Les bétons à ultra-hautes performances, une technologie
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Les bétons à ultra-hautes performances, une technologie
Ö Projets – études Le secteur du béton a le vent en poupe. Stimulés par l’évolution rapide des adjuvants au cours des dernières années, les professionnels sont confrontés aujourd’hui à une infinie variété de formulations et de performances. La technologie du béton permet désormais de confectionner des mélanges sur mesure, mais aussi de proposer leur emploi dans des domaines d’application nouveaux. Dans ce contexte, la mise en œuvre des bétons à ultra-hautes performances (BUHP) peut offrir de multiples perspectives. En effet, ce matériau autorise la réalisation d’éléments plus élancés dotés d’intéressantes qualités esthétiques. ? N. Cauberg, ir., conseiller technologi que (1), chercheur, laboratoire ‘Structures’, CSTC J. Piérard, ir., conseiller technologique (2), chercheur, laboratoire ‘Technologie du béton’, CSTC J. Wastiels, prof. dr. ir., MEMC (Mechanica van Materialen en Constructies), VUB Une étude prospective est actuellement menée au CSTC, en collaboration avec la VUB (Vrije Universiteit Brussel), afin de mieux cerner les caractéristiques de cette technologie prometteuse, ses applications possibles et son optimisation. Le présent article analyse les premiers résultats de cette étude. 1 Bétons à ultra-hautes performances : principes généraux Le recours aux bétons à ultra-hautes performances vise avant tout l’amélioration des propriétés mécaniques en vue de confectionner un béton présentant une résistance à la compression de 150 à 800 N/mm². Pour atteindre ces valeurs, des recherches ont conduit par le passé à la mise au point des bétons de poudre réactive (BPR) que l’on peut en principe considérer comme des microbétons. Cette technique a connu des développements dans les années ’90, essentiellement en France et au Canada [4]. Le processus reposait sur les principes suivants : • homogénéité accrue grâce à l’abandon des Les bétons à ultra-hautes performances, une technologie prometteuse gros granulats au profit de sable fin dont la granulométrie n’excède pas les 100 µm • amélioration de la compacité par optimisation du mélange granulaire, celui-ci pouvant se composer de sable quartzitique fin, de ciment, de quartz broyé, d’ultrafines (fumée de silice, par exemple), ... • réduction de la quantité d’eau grâce à de forts dosages en superplastifiants de troisième génération. L’application de ces trois principes conduit à l’obtention d’une matrice présentant des performances mécaniques très élevées et une durabilité exceptionnelle, mais dont la ductilité n’est guère meilleure que celle d’un béton traditionnel (comportement purement fragile). La ductilité nécessaire peut être acquise par l’adjonction de microfibres métalliques, qui conféreront probablement une résistance accrue en traction aussi. La réalisation d’un traitement thermique permettra en outre d’accélérer l’hydratation, d’améliorer la durabilité (en raison de la densité plus élevée), de favoriser la stabilité dimensionnelle et d’optimiser les propriétés mécaniques. Soulignons par ailleurs que, sur le plan de la fluidité, un béton de poudre réactive se comporte généralement comme un béton hyperfluide et présente dès lors une bonne ouvrabilité. Un certain nombre de grosses entreprises et de centres de recherche ont transposé ces principes dans la pratique et ont mis au point des formulations de BUHP : • parmi les matériaux les plus connus, citons notamment le Ductal® et le Ceracem®, tous deux brevetés et caractérisés par un renfort de fibres et un traitement thermique. Issus d’une collaboration française entre un producteur d’adjuvants et une grande entreprise de construction, ces produits sont chauffés, dans certains cas, avec de la vapeur d’eau à 90 °C pendant 48 heures, afin d’obtenir une résistance en compression très élevée. L’absence d’armatures passives (ou, du moins, leur présence en quantités limitées) et la finesse du matériau assurent un remplissage plus aisé des coffrages • autre produit français, le béton fibré multi échelle développé par le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) est un mélange composé de fibres d’acier de longueurs différentes permettant d’obtenir des propriétés optimales • d’origine danoise cette fois, le béton renforcé compact est un BUHP associé à de grandes quantités d’armatures traditionnelles (barres, treillis et/ou fils). Sa confection s’effectue généralement à l’aide de granulats de bauxite. La mise au point de ces nouvelles formulations a donné le jour à divers projets qui furent autant d’occasions d’illustrer le vaste potentiel des BUHP, aussi bien d’un point de vue architectural que sur le plan des structures et de leur dimensionnement. Bon nombre de ces réalisations exemplaires ont notamment vu le jour en France, en Allemagne ou en Asie. Parmi les plus connues, on peut citer entre autres : • la toute première application du BUHP concrétisée par la passerelle piétonne de Sherbrooke, au Canada (1997) • les quelque 2000 poutres (en Ceracem® et en Ductal®) qui composent la tour de refroidissement de la centrale électrique de Cattenom en France (1997-1998) • le pont de Bourg-lès-Valence, premier pont réalisé à l’aide de cinq poutres préfabriquées en BUHP et assemblées in situ au moyen de béton coulé (2000-2001) • la passerelle piétonne de Sakata Miraï, au Japon (en Ductal®), d’une portée de 50 m (2002) • la toiture hélicoïdale en voile mince de la gare de péage du viaduc de Millau (figure 1, p. 2), d’une longueur de 98 m et d’une largeur de 28 m, réalisée au moyen de 53 éléments en Ceracem® (2004) • la passerelle piétonne de la Fulda (à Cassel, en Allemagne) d’une portée de 50 m (20042005). (1) Guidance technologique ‘Prestatiegerichte betonsoorten’ subsidiée par l’IWT (Institut flamand pour l’encouragement de l’innovation par les sciences et les technologies). (2) Guidance technologique ‘Mise en œuvre des bétons spéciaux’ subsidiée par la DGTRE (Direction générale des Technologies, de la Recherche et de l’énergie). Les Dossiers du CSTC – N° 4/2006 – Cahier n° 5 – page Ö Projets – études Fig. 1 Toiture gigantesque en Ceracem® de la gare de péage du viaduc de Millau. Photo : Nicolas Jansberg, Structurae 2 Potentiel des BUHP Bien que la plupart des réalisations en BUHP relèvent jusqu’ici du domaine de la préfabrication, il a été démontré que la mise en œuvre de BUHP prêt à l’emploi (ou une combinaison des deux) était également concevable. Ces bétons permettent d’élaborer des éléments de plus en plus élancés, à tel point qu’ils pourront bientôt concurrencer les métaux, les plastiques ou les textiles. On peut citer notamment, à titre d’exemple, des produits tels qu’éléments de façade et de toiture, prédalles, colonnes, tuyaux d’égout, ... Certains architectes qui optent encore aujourd’hui pour des structures en toile en raison de leurs qualités esthétiques, pourraient être tentés à terme par le BUHP, qui ouvrirait ainsi au béton un nouveau segment de marché au potentiel de développement considérable. L’étude prospective menée par le CSTC vise dès lors des objectifs concrets : • acquérir les connaissances nécessaires au sujet des BUHP • transformer les formulations théoriques développées dans la littérature en formulations utilisables dans la pratique • expérimenter les possibilités d’application dans des projets pilotes • évaluer le comportement au jeune âge (retrait et fissuration) • susciter des démarches innovatrices dans le domaine de la préfabrication, de la mise en œuvre sur chantier ou pour des applications mixtes. La problématique de la durabilité (résistance au feu, alcalinité, résistance aux attaques chimiques, ...) sera examinée à un stade ultérieur. 3Recherche menée par le CSTC en collaboration avec la VUB Plusieurs formulations spécifiques de BUHP ont été mises au point à l’aide de matières premières locales et de techniques courantes de production et d’exécution. Les résistances visées se situaient dans les plages de 125 à 150 N/mm² et de 150 à 200 N/mm². Aucune méthode de cure sophistiquée n’a été utilisée afin de ne pas restreindre le champ d’application. Le CSTC, avec le concours de la VUB, entend démontrer que le BUHP offre également de nombreuses opportunités au marché belge du béton et de la construction. Grâce à ce matériau, l’industrie transformatrice du béton sera mieux armée pour faire face à la concurrence des autres secteurs, dans la mesure où il permet de fabriquer des éléments plus minces et plus élancés possédant des qualités esthétiques exceptionnelles. Son association avec d’autres bétons – traditionnels, à hautes performances ou autocompactants – ouvre en outre la voie à de nouvelles possibilités de conception optimales menant à des structures plus durables. La figure 3 montre un bel exemple de petite structure en BUHP préfabriquée, puis assemblée sur place. Il est bien connu que l’utilisation de la chaleur (jusqu’à 180 °C, dans certains cas) et de la pression au cours du processus de durcissement peut conduire à des résultats exceptionnels; on a ainsi pu enregistrer des résistances en compression de plus de 350 N/mm². Sans ces techniques, on devrait pouvoir atteindre à terme une résistance de quelque 250 N/mm². Toutefois, à l’heure actuelle, en Belgique, l’entreprise de construction moyenne ne dispose L’idée est de développer, à un stade ultérieur de l’étude, un certain nombre d’applications de BUHP qui peuvent s’avérer intéressantes Fig. 2 Remplacement d’éléments de pont en bois par des dalles minces en BUHP. Fig. 3 Auvent du ‘Zonnestraal’ à Hilversum : exemple de structure préfabriquée en BUHP architectonique. Il n’est donc pas surprenant que ce nouveau matériau fasse l’objet de nombreuses études, que ce soit pour son comportement structurel, sa durabilité, l’optimisation de sa formulation, les traitements de cure envisageables ou la pro- Les Dossiers du CSTC – N° 4/2006 – Cahier n° 5 – page Photo : Contec Aps Grâce à leurs propriétés mécaniques exceptionnelles, les BUHP offrent également des perspectives pour des applications et des méthodes de construction nouvelles, l’une d’entre elles étant l’assemblage sur chantier d’éléments préfabriqués par boulonnage ou par collage. Une autre application intéressante et innovante est représentée à la figure 2, qui illustre le remplacement du revêtement en bois du Kaagbrug, aux Pays-Bas, par de minces dalles en BUHP (45 mm d’épaisseur, 7,25 m de longueur et 2,95 m de largeur maximum). Les anciennes poutres en bois (d’une épaisseur de 115 mm) de ce pont étant devenues vétustes, plusieurs pistes de rénovation furent envisagées. La solution du BUHP l’emporta tant sur le plan du coût que des frais d’entretien et de la durabilité. La durée des travaux pesa également dans la balance. De plus, l’analyse des coûts à long terme révéla que le prix initial plus élevé était compensé par des frais de maintenance réduits, la longévité des dalles en BUHP étant de 50 ans, contre 15 ans pour un revêtement en bois, qui exige, de surcroît, une nouvelle couche de protection tous les 7,5 ans. cédure de malaxage. Un certain nombre d’initiatives ont déjà vu le jour en ce qui concerne les directives de conception et d’exécution. Ainsi, l’Association française de génie civil, s’appuyant sur diverses études et expériences pilotes, a formulé des recommandations provisoires relatives au BUHP renforcé de fibres [1], les règles de calcul spécifiées dans les Eurocodes n’étant pas applicables à ce type de béton. pas encore de la technologie des BUHP, si ce n’est par le biais de mélanges prêts à l’emploi accompagnés de la notice du fabricant. Une véritable percée de ces bétons exigerait une meilleure connaissance de leurs formulations et de leurs propriétés, fondements nécessaires pour adapter et appliquer la technologie ultérieurement. Ö Projets – études pour le marché belge tant d’un point de vue technologique que structurel et économique. Il s’agit de démontrer que l’utilisation des BUHP est également envisageable dans notre pays, même si les applications se révèlent moins spectaculaires que celles décrites dans la littérature. Au cours de la recherche, l’attention portera essentiellement sur la combinaison de BUHP préfabriqué et de béton prêt à l’emploi (à ultra-haute résistance ou non) ainsi que sur le potentiel des BUHP dans les travaux de réparation ou de protection. 4Formulations et modèles théoriques compromettre la possibilité d’intégrer de grandes quantités de fibres d’acier (vu le calibre relativement élevé des granulats, soit un Dmax de 8 mm). Ce modèle est illustré à la figure 4 pour un mélange binaire (1 type de sable et 1 type de gravier). La compacité optimale est fonction de la proportion de petits et de gros granulats, soit : D250 D150 i avec D50 = D50 de la distribution granulométrique du granulat i (*). La compacité sera d’autant plus élevée que le Deux approches conduisant à deux formulations différentes ont été étudiées. La première a été élaborée sur la base des modèles utilisés pour les bétons à haute résistance; la seconde repose, quant à elle, sur les recommandations applicables aux bétons de poudre réactive. La première approche intègre le modèle de suspension solide de de Larrard [2], dans lequel le squelette granulaire est optimisé en vue d’obtenir une compacité extrême. Cette approche implique l’hypothèse d’une résistance du béton largement tributaire de la résistance en compression des granulats. La quantité de ciment et la quantité totale de poudre demeurent par conséquent quelque peu réduites par rapport aux bétons de poudre réactive. Cette méthode offre l’avantage de maintenir le retrait à des valeurs comparables à celles des bétons à hautes résistances. Elle présente toutefois l’inconvénient de limiter à quelque 150 N/mm² la résistance maximale en compression et de rapport D250 D150 est faible. La seconde approche est fondée sur les principes énoncés précédemment au sujet des bétons de poudre réactive, à savoir un accroissement sensible de la quantité totale de poudre et une réduction significative (jusqu’à plusieurs millimètres) du calibre du gros granulat, ce qui revient en fait à confectionner un mortier. On utilise à cet effet des poudres très réactives (ciment, fumée de silice, métakaolin, cendres volantes, ...) ainsi que des charges inertes (telle la poudre de quartz). En l’absence de traitement de cure particulier, ces formulations permet(*) La valeur D50 d’une distribution granulométrique est un indice de la taille des granulats. Elle représente le diamètre en dessous duquel se situent 50 % des grains du matériau. Ainsi, une valeur D50 de 2 mm signifie que 50 % des grains ont un diamètre inférieur à 2 mm. tent d’atteindre une résistance en compression de quelque 200 N/mm². En cas de cure appropriée, le potentiel est nettement supérieur. L’évaluation analytique de cette seconde approche s’avère difficile à réaliser, la résistance du béton étant ici essentiellement conditionnée par la matrice de ciment très compacte. Pour optimiser cette compacité et obtenir une porosité minimale, il faudrait opter pour des matériaux de base qui s’imbriquent parfaitement les uns aux autres sur le plan granulométrique et ce, jusqu’à la fraction la plus infime (de l’ordre du micron et du sous-micron). Pour prédire les proportions de constituants les plus appropriées, on pourrait adopter une approche par éléments finis en lieu et place de méthodes empiriques. On pourrait ainsi procéder d’abord à une simulation tridimensionnelle par empilement d’objets sphériques représentant les granulats (figure 5, p. 4), puis éventuellement envisager à terme une simulation intégrant les caractéristiques géométriques des constituants. La distribution statistique des granulats et leur morphologie permettront ensuite de déterminer, selon un critère préétabli, les proportions optimales de matières de base. L’application pratique de cette approche sortant toutefois du cadre de la présente étude, nous n’en fournirons ici qu’une première ébauche. Le tableau 1 (p. 4) envisage une formulation de BUHP pour chacune des deux approches évoquées. En dépit d’un rapport E/C extrêmement faible, l’amélioration de l’ouvrabilité pourrait être Fig. 4 Optimisation du squelette granulaire en vue d’améliorer la compacité [2]. 0,75 Zone A D250 D150 = 0,001 D250 D150 = 0,100 Compacité du mélange binaire [-] D250 D150 = 0,200 D250 D150 = 0,500 0,7 D250 D150 = 0,700 B Zone B A 0,65 0,6 0,55 0 0,2 0,4 0,8 0,6 Teneur en granulats de petit calibre [-] 1 Les schémas ci-dessus représentent les zones A et B indiquées dans le diagramme. La zone A concentre une majorité de granulats de petit calibre, la zone B renfermant une majorité de gros granulats. Les Dossiers du CSTC – N° 4/2006 – Cahier n° 5 – page Ö Projets – études Fig. 5 Simulation tridimensionnelle de la compacité granulaire à l’aide d’éléments sphériques. Tableau 1 Formulations de BUHP obtenues sur la base du modèle de de Larrard (type 1) et des principes du béton de poudre réactive (type 2). Type 1 Type 2 Basalte 1/3 Composition 761 kg/m3 863 kg/m3 Basalte 5/8 576 kg/m3 – Sable quartzitique 0/1 640 kg/m3 363 kg/m3 CEM I 52,5 R HSR LA (C) 407 kg/m3 833 kg/m3 Fumée de silice grise (FS) 102 kg/m3 167 kg/m3 Eau (E) 122 kg/m3 185 kg/m3 Superplastifiant (SP) 11 kg/m 15 kg/m3 E/P (P = C + FS) 0,24 0,19 E/C 0,30 0,23 3 FS/C 25 % 20 % SP/P 2,2 % 1,5 à 2,0 % Tableau 2 Principales caractéristiques du béton de type 2. Caractéristique Valeur moyenne Consistance S3 à S5, possibilité d’atteindre la consistance d’un BAC Masse volumique du mélange frais (kg/m3) 2360 (mélange sans fibres) 2460 (mélange à base de fibres) Résistance en compression sur cubes après 16 heures (N/mm2) 110 Résistance en compression sur cubes à 28 jours (N/mm2) 150 Résistance en traction à 28 jours (N/mm2) 5 Résistance en traction par flexion à 28 jours (N/mm2) 15 garantie, dans les deux bétons, par l’emploi de fumée de silice en dispersion, par le choix d’un ciment approprié ainsi que par un fort dosage en superplastifiant et une procédure de malaxage optimisée. Quant à la ductilité et à la résistance en flexion, elles ont pu être améliorées au moyen de microfibres d’acier. 5Résultats partiels et problème de retrait Le mélange de type 1 possède une résistance en compression à 28 jours de quelque 140 N/mm², cette valeur variant autour de 150 N/mm² pour le mélange de type 2. Dans ce dernier cas, cer- Les Dossiers du CSTC – N° 4/2006 – Cahier n° 5 – page Fig. 6 Dispositif d’essai destiné à mesurer le retrait. taines adaptations permettent d’augmenter encore les performances. Les principales caractéristiques du béton de type 2 sont données au tableau 2. La consistance est fonction du dosage en superplastifiant; elle peut varier d’une classe S3 (dosage minimum pour assurer l’ouvrabilité) à un type autocompactant (BAC). Le mélange est également caractérisé par un développement de la résistance très rapide au cours des premières heures (110 N/mm² après 16 heures) et plus lent par la suite. La résistance en traction et la résistance en flexion du mélange (sans fibres) s’élèvent respectivement à 5 et 15 N/mm²; autrement dit, une performance normale en valeur absolue, mais plutôt faible si on la compare à la résistance en compression. Le comportement du béton 2 vis-à-vis du retrait est examiné en détail ci-après, ce phénomène étant susceptible d’influer sur la composition et la mise en œuvre. Les éprouvettes ont été décoffrées après la prise du béton. Elles ont ensuite été conservées soit en chambre climatique (20 °C et 65 % d’humidité relative), soit en milieu humide (20 °C et > 95 % d’humidité relative). La conservation en chambre climatique permet de simuler un environnement présentant une humidité relative moyenne à faible (lorsque le béton ne subit pas de cure idéale); la conservation en milieu humide correspond, quant à elle, à une cure efficace de deux jours. Le montage d’essai utilisé pour la réalisation des mesures de retrait est représenté à la figure 6. Pour pouvoir déterminer le retrait endogène, les éprouvettes ont été emballées dans une feuille d’aluminium adhésive; elles ont, par contre, été exposées à l’air libre pour la détermination du retrait total. Les valeurs de retrait suivantes ont été enregistrées pour le béton 2 (voir également figure 7, p. 5) : • les éprouvettes présentent, après 60 jours, Ö Projets – études Fig. 7 Résultats de mesure du retrait du béton 2 en environnement sec et humide (1) (2). Age du béton (heures) 0 24 72 48 120 96 144 168 0 -200 Retrait total (mm/m) -400 Mesure à 20 °C et 95 % HR (3) -600 -800 Mesure à 20 °C et 65 % HR (4) -1000 -1200 -1400 Mesure à 20 °C et 65 % HR (4) -1600 -1800 (1) Les mesures ont débuté au moment du décoffrage, après la prise du béton, c’est-à-dire quatre heures après sa mise en place. (2) Ce graphique montre bien que la conservation du béton à un taux d’humidité relative élevé entraîne une baisse sensible du retrait au jeune âge. (3) Environnement humide, simulation d’une cure efficace de 2 jours. (4) Chambre climatique, simulation d’un environnement d’une humidité relative moyenne à faible. -2000 un important retrait endogène de 600 à 800 µm/m dont les 75 % se produisent durant les 7 premiers jours; cette valeur n’est pas surprenante compte tenu de la teneur élevée en poudre (ciment et fumée de silice ensemble : 1000 kg/m³) • le retrait de séchage peut être très important en l’absence de cure, le retrait total à 60 jours pouvant même atteindre 1700 µm/m (dont 600 à 800 µm/m de retrait endogène). A titre de comparaison, un béton traditionnel composé de ciment C30/37 et possédant un rapport E/C de 0,5 présente un retrait final de quelque 600 µm/m (dont un retrait endogène de 100 µm/m maximum) • un simple traitement de cure (conservation en chambre climatique à plus de 95 % d’humidité relative durant deux jours) peut engendrer une réduction sensible du retrait total (une réduction de 40 % par rapport au béton non traité a été mesurée après 7 jours). Cette procédure permet de réduire les contraintes de retrait au cours des premières heures qui suivent la mise en œuvre, c’està-dire la période durant laquelle se développent les caractéristiques mécaniques. Les mélanges de type 2 s’avèrent particulièrement sensibles à la cure. Ce comportement peut s’expliquer par l’absence partielle ou totale de ressuage, de sorte que les conditions climatiques sont susceptibles d’influencer très fortement et rapidement le retrait de séchage. Signalons toutefois que ces résultats doivent être confirmés par des mesures à long terme. Dans la littérature, la réduction du retrait à court terme fait parfois l’objet de certaines nuances, les mêmes valeurs de retrait à long terme étant citées quelles que soient les conditions de cure initiales [5]. Pour de plus amples informations concernant le retrait endogène et le retrait de séchage, le lecteur consultera le Cahier n° 2 des Dossiers du CSTC 2004/2 ‘Le retrait au jeune âge des bétons spéciaux’ [3]. La réduction du retrait du béton ne passe pas uniquement par une cure efficace. On peut aussi avoir recours à des agents réducteurs de retrait ainsi qu’à des ciments expansifs ou encore incorporer des fibres métalliques ou synthétiques dans le mélange. Une diminution de la teneur totale en poudre peut également entraîner une réduction du retrait. Quel que soit le moyen utilisé, il convient toutefois de rechercher un compromis entre la résistance à la compression et l’évolution du retrait. L’influence de la formulation sur le phénomène de retrait fera l’objet d’une étude plus approfondie au cours de la recherche menée au CSTC. Par ailleurs, des essais seront réalisés dans le but d’évaluer la sensibilité des formulations vis-à-vis de la fissuration due au retrait empêché. 6Applications possibles des BUHP Il n’est pas rare que la mise au point de nouveaux bétons aboutisse à des applications innovatrices ou alternatives. Nous épinglons ciaprès les principales possibilités d’utilisation des BUHP : • leur emploi s’avère intéressant pour la réalisation des colonnes, en ce sens qu’il permet de construire des éléments plus élancés, voire de réduire le nombre de colonnes • les BUHP offrent une plus-value en particulier dans les cas exigeant une résistance élevée en compression : rideaux de palplanches, tuyaux de refoulement, éléments de pont, … Certains auteurs font en outre état d’une résistance accrue au poinçonne- ment, ce qui offre des perspectives en ce qui concerne les systèmes de plancher • l’utilisation de panneaux rectangulaires minces (quelques centimètres d’épaisseur) en BUHP constitue également une solution intéressante pour les revêtements muraux. Les éléments de parois existants pourraient ainsi être rendus plus minces (et plus légers) et concurrencer des matériaux tels que la céramique, la pierre naturelle, ... Le recours aux armatures textiles (treillis continu ou fibres dispersées) permettrait en outre de réduire encore davantage les épaisseurs d’enrobage • le BUHP peut également s’utiliser comme finition de surface ainsi que pour la réparation d’ouvrages en béton. La littérature considère en effet ce type de béton comme particulièrement résistant à l’usure et aux attaques chimiques • enfin, l’application des BUHP en tant que coffrages perdus permet de combiner les exigences constructives et une finition architectonique durable. Dans le cadre de la recherche menée par le CSTC, quelques applications ont été mises en Fig. 8 Mélange de BUHP préparé en laboratoire. Les Dossiers du CSTC – N° 4/2006 – Cahier n° 5 – page Ö Projets – études évidence afin d’illustrer les possibilités de ce béton, mais aussi d’expliquer certains points délicats de la mise en œuvre. La modélisation et le calcul ont également été remis en question. L’un des objectifs visés étant d’initier des innovations et, le cas échéant, de les accompagner, le lecteur intéressé est invité à soumettre ses questions et ses suggestions aux auteurs du présent article. Le CSTC tente de transposer les développements technologiques réalisés dans ce domaine en formulations utilisables dans la pratique. Il étudie par ailleurs certains aspects critiques de cette technologie, également mis en évidence dans la littérature : mise au point des mélanges et influence des différents paramètres propres aux mélanges, retrait endogène, retrait total et applications de méthodes développées précédemment en vue de réduire le retrait. 7Conclusion Durant la première phase de cette recherche prospective, dont l’achèvement est actuellement à mi-parcours, deux formulations ont été examinées : la première se compose de gros granulats (8 mm de diamètre maximum) et de ciment en quantité limitée; la seconde se caractérise par la taille plus réduite de ses granulats (3 mm de diamètre maximum), une teneur élevée en poudre et un potentiel de cure ultérieure. L’étude sur les BUHP menée en collaboration avec la VUB vise à démontrer que ces bétons offrent de très nombreuses opportunités pour le marché du béton et le secteur de la construction en Belgique. Ils peuvent ainsi constituer un atout de taille face à la concurrence des autres matériaux et ouvrir de multiples perspectives pour l’optimisation du dimensionnement des ouvrages. t Bibliographie 1. Association française de génie civil Bétons fibrés à ultra-hautes performances. Recommandations provisoires. Paris, AFGC, 2002. 2. de Larrard F. et Sedran T. Optimization of Ultra-High-Performance conc�������� rete by �������������������������������� the use of a packing model. New York, Elsevier Science, Cement and Concrete Research, Vol. 24, n° 6, pp. 997-1009, 1994. 3. Piérard J. et Dieryck V. Le retrait au jeune âge des bétons spéciaux. Bruxelles, Les Dossiers du CSTC, Cahier n° 2, 2e trimestre 2004. 4. Richard P. et Cheyrezi M. Composition of reactive powder concrete. New York, Elsevier Science, Cement and Concrete Research, Vol. 25, n° 7, pp.1501-1511, 1995. 5. Vandewalle L. Krimp en kruip van beton bij veranderlijke temperatuur en relatieve vochtigheid. ’s Hertogenbosch, ENCI Media, Cement, vol. 50, n° 12, pp. 66-70, 1998. Lien utile http://www.structurae.net : site Internet proposant des photos et une banque de données d’ouvrages de construction spéciaux. Les Dossiers du CSTC – N° 4/2006 – Cahier n° 5 – page L’amélioration de la fluidité et de la ductilité ont été pris en considération, ainsi que l’influence de ces paramètres sur les caractéristiques du matériau à l’état durci. Le comportement du béton vis-à-vis du retrait fait clairement apparaître la nécessité d’une cure adéquate afin de limiter le retrait total. Dans la seconde phase de recherche, nous nous pencherons sur le problème du retrait, l’optimisation du squelette granulaire et la concrétisation des exemples d’application évoqués ci-avant. Rappelons pour terminer que la résistance au feu, le comportement à la carbonatation (compte tenu des quantités considérables de matières de charge), l’analyse de la micro structure et l’élaboration des règles de calcul constituent également des facteurs essentiels pour l’application pratique des BUHP. n