas
indemne.
Jean-Marie Saint-Lu
Traducteur
Vous retrouverez Antonio CABALLERO à :
• Liège et Bruxelles les 9 et 10 novembre avec Fernando Vallejo
• Bordeaux, Mérignac et Biarritz les 12 et 13 novembre avec Juan Manuel Roca
• Mulhouse et Colmar les 15 et 16 novembre avec Héctor Abad Faciolince
• Luçon et la Roche-sur-Yon les 17 et 18 novembre avec Jorge Franco
• Saint-Nazaire et Nantes le 19 novembre avec William Ospina et Juan Gabriel Vásquez
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La Fille aux ciseaux,
traduit par René Solis,
éd. Métailié 2001
Paraíso Travel,
traduit par René Solis,
éd. Métailié, 2004
Melodrama,
traduit par René Solis,
éd. Métailié, 2010
Jorge
FRANCO
J
orge Franco naît à Medellín en 1962. Il fait des études de lettres à la Pontificia Universidad Javeriana
de Bogotá, puis des études de cinéma à la London International Film School. Il publie un premier
recueil de nouvelles, Maldito amor, en 1996, et un premier roman, Mala noche, en 1997. En 1999,
Rosario Tijeras (La Fille aux ciseaux) remporte le prix Dashiell Hammet au Festival de la Semana
Negra, en Espagne, avant d’être adapté au cinéma par Emilio Maillé, puis dans une série pour
la télévision. Son roman Paraíso Travel, publié en 2001, a également été porté à l’écran et Miguel Urrutia
a signé l’adaptation théâtrale de son dernier ouvrage, Melodrama. Jorge Franco est professeur d’écriture
créative à l’université nationale de Bogotá.
« J’ai su qu’en me mettant à courir j’allais
la perdre et que moi aussi, en un clin d’œil,
j’avais signé ma perte.»
Paraíso Travel, éd. Métailié, coll. «Suites», p. 9
D
ans un hôpital de Medellín, une jeune femme criblée
de balles agonise. Avec La Fille aux ciseaux, son premier
grand succès, Jorge Franco plongeait au cœur de la
fournaise colombienne - narcotrafic, guerre des gangs, exécutions
sommaires - à travers une folle histoire d’amour entre deux
adolescents : un fils de bonne famille et une fille des bidonvilles,
tueuse à la solde d’un cartel.
L’œuvre de Jorge Franco ne manque ni de jeunes femmes fatales
ni de jeunes hommes faibles. Dans Paraíso Travel, Reina, forte
de son ascendant sur Marlon, le convainc de la suivre à New York.
L’horreur de leur périple clandestin n’est rien en comparaison
de ce qui les attend. Allers retours entre passé et présent,
art de la tension, économie de moyens, le style de Franco
évoque le cinéma et son écriture frôle l’abîme. Dans Melodrama,
l’imminence de la mort imprègne tout le récit de Vidal, narrateur
d’un cauchemar familial et amoureux.
« Voilà un des auteurs colombiens à qui j’aimerais passer
le flambeau ». Ce mot de Gabriel García Márquez frappe d’autant
plus que leurs univers semblent éloignés. Tous deux partagent
néanmoins, il est vrai, la conviction que la littérature est l’art
de transformer des vies en destins.
René Solis
Traducteur
Vous retrouverez Jorge FRANCO à :
• Dunkerque le 9 novembre avec Héctor Abad Faciolince
• Durban, Port-la-Nouvelle et Villesèque-des-Corbières le 12 et 13 novembre avec Antonio Ungar
• Luçon et La-Roche-sur-Yon les 17 et 18 novembre avec Antonio Caballero
• La Rochelle le 19 novembre avec Gonzalo Sánchez
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Perdre est une question de méthode,
traduit par Anne-Marie Meunier,
éd. Métailié 1999
Les Captifs du lys blanc,
traduit par Claude Bleton,
éd. Métailié, 2002
Esteban le héros,
traduit par Anne-Marie Meunier,
éd. Métailié, 2003
Le Syndrome d’Ulysse,
traduit par Claude Bleton,
éd. Métailié, 2007
Le Siège de Bogotá,
traduit par Claude Bleton,
éd. Métailié, 2007
Nécropolis 1209,
traduit par François Gaudry,
éd. Métailié, 2010
Santiago
GAMBOA
S
antiago Gamboa naît à Bogotá en 1966. Après des études de lettres à l’université Javeriana
de Bogotá, il émigre en Europe. Il vit à Madrid où il obtient une licence en philologie hispanique.
À Paris, il travaille comme journaliste à Radio France Internationale avant d’être nommé
correspondant d’El Tiempo, le quotidien le plus important de la capitale colombienne, puis attaché
culturel à l’Unesco. Son premier roman, Paginas de vuelta, est publié en 1995, suivi en 1997
de Perder es cuestión de método (Perdre est une question de méthode), immédiatement traduit dans plusieurs
langues et porté à l’écran en 2005 par Sergio Cabrera. Lors de sa parution en France en 1999,
El Síndrome de Ulises (Le Syndrome d’Ulysse) est sélectionné pour le prix Médicis étranger.
Son dernier roman, Nécropolis 1209, a remporté en Colombie le prix La Otra Orilla.
Il a écrit une grande partie de son œuvre dans la capitale française avant d’être conseiller
culturel de l’ambassade de Colombie en Inde et vit actuellement à Rome.
« Attendre, attendre, je ne faisais que ça
et une fois de plus j’attendais, gare de l’Est »
Le Syndrome d’Ulysse, éd. du Seuil, coll. « Points », p. 314
Santiago Gamboa : les voix du monde
a littérature de Santiago Gamboa est l’expression d’un
tournant intellectuel : celui des écrivains latino-américains
qui proclament leur droit non seulement à raconter la réalité
de leur pays mais aussi à nommer le monde. En cela, son œuvre
est colombienne et universelle. Ses personnages avancent dans
les dédales convulsés de Bogotá, au rythme du roman noir dans
Perdre est une question de méthode, ou empreints d’une ironie futuriste
dans la nouvelle Le Siège de Bogotá. Ils se perdent aussi au détour
de lointains labyrinthes. Ceux des sous-sols du désir et du désarroi
du Paris sordide des immigrés dans Le Syndrome d’Ulysse,
ou ceux de l’espionnage et de l’humour dans Les Captifs du Lys blanc
où la Chine apparaît comme la digne héritière des imbroglios
de la Havane de Graham Greene, auteur dont Santiago Gamboa
est proche, tant par sa puissance narrative, la complexité
de ses intrigues que par la confrontation des regards éthiques qui,
dans ses récits, interrogent toujours de façon narquoise le rôle
de la pensée religieuse d’aujourd’hui.
Petit à petit, Santiago Gamboa a construit un alter ego littéraire,
Esteban Hinestroza, personnage du Syndrome d’Ulysse que l’on
rencontre une première fois dans son roman précédent, Esteban
le héros, et dans son dernier, Nécropolis 1209, qui est une formidable
polyphonie de voix dans un monde rongé par la violence. À 44 ans,
Santiago Gamboa est à l’apogée de sa maturité littéraire, maître
d’une œuvre où s’équilibrent humour, inquiétude et désarroi.
Que ne peut-on espérer de son talent ?
L
José Manuel Fajardo
Écrivain
Vous retrouverez Santiago GAMBOA à :
• Lyon le 9 novembre
• Rochefort les 15 et 16 novembre avec William Ospina
• Aix-en-Provence les 17 et 18 novembre avec Fernando Vallejo
• Arles le 19 novembre avec Héctor Abad Faciolince
Les Belles étrangères
Colombie
16
Au commencement était la mer,
traduit par Delphine Valentin,
éd. Carnets nord, 2010
Tomás
GONZáLEZ
T
omás González naît à Medellín en 1950 et vit aujourd’hui à Cachipay, à deux heures
de route de Bogotá, dans la montagne. Il fait des études de philosophie à l’université
nationale de Colombie et travaille comme barman dans la discothèque El goce pagano,
qui publie son premier roman en 1983. Cette même année, il part aux États-Unis, vit 3 ans à Miami,
puis 16 ans à New York où il écrit une grande partie de son œuvre et travaille comme traducteur.
Il rentre en Colombie en 2002. Romancier, nouvelliste et poète, ses principaux romans sont :
Primero estaba el mar (Au commencement était la mer), 1983, Para antes del olvido, 1987, La Historia
de Horacio, 1997, Los caballitos del diablo, 2003, Abraham entre bandidos, 2010. Parmi ses recueils
de nouvelles, il convient de citer El rey del Honka-Monka, 1995. Son œuvre poétique est rassemblée
dans un recueil, Manglares, 1997-2006.
« Cette saison des pluies fut longue
et sinistre. Pour cette raison peut-être,
ou bien parce qu’il avait été obligé
de céder le bétail, J. s’enfonça de plus
en plus dans le silence. »
Au commencement était la mer, éd. Carnets Nord
Les secrets de Tomás González
omás González possède un secret que nous voudrions
tous avoir : il ne vieillit pas. À l’image de son roman,
Au commencement était la mer, écrit il y a une trentaine
d’années, ses textes ne se fanent pas. Cela tient à son langage
éclatant et simple. Ce ton est unique dans la littérature colombienne,
parce que, comme le dit l’un de ses personnages, ses mots ont
« le naturel de la mousse sur les pierres ».
Un autre de ses secrets est que son écriture, malgré des thèmes
parfois très noirs, n’est pas déprimante, bien au contraire, elle célèbre
la vie et la réconcilie avec la mort. Tomás nous montre que mourir
fait partie de la vie et que celle-ci va bien au-delà de la mort.
De plus, il ne peint pas le monde en noir et blanc. Dans ses livres,
le bon côtoie le mal, le beau se tient près du laid et, ce qui est
typique de la Colombie, la souffrance accompagne la jouissance :
« Dans un bar fétide et pendant qu’un juke-box jouait un tango,
le blessé perdait son sang et buvait de la bière ».
Le secret le plus intime de Tomás est de savoir s’emparer
du cœur de ses lecteurs. Presque tous ses personnages sont
des perdants et des ratés. Cependant, l’auteur ne les laisse pas
succomber à leurs défaites, et, en leur ouvrant la porte, il les libère
et leur confère une dignité retrouvée. Cette libération se transmet
au lecteur et provoque en lui une catharsis qui fait frissonner
son âme. C’est pourquoi lire Tomás González et son invitation
à connaître « l’épineuse beauté du monde » est une expérience
gratifiante et enrichissante.
T
peter schultze-kraft
Traducteur
Vous retrouverez Tomás GONZáLEZ à :
• Rennes les 10 et 12 novembre avec Juan Gabriel Vásquez
• Porto-Vecchio, Corte et ajaccio du 17 au 19 novembre
Les Belles étrangères
Colombie
18
À qui parle Virginia
en marchant vers l’eau,
poésie, traduit par Tania Roelens,
éd. Cheyne, 2004
Ursúa,
traduit par Claude Bleton,
éd. J.-C. Lattès, 2007
Le Pays de la cannelle,
traduit par Claude Bleton,
éd. J.-C. Lattès, 2010
William
OSPINA
W
illiam Ospina naît en 1954 à Padua, dans la région de Tolima. Il commence des études de droit
et de sciences politiques à l’université Santiago de Cali, mais les abandonne pour se consacrer
au journalisme et à l’écriture. Essayiste, poète, romancier, il publie en 1982 un essai sur le poète
Aurelio Arturo et, en 1986, un premier recueil de poèmes Hilo de Arena. Fondateur de la prestigieuse revue
Revista Número, il est l’auteur de nombreux essais, en particulier sur le rôle du langage dans la conquête
de l’Amérique et sur les grands maîtres de la littérature : Walt Whitman, Arthur Rimbaud, Lord Byron,
Emily Dickinson entre autres. En 1992, l’Instituto Colombiano de Cultura lui décerne le Prix national
de poésie. Son premier roman, Ursúa, paraît en 2005, suivi, en 2009, de El país de la canela (Le Pays de la cannelle).
Cette même année son œuvre poétique (1974-2004) est éditée en Espagne. Il est également l’auteur
d’une pièce de théâtre, Bolívar : fragmentos de un sueño (Bolivar : fragments d’un rêve), qui, adaptée
et mise en scène par Omar Porras, sera jouée au Grand T de Nantes les 18 et 19 novembre 2010.
« Ainsi avançait Ursúa, toujours englué
dans son destin, toujours un peu en retrait
du point où il aurait pu être libre et maître
de sa vie. »
Ursúa, éd. J.-C. Lattès, p. 250
«I
l se pourrait que ce qui régit le destin de l’homme ne soit ni
le Christ, ni Jupiter, ni Allah, ni Moloch, mais Pachacámac,
le dieu des arrivées nulle part, le dieu de la sagesse qui
survient un jour après l’échec. » Ainsi comprend-on que William
Ospina n’est pas seulement un grand poète et un auteur de roman
historique, mais un écrivain de la quête, une quête détournée
de sa dimension spirituelle chez les conquistadors, car aux
Amériques, au xvie siècle, seul l’or est la mesure de l’homme,
du temps et de l’espace.
William Ospina a entrepris une vaste trilogie autour du
conquistador Pedro de Ursúa, qui n’a pas 17 ans quand il débarque
sur le nouveau continent, en 1544, et qui finira assassiné à peine
vingt ans plus tard par ses coreligionnaires. Ursúa, le premier
volume, rapporte par la voix d’un mystérieux conteur les premières
aventures de Pedro de Ursúa dans le Nouveau Monde, ses combats
contre les peuples amérindiens, contre ses propres concitoyens et
contre la nature, démesurée, envahissante, obsédante, qui orchestre
cette écriture symphonique.
Dans le deuxième volume, Le Pays de la cannelle, la même voix,
qu’on identifie peu à peu, raconte la folle descente de l’Amazone
par une poignée de conquistadors persuadés qu’ils vont trouver
en aval une immense forêt de canneliers, et donc la fortune.
Derrière cette violence sans limites, William Ospina mène, sans
jamais le dire, une réflexion sur le pouvoir, en observant et décrivant
les minuscules acteurs de la grande Histoire.
Claude Bleton
Traducteur et écrivain
Vous retrouverez William OSPINA à :
• Montpellier et Béziers les 9 et 10 novembre avec Evelio Rosero
• Rochefort les 15 et 16 novembre avec Santiago Gamboa
• Nantes le 18 novembre avec Juan Manuel Roca
• Saint-Nazaire et Nantes le 19 novembre avec Antonio Caballero et Juan Gabriel Vásquez
Les Belles étrangères
Colombie
20
Voleur de nuit,
traduit par
François-Michel Durazzo,
éd. Myriam Solal, 2009
Bible de pauvres,
traduit par
François-Michel Durazzo,
éd. Myriam Solal, 2010
Juan Manuel
ROCA
J
uan Manuel Roca naît à Medellín en 1946. Poète et journaliste, il a dirigé le supplément hebdomadaire
du quotidien El Espectador. Coordinateur des ateliers de poésie de la Casa Silva à Bogotá, il dirige
la revue culturelle La Sangrada escritura. Depuis le milieu des années soixante-dix, il a publié
une quinzaine de recueils de poésie, parmi lesquels : Memoria del agua, 1973 ; Luna de ciegos, 1975 ;
Los ladrones nocturnos (Voleur de nuit), 1977 ; Pavana con el diablo, 1990 ; Los cinco entierros de Pessoa, 2001 ;
Arenga del que sueña, 2002 et Biblia de pobres (Bible de pauvres), 2010. Il est également l’auteur de plusieurs
essais et d’un roman, Esa maldita costumbre de morir, 2003. Son œuvre a reçu de nombreux prix littéraires
tant en Amérique latine qu’en Espagne. Il est docteur Honoris Causa de l’université del Valle.
« Je lave l’eau, et c’est
Comme laver la liquidité du temps
Sous les ponts »
Voleur de nuit, éd. Myriam Solal, p. 39
J
uan Manuel Roca fait partie de la génération dite
« de la désillusion », des poètes nés au milieu des années
quarante et ayant commencé à écrire autour de 1970,
à un moment où la Colombie est en passe de sombrer
dans un « chaos de rues et de blessures ». Son écriture, alimentée
par les grandes voix de la poésie tant latino-américaine qu’européenne,
est trop originale pour faire partie d’une école, même si l’on y décèle,
çà et là, des échos de la contestation nadaïste portée par ses aînés
un peu plus tôt.
On dit que chaque poète est noueur de cordes. Des cordes allant
de l’aujourd’hui à l’éternel, de l’intime au cosmique. Chez Roca,
le chemin se ferait plutôt à rebours. Partant de loin, de l’autre côté
de la nuit, pour se rapprocher de l’ici. Ainsi, évoquer la Colombie,
cet immense hospice dans lequel l’aveuglement est roi, revient-il
à parler d’abord d’un paysage premier juché quelque part dans
les plaines de l’ailleurs. N’est dès lors sûr que ceci : il y a des fissures
dans le réel. Par elles se glissent les gouttes que seul le non-voyant
sait voir. C’est le sens de ces enfants aveugles jouant avec le bruit
en tapant dans une boîte de conserve. Ou de la main qui,
agrippée à une corde, sonne les cloches de l’ombre. On en trouvera
l’illustration dans les deux livres parus en français : l’anthologie
Voleur de nuit, réunissant des textes écrits entre 1977 et 2005,
et la toute récente Bible de pauvres.
Jean Portante
écrivain
Vous retrouverez Juan Manuel ROCA À :
• Lyon le 10 novembre avec Antonio Ungar
• Bordeaux et Biarritz les 12 et 13 novembre avec Antonio Caballero
• Guyancourt le 17 novembre avec Myriam Montoya
• Nantes le 18 novembre avec William Ospina
• Marseille le 19 novembre
Les Belles étrangères
Colombie
22
Les Armées,
traduit par François Gaudry,
éd. Métailié, 2008
Evelio
ROSERO
E
velio Rosero naît en 1958 à Bogotá où il vit encore aujourd’hui. Journaliste et poète, il publie
dans les années quatre-vingt une trilogie romanesque composée de Primera vez (1984),
Juliana los mira (1986) et El incendiado (1988). Ses romans et ses recueils de nouvelles postérieurs
se caractérisent par une vision réaliste des conflits sociaux qui traversent la Colombie et une langue
très imaginative et pleine d’ironie. En 2006, il reçoit, en Colombie, le Prix national de littérature,
l’année suivante, en Espagne, le prix Tusquets puis en Grande Bretagne le prix « The Independent »
du meilleur livre étranger pour son roman Los Ejercitos (Les Armées).
« Tu n’as pas entendu ? dis-je à Cristina,
Cache-toi. » « Mais où ? » me crie-t-elle.
« N’importe où, sous la terre. »
Les Armées, éd. Métailié, p. 81
J
ournaliste de formation, écrivain par passion, romancier,
nouvelliste, auteur de livres pour enfants, Evelio Rosero
est né dans une Colombie déjà meurtrie par une violence qui
la harcèle aujourd’hui encore, irradiant son soleil noir sur le roman
Les Armées. Les personnages d’Evelio Rosero sont les spectateurs
malgré eux fascinés, tour à tour émerveillés et effrayés, par l’ordre ou
le désordre incompréhensible des autres. Dans Juliana los mira, une
fillette épie sa mère et son amant ; dans Señor que no conoce la luna,
un homme enfermé dans une armoire observe par une fente ceux
qui l’y ont relégué ; le vieux Jeremias, de El lejero, découvre
un village fantomatique peuplé de zombis. Mais c’est avec
Les Armées qu’Evelio Rosero s’impose comme un écrivain majeur.
Guérilleros, paramilitaires, forces armées ou narcotrafiquants,
que rien ne distingue, rivalisent de violence et d’horreur pour
martyriser le village de San José. Ismael, le narrateur de cette
descente aux enfers est un vieil instituteur à la retraite, gentil voyeur
qui lorgne sa belle voisine dénudée avant de devenir le témoin
halluciné du chaos dans lequel il perdra sa femme, sa raison et
ses mots. La grande force de ce roman, sa supériorité sur toute
description documentaire, tient au langage bouleversant d’Ismael,
dont la grammaire se disloque au spectacle atroce d’une orgie
de violence indifférenciée. À la culture de la mort, Evelio Rosero
oppose les mots de la littérature.
François Gaudry
Traducteur
Vous retrouverez Evelio ROSERO à :
• Montpellier et Béziers les 9 et 10 novembre avec William Ospina
• Metz les 12 et 13 novembre avec Héctor Abad Faciolince et Gonzalo Sánchez
• Périgueux, Bergerac, Thenon, Eglise-Neuve-d’Issac du 16 au 19 novembre avec Antonio Ungar
Les Belles étrangères
Colombie
24
Guerre et Politique
en Colombie,
traduit par Alexandra Merveille,
éd. L’Harmattan, 1998
Gonzalo
SáNCHEZ
G
onzalo Sánchez naît en 1945 au Libano, dans la région de Tolima. Il fait des études de droit
et de philosophie et, après un master en sciences politiques à l’université d’Essex, il obtient
en 2002, un doctorat en sociologie de l’École des Hautes Études en Sciences sociales à Paris.
Professeur d’histoire à l’université nationale de Colombie, il a été directeur de l’IEPRI (Institut
d’Études politiques et de Relations internationales). Une grande partie de son œuvre est consacrée
au thème de la violence et des guerres en Colombie. Outre les très nombreux articles qu’il a publiés sur
le sujet, il est l’auteur, seul ou en collaboration, de près d’une quinzaine de livres, traduits dans plusieurs
langues et il donne régulièrement des conférences et des séminaires dans de très nombreuses universités
en Europe et aux États-Unis. En 2006, il a été nommé directeur du Groupe de Mémoire historique
dans le cadre de la Commission nationale de Réconciliation et Réparation.
« En définitive, vouloir appréhender
la violence aujourd’hui ne consiste pas
seulement à approcher une des dimensions
de la société colombienne. Son analyse doit
porter sur la société dans sa globalité.
Elle constitue un champ stratégique qui
caractérise la société colombienne (comme
ont pu l’être dans d’autres pays le populisme,
l’autoritarisme, la problématique indigène
ou la révolution). »
Guerre et Politique en Colombie, éd. L’Harmattan, p. 217
Ê
tre né au Libano, cette commune du Tolima productrice
de café mais aussi de libelles révolutionnaires dans les années
vingt, épicentre de la violence dans les années cinquante,
marque un destin. Toute l’œuvre d’historien de Gonzalo Sánchez
porte sur les divers épisodes de violence qui caractérisent la
Colombie depuis la fin du xixe siècle. Ses premiers travaux portent
précisément sur les années cinquante, connues comme la période
de La Violencia, dont il s’est attaché à montrer les soubassements
sociaux et les motivations diverses par-delà l’antagonisme des
allégeances partisanes. La manière dont se sont articulées, pendant
plus d’un siècle, guerre et politique, constitue le thème d’un de ses
deux ouvrages majeurs Guerra y política en la sociedad colombiana,
mais aussi l’un des fils conducteurs de toute son œuvre. L’autre,
au cœur de son livre Guerras, memorias y historia, s’attache
aux traces mémorielles laissées par des expériences traumatiques.
Par la force des choses, en raison de la résurgence des conflits
dans les années récentes, il est devenu l’un des historiens les plus
respectés en Colombie comme en Europe et aux États-Unis.
En 1987, il a animé la Commission nationale de Réconciliation
et Réparation, à l’origine de son livre Violencia y política. Le Groupe
de Mémoire historique qu’il dirige aujourd’hui est chargé d’établir
la vérité sur les atrocités de ces dernières années.
Daniel Pécaut
Directeur d’études à l’EHESS, sociologue spécialiste de la Colombie
Vous retrouverez Gonzalo SáNCHEZ à :
• Metz les 12 et 13 novembre avec Héctor Abad Faciolince et Evelio Rosero
• Poitiers le 17 novembre avec Héctor Abad Faciolince
• Marennes le 18 novembre
• La Rochelle le 19 novembre avec Jorge Franco
Les Belles étrangères
Colombie
26
Les Oreilles du loup,
traduit par Robert Amutio,
éd. Les Allusifs, 2008
Trois cercueils blancs,
traduit par Robert Amutio,
éd. Les Allusifs,
à paraître en 2011
Antonio
UNGAR
A
ntonio Ungar naît à Bogotá en 1974. Après des études d’architecture, il vit une année
dans la région amazonienne de l’Orénoque. Il réside ensuite à Mexico, Barcelone, Manchester
puis dans l’enclave palestinienne de Jaffa. Chroniqueur pour plusieurs revues colombiennes
et les quotidiens El Tiempo et El Espectador, il obtient le prix de journalisme Simón Bolívar en 2006.
Il réside actuellement à Bogotá où il poursuit son travail de journaliste. Il a publié deux recueils
de nouvelles : Trece circos comunes en 1999, De ciertos animales tristes en 2000, et trois romans,
Zanahorias voladores en 2004, Las orejas del lobo (Les Oreilles du loup), finaliste du prix du meilleur livre
étranger du Courrier international en 2008, et Tres ataudes blancos (Trois cercueils blancs) en 2010.
« Je suis un tigre, petit et seul, grimpé
sur un rocher, qui attend le brouillard. »
Les Oreilles du loup, éd. Les Allusifs, p. 100
E
ncore étudiant en architecture, Antonio Ungar, sous
la pression d’images hallucinatoires qui s’imposent à lui,
se met à écrire ce qui deviendra un recueil de nouvelles,
Trece circos comunes (1999). Un deuxième recueil, De ciertos animales
tristes, sera publié en 2000. L’ensemble de ces nouvelles sont reprises
à présent dans Trece circos comunes y otros cuentos (2009). On trouve
déjà, dans ces courts récits, le caractère autobiographique voilé,
l’inquiétude politique, la confusion entre réalité et délire,
la violence soudaine et la mélancolie souterraine qui seront
au cœur des œuvres suivantes.
Zanahorias voladoras, paru en 2004, est le récit convulsif raconté
du point de vue d’un alcoolique dément et autodestructeur qui
dérive de Barcelone jusqu’en Amazonie, en passant par Rome
et Mexico, lieux où l’auteur a séjourné. Ses magnifiques premières
pages serviront de matrice à son livre suivant : Les Oreilles du loup
(2008) qui donne la parole à un enfant attachant et inquiétant
confronté à la mort du père et à la folie.
Revenu à Bogotá après avoir vécu dans l’enclave palestinienne
de Jaffa, Antonio Ungar vient de mettre un point final à l’écriture
de Trois cercueils blancs, son texte le plus ambitieux, mêlant récit
d’amour et thriller politique, un roman à la fois burlesque et tragique
qui se situe dans un pays latino-américain imaginaire, ravagé par
la corruption et le crime.
Robert Amutio
Traducteur
Vous retrouverez Antonio UNGAR à :
• Lyon le 10 novembre avec Juan Manuel Roca
• Durban, Port-la-Nouvelle et Villesèque-des-Corbières les 12 et 13 novembre avec Jorge Franco
• Périgueux, Bergerac, Thenon, église-Neuve-d’Issac du 16 au 19 novembre avec Evelio Rosero
Les Belles étrangères
Colombie
28
Le Feu secret,
traduit par Michel Bibard,
éd. Belfond, 1998
La Vierge des tueurs,
traduit par Michel Bibard,
éd. Belfond, 2000
Et nous irons tous en enfer,
traduit par Gabriel Iaculli,
éd. Le Rocher, 2002
La Rambla paralela,
traduit par Michel Bibard,
éd. Belfond, 2004
Carlitos qui êtes aux cieux,
traduit par Jean-Marie Saint-Lu,
éd. Belfond, 2007
Fernando
VALLEJO
F
ernando Vallejo naît à Medellín en 1942. Enfant, il fréquente l’école des Salésiens,
puis entreprend des études de philosophie et de lettres à l’université de Bogotá, et de cinéma
au Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome, sans les terminer. Après une année
à New York, en 1971 il s’installe au Mexique où il réalise trois films : Cronica roja (1977),
En la tormenta (1980) et Barrio de campeones (1984), et il écrit. Il est l’auteur d’une grammaire
du langage littéraire, d’une pentalogie romanesque réunie sous le titre El rio del tiempo, de biographies
des poètes colombiens José Asunción Silva et Porfirio Barba Jacob, de deux essais (l’un de biologie,
l’autre de physique) et d’un abrégé des crimes du christianisme : La Puta de Babilonia.
Parmi ses nombreux romans, traduits dans une quinzaine de langues, La Virgen de los sicarios
(La Vierge des tueurs) a été porté à l’écran par Barbet Schroeder en 2000.
« Je ne suis l’enfant de personne.
Je ne reconnais la paternité d’aucun
ni la maternité d’aucune. Je suis l’enfant
de moi-même, de mon esprit… »
Et nous irons tous en enfer, éd. Le Serpent à plumes, coll. « Motifs », p. 60
L
’œuvre de création de Fernando Vallejo est composée
exclusivement d’autofictions dont beaucoup ont pour cadre
Medellín, sa ville natale aimée et violente. Contempteur
acharné du roman à la troisième personne – ne prétend-t-il pas
que le Don Quichotte est écrit à la première ? –, Vallejo joue d’une
ample gamme de réécritures imaginaires de soi. De la pentalogie
El río del tiempo (1985-1993) – dont seul, hélas !, El fuego secreto
(Le Feu secret) a été traduit en français – à son dernier livre,
El don de la vida (2010), il n’a eu de cesse de multiplier les avatars
de ce je. Tantôt il l’érige en protagoniste d’un « quasi » roman
de forme autobiographique (La Vierge des tueurs) tantôt il le fait
assister, avec une compassion aussi discrète qu’émouvante, à l’agonie
de son frère Darío, mort du sida (Et nous irons tous en enfer), tantôt
encore il le dédouble dans le vieil homme de La Rambla paralela,
dépositaire de ses opinions les plus controversées. Dans Carlitos qui
êtes aux cieux, il fait de ce je le chroniqueur à distance du mandat
de maire d’un autre frère, et dans El don de la vida, il le transforme
en interlocuteur d’une Mort allégorisée, la sienne.
L’autofiction, genre au pacte de lecture ambigu, est susceptible
de manipulations sémantiques dont Fernando Vallejo ne se prive
pas. Elles font de lui, sans doute, le meilleur écrivain colombien
depuis Gabriel García Márquez, qu’il voue par ailleurs aux
gémonies. La prose aussi tourmentée qu’extraordinairement rythmée
de ce que Vallejo persiste à appeler, non sans malice, ses « romans »,
véhicule une pensée systématiquement incorrecte qui lui vaut autant
de bordées d’injures que d’adhésions admiratives. N’évoque-t-on pas
souvent Céline à son propos ?
Jacques Joset
Professeur à la faculté de philosophie et de lettres de l’université de Liège
Vous retrouverez Fernando VALLEJO à :
• Liège et Bruxelles les 9 et 10 novembre avec Antonio Caballero
• Marseille les 12 et 13 novembre avec Chloé Delaume
• Aix-en-Provence les 17 et 18 novembre avec Santiago Gamboa
Les Belles étrangères
Colombie
30
Les Dénonciateurs,
traduit par Claude Bleton,
éd. Actes Sud, 2008
Histoire secrète du Costaguana,
traduit par Isabelle Gugnon,
éd. du Seuil, 2010
Les Amants de la Toussaint,
traduit par Isabelle Gugnon,
éd. du Seuil, à paraître en 2011
Juan Gabriel
VáSQUEZ
J
uan Gabriel Vásquez naît à Bogotá en 1973. En 1996, il quitte la Colombie pour suivre des cours
de doctorat à l’université de Paris III, mais il renonce à faire une thèse pour se consacrer entièrement
à l’écriture. Après plusieurs mois en Belgique, il s’installe à Barcelone en 1999, où il écrit un recueil
de nouvelles sur ses expériences belges et françaises, Los amantes de Todos los Santos (Les Amants
de la Toussaint), 2001, et travaille comme journaliste culturel pour plusieurs publications espagnoles
et latino-américaines. Il est l’auteur de deux romans, Los Informantes (Les Dénonciateurs), 2004,
et Historia secreta de Costaguana (Histoire secrète du Costaguana), 2007, ainsi que d’une courte
biographie de Joseph Conrad, El hombre de ninguna parte, 2004, et d’un recueil d’essais littéraires,
El arte de la distorsión, 2009. Ses livres sont traduits dans une quinzaine de langues.
« Le soir où nous nous sommes rencontrés,
Conrad a écouté mon récit. Et c’est
maintenant votre tour, chers lecteurs
qui êtes aussi mes jurés. »
Histoire secrète du Costaguana, éd. du Seuil, p. 16
I
l y a dans l’œuvre de Juan Gabriel Vásquez un déplacement
constant de territoires en territoires, tant dans la géographie
que dans l’histoire, et ce depuis Les Amants de la Toussaint,
son premier recueil de nouvelles. Ces sept histoires de Belgique,
bien loin de sa Colombie natale, ont permis à Vásquez d’explorer
les contrées du frôlement, des amours entrevues et des vies manquées,
comme le pâle soleil des Ardennes, souvent vite disparu. Sa prose
précise, subtile et poétique s’attarde sur les objets (un verre, un crayon
de bois) comme sur les gestes les plus anodins, signes des minuscules
tragédies quotidiennes. Son premier roman, Les Dénonciateurs,
retrouve certes la Colombie, celle des années quarante, pour dévoiler
un aspect méconnu de la seconde guerre mondiale au cœur
d’un pays que l’on aurait pu croire épargné par les événements et,
à travers lui, cette grande injustice qu’est l’Histoire. C’est peut-être
sa très belle biographie de Joseph Conrad (L’Homme de nulle part,
inédite en français), qui constitue la meilleure porte d’entrée
à son second roman, l’extraordinaire Histoire secrète du Costaguana,
le pays de Nostromo, qui ressemble beaucoup au Panamá,
où les aventuriers réels, Conrad lui-même, ou Lesseps, croisent
les personnages de fiction dans un époustouflant ballet aussi
palpitant que littéraire.
Si l’on ajoute que Vásquez est par ailleurs l’auteur d’un recueil
d’essais et de chroniques aussi original que délicieux (L’Art de la
distorsion, inédit en Français), on comprendra sans difficultés
qu’on a affaire à un des plus grands auteurs d’aujourd’hui,
tous territoires confondus.
Mathias énard
Écrivain
Vous retrouverez Juan Gabriel VáSQUEZ à :
• Rennes les 10 et 12 novembre avec Tomás González
• Marseille le 16 novembre avec Mathias Enard
• Vienne le 17 novembre
• Saint-Nazaire et Nantes le 19 novembre avec William Ospina et Antonio Caballero
Les Belles étrangères
Colombie
32
LES LITTÉRATURES
INDIGÈNES
EN COLOMBIE
c’
est au cours de la
dernière décennie
du xxe siècle qu’a
fait irruption en
Colombie une génération
d’écrivains indigènes dont les œuvres poétiques,
autobiographiques et narratives ont été publiées
en espagnol. Si ces auteurs ont bénéficié de l’intérêt
de quelques maisons d’édition et de diverses
institutions, cela tient à la résonance mondiale
des débats auxquels donnèrent lieu les
commémorations du 500e anniversaire de l’arrivée
des Européens en Amérique. Un an auparavant,
en 1991, la Colombie avait promulgué une nouvelle
Constitution dans laquelle le pays se déclarait
multiethnique et pluriculturel. Le texte de
la Constitution fut d’emblée traduit dans sept
langues amérindiennes parmi la bonne soixantaine
qui sont actuellement parlées sur le territoire
national. C’est donc dans le contexte d’un pays
reconnaissant sa propre diversité que les écrivains
indigènes commencèrent à acquérir une certaine
« visibilité ».
Parmi cette première génération, se détachent
Miguelángel López Hernández (Vito Apüshana)
et Vicenta María Siosi (tous deux wayuu), Berichá
(écrivaine uwa), Fredy Chikangana (poète
et conteur yanakuna) et Yenny Muruy Andoque
(écrivaine andoke-uitoto). Ils ont toutefois été
précédés par quelques « pionniers » de la littérature
indigène en Colombie qui forment une pléiade
hétérogène d’auteurs ayant réussi à publier
à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, comme
les écrivains wayuu Antonio Joaquín López
(Briscol), Glicerio Tomás Pana, Miguel Ángel
Jusayú et Alberto Juajibioy Chindoy, écrivain
kamëntsá dont le parcours et l’œuvre représentent
le lent passage de l’informateur à l’écrivain
indigène en tant que tel.
Dans la première décennie du nouveau siècle,
on a vu croître le nombre des écrivains indigènes
et particulièrement des poètes. Ils ont commencé
à publier des textes littéraires dans leur langue
maternelle et en espagnol. Si cette décennie a vu
son début marqué par l’attribution du prix Casa
de las Américas à Miguelángel López Hernández
en 2000, elle s’achève sur un projet du ministère
de la Culture qui entend créer une bibliothèque
de la littérature indigène. Au cours de ces années,
nous avons vu émerger des écrivains d’une force
et d’une sensibilité remarquables comme Hugo
Jamioy Juagibioy (kamëntsá) et Estercilia Simanca
Pushaina (wayuu). Simultanément, c’est avec
une ardeur nouvelle que s’est affirmé l’intérêt
pour l’apport irremplaçable des innombrables
conteuses, conteurs, chanteuses et chanteurs
traditionnels qui entretiennent la flamme vive
des arts verbaux dans leurs communautés.
Les écrivains de la première génération ont,
quant à eux, continué de travailler et ont parfois
rencontré en chemin une reconnaissance
internationale, comme Fredy Chikangana.
Cette résurgence de la parole autochtone peut
être perçue comme un phénomène continental
et pas exclusivement latino-américain. On doit
tenir compte ici des relations interculturelles
et des échanges permanents entre écrivains
indigènes de tout le continent (États-Unis,
Mexique, Guatemala, Venezuela, Colombie,
Pérou, Brésil, Chili). Ces littératures, fréquemment
multilingues, dotées à la fois de vigoureuses
racines ancestrales et d’une grande charge
autobiographique, se déploient dans toute
leur force thématique et leur diversité stylistique.
Elles peuvent être lues et perçues comme
des réseaux de communication interculturelle
qui nous atteignent dans la réalité même
d’une Amérique différente jusqu’en ses racines.
Miguel Rocha Vivas
Traduit de l’espagnol par Jean-Baptiste Para
Extrait du texte à paraître dans la revue Europe, n° 979-980
de novembre-décembre 2010. Fredy Chikangana, Miguelángel
López Hernández et Hugo Jamioy Juagibioy, trois poètes indigènes
de Colombie, sont publiés pour la première fois en France
dans ce numéro à l’occasion des Belles Étrangères Colombie.
Les Belles étrangères
Colombie
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Mer des Caraïbes
PANAMA
Medellín
Océan Pacifique
V ENEZUELA
Bogotá
COLOMBIE
EQUATEUR
BR ESIL
PEROU
Quelques repères
Superficie : 1 141 748 km2, soit deux fois la superficie de la France.
Population : 44 760 630 habitants, 3e pays le plus peuplé d’Amérique latine
après le Brésil et le Mexique.
Fête nationale : le 20 juillet – date commémorative de la proclamation
de l’indépendance de la Colombie en 1810.
Langue officielle : espagnol.
Capitale : Bogotá, au centre de la cordillère orientale des Andes. Située à 2 600 m. d’altitude,
c’est la troisième plus haute capitale du monde après La Paz (Bolivie) et Quito (Equateur).
Centre majeur des décisions économiques et politiques du pays, l’agglomération de Bogotá compte
entre 7 et 8 millions d’habitants.
Situation géographique : disposant de deux façades océaniques et d’un accès au fleuve Amazone,
la Colombie partage des frontières avec le Panamá, le Venezuela, le Pérou, l’équateur et le Brésil.
Le pays se divise en trois grands types de régions offrant une grande diversité de conditions climatiques
et géologiques : à l’ouest, la région montagneuse andine abrite près de 80 % de la population ; à l’est,
la région des vastes plaines (les « Llanos ») et la forêt amazonienne, bien que totalisant 55 % de la
superficie du pays, regroupent à peine 2 % de la population ; les régions formées par les littoraux
du Pacifique et de l’Atlantique accueillent le reste de la population.
Quelques dates
1499 : découverte de la Colombie par Alonso de Ojeda.
1538 : fondation de Santa Fe de Bogotá par le conquistador Gonzalo Jiménez de Quesada.
1810 : début du mouvement indépendantiste mené par Simón Bolívar et Francisco de Paula Santander ;
proclamation de l’indépendance le 20 juillet.
1819 : Bataille de Boyacá et création de la République fédérale de Grande-Colombie.
1830 : le Venezuela et l’Équateur quittent la République.
1899-1902 : guerre civile dite des Mille jours, fruit de la rivalité
entre les libéraux et les conservateurs, qui cause la mort de 100 000 personnes.
1903 : sécession du Panamá.
1948 à 1958 : suite à l’assassinat à Bogotá du dirigeant libéral Jorge Eliécer Gaitán, déclenchement
de la guerre civile dite La Violencia, entre les deux forces politiques qui se partagent le pouvoir,
libéraux et conservateurs. La guerre fait 200 000 morts.
1964 : naissance des FARC (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia)
et de l’ELN (Ejército de Liberación Nacional).
1973 : création du Mouvement du 19 avril (M-19) qui mène des actions de guérilla urbaine.
1984-1993 : attentats à Bogotá, Medellín et Cali perpétrés par les cartels de la drogue.
1985 : attaque du Palais de Justice de Bogotá par le M-19 ; création de milices d’autodéfense
et de groupes paramilitaires.
1993 : mort de Pablo Escobar, chef du cartel de Medellín.
2000 : « Plan Colombie » ou plan d’aide américaine à la lutte contre les narcotrafiquants et la guérilla.
2002 : élection d’Álvaro Uribe à la présidence de la République.
2005 : vote de la loi « Justice et paix » pour le démantèlement des groupes armés illégaux.
2006 : réélection du Président Álvaro Uribe, après une réforme constitutionnelle.
De nombreux hommes politiques sont mis en accusation en raison de leurs liens avec les paramilitaires.
2008 : libération de quinze otages des FARC dont Ingrid Betancourt.
2010 : en juin, élection de Juan Manuel Santos à la présidence de la République.
Les Belles étrangères
Colombie
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¿Qué tal Colombia?
Les Belles Étrangères
Le Centre national du livre a confié la production d’un film
documentaire à Blisterprod pour accompagner cette édition
des Belles Étrangères 2010. Tourné en juillet dernier en Colombie
– et à Paris pour Santiago Gamboa – avec les écrivains invités,
ce film de 52 minutes a été réalisé par Laurent Nunez, Aurélie
Bernos de Gastold a assuré la photographie, sur une musique
originale de Pascal Jambry. Les interviews ont été réalisées
conjointement par Laurent Nunez et Annie Morvan.
Les écrivains ont choisi les lieux où ils souhaitaient être filmés :
À BOGOTÁ : Antonio CABALLERO, Evelio ROSERO
et Antonio UNGAR, chez eux ; Jorge FRANCO au théâtre
de la bibliothèque Santo Domingo ; William OSPINA
au Centre culturel Gabriel García Márquez ; Gonzalo SáNCHEZ
à l’université nationale dans le bâtiment Salmona des sciences
humaines ; Juan Gabriel VáSQUEZ au Festival Malpensante.
Dans le village de SOPO à quelques kilomètres de Bogotá : Juan
Manuel ROCA.
À CACHIPAY : Tomás GONZáLES, chez lui
dans la montagne à trois heures de route au nord-ouest de Bogotá.
À MEDELLíN : Héctor ABAD FACIOLINCE chez lui
et Fernando VALLEJO dans le metro-cable.
À PARIS : Santiago GAMBOA, dans le salon de L’Hôtel,
rue des Beaux-Arts.
Crédits Photos :
Jean-François Colosimo : Hanna
Héctor Abad Faciolince : Jairo Ruiz
Antonio Caballero : Aurélie Bernos de Gastold
Jorge Franco : Daniel Salguero
Santiago Gamboa : Mordzinski
Tomás González : Juan Carlos Sierra Arcadia
William Ospina : Aurélie Bernos de Gastold
Juan Manuel Roca : Morhor
Evelio Rosero : Milcíades Arévalo
Gonzalo Sánchez : Aurélie Bernos de Gastold
Antonio Ungar : droits réservés
Fernando Vallejo : Aurélie Bernos de Gastold
Juan Gabriel Vásquez : Aurélie Bernos de Gastold
CE DOCUMENT
EST PUBLIé PAR
LE CENTRE NATIONAL
DU LIVRE
Jean-François COLOSIMO
Président
Annie MORVAN
Conseiller littéraire
auprès du CNL
pour cette édition colombienne
des Belles étrangères
Michèle THOMAS
chef du bureau
de la Vie littéraire
[email protected]
Martine GRELLE
Commissaire général
des Belles étrangères
[email protected]
Estelle KESZTENBAUM
Chargée de mission
[email protected]
Valérie TOUSSAINT
logistique
[email protected]
REMERCIEMENTS : à l’ambassade
de France à Bogotá et à ses services culturel
et audiovisuel ; aux alliances françaises
de Medellín, de Carthagène des Indes
et de Barranquilla ; au chef du service
culturel et social du métro et à la Ville
de Medellín ; au Ministère de la culture
de Colombie, à l’ambassade de Colombie
à Paris et à son service culturel.
Aux traducteurs et aux éditeurs,
aux libraires, bibliothécaires, responsables
des établissements culturels, établissements
scolaires et universitaires, centres culturels
et cinémas qui permettent la rencontre
des écrivains invités avec le public.